Tribunal de première instance, 20 janvier 2004, Sté Cilugi c/ Z., A., G.

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Abstract🔗

Possession

Règle : en fait de meuble possession vaut titre

Dépossession par perte, crime ou délit

Action en revendication

Conditions :

- action triennale à compter de la perte du crime ou délit

- établissement de la preuve du dessaisissement.

Résumé🔗

L'article 2099 du Code civil dispose que « en fait de meubles, possession vaut titre, néanmoins celui qui a perdu une chose, ou qui en a été privé par un crime ou un délit, peut la revendiquer pendant 3 ans, à compter du jour de la perte ou du délit, contre celui dans les mains duquel il la trouve, sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient » ;

L'action, ainsi définie n'appartient qu'au légitime propriétaire des bijoux, dépossédé par l'infraction ;

Ainsi la société Cilugi, propriétaire originaire des objets, doit aussi démontrer qu'elle a été dépossédée de son bien par un délit pour être recevable en son action ;

Pour y parvenir, elle communique en cause d'appel le rapport d'investigations du cabinet d'investigations international B. qui relate les faits qu'elle exposait en première instance ;

La société Cilugi a été approchée durant 1994 par un dénommé A. qui avançait que la femme du Président du Bénin souhaitait acquérir des bijoux B. ;

C'est sur cette seule indication que le représentant de la société Cilugi est parti de Paris accompagné du nommé A. qu'il avait retrouvé à Amsterdam pour un vol en direction de Lagos au Nigeria ;

C'est au Nigeria que les bijoux ont été cédés, le 3 mai 1994, au dénommé A. contre un chèque de 30 012 400 francs, non certifié, sur le compte d'un certain S. S. auprès de la Bank Of America à Londres ;

C'est au retour de R. de Lagos qu'une enquête privée a été diligentée à la demande de B. ;

Aux termes de cette enquête, la Bank Of America devait déclarer à l'enquêteur que le numéro de compte sur lequel le chèque de paiement avait été émis n'était pas attribué à S. S. ;

Toutefois, aucune tentative d'encaissement de ce chèque n'a été effectuée, permettant d'établir la preuve directe du défaut de provision du chèque, les seuls éléments sur cet éventuel défaut de provision émanant du cabinet mandaté à titre privé par l'une des parties ;

Le rapprochement avec une tentative d'escroquerie au préjudice de B. dans des conditions qui, selon la société Cilugi, seraient identiques, met en cause un dénommé H. comme correspondant de B., et aurait permis en Angleterre l'arrestation de deux individus dénommés S. et A., lesquels auraient été retenus six semaines par les autorités britanniques en détention dans le cadre de cette deuxième affaire ;

Le rapport B. établit des rapprochements entre le dénommé S. et S., entre A. et H. sans apporter aucun élément objectif au soutien de sa thèse ;

Profitant de l'interpellation en Angleterre de S. et A., la société Cilugi déclare avoir déposé une plainte dans ce pays, pour les faits dont elle se disait victime ;

Toutefois cette société ne verse aux débats aucun élément de l'enquête qui aurait pu être conduite en Angleterre et qui accréditerait les hypothèses du Cabinet B. International, dont les assertions ne sont corroborées par aucun élément objectif du dossier ;

Le seul fait que neuf pièces de la collection B. cédée à Lagos aient été vendues à Anvers au joaillier V. C., par une dame H., est insuffisant à établir le lien avec le nommé A. ;

En l'état des pièces versées aux débats, la société Cilugi qui a cédé une collection importante de bijoux transportée à Lagos contre remise d'un chèque de 30 012 400 francs est dans l'incapacité de démontrer qu'elle aurait été dépossédée par une action frauduleuse, à défaut de démonter les éléments constitutifs d'escroquerie par usage d'une fausse identité, ou que le chèque émis, jamais déposé à l'encaissement, serait un faux ;

