Tribunal de première instance, 25 mars 2004, D. c/ D.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Partage

Partage de Communauté - Opération de liquidation : art. 915 du Code de procédure civile - Difficulté : procès-verbal du notaire : art. 920 du Code de procédure civile - Renvoi du juge-commissaire à l'audience du Tribunal - Assignation au-delà de la date indiquée - Recevabilité de l'assignation

Contrat de mariage et régimes matrimoniaux

Mariage célébré à Monaco - Déclaration de volonté de se soumettre au régime légal français : régime de la communauté de biens réduite aux acquits - Application de la loi française quant à la liquidation art. 1401 et suivants du Code civil

Résumé🔗

S. D. soulève l'irrecevabilité de la présente procédure au motif que le délai imparti par l'ordonnance de non-conciliation pour assigner devant le Tribunal de première instance n'aurait pas été respecté ;

Il s'enduit en effet des pièces produites qu'aux termes de l'ordonnance de non-conciliation établie le 30 octobre 2001 par le magistrat chargé de suivre les opérations de liquidation, M. D. était autorisé à assigner S. D. à l'audience du jeudi 22 novembre 2001 ;

Il est toutefois patent que M. D. a fait assigner son épouse le 3 janvier 2002 pour l'audience du 10 janvier 2002 ;

La procédure suivie tant devant le notaire liquidateur que devant le Juge désigné pour suivre les opérations de liquidation obéit aux prescriptions des articles 915 et suivants du Code de procédure civile sur les partages et licitations ;

Après l'établissement du procès-verbal de difficultés du notaire désigné, le Juge commis connaît à son tour des contestations soulevées par les ex-époux, l'article 920 du Code de procédure civile prévoyant alors que s'il renvoie les parties à l'audience, l'indication du jour où elles devront comparaître leur tiendra lieu d'ajournement ;

En l'occurrence, force est de constater que le magistrat n'a nullement procédé à un renvoi de l'affaire mais a opté, conformément au droit commun, pour l'autorisation donnée à l'un des époux d'assigner l'autre à une audience déterminée par lui, après avoir constaté au contradictoire des deux parties que le notaire n'avait pu accomplir sa mission et qu'aucun accord n'avait été trouvé devant lui ;

Si le demandeur n'a pas fait assigner son épouse pour la date indiquée, il ne saurait pour autant en être déduit l'irrecevabilité de la demande de partage ou la caducité de l'ordonnance de non-conciliation, celle-ci n'ayant pas prévu la date à peine de forclusion de la procédure et la loi ne mentionnant aucun délai pour saisir le Tribunal d'une demande de partage de la communauté des biens, quand elle n'a pu être réalisée à l'amiable ;

La demande introduite au-delà du délai imparti par le magistrat commis apparaît néanmoins recevable ;

Il s'ensuit des pièces produites que les époux D.-D. se sont mariés à la mairie de Monaco le 26 mars 1977, sans contrat de mariage préalable, mais après avoir déclaré se soumettre aux effets civils du régime légal français, soit le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, ainsi que cela résulte de l'extrait de l'acte de mariage délivré par l'état civil de la mairie de Monaco, visé par le notaire liquidateur dans son procès-verbal de difficultés ;

Par le biais de cette déclaration, les époux ont implicitement manifesté leur volonté de se référer à la loi régissant le régime matrimonial choisi par eux, c'est-à-dire la loi française, seule compétente en effet, pour déterminer les conditions d'application du régime légal de la communauté de bien réduite aux acquêts ;

Il s'ensuit en l'espèce que si « lex fori » s'avère bien applicable pour régir les formalités procédurales inhérentes à cette liquidation, seule la loi française apparaît avoir vocation à régir quant au fond la liquidation du régime matrimonial qui constitue la phase ultime de l'application de ce régime contre des ex-époux, étant précisé que cette loi du régime évince même la loi de situation des immeubles qui aurait pu en l'espèce être différente, s'agissant de l'immeuble situé à Monaco ;

