Tribunal de première instance, 26 février 2004, F. c/ K.

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Abstract🔗

Droit international

Action en inopposabilité d'une décision étrangère non soumise à exequatur car modifiant l'état ou la capacité (jugement de divorce suédois) - Contrôle du juge monégasque quant à la régularité de la décision. Preuve non rapportée par la partie demanderesse de l'irrégularité invoquée - absence de motivation apparente palliée par des « équivalents »

Résumé🔗

L'objectif de la permanence inhérente à l'état et la capacité des personnes qui doit nécessairement être assurée implique l'autorité générale des jugements qui les fixent ;

Il s'ensuit que toute décision judiciaire modifiant l'état d'une personne est consécutive d'une situation juridique nouvelle qui doit être reconnue immédiatement à l'étranger sans exequatur, si l'on ne s'en prévaut pas pour des actes d'exécution matérielle sur les biens ou de coercition sur les personnes ;

Ainsi a priori, une décision étrangère ne statuant que sur le divorce, à l'exception des mesures accessoires concernant notamment la garde des enfants et les pensions alimentaires, sera de droit reconnue dans ses effets en Principauté de Monaco ;

Il existe néanmoins en droit monégasque une possibilité de contrôle de la régularité de telles décisions non soumises à exequatur, et ce, soit de manière incidente, soit dans le cadre d'une instance autonome en inopposabilité comme celle présentement initiée par M.-A. F. ;

L'intérêt d'agir de M.-A. F. en inopposabilité de la décision suédoise rendue le 5 juillet 2002 par le Tribunal de première instance de Stockholm résulte de ce que le jugement étranger, dépourvu de toute disposition impliquant des mesures coercitives, a une autorité internationale immédiate et apparaît de nature à modifier de plein droit les droits subjectifs des époux ;

Si le contrôle des jugements étrangers non soumis à l'exequatur doit porter essentiellement sur les conditions habituellement requises en matière d'exequatur, sans possibilité toutefois de révision au fond, l'efficacité internationale d'une décision prononcée à l'étranger est également conditionnée à l'absence de fraude et à la conformité à l'ordre public international du for ;

Il appartient à celui qui agit en inopposabilité d'alléguer et, en cas de contestation, de prouver l'irrégularité de la décision étrangère ;

En l'espèce, M.-A. F. invoque successivement l'irrégularité tenant à l'incompétence du juge suédois, l'irrégularité de la procédure suivie, la contrariété de la décision à l'ordre public monégasque et la fraude à la loi et au jugement ;

Force est en premier lieu de constater que M.-A. F. ne prouve nullement, ni n'offre d'établir, en quoi les juridictions suédoises auraient été incompétentes pour connaître du divorce des époux K., étant précisé qu'il lui appartenait de démonter que les règles de compétence du droit procédural applicable au litige, en l'occurrence le droit suédois, auraient été méconnues alors même que son époux est de nationalité suédoise ;

La charge de la preuve de cette irrégularité incombant à la demanderesse, force est de constater qu'elle n'est pas établie ;

À cet égard, M.-A. F., à qui il incombe d'en justifier, ne démontre nullement en quoi la juridiction suédoise aurait violé les dispositions de la loi interne suédoise, dont l'application procède d'une règle de conflit propre à cet ordre juridique étranger qui n'apparaît pas opportunément critiquée, dès lors que chaque ordre juridictionnel applique ses propres règles de conflits de loi ;

Demeurent alors posées les questions liées à la contrariété du jugement suédois à l'ordre public international du for et à la fraude ;

S'agissant de droits acquis en dehors de l'ordre juridique national monégasque, il convient d'atténuer les effets de l'ordre public en tempérant dans une certaine mesure les exigences du droit for ;

Sur ce point, il doit être observé que le grief tiré de l'absence de motivation du jugement critiqué ne peut heurter à lui seul la conception de l'ordre public procédural du for ;