En l'état des éléments ainsi soumis à l'appréciation de la Cour il apparaît que la société B. a volontairement remis, au terme d'une vente, au nommé A., des bijoux d'une valeur de 30 012 400 francs contre remise d'un chèque représentant leur montant ;

Ne prouvant pas qu'elle a été dessaisie des objets revendiqués par l'effet d'un délit, la société Cilugi est donc irrecevable à revendiquer les bijoux retrouvés à Monaco entre les mains de T. Z. ou tous autres, et remis à cette dernière le 30 juillet 1997 par le procureur général.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Le 12 mai 1996, G. B., représentant la société de droit Français Cilugi se présentait aux services de la Sûreté publique de Monaco pour y faire les déclarations suivantes :

La société avait été sollicitée par un certain A. pour la présentation d'une collection de 44 pièces de joaillerie d'une valeur totale de 30 012 400 francs au Bénin, en vue d'un achat par l'épouse du Président de cet État.

Un préposé s'était rendu fin avril 1994 au Bénin. Cependant l'avion avait dû atterrir à Lagos au Nigeria. Il avait alors négocié avec un certain A.

- Les bijoux avaient été remis à ce mandataire moyennant un chèque non certifié de 4 177 000 dollars américains, tiré le 3 mai 1994, sur le compte ouvert à la Bank of America de Londres au nom de S. S., demeurant en Côte d'Ivoire,

Des vérifications confiées à un cabinet d'investigations privées, la société B. International, G. B. avait appris que le compte sur lequel le chèque avait été tiré, avait depuis été attribué à une autre personnes. Le chèque n'avait pas été déposé.

Or il venait d'être avisé par un de ses concessionnaires italiens que certains des bijoux cédés dans les conditions ci-dessus rappelées, venaient d'être identifiés sur clichés photographiques. C'est ainsi qu'il déposait plainte contre les détenteurs de certains bijoux, T. Z. bijoutier à Monaco, L. S., bijoutier américain et J. A., en réalité A., époux d'une bijoutière monégasque exerçant sous l'enseigne C.-A, détenteurs actuels de neuf des pièces de la collection cédée à Lagos.

Le 12 mai 1996, T. Z. qui avait été contactée par G. B. lui avait apporté l'un des bijoux, en l'espèce un collier de perles et de diamants et le lui avait remis contre reçu.

Informée de la plainte, cette dernière remettait aux policiers qui les saisissaient le 13 mai 1996 :

- sous scellé n° 1 un écrin gris noté C.-A contenant un bracelet de diamant ;

- sous scellé n° 2 un écrin gris noté C.-A contenant une parure rubis, diamants et saphir composée d'un collier et d'une paire de boucles d'oreilles ;

- sous scellé n° 3 une parure tourmaline verte et diamants composée d'un collier, d'une paire de boucles d'oreilles et d'une bague solitaire ;

- sous scellé n° 4 une sacoche en cuir marron notée C.-A contenant une parure rubis et diamants composée d'un collier et d'une paire de boucles d'oreilles ;

- sous scellé n° 5 une boîte en carton gris notée C.-A contenant une paire de boucles d'oreilles perles et diamants, une bague solitaire saphir étoilé et une seconde bague solitaire rubis.

L'enquête révélait que, dès le 10 mai 1994, une dame O. E. K. épouse H. avait cédé les bijoux à V. C. C., joaillier à Anvers.

Pour les revendre, celui-ci s'était adressé à U. C. lui-même bijoutier et son fournisseur d'or. Celui-ci en avait parlé à son tour à M. G., résidente monégasque. Une de ses amies, A. V. l'avait orientée vers J. A. dont l'épouse exerçait la profession de bijoutière à Monaco sous l'enseigne C.-A.

J. A. avait cédé le premier lot immédiatement à T. Z. en vue d'une revente à L. S., un deuxième lot composé du collier en tourmaline et du collier de perles et diamants remis par la suite le 12 mai 1996 à G. B., était acquis par T. Z., J. A. et L. S.