En l'occurrence, l'article 1401 du Code civil français régissant le régime matrimonial choisi par les époux D.-D. dispose :

« La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres »

tandis que l'article 1402 alinéa 1 ajoute

« Tout bien meuble ou immeuble est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve pas qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi » ;

Il apparaît de la sorte que tous les acquêts faits depuis le mariage, soit le 26 mars 1977, par les époux, ensemble ou séparément, sont présumés être des biens communs devant être partagés à égalité entre les parties, sauf si l'on éprouve qu'ils sont propres à l'un des époux ;

S'agissant de l'entreprise SMI, qu'il ressort des pièces produites que cette entreprise a été créée par S. D. en février 1993 et immatriculée à son nom ;

S. D. ne prouve nullement que ce bien soit un propre par nature au sens des dispositions de l'article 1404 du Code civil français, étant en effet précisé qu'aucune pièce de la procédure ne permet d'établir que cette entreprise de maintenance informatique serait exclusivement attachée à la personne de S. D. ou aurait un caractère essentiellement personnel ;

Au contraire, le courrier adressé par S. D. à son époux le 11 mai 2001 pour lui proposer de lui racheter l'entreprise SMI démontre, si besoin est, que l'exploitation n'est pas « par nature » attachée à la personne de cette dernière et ne pouvait être librement cédée sous réserve des autorisations d'usage ; que si l'exploitation du commerce sous forme de déclaration monégasque est propre à S. D., il n'est pas établi que la valeur patrimoniale de l'entreprise SMI lui soit personnelle ;

Il s'ensuit que les acquêts provenant de l'industrie personnelle de S. D. sont communs au sens des dispositions de l'article 1401 susvisé ;

Il y a lieu par ailleurs de constater que l'appartement acquis le 8 juillet 1985 par S. D. dans l'immeuble le Saint André est réputé un acquêt de communauté, au sens des dispositions de l'article 1402 précité, S. D. ne prouvant nullement qu'il s'agirait d'un bien propre par application d'une disposition légale ;


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

M. D. et S. D. se sont mariés le 26 mars 1977 par-devant l'officier de l'état civil de Monaco sans contrat de mariage préalable mais tout en déclarant se soumettre au régime légal français, à savoir la communauté de biens réduite aux acquêts ;

Par jugement rendu le 18 juillet 2000, ce Tribunal a prononcé le divorce des époux à leurs torts et griefs réciproques, fixé au 21 juin 2000 les effets de leur résidence séparée, ordonné la liquidation de leurs intérêts communs et commis Maître Corvetto-Aquilina, notaire, pour procéder à cette liquidation et Mlle Bitar-Ghanem, Juge au siège, pour suivre ces opérations et faire rapport en cas de difficultés ;

Suivant procès-verbal du 24 juillet 2001, le notaire désigné, saisi sur difficultés de liquidation, a constaté l'impossibilité d'accomplir à l'amiable la liquidation des intérêts communs ;

Par ordonnance de non-conciliation du 30 octobre 2001, le magistrat désigné pour suivre lesdites opérations a autorisé M. D. à assigner S. D. pour être statué sur la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les ex-époux ;

Suivant exploit du 3 janvier 2002, M. D. a fait assigner S. D. à l'effet de voir :

effectuer la liquidation des intérêts commun ayant existé entre les ex-époux,

pour ce faire, désigner tel expert qu'il appartiendra aux fins :

d'évaluation des biens communs à la date du 21 juin 2000, soit :

- l'entreprise Service et Maintenance Informatique, qui était exploitée à Monaco, Palais de la Scala, 1 avenue Henry Dunant et immatriculée au RCI sous le n° 93 P 05508,