Il convient en effet de constater que cette absence de motivation peut être palliée par divers « équivalents » destinés à s'assurer que la décision n'est pas résultée elle-même de la méconnaissance du principe de la contradiction ;

En l'occurrence, le jugement litigieux dispose dans un motif « décisoire » ;

« Le délai de réflexion ayant expiré, K. M. K. est en droit d'obtenir le prononcé du divorce. Le Tribunal constate donc qu'il y a lieu de faire droit à sa demande » ;

En définitive, si une décision de divorce est intervenue alors que M.-A. F. n'était plus demanderesse, force est de constater qu'elle a été invitée à faire valoir son point de vue et a pu disposer de la sorte des garanties inhérentes au respect des droits de la défense ;

Eu égard à cet ensemble de circonstances, il apparaît que le jugement suédois comporte les « équivalents » nécessaires et suffisants destinés à pallier une apparente absence de motivation, tirés des mentions d'ordre procédural susvisées ;

La conception monégasque de l'ordre public n'apparaît dès lors pas heurtée par une telle décision étrangère de divorce rendue sur demande conjointe après que l'un des époux ait retiré en cours d'instance sa demande initiale, dès lors que M.-A. F. a été invitée à s'expliquer devant le Tribunal ;

S'agissant de l'allégation d'une fraude à la loi, le Tribunal de Monaco observe d'une part que K. M. K. - de nationalité suédoise et justifiant d'un domicile de fait dans son pays - pouvait légitimement saisir sa juridiction naturelle d'une question relative à son état, alors, d'autre part, que M.-A. F. s'était elle-même associée à une telle saisine, qualifiée aujourd'hui de frauduleuse, par la voie d'une requête conjointe, en sorte que ce dernier moyen doit être rejeté ;


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

M.-A. F. épouse K. a contracté mariage le 27 août 1987 à Goteborg (Suède) avec K. M. K., né le 8 janvier 1964 en Suède ;

Deux enfants sont issus de cette union :

• A., né le 28 septembre 1993 à Newport Beach (États-Unis),

• K., née le 1er juin 1995 également à Newport Beach (États-Unis) ;

M.-A. F. saisissait le Tribunal de première instance suivant exploit d'assignation en divorce du 28 mars 2002 afin que soit prononcé le divorce d'avec son époux aux torts et griefs exclusifs de ce dernier ;

Par requête préalable du 23 janvier 2002, elle exposait au Président du Tribunal la relation adultère de son époux, ce qui motivait sa demande aux fins de divorce sur le fondement de l'article 197-1er du Code civil ;

Suivant ordonnance de non conciliation du 27 février 2002, M.-A. F. a obtenu la garde provisoire des enfants communs, sous réserve du droit de visite du père fixé :

• tous les mardis et jeudis après l'école respectivement jusqu'aux mercredis matin et vendredis matin, à charge pour K. M. K. de conduire ses enfants à l'école,

• une fin de semaine sur deux, du vendredi 18 heures au dimanche 18 heures,

• la première moitié des vacances scolaires les années paires et la deuxième moitié les années impaires ;

K. M. K. était en outre condamné à payer à son épouse, le premier de chaque mois et d'avance au domicile de celle-ci :

• 2 000 euros à titre de part contributive à l'entretien et à l'éducation des enfants (soit 1 000 euros par enfant),

• 9 146 euros à titre de pension alimentaire pour l'épouse,

• outre la somme de 2 500 euros à titre de provision pour les frais de l'instance ;

Une mesure d'enquête sociale était également ordonnée ayant pour objet de recueillir tous renseignements utiles sur la situation financière, professionnelle et morale de chacun des époux et sur les conditions d'entretien et d'éducation des enfants ;

Par suite d'une première demande de modification des mesures provisoires, le Tribunal de première instance, par jugement du 4 juillet 2002 :

• maintenait les dispositions de l'ordonnance de non conciliation du 27 février 2002 en ce qui concerne la garde des deux enfants et le droit de visite du père, ainsi que la part contributive due à K.,