Le 30 juillet 1997, le procureur général ordonnait la remise à T. Z. des bijoux placés sous scellés, en sa qualité de possesseur de bonne foi. Cette décision faisait suite au classement sans suite de la procédure.

Le 1er août 1997, la société Cilugi faisait procéder à la saisie revendication des bijoux restitués à T. Z., cette procédure échouait, T. Z. ayant déclaré avoir revendu les bijoux le 30 juillet précédent.

T. Z. sollicitait la restitution du collier de perles et diamants remis le 12 mai 1996 à G. B.

Le 25 août 1997, sa requête était rejetée.

Par assignation du 4 décembre 1996, la société Cilugi a fait assigner T. Z. et J. A. aux fins de les voir condamnés à lui restituer les bijoux placés sous scellés, in solidum à lui payer la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts.

T. Z. s'est opposée à cette demande.

Par demande reconventionnelle, elle a sollicité la condamnation de la société Cilugi à lui payer la somme de un million de francs à titre de dommages-intérêts,

la restitution du collier de perles et diamants ou subsidiairement à lui rembourser le prix de son acquisition,

titre subsidiaire de lui rembourser la part payée par elle du collier, soit 36 666,67 dollars.

J. A. s'est opposé à la demande et a sollicité reconventionnellement la restitution du collier de perles et diamants, et la parure en tourmaline, et la condamnation de la société Ciguli à lui payer la somme de 500 000 francs en réparation de son préjudice.

Autorisé par jugement du 13 mars 1997, J. A. a fait assigner, par exploit du 9 avril 1997, M. G. pour le relever et le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre lui.

M. G. se plaignant de ne pas avoir été réglée par J. A. sollicitait, par voie reconventionnelle le paiement du collier perles et diamants et la parure en tourmaline.

Par jugement du 26 octobre 2000, le Tribunal a ordonné la jonction des deux instances et a déclaré irrecevables les appels en garantie formés par T. Z. contre l'épouse de J. A. et l'appel en garantie de M. G. contre la SARL C. O.

Sur la recevabilité des demandes formées contre J. A. et T. Z. :

Le Tribunal a déclaré irrecevable l'action en revendication formée contre J. A., à l'exception de la parure en tourmaline ;

- a déclaré recevable l'action en dommages-intérêts formée contre J. A. ;

- a rejeté la demande en restitution formée par la Société Cilugi, celle-ci ne justifiant pas avoir été dépossédée des bijoux par une action délictuelle ;

- a rejeté sa demande en dommages-intérêts, la société Cilugi n'ayant pas démontré qu'elle était propriétaire ni en quoi les cessions successives des bijoux lui causeraient un préjudice.

Sur l'action en revendication présentée par T. Z. :

Le Tribunal a débouté T. Z. de son action en revendication du collier or et perles remis le 13 mai 1996 à G. B., cette remise ayant été volontaire et la société B. bénéficiant de la présomption édictée par l'article 2099 alinéa 1 du Code civil.

Sur l'action en revendication exercée par J. A. sur le même collier :

Le Tribunal a débouté J. A. de cette réclamation estimant que J. A. avait acquis cette pièce avec T. Z. et L. S., de sorte qu'il ne pouvait seul en réclamer la restitution.

Sur les demandes en restitution de M. G. :

Le Tribunal a débouté M. G. de sa demande estimant qu'elle n'avait été que détentrice de bijoux, agissant pour le compte d'un tiers et non en qualité de possesseur.

Sur les demandes en réparation de leur préjudice formées par T. Z. et J. A. :

Le Tribunal a fixé à 15 000 francs le préjudice moral subi par chaque demandeur.