- l'appartement sis à [adresse], à sa valeur vénale de reprise par le service des Domaines telle que notamment indiquée dans l'acte d'acquisition,

d'établissement des comptes entre les parties, en tenant compte notamment des apports personnels effectués par chacun des ex-époux avec ses fonds propres, de l'indemnité d'occupation due par S. D. pour l'appartement conjugal qu'elle occupe seule depuis le 29 février 1996, et de l'indemnité de licenciement due à M. D.,

dire que les honoraires de l'expert seront supportés par moitié par chacune des parties ;

Au soutien de sa demande, M. D. précise qu'en ce qui concerne les biens communs existant communs existant au 21 juin 2000, il convient de partager :

l'entreprise commerciale, créée en 1993 par les deux époux, et exploitée ensemble sans discontinuité, l'évaluation de l'entreprise devant être effectuée par un expert judiciaire en se basant sur la moyenne des trois dernières années d'exploitation,

en précisant qu'à la part lui revenant devra s'ajouter le montant des indemnités de licenciement pour motif économique que S. D. ne lui a toujours pas versées et dont elle est redevable sur ses fonds propres,

l'appartement du [adresse], bien acquis en cours de mariage, sur lequel il a droit à la moitié de sa valeur de vente au 21 juin 2000, outre le remboursement des apports personnels qu'il a effectués pour cette acquisition,

tant précisé qu'à la part lui revenant devra s'ajouter le montant de l'indemnité d'occupation due par S. D., du 29 février 1996 (date depuis laquelle elle reconnaît l'occuper seule) au jour de la vente à intervenir, à hauteur de 50 % et après déduction de 50 % des charges incombant au propriétaire ;

M. D. s'estime en outre fondé à solliciter le remboursement de ses apports personnels à la communauté, étant par lui précisé qu'il a, en 1984, soit pendant le mariage, hérité de trois biens immobiliers qui ont, dans un premier temps, été loués ; les loyers, pour un total d'environ 700 000 francs (106 714,31 euros), ont selon lui été versés sur un compte bancaire du couple ouvert au nom de S. D. et ont été exclusivement utilisés pour rembourser le crédit de l'appartement conjugal, qui était de 61 000 francs par an pendant dix ans ; il indique avoir ultérieurement vendu les trois biens pour un total de 940 000 francs (143 303,08 euros) qui ont versés à la communauté ;

Il rappelle encore que sa mère a prêté à la communauté :

en 1998 : 50 000 francs pour l'acquisition de la Porsche,

en 1998 : 55 000 francs pour l'acquisition de l'appartement de Beausoleil ;

Il s'estime ainsi créancier de la communauté de :

vente de biens propres.................................................................. + 940 000

remboursement par S. D. du livret commun.................... - 352 880

prêts de la mère de M. D. .......................................... + 105 000

achat de la Porsche........................................................................ - 275 000

achat appartement Beausoleil (Mme D. mère)..................... - 285 000

------

- 912 880 1 045 000

------

solde dû à M. D. ............................ 132 120 francs (20 141,56 euros)

S. D. entend pour sa part, dans le dernier état de ses écritures :

• « À titre principal, voir Monsieur D. déclaré irrecevable en son action,

Subsidiairement, débouter Monsieur D. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Procéder à la liquidation des intérêts communs en application de la loi française et fixer une date de jouissance divise,

Constater que l'actif communautaire à la date de liquidation s'élève à 190 866 euros,

Constater que Monsieur D. est redevable d'une somme de 210 680 euros à l'égard de la communauté, outre intérêts de droit à compter du 21 juin 2000,

Constater que Madame D. est créancière d'une somme de 231 031 euros à l'égard de la communauté, outre intérêts de droit à compter du 21 juin 2000,

Prononcer la nullité de la vente du véhicule Porsche en application de l'article 815-16 du Code civil français,

Ordonner à Monsieur D. qu'il dépose sur un compte séquestre le prix de vente du véhicule Porsche, soit 42 000 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, afin de pouvoir restituer le prix de vente à l'acquéreur compte tenu des effets de la nullité,

Dire que tant que le véhicule ne sera pas remis à disposition de l'indivision, Monsieur D. sera tenu de procéder au règlement de l'indemnité d'usage privatif du véhicule Porsche, soit 458 euros par mois,