• la réformant pour le surplus, condamnait K. M. K. à payer à M.-A. F., le premier de chaque mois et d'avance à son domicile, les sommes de :

  • 1 300 euros à titre de part contributive à l'entretien et l'éducation d'A.,

  • 9 000 euros à titre de pension alimentaire pour l'épouse,

• et ajoutant à l'ordonnance de non conciliation, disait qu'au cas où M.-A. F. entendrait transférer à l'étranger la résidence des enfants, elle devrait au préalable, à défaut d'avoir obtenu l'accord de K. M. K., soumettre au Tribunal les modalités nouvelles concernant l'aménagement du droit de visite du père ;

K. M. K. ayant relevé appel dudit jugement, la Cour, suivant arrêt du 29 juillet 2003, confirmait le jugement entrepris du 4 juillet 2002 sauf en ce qui concerne la pension alimentaire et condamnait de ce chef K. M. K. à verser à M.-A. F. le premier de chaque mois et d'avance à son domicile la somme de 5 500 euros à titre de pension alimentaire à compter du 1er avril 2003 (le montant de 9 000 euros fixé par le Tribunal devant être maintenu jusqu'à cette date) ;

Par ailleurs, M.-A. F. sollicitait de nouveau le 3 juillet 2003 la modification « parte in qua » des mesures provisoires sur le fondement tant des dispositions de l'article 206-2 du Code civil que des propres indications du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 4 juillet 2002 inhérentes à la nécessité de soumettre au Tribunal les modalités de réaménagement du droit de visite du père, en cas de transfert à l'étranger de la résidence des enfants ;

Suivant jugement alors rendu le 25 juillet 2003, le Tribunal de première instance :

• constatant sa volonté de ce chef, autorisait M.-A. F. à transférer son domicile, ainsi que celui des enfants communs, A. et K., chez ses parents : M. et Mme T. W. F., [adresse],

• modifiait l'ordonnance de non conciliation du 27 février 2002 en ce qui concerne l'aménagement du droit de visite du père,

• disait que le droit de visite de K. M. K. pourra, sauf meilleur accord des parties, s'exercer de la manière suivante :

1° - s'agissant des périodes de vacances scolaires supérieures à cinq jours : 2/3 de chaque période de vacances scolaires, petites et grandes, lors des deux premiers tiers les années paires, les deux seconds tiers les années impaires,

2° - s'agissant des périodes de vacances scolaires inférieures ou égales à cinq jours : droit de visite portant sur l'intégralité desdits congés, à condition de l'exercer aux États-Unis d'Amérique,

• disait que les enfants auront la faculté de voyager seuls en avion accompagnés d'une hôtesse et que chacun des parents aura l'obligation de venir les accompagner et chercher à l'aéroport le plus proche de son propre domicile,

• disait que M.-A. F. devra informer son époux des dates de vacances scolaires deux mois avant le début de celles-ci,

• disait que K. M. K. devra prévenir son épouse à l'avance du lieu d'exercice du droit de visite et d'hébergement,

• disait que les frais de voyage seront supportés à parts égales par chacun des parents mais que le père en fera l'avance, en cas de refus de la mère,

• déboutait les parties du surplus de leurs demandes ;

Suite à une nouvelle demande de modification du droit de garde et de visite, le Tribunal, par jugement du 27 novembre 2003, renvoyait les parties à l'exécution du jugement du 25 juillet 2003 ;

L'épouse, par ailleurs fréquemment confrontée au refus de K. M. K. d'acquitter les pensions mises à sa charge par les décisions judiciaires susvisées, se voyait opposer par son mari un jugement de divorce prononcé par le Tribunal de première instance de Stockholm le 5 juillet 2002, non signifié et définitif depuis le 26 juillet 2002 ;

Son époux invoquant ainsi le principe de droit international privé selon lequel les jugements étrangers relatifs à l'état et à la capacité des personnes produisent leurs effets de plein droit à Monaco, M.-A. F. a, suivant exploit du 8 janvier 2003, fait assigner K. M. K. à l'effet de voir :