Par exploit d'appel et d'assignation du 28 mai 2001 délivré à T. Z., J. A. et M. G., la société Cilugi demande à la Cour de :

- réformer le jugement ;

- déclarer l'action en revendication de la SARL Cilugi tant à l'encontre de J. A. qu'à l'encontre de T. Z. recevable ;

- condamner sous astreinte de 100 000 francs par jour de retard T. Z. et J. A. à lui restituer les bijoux objet des 5 scellés constitués consécutivement à la saisie faite le 13 mai 1996 ;

- subsidiairement, condamner in solidum, T. Z. et J. A. à payer à la SARL Cilugi, la somme de 12 000 000 dollars US à titre de dommages-intérêts outre intérêts moratoires au taux légal à compter de l'assignation en date du 4 décembre 1996 ;

- condamner en tout état de cause T. Z. et J. A. in solidum à lui payer la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté T. Z. et J. A. de la demande en restitution du collier diamants et perles ;

- réformer le jugement en ce qu'il leur a accordé la somme de 15 000 francs chacun à titre de dommages-intérêts ;

- les condamner aux dépens.

Cette instance est enregistrée au Greffe général sous le n° 174.

Par acte d'appel et d'assignation du 1er juin 2001, dirigé contre T. Z., la société Cilugi et M. G., J. A. demande à la Cour de déclarer la société Cilugi irrecevable en son action en revendication, de la condamner à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de la procédure, et de la condamner à la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts, de se voir déchargé des frais de procédure y inclus ceux afférents à l'appel en garantie du 8 avril 1997, de condamner la société Cilugi ou tout autre contestant aux dépens.

Cette instance est enregistrée au Greffe général sous le n° 173.

Par acte d'appel et d'assignation du 1er juin 2001 délivré à la société Cilugi, J. A. et M. G., T. Z. demande à la Cour de réformer le jugement et de la déclarer fondée en son action en revendication de la propriété du collier en perles et diamants par la SARL Cilugi sous astreinte de 5 000 francs par jour de retard.

titre subsidiaire, si la société Cilugi n'est plus en possession des bijoux, la condamner au paiement de la somme de 1 100 000 francs, augmentée du profit que devait procurer sa revente, de condamner la SARL Cilugi au paiement d'une somme de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, de condamner la SARL Cilugi aux dépens.

Cette instance est enregistrée au Greffe général sous le n° 175 du greffe de la Cour.

Par conclusions postérieures, les parties ont conclu à la jonction des procédures, et leurs prétentions peuvent être résumées comme suit :

Sur la demande en revendication de la société Cilugi :

La société Cilugi fait grief au Tribunal d'avoir déclaré son action irrecevable contre J. A. sauf quant au collier de tourmaline, en raison de la connaissance qu'elle avait depuis mai 1996 de ce qu'il s'était dessaisi du premier lot de bijoux pour l'avoir vendu à T. Z. La preuve que les objets auraient été cédés dans ces conditions résultant seulement d'une facture de la société C.-A produite par T. Z. et de ses propres documents, tel le journal de police ; il s'agirait pour l'appelante de titres que les défendeurs se sont constitués à eux-mêmes.

La société Cilugi, pour obtenir la réformation du jugement soutient qu'elle a été dépossédée des bijoux par le moyen d'une escroquerie, par usage d'une fausse identité, commise par A. et l'émission d'un chèque sans provision ; qu'elle est dès lors restée propriétaire des objets qu'elle revendique en application de l'article 2099 du Code civil.

Elle soutien que ces objets étaient dans les mains de J. A. lors de l'engagement de l'action et dans les mains de T. Z., à laquelle les objets ont été remis le 30 juillet 1997 par le procureur général.

Elle soutient encore que J. A. et T. Z. ne sont pas des possesseurs de bonne foi, puisqu'en leur qualité de commerçant de bijoux, ils avaient connaissance du caractère douteux de leur provenance, la diffusion des bijoux ayant été assurée par l'agence d'investigation privée International B. dans une revue Trace.

défaut de restitution, elle sollicite la condamnation de T. Z. et de J. A. au paiement de leur contre-valeur, la résistance des défendeurs lui ayant causé un préjudice qu'elle évalue à 500 000 francs.