Le condamner en conséquence au paiement de la somme de 12 824 euros au titre de l'indemnité d'usage privatif de la Porsche de juin 2000 à octobre 2002 et de celle de 458 euros mensuelle à compter du 1er novembre 2002 jusqu'à restitution,

Dire que Monsieur D. est redevable vis-à-vis de Madame D. de la somme de 77 euros par mois au titre d'indemnité d'usage privatif du véhicule Twingo et le condamner au paiement de cette somme du 21 juin 2000 jusqu'à la date de jouissance divise,

Dire que Monsieur D. est redevable vis-à-vis de Madame D. de la moitié des frais et charges de l'appartement du Saint André pour la période d'indivision, le condamner au paiement de cette somme du 21 juin 2000 jusqu'à la date de jouissance divise,

Voir ordonner le partage de l'actif communautaire en application de la loi française,

Voir en conséquence attribuer à titre de prélèvement à Madame D. :

l'appartement du Saint André,

le véhicule Twingo,

Dire que Monsieur D. est, après prélèvement, encore redevable envers Madame D. d'une somme en numéraire à définir au jour de la jouissance divise,

Le condamner au paiement de ladite somme, outre intérêts de droit à compter du 21 juin 2000 et jusqu'à parfait paiement,

Dire que les parties devront s'acquitter du passif relatif à l'entreprise SMI, chacun à concurrence de la moitié de la somme de 16 000 francs ou 2 439,18 euros, outre agios bancaires au profit de la Société générale,

Condamner Monsieur D. à payer à Madame D. une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamner Monsieur D. à payer le cas échéant les entiers frais liés à l'hypothèque sur l'appartement du Saint André,

Compte tenu du préjudice moral subi, autoriser Madame D. à se prévaloir de la décision à intervenir auprès de toute personne de son choix » ;

Au soutien de son argumentation, S. D. rappelle que la procédure de liquidation des intérêts communs existant entre les époux est régie par la décision de divorce qui impose une continuité dans les actes de divorce et aboutit à l'autorisation du juge commis d'assigner à date et jour fixes devant le Tribunal de première instance à défaut de conciliation ;

En l'espèce, M. D. été autorisé à assigner S. D. au plus tard à l'audience du 22 novembre 2001 et a en fait assigné tardivement selon exploit du 3 janvier 2002 pour l'audience du 10 janvier 2002, en sorte que sa demande serait selon elle irrecevable ;

S. D. exposé quant au fond, à titre subsidiaire, que les époux se sont soumis au régime légal français, en sorte que la loi française est applicable aux opérations de liquidation ;

La défenderesse observe en outre pour l'essentiel :

qu'elle accepte la date de résidence séparée retenue par le jugement de divorce au 21 juin 2000 comme étant celle de la séparation de biens,

que « l'entreprise en nom propre S. D. » a été créée par elle seule en février 1993, en sorte qu'il s'agit d'un bien propre,

que son mari en a été le salarié dès l'origine avant qu'elle ne le licencie pour raison économique et que la radiation volontaire n'intervienne le 21 juin 2001,

qu'il ne justifie pas avoir procédé à des apports personnels ;

Après avoir énuméré des biens concernés par la liquidation et avoir proposé un compte des récompenses, S. D. estime dans ses dernières conclusions que l'actif communautaire peut être évalué à 190 866 euros, la dette de M. D. à l'égard communautaire peut être évalué à 190 866 euros, la dette de M. D. à l'égard de la communauté à 210 680 euros, sa propre créance envers la communauté à 231 031 euros ;

S. D. entend dès lors voir dire que la communauté a un actif constitué de l'actif susvisé outre le remboursement fictif de M. D., soit une somme de 473 896,92 euros, et un passif constitué du règlement à S. D. de sa récompense et celui de son entreprise en nom propre, soit un solde de 292 931,32 euros ;