• « Dire et juger irrégulier le Jugement rendu par le Tribunal de première instance de Stockholm le 5 juillet 2002, devenu définitif le 26 juillet 2002, ayant prononcé le divorce des époux F.-K., en ce qu'il est manifestement contraire à l'ordre public monégasque,

• Entendre par conséquent déclarer inopposable à M.-A. F. le jugement rendu par le Tribunal de Première Instance de Stockholm le 5 juillet 2002 précité, avec toutes conséquences de droit,

• Dire par conséquent que le Jugement rendu par le Tribunal de Première Instance de Stockholm le 5 juillet 2002 ne saurait produire ses effets en Principauté de Monaco,

• Entendre condamner K. M. K. au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts à M.-A. F. pour le préjudice tant moral que matériel qu'elle a subi en raison des agissements de son époux, lequel a obtenu en fraude de ses droits, le Jugement de divorce suédois précité » ;

Au soutien de son action, M.-A. F. fait valoir pour l'essentiel :

• que K. M. K. a eu recours de manière artificielle à un for et à une loi étrangère pour échapper à ses obligations alimentaires à son égard,

• que la juridiction suédoise ayant statué sur le divorce était manifestement incompétente, ainsi que la loi suédoise appliquée au fond,

• que la décision suédoise est dépourvue de motivation et n'a pas statué sur la garde des enfants ni sur les pensions alimentaires, ce qui est contraire à l'ordre public familial du for,

• que la démonstration d'aucun grief imputable à l'épouse n'y est mentionnée ;

Après avoir soulevé une exception de non communication de pièces en application des dispositions des articles 177 et 274 du code de procédure civile et demandé qu'il soit fait injonction à M.-. F. de communiquer l'ensemble des pièces dont il entend faire état dans la procédure, K. M. K. a conclu au fond pour voir :

• « Vu la décision de la District Court de Stockholm en date du 5 juillet 2002, devenue définitive le 26 juillet 2002,

• Débouter M.-A. F. de l'ensemble de ses demandes,

• Constater que les époux K./F. sont divorcés en application des dispositions de ce jugement suédois définitif et ayant autorité de la chose jugée dans la Principauté de Monaco avec toutes conséquences de droit,

Condamner M.-A. F. épouse K. au paiement d'une somme de 100 000 euros à titre de procédure abusive et vexatoire en réparation du préjudice moral subi par lui » ;

Au soutien de ses dénégations, K. M. K. fait valoir :

• que les juridictions monégasques sont incompétentes pour statuer sur l'action en divorce initiée par M.-A. F.,

• que la décision de divorce suédoise n'est pas contraire à l'ordre public international monégasque et a été rendue par une juridiction compétente,

• que le principe du contradictoire a été respecté,

• que le jugement de Stockholm n'apparaît pas dépourvu de cause, même s'il se fonde sur une hypothèse de rupture qui n'est pas admise de façon explicite par le droit monégasque,

• que cette décision étrangère ne comporte aucune mesure d'exécution matérielle sur les biens ou de coercition sur les personnes, en sorte qu'elle doit produire ses effets à Monaco, indépendamment de l'exequatur,

• qu'il ne saurait lui être reproché aucun comportement frauduleux à la loi ou au jugement ;

Enfin, le ministère public, à qui a été communiquée cette procédure, a pris des conclusions conformément aux dispositions des articles 185 et 186 du code de procédure civile, aux termes desquelles il se réfère aux principes du droit international privé et conclut à l'autorité de la chose jugée à Monaco de la décision suédoise définitive se rapportant strictement à l'état et à la capacité des personnes et conclut en définitive au rejet de l'action de M.-A. F. ;

M.-A. F. et K. M. K., n'ont pas usé, dans le délai qui leur était imparti, de la faculté ouverte par l'article 187 dudit code de déposer, après les conclusions du ministère public, les notes prévues par ce texte ;