Sur cette demande :

J. A. s'y oppose et sollicite de ce chef la confirmation du jugement. Il soutient qu'il n'était plus en possession des bijoux depuis mars 1996 et qu'il en justifie, que l'action est irrecevable à son encontre, qu'elle est encore irrecevable en application des articles 1426, 2099 et 2100 du Code civil, la société Cilugi s'étant dessaisie des bijoux au terme d'une vente parfaite et qu'en application de l'article 2100 du Code civil, il avait acheté les bijoux auprès de commerçants, ce qui justifie amplement sa bonne foi.

Par voie de conclusions postérieures à son appel, il sollicite la restitution du collier perles et diamants remis à B. par T. Z. le 16 mai 1996, à défaut il sollicite la condamnation de la société Cilugi à la somme de 167 699,92 euros à titre de dommages-intérêts.

Il sollicite comme dans son exploit introductif d'instance la somme de 76 224,51 euros en réparation du préjudice personnel et commercial que lui a causé la procédure initiée par la société Cilugi.

Subsidiairement il sollicite d'être relevé de toute condamnation par M. G.

T. Z., quant à elle, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la société Cilugi mal fondée dans son action en revendication, cette dernière s'étant volontairement dessaisie des bijoux en 1994 au terme d'une vente parfaite. Elle soutient encore que le rapport B. International ne permet pas de démontrer que la société Cilugi aurait été victime d'une escroquerie.

Elle s'interroge sur la qualité de la société Cilugi pour agir, le rapport d'enquête ayant été remis à B. agissant pour la société Mabuti, société de droit italien.

Elle conclut qu'elle est acquéreur de bonne foi, ayant acquis les bijoux de J. A., bijoutier à Monaco et justifie de cette acquisition par la facture de la bijouterie C. A., de son livre de police et de leur revente le 30 juillet 1997 à S., par la communication d'un bordereau des douanes du 2 août 1997.

Elle sollicite en outre le bénéfice de son exploit introductif d'instance du 1er juin 2001 (procédure 173).

Sur l'instance n° 175 introduite par J. A. :

L'assignation de J. A. porte sur la seule réparation du préjudice subi par le caractère abusif de la procédure qu'il veut voir indemniser à hauteur de 500 000 francs, il demande la condamnation de la société Cilugi à lui rembourser les frais de l'appel en garantie de la dame G.

La société Cilugi conclut à l'irrecevabilité de la demande d'A. fondée sur la turpitude de celle-ci ; la société Cilugi conclut à son débouté et à sa condamnation à lui restituer les bijoux.

M. G., par conclusions du 9 avril 2002, demande à la Cour de constater qu'il ne lui est rien demandé par J. A., mais sollicite la réformation du jugement, demande à la Cour que lui soit restitué le second lot de bijoux litigieux et à défaut la condamnation de J. A. au paiement de la somme de 110 000 USD, leur contre-valeur.

T. Z. conclut au débouté de J. A. de ses demandes visant à obtenir contre elle les frais de procédure, notamment l'appel en garantie du 9 avril 1997 contre M. G.

Par conclusions postérieures, J. A., outre la défense sur l'appel formé par la SARL Cilugi déjà rappelée ci-dessus, sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en revendication du collier perles et diamants ; à défaut de restitution, il sollicite la condamnation de la société Cilugi à lui en payer la contre-valeur et le profit espéré à la revente, soit 167 693,32 francs.

Il demande à la Cour d'être relevé de toutes condamnations par M. G.

La société Cilugi constate que A. ne répond pas sur le moyen d'irrecevabilité invoqué ni sur la contradiction de son assignation, laquelle, dans ses motifs, fait état de la revendication du collier diamants et perles mais ne le mentionne pas dans son dispositif et maintient ses précédentes conclusions.

Sur l'appel de T. Z. :

Pour obtenir la réformation du jugement qui a rejeté sa demande en revendication du collier perles et diamants, T. Z. fait valoir que c'est sous la pression de l'arrestation de son associé S. aux États-Unis qu'elle a remis le collier perles et diamants à B. le 12 mai 1996, contre reçu de ce collier ; que cet objet qu'elle avait acquis a été remis en dépôt, que B. et la société Cilugi sont simples détenteurs.