Après règlement des récompenses, S. D. entend voir distribuer le solde de la façon suivante :

« Attribution Madame D. :

L'appartement du Saint André à Monaco prélèvement)........................ 950 000 francs

La Twingo (prélèvement)........................................................................ 18 000 francs

La Porsche (prélèvement)...................................................................... 275 500 francs

Une somme d'argent qui inclut le solde de sa récompense (déduction faite des prélèvements cités ci-dessus), soit 255,535 francs, des deux sommes dues au titre de la distribution (une partie exclusive et une moitié du solde) (185 890 francs + 703 818 francs) ; cette somme doit être versée par Monsieur D. à Madame D., soit un total de......................................................................... 1 145 243 francs

règlement de la moitié de la somme représentant le passif actualisé de l'entreprise en nom propre (- 8 000 francs)

Attribution Monsieur D. :

règlement des sommes d'argent ci-dessus indiquées à Madame D................................................................................................... 1 145 243 francs

règlement de la moitié de la somme représentant le passif actualisé de l'entreprise en son nom propre » - 8 000 francs

M. D. fait valoir en réponse que sa demande est tout à fait recevable, la date mentionnée par l'ordonnance du 30 octobre 2001 n'étant pas prévue à peine de nullité et aucune obligation n'étant faite d'annexer l'ordonnance rendue le 30 octobre 2001 à l'exploit d'assignation ;

Il estime quant au fond que seule la loi monégasque est applicable à la présente liquidation de régime matrimonial et ce, même si le régime des époux est le régime légal français de la communauté de biens réduite aux acquêts ;

M. D. relève également que S. D. exclut de ses calculs l'entreprise commerciale commune, SMI, qu'elle considère comme un bien propre mais dont l'exploitation s'est toujours effectuée en commun, même au-delà du jugement de divorce du 18 juillet 2000 ;

Le demandeur précise à cet égard que son ex-épouse ne l'a licencié que le 1er juin 2000, après que le notaire chargé de la liquidation les ait tous deux convoqués pour procéder à un partage amiable en nature incluant l'entreprise SMI ;

Il rappelle que S. a alors refusé de se rendre à une nouvelle convocation du notaire fixée au 11 juin 2000 et a par la suite fait radier la SMI du répertoire du commerce, alors que le chiffre d'affaires hors taxe réalisé au début de l'année 2001 atteignait la quasi-totalité du chiffre d'affaires réalisé l'année précédente ;

M. D., rappelant qu'il a vendu trois biens immobiliers hérités pendant le mariage et versés à la communauté et faisant état de prêts consentis par sa propre mère à la communauté en 1998 pour l'acquisition d'une Porsche et de l'appartement de Beausoleil, s'estime créancier d'une somme globale de 20 141,57 euros au titre de ses apports personnels ;

Il réitère sa demande d'expertise s'agissant de l'évaluation de l'entreprise SMI sur les trois dernières années d'exploitation, ainsi que de l'appartement du [adresse] acquis au cours du mariage ;

Sur ce,

Sur la recevabilité

Attendu que S. D. soulève l'irrecevabilité de la présente procédure au motif que le délai imparti par l'ordonnance de non-conciliation pour assigner devant le Tribunal de première instance n'aurait pas été respecté ;

Attendu qu'il s'induit en effet des pièces produites qu'aux termes de l'ordonnance de non-conciliation établie le 30 octobre 2001 par le magistrat chargé de suivre les opérations de liquidation, M. D. était autorisé à assigner S. D. à l'audience du jeudi du 22 novembre 2001 ;

Qu'il est toutefois patent que M. D. a fait assigner son épouse le 3 janvier 2002 pour l'audience du 10 janvier 2002 ;

Attendu que la procédure suivie tant devant le notaire liquidateur que devant le Juge désigné pour suivre les opérations de liquidation obéit aux prescriptions des articles 915 et suivants du Code de procédure civile sur les partages et licitations ;