Sur ce,

Attendu que l'objectif de la permanence inhérente à l'état et la capacité des personnes qui doit nécessairement être assurée implique l'autorité générale des jugements qui les fixent ;

Qu'il s'ensuit que toute décision judiciaire modifiant l'état d'une personne est constitutive d'une situation juridique nouvelle qui doit être reconnue immédiatement à l'étranger sans exequatur, si l'on ne s'en prévaut pas pour des actes d'exécution matérielle sur les biens ou de coercition sur les personnes ;

Attendu ainsi qu'a priori, une décision étrangère ne statuant que sur le divorce, à l'exception des mesures accessoires concernant notamment la garde des enfants et les pensions alimentaires, sera de droit reconnue dans ses effets en Principauté de Monaco ;

Attendu qu'il existe néanmoins en droit monégasque une possibilité de contrôle de la régularité de telles décisions non soumises à exequatur, et ce, soit de manière incidente, soit dans le cadre d'une instance autonome en inopposabilité comme celle présentement initiée par M.-A. F. ;

Attendu que l'intérêt à agir de M.-A. F. en inopposabilité de la décision suédoise rendue le 5 juillet 2002 par le Tribunal de première instance de Stockholm résulte de ce que ce jugement étranger, dépourvu de toute disposition impliquant des mesures coercitives, a une autorité internationale immédiate et apparaît de nature à modifier de plein droit les droits subjectifs des époux ;

Attendu que si le contrôle des jugements étrangers non soumis à l'exequatur doit porter essentiellement sur les conditions habituellement requises en matière d'exequatur, sans possibilité toutefois de révision au fond, l'efficacité internationale d'une décision prononcée à l'étranger est également conditionnée à l'absence de fraude et à la conformité à l'ordre public international du for ;

Attendu qu'il appartient à celui qui agit en inopposabilité d'alléguer et, en cas de contestation, de prouver l'irrégularité de la décision étrangère ;

Attendu qu'en l'espèce, M.-A. F. invoque successivement l'irrégularité tenant à l'incompétence du juge suédois, l'irrégularité de la procédure suivie, la contrariété de la décision à l'ordre public monégasque et la fraude à la loi et au jugement ;

Attendu que force est en premier lieu de constater que M.-A. F. ne prouve nullement, ni n'offre d'établir, en quoi les juridictions suédoises auraient été incompétentes pour connaître du divorce des époux K., étant précisé qu'il lui appartenait de démontrer que les règles de compétence du droit procédural applicable au litige, en l'occurrence le droit suédois, auraient été méconnues alors même que son époux est de nationalité suédoise ;

Que la charge de la preuve de cette irrégularité incombant à la demanderesse, force est de constater qu'elle n'est pas établie ;

Attendu, s'agissant par ailleurs de l'irrégularité de la procédure suivie devant le Tribunal de Stockholm, qu'il doit être également constaté que M.-A. F. procède par affirmations et ne rapporte pas davantage la preuve d'une violation par cette juridiction d'une règle de droit interne, étant rappelé qu'après qu'une requête conjointe ait saisi ladite juridiction, seule M.-A. F. avait révoqué sa propre demande, en sorte que le Tribunal de Stockholm demeurait saisi de la demande de K. M. K., impartissait aux époux le délai de réflexion prévu par la loi locale, dont il constatait l'expiration avant de prononcer son jugement ;

Attendu, à cet égard, que M.-A. F., à qui il incombe d'en justifier, ne démontre nullement en quoi la juridiction suédoise aurait violé les dispositions de la loi interne suédoise, dont l'application procède d'une règle de conflit propre à cet ordre juridique étranger qui n'apparaît pas opportunément critiquée, dès lors que chaque ordre juridictionnel applique ses propres règles de conflits de loi ;

Attendu que demeurent alors posées les questions liées à la contrariété du jugement suédois à l'ordre public international du for et à la fraude ;

Attendu que s'agissant de droits acquis en dehors de l'ordre juridique national monégasque, il convient d'atténuer les effets de l'ordre public en tempérant dans une certaine mesure les exigences du droit du for ;