Sur l'appel en garantie de M. G. par J. A. :

M. G. expose avoir été en possession des bijoux en qualité d'intermédiaire entre U. C. et J. A. dans des conditions régulières.

Elle forme un appel incident contre J. A. pour obtenir le paiement du second lot de bijoux, soit 110 000 USD, en sa qualité de possesseur de bonne foi de ses bijoux.

Sur ce :

Sur la jonction des procédures :

Considérant qu'en raison de leur connexité, il y a lieu d'ordonner la jonction des appels enregistrés au Greffe général sous les numéros 173, 174, 175.

Sur la recevabilité de la demande en restitution du coller perles et diamants par J. A. :

Considérant que si cette demande ne figure pas dans le dispositif de l'acte d'appel et d'assignation délivré le 1er juin 2000 par J. A., elle est expressément contenue dans les motifs de cette assignation ; que cette demande est au demeurant reprise dans les conclusions postérieures du 22 octobre 2001 de J. A. ;

Considérant, dès lors, que ce dernier doit être déclaré recevable en sa demande.

Sur la recevabilité des demandes de T. Z. et J. A. visant à la condamnation de la société Cilugi au paiement d'une astreinte, assortissant la demande de restitution du collier de perles et de diamants :

Considérant que la demande en restitution a été formée pour la première fois devant le Tribunal de première instance, que cette demande est reprise en cause d'appel par T. Z. et J. A. qui assortissent leur réclamation du paiement d'une astreinte provisoire ;

Considérant que l'astreinte à laquelle T. Z. et J. A. veulent voir condamner la société Cilugi est la conséquence de leur demande initiale, qu'à ce titre, elle n'est pas une demande nouvelle ;

Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de la déclarer recevable.

Sur la propriété des bijoux par la société Cilugi avant leur cession litigieuse :

Considérant que T. Z. élève en cause d'appel une contestation sur la propriété des bijoux avant leur cession litigieuse à Lagos le 3 mai 1994 ;

Considérant qu'elle émet à la lecture du rapport du cabinet d'investigations B. communiqué pour la première fois en cause d'appel, des doutes sur la propriété de ces bijoux par la société Cilugi, le rapport ayant été exécuté à cette époque pour le compte de B. et de la société de droit italien Mabuti ;

Considérant que G. B. est responsable d'une société de droit italien Mabuti et d'une société de droit français Cilugi dont l'objet est identique ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les bijoux se trouvaient au siège de la société Cilugi à Paris, M. R., Directeur de la bijouterie Cilugi, place Vendôme, en ayant lui-même assuré le dédouanement à Paris et les ayant transportés jusqu'à Lagos où ils ont été cédés ;

Que la société Mabuti qui n'est pas partie à l'instance n'a jamais revendiqué la propriété originaire de ces bijoux ;

Considérant, dès lors, qu'avant leur cession litigieuse à Lagos, la société Gilugi était bien le légitime propriétaire des bijoux.

Sur la propriété de bijoux au moment de l'action en revendication, le 12 décembre 1996 :

Considérant que l'article 2099 du Code civil dispose que « en fait de meubles, possession vaut titre, néanmoins celui qui a perdu une chose, ou qui en a été privé par un crime ou un délit, peut la revendiquer pendant 3 ans, à compter du jour de la perte ou du délit, contre celui dans les mains duquel il la trouve, sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient » ;

Considérant que l'action, ainsi définie n'appartient qu'au légitime propriétaire des bijoux, dépossédé par l'infraction ;

Considérant ainsi que la société Cilugi, propriétaire originaire des objets, doit aussi démontrer qu'elle a été dépossédée de son bien par un délit pour être recevable en son action ;

Considérant que, pour y parvenir, elle communique en cause d'appel le rapport d'investigations du cabinet d'investigations International B. qui relate les faits qu'elle exposait en première instance ;