Qu'après l'établissement du procès-verbal de difficultés du notaire désigné, le Juge commis connaît à son tour des contestations soulevées par les ex-époux, l'article 920 du Code de procédure civile prévoyant alors que s'il renvoie les parties à l'audience, l'indication du jour où elles devront comparaître leur tiendra lieu d'ajournement ;

Attendu qu'en l'occurrence, force est de constater que le magistrat n'a nullement procédé à un renvoi de l'affaire mais a opté, conformément au droit commun, pour l'autorisation donnée à l'un des époux d'assigner l'autre à une audience déterminée par lui, après avoir constaté au contradictoire des deux parties que le notaire n'avait pu accomplir sa mission et qu'aucun accord n'avait été trouvé devant lui ;

Attendu que si le demandeur n'a pas fait assigner son épouse pour la date indiquée, il ne saurait pour autant en être déduit l'irrecevabilité de la demande de partage ou la caducité de l'ordonnance de non-conciliation, celle-ci n'ayant pas prévu la date à peine de forclusion de la procédure et la loi ne mentionnant aucun délai pour saisir le Tribunal d'une demande de partage de la communauté des biens, quand elle n'a pu être réalisée à l'amiable ;

Qu'il s'ensuit que la demande introduite au-delà du délai imparti par le magistrat commis apparaît néanmoins recevable ;

Au fond

Attendu qu'il s'induit des pièces produites que les époux D./D. se sont mariés à la mairie de Monaco le 26 mars 1977, sans contrat de mariage préalable, mais après avoir déclaré se soumettre aux effets civiles du régime légal français, soit le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, ainsi que cela résulte de l'extrait de l'acte de mariage délivré par l'état civil de la mairie de Monaco, visé par le notaire liquidateur dans son procès-verbal de difficultés ;

Attendu que par le biais de cette déclaration, les époux ont implicitement manifesté leur volonté de se référer à la loi régissant le régime matrimonial choisi par eux, c'est-à-dire la loi française, seule compétente en effet pour déterminer les conditions d'application du régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts ;

Attendu qu'il s'ensuit en l'espèce que si la « lex fori » s'avère bien applicable pour régir les formalités procédurales inhérentes à cette liquidation, seule la loi française apparaît avoir vocation à régir quant au fond la liquidation du régime matrimonial qui constitue la phase ultime de l'application de ce régime entre des ex-époux, étant précisé que cette loi du régime évince même la loi de situation des immeubles qui aurait pu en l'espèce être différente, s'agissant de l'immeuble situé à Monaco ;

Attendu qu'en l'occurrence, l'article 1401 du Code civil français régissant le régime matrimonial choisi par les époux D.-D. dispose :

« La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres »

tandis que l'article 1402 alinéa A ajoute

« Tout bien meuble ou immeuble est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve pas qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi » ;

Attendu qu'il apparaît de la sorte que tous les acquêts faits depuis le mariage, soit le 26 mars 1977, par les époux, ensemble ou séparément, sont présumés être des biens communs devant être partagés à égalité entre les parties, sauf si l'on prouve qu'ils sont propres à l'un des époux ;

Attendu s'agissant de l'entreprise SMI, qu'il ressort des pièces produites que cette entreprise a été créée par S. D. en février 1993 et immatriculée à son nom ;

Attendu que S. D. ne prouve nullement que ce bien soit un propre par nature au sens des dispositions de l'article 1404 du Code civil français, étant en effet précisé qu'aucune pièce de la procédure ne permet d'établir que cette entreprise de maintenance informatique serait exclusivement attachée à la personne de S. D. ou aurait un caractère essentiellement personnel ;

Qu'au contraire, le courrier adressé par S. D. à son époux le 11 mai 2001 pour lui proposer de lui racheter l'entreprise SMI démontre, si besoin est, que l'exploitation n'est pas « par nature » attachée à la personne de cette dernière et pouvait être librement cédée sous réserve des autorisations d'usage ; que si l'exploitation du commerce sous forme de déclaration monégasque est propre à S. D., il n'est établi que la valeur patrimoniale de l'entreprise SMI lui soit personnelle ;