Que sur ce point, il doit être observé que le grief tiré de l'absence de motivation du jugement critiqué ne peut heurter à lui seul la conception de l'ordre public procédural du for ;

Attendu qu'il convient en effet de constater que cette absence de motivation peut être palliée par divers « équivalents » destinés à s'assurer que la décision n'est pas résultée elle-même de la méconnaissance du principe de la contradiction ;

Qu'en l'occurrence, le jugement litigieux dispose dans un motif « décisoire » :

« Le délai de réflexion ayant expiré, K. M. K. est en droit d'obtenir le prononcé du divorce. Le Tribunal constate donc qu'il y a lieu de faire droit à sa demande » ;

Attendu qu'il s'induit par ailleurs des pièces produites qu'alors que M.-A. F. avait déposé une requête conjointe aux fins de divorce avec son époux le 20 décembre 2001, elle a révoqué cette requête par lettre du 1er février 2002 ;

Que par ailleurs, à l'expiration du délai de réflexion donné aux époux, le Tribunal de Stockholm a relevé que K. M. K. a demandé le prononcé du divorce, alors que M.-A. F., « à qui l'on avait fourni l'occasion de donner son avis sur cette demande, n'a pas donné de ses nouvelles » ;

Attendu, en définitive, que si une décision de divorce est intervenue alors que M.-A. F. n'était plus demanderesse, force est de constater qu'elle a été invitée à faire valoir son point de vue et a pu disposer de la sorte des garanties inhérentes au respect des droits de la défense ;

Attendu qu'eu égard à cet ensemble de circonstances, il apparaît que le jugement suédois comporte les « équivalents » nécessaires et suffisants destinés à pallier une apparente absence de motivation, tirés des mentions d'ordre procédural susvisées ;

Attendu que la conception monégasque de l'ordre public n'apparaît dès lors pas heurtée par une telle décision étrangère de divorce rendue sur demande conjointe après que l'un des époux ait retiré en cours d'instance sa demande initiale, dès lors que M.-A. F. a été invitée à s'expliquer devant le Tribunal ;

Attendu, s'agissant de l'allégation d'une fraude à la loi, que le Tribunal de Monaco observe d'une part que K. M. K. - de nationalité suédoise et justifiant d'un domicile de fait dans son pays - pouvait légitimement saisir sa juridiction naturelle d'une question relative à son état, alors, d'autre part, que M.-A. F. s'était elle-même associée à une telle saisine, qualifiée aujourd'hui de frauduleuse, par la voie d'une requête conjointe, en sorte que ce dernier moyen doit être rejeté ;

Attendu qu'il y a en définitive lieu de débouter M.-A. F. des fins de son action en inopposabilité et de dire que le jugement rendu le 5 juillet 2002 par le Tribunal de première instance de Stockholm, devenu définitif le 26 juillet 2002, a une autorité immédiate dans la Principauté de Monaco ;

Attendu que M.-A. F. doit être en conséquence déboutée des fins de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu que K. M. K. doit également être débouté des fins de sa demande de dommages-intérêts dirigée à l'encontre de son épouse étant précisé que l'action de cette dernière ne procède d'aucun abus, en l'état de l'analyse ayant été opérée par le Tribunal ;

Et attendu que M.-A. F. qui succombe doit supporter les dépens de l'instance, par application de l'article 231 du code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare recevable mais infondée l'action en inopposabilité formée par M.-A. F. à l'encontre du jugement de divorce rendu le 5 juillet 2002 par le Tribunal de première instance de Stockholm ;

Déboute cette demanderesse de l'ensemble de ses prétentions ;

Dit et juge que le jugement de divorce suédois précité a une autorité immédiate en Principauté de Monaco ;

Déboute K. M. K. des fins de sa demande de dommages-intérêts ;

Composition🔗

M. Narmino. prés. ; Mme Vikstrom. Juge suplt du subst du proc. gén. ; Mes Rey, Blot av. déf, Me Gazo av.

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