Considérant que la société Cilugi a été approchée durant 1994 par un dénommé A. qui avançait que la femme du Président du Bénin souhaitait acquérir des bijoux B. ;

Considérant que c'est sur cette seule indication que le représentant de la société Cilugi est parti de Paris accompagné du nommé A. qu'il avait retrouvé à Amsterdam pour un vol en direction de Lagos au Nigeria ;

Considérant que c'est au Nigeria que les bijoux ont été cédés, le 3 mai 1994, au dénommé A. contre un chèque de 30 012 400 francs, non certifié, sur le compte d'un certain S. S. après de la Bank Of America à Londres ;

Considérant que c'est au retour de R. de Lagos qu'une enquête privée a été diligentée à la demande de B. ;

Considérant qu'aux termes de cette enquête, la Bank Of America devait déclarer à l'enquêteur que le numéro de compte sur lequel le chèque de paiement avait été émis n'était pas attribué à S. S. ;

Considérant toutefois qu'aucune tentative d'encaissement de ce chèque n'a été effectuée, permettant d'établir la preuve directe du défaut de provision du chèque, les seuls éléments sur cet éventuel défaut de provision émanant du cabinet mandaté à titre privé par l'une des parties ;

Considérant que le rapprochement avec une tentative d'escroquerie au préjudice de B. dans des conditions qui, selon la société Cilugi, seraient identiques, met en cause un dénommé H. comme correspondant de B., et aurait permis en Angleterre l'arrestation de deux individus dénommés S. et A., lesquels auraient été retenus six semaines par les autorités britanniques en détention dans le cadre de cette deuxième affaire ;

Considérant que le rapport B. établit des rapprochements entre le dénommé S. et S., entre A. et H. sans apporter aucun élément objectif au soutien de sa thèse ;

Considérant que, profitant de l'interpellation en Angleterre de S. et A., la société Cilugi déclare avoir déposé une plainte dans ce pays, pour les faits dont elle se disait victime ;

Considérant toutefois que cette société ne verse aux débats aucun élément de l'enquête qui aurait pu être conduite en Angleterre et qui accréditerait les hypothèses du Cabinet B. International, dont les assertions ne sont corroborées par aucun élément objectif du dossier ;

Considérant que le seul fait que neuf pièces de la collection B. cédée à Lagos aient été vendues à Anvers au Joaillier V. C., par une dame H., est insuffisant à établir le lien avec le nommé A. ;

Considérant qu'en l'état des pièces versées aux débats, la société Cilugi qui a cédé une collection importante de bijoux transportée à Lagos contre remise d'un chèque de 30 012 400 francs est dans l'incapacité de démontrer qu'elle aurait été dépossédée par une action frauduleuse, à défaut de démontrer les éléments constitutifs d'escroquerie par usage d'une fausse identité, ou que le chèque émis, jamais déposé à l'encaissement, serait un faux ;

Considérant qu'en l'état des éléments ainsi soumis à l'appréciation de la Cour il apparaît que la société B. a volontairement remis, au terme d'une vente, au nommé A., des bijoux d'une valeur de 30 012 400 francs contre remise d'un chèque représentant leur montrant ;

Considérant que ne prouvant pas qu'elle a été dessaisie des objets revendiqués par l'effet d'un délit, la société Cilugi est donc irrecevable à revendiquer les bijoux retrouvés à Monaco entre les mains de T. Z. ou tous autres, et remis à cette dernière le 30 juillet 1997 par le procureur général ;

Considérant que les conditions des cessions ultérieures de neuf des pièces de joaillerie cédées à A. par la société Cilugi sont dès lors sans incidence sur l'issue du litige ;

Sur la demande de restitution du collier perles et diamants de T. Z. remis à G. B. le 12 mai 1996 par T. Z. :

Considérant que T. Z. détenait, en mai 1996, le collier de perles et diamants initialement cédé dans les conditions ci-dessus rappelées ;

Considérant que convoquée par G. B. agissant pour le compte de la société Cilugi qui désirait vérifier s'il s'agissait bien d'une des pièces cédées à Lagos en 1994, elle lui a remis le collier le 12 mai 1996 ;