Attendu qu'il s'ensuit que les acquêts provenant de l'industrie personnelle de S. D. sont communs au sens des dispositions de l'article 1401 susvisé ;

Attendu toutefois qu'après le licenciement de M. D. et la convocation de S. D. par devant le notaire liquidateur le 22 mai 2001, à laquelle elle ne s'est pas rendue, l'entreprise a été par elle radiée du répertoire du commerce avec une cession d'activité enregistrée à la date du 1er juillet 2001 ;

Attendu que M. D. est pour sa part incapable de fournir quelque élément comptable que ce soit relatif à la valeur de l'entreprise SMI, tandis que S. D., qui n'a pas répondu à la demande du notaire liquidateur à ce titre, ne produit que des éléments incomplets, au regard desquels le Tribunal ne peut déterminer l'assiette du bien à partager ;

Attendu que, de ce chef, la demande d'expertise apparaît dès lors fondée et sera ordonnée selon les modalités ci-après précisées ;

Attendu qu'il y a lieu par ailleurs de constater que l'appartement acquis le 8 juillet 1985 par S. D. dans l'immeuble le Saint André est réputé un acquêt de communauté, au sens des dispositions de l'article 1402 précité, S. D. ne prouvant nullement qu'il s'agirait d'un bien propre par application d'une disposition légale ;

Attendu que l'évaluation immobilière de ce bien ne pouvant être opérée par l'un des co-partageants, il y a lieu de faire droit à la demande de M. D. et de charger également un expert d'évaluer ce bien indivis tout en déterminant le montant de l'indemnité d'occupation qui pourrait être mise à la charge de S. D. qui occupe seule cet appartement depuis le 29 février 1996 ;

Attendu que le Tribunal, avant-dire-droit sur la demande de liquidation et partage qui lui est soumise et avant de se prononcer sur le surplus des prétentions des parties inhérentes à l'assiette active et passive de la communauté et aux récompenses éventuelles, estime opportun de faire droit à la demande d'expertise formée par M. D. concernant exclusivement les deux biens susvisés, étant précisé que par conclusions du 16 octobre 2002, S. D. a accepté de voir retenue la date de résidence séparée des époux arrêtée par le jugement de divorce comme date de séparation de biens, soit le 21 juin 2000 ;

Attendu que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant contradictoirement,

Déclare recevable la demande formée par M. D. ;

Dit et juge que la loi française a vocation à régir la liquidation du régime matrimonial des époux D.-D. ;

Dit et juge que l'entreprise Service et Maintenance Informatique (SMI) et l'appartement situé [adresse] sont des biens communs ;

Avant-dire-droit au fond sur la liquidation des intérêts communs des époux,

Ordonne une mesure d'expertise aux frais avancés de M. D. et désigne respectivement pour y procéder :

M. Christian Boisson, demeurant 13 avenue des Castelans à Monaco, à l'effet de dire :

* si le fonds de commerce SMI a dégagé - entre le 21 juin 2000 et le 1er juillet 2001 - un bénéfice d'exploitation et lequel,

*s'il existe à la date de la cessation d'activité, soit le 1er juillet 2001, un solde relatif à l'exploitation de l'entreprise ;

* M. J. O., demeurant 30 boulevard Princesse Charlotte à Monaco, à l'effet d'évaluer l'appartement situé [adresse], eu égard à la valeur vénale de reprise par le service de l'Administration des Domaines, tout en évaluant également le montant de l'indemnité d'occupation afférente à cet appartement pouvant être due depuis le 29 février 1996 ;

Dit que M. D. sera tenu de verser à chacun des experts une provision à titre d'avance ;

Réserve les dépens en fin de cause.

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut et Pasquier-Ciulla, Licari, av. déf. ; Bigiaoui, av. bar. de Nice.

  • Consulter le PDF