Considérant que les dispositions de l'article 2099 du Code civil invoqué par la société Cilugi qui revendique la qualité de possesseur du bijou revendiqué sont inopérantes en l'espèce ;

Qu'en effet, la présomption édictée par cet article ne peut recevoir application en cas de détention précaire ;

Considérant que la remise du collier sans contre-partie par T. Z. est constitutive d'un simple dépôt, dont l'issue du litige commande la restitution à son déposant, en l'espèce T. Z. ;

Considérant qu'il y a lieu de réformer le jugement sur ce point et de condamner, en conséquence, la société Cilugi à restituer à T. Z. le collier de perles et diamants remis contre reçu le 12 mai 1996 ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette remise d'une astreinte comminatoire.

Sur les demandes en restitution du collier perles et diamants formées par J. A. :

Considérant que J. A. qui se dit propriétaire du collier perles et diamants pour l'avoir acquis avec T. Z., ce qu'elle ne conteste pas, revendique la restitution de cette pièce de la société Cilugi ;

Considérant que s'agissant d'un dépôt conféré à la société Cilugi par T. Z., c'est à cette dernière, seule déposante, que la restitution est ordonnée, la question de la propriété du collier n'étant pas soumise à la Cour par les demandes initiales des parties.

Sur l'appel en garantie de J. A. :

Considérant que la société Cilugi ayant succombé en sa demande en revendication, l'appel en garantie de M. G. est sans objet ;

Considérant qu'en conséquence la société Cilugi doit être condamnée aux dépens de cet appel.

Sur la demande reconventionnelle formée par M. G. contre J. A. pour obtenir le paiement du solde du prix des bijoux :

Considérant que M. G. admet dans ses conclusions avoir agi en qualité d'intermédiaire entre U. C. et J. A. ;

Considérant que le Tribunal a justement rejeté cette demande, M. G., simple détentrice des bijoux ne disposant d'aucune créance au titre du prix de ces bijoux.

Sur le préjudice subi par J. A. et T. Z. du fait de l'action engagée à leur encontre par la société Cilugi :

Considérant que T. Z. et J. A. ont, d'une part, été contraints d'affronter la procédure en revendication, d'autre part, de faire face à une enquête pénale ;

Considérant qu'il y a lieu de réformer le jugement sur le préjudice et d'allouer à chacun d'eux la somme de 8 000 euros, sommes au paiement desquelles sera condamnée la société Cilugi.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Reçoit les appels ;

- Ordonne la jonction des instances enregistrées au Greffe général sous les numéros 173, 174, 175 ;

- Confirme le jugement susvisé en ce qu'il a déclaré sans objet l'appel en garantie de J. A. à l'encontre de M. G., a débouté M. G. de sa demande en paiement du lot n° 2 des bijoux B., a débouté J. A. de son action en restitution du collier perles et diamants ;

- Constate que la société Cilugi, propriétaire des bijoux avant leur cession le 3 avril 1994, n'établit pas qu'elle en a été dépossédée par l'effet d'un crime ou d'un délit ;

- Réformant ledit jugement pour le surplus, et statuant à nouveau ;

- Déclare irrecevable l'action en revendication de la société Cilugi ;

- Ordonne la restitution par la société Cilugi du collier perles et diamants à T. Z. ;

- Déclare T. Z. recevable en sa demande, aux fins d'astreinte comminatoire, l'en déboute ;

- Condamne la société Cilugi à payer à T. Z. et J. A., chacun, la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Composition🔗

M. Landwerlin, prem. prés. ; Serdet, proc. gén. ; Mes Licari et Pasquier-Ciulla, av. déf.

Note🔗

La cour a réformé le jugement entrepris du 25 octobre 2000 en déclarant irrecevable l'action en revendication intentée par la société Cilugi du fait qu'elle ne pouvait pas qu'elle ait été dessaisie des objets revendiqués par l'effet d'un délit.

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