Tribunal de première instance, 20 juin 2002, Consorts D. c/ Crédit Foncier de Monaco, J., D.

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Abstract🔗

Preuve

Acte sous seing privé - Contrat unilatéral (caution) soumis au formalisme de l'article 1173 du Code civil - Production d'une copie de l'acte, à défaut de l'original, dont l'écriture est contestée : engagement non établi acte - Acte irrégulier affectant la force probante de l'acte mais non point sa validité, valant commencement de preuve par écrit à condition d'émaner de la personne à laquelle on l'oppose (ce qui n'est point prouvé)

Résumé🔗

Il est constant et non contesté qu'O. J. bénéficiait d'un concours du CFM sous forme de découvert autorisé à hauteur de 250 000 francs, selon lettre contractuelle du 21 mai 1996 ;

Un acte de caution solidaire contenant nantissement et gage commercial au profit de cet établissement bancaire, visant à garantir ce crédit, était établi le 30 mai 1996 au nom de B. D. ;

Un nouvel acte de caution solidaire et nantissement de compte à terme était ensuite signé le 30 juillet 1996 à concurrence de la somme de 300 000 francs,

Le CFM réalisait son gage espèces à hauteur cependant de la somme de 250 000 francs, compte tenu que suite au décès de B. D. le 1er août, l'augmentation de l'autorisation de découvert à 300 000 francs avait été stoppée ;

Il résulte de ce qui précède que la contestation élevée par les hoirs D. quant à l'authenticité des actes précités ne peut être valablement examinée que pour ce qui est du premier acte du 30 mai 1996, dès lors que le second a été estimé non valable par le CFM en l'état des circonstances ayant entouré son établissement, et notamment du décès de B. D. dès le 1er août 1996, d'autant qu'il n'a produit aucun effet ;

Le cautionnement étant un contrat unilatéral qui n'entraîne d'obligation qu'à la charge de la caution, l'écrit constatant cet engagement doit respecter, lorsque le montant de l'obligation cautionnée est déterminable au jour de sa signature, le formalisme prévu par l'article 1173 du Code civil, à savoir être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit, ou du moins contenir la mention « bon » ou « approuvé » portant en toutes lettres la somme cautionnée ;

En l'espèce, l'acte signé le 30 mai 1996 produit en copie (à enregistrer) comporte bien l'ensemble des mentions manuscrites prévues audit article ainsi que la signature de B. D. ;

Toutefois, les enfants de ce dernier, en leur qualité d'héritiers, ont déclaré ne pas reconnaître l'écriture et la signature de leur père sur cet acte, estimant que ce dernier ne pouvait en être l'auteur ;

À cet égard, il est de principe que les copies d'acte, même certifiées conformes, ne peuvent faire foi du contenu de l'original dénié par celui auquel on l'oppose ; en l'absence de production de l'original par le CFM, l'engagement de B. D. n'est pas établi, étant en outre relevé que les circonstances qui ont entouré son établissement s'avèrent équivoques ;

Au demeurant, le CFM n'a jamais réellement contesté que les mentions manuscrites insérées dans l'acte de cautionnement n'étaient pas de la main de B. D. ;

En droit, si les mentions manuscrites figurant sur l'acte n'ont pas été rédigées de la main de B. D. malgré les termes précités de l'article 1173 du Code civil, l'acte irrégulier n'est toutefois pas frappé de nullité dès lors que l'omission des formalités dudit article n'affecte que la force probante de l'acte et est sans influence sur la validité de l'obligation elle-même ;

Faute de bénéficier de l'autorité normalement attachée aux actes sous seing privé, le document dressé en violation de l'article 1173 du Code civil peut être retenu en qualité de commencement de preuve par écrit, devant être complété par d'autres éléments, à la condition toutefois d'émaner de la personne à laquelle on l'oppose, ce qui est mis en doute par les hoirs D. en l'espèce ;

S'agissant de la signature apposée sur l'acte du 30 mai 1996, la similitude évidente avec le spécimen figurant sur le testament dressé par B. D. et les conclusions corroborantes de l'expert amiable C. qui indiquent que la signature de l'acte de caution ne révèle aucun des signes qui caractérisent les signatures grossièrement imitées (lenteur excessive, hésitation, tremblements, reprises) laissent sérieusement présumer que B. D. en est bien l'auteur, ce qui n'est d'ailleurs pas contredit par ses héritiers.

Toutefois, le CFM ne rapporte pas la preuve que l'acte lui-même a été réellement signé par B. D.

En effet, l'examen de l'acte de cautionnement du 30 mai 1996, dont rien ne permet de dire qu'il a été effectivement signé dans les bureaux du CFM contrairement aux affirmations de cet établissement, fait apparaître que la signature est apposée de façon inhabituelle au milieu des mentions manuscrites qui le contournent ; elle ne vient donc pas, comme de coutume, certifier par sa présence en fin de document l'authenticité et l'approbation des mentions qu'il comporte, d'autant plus qu'aucune mention faisant référence au corps du texte imprimé ne figure sur cet acte d'engagement ; en l'état de cet élément, les circonstances qui entourent l'apposition de la signature apparaissent pour le moins équivoques dès lors que la signature peut en réalité avoir fait l'objet d'une falsification par calque ou transfert ou avoir été réalisée avant que la mention ait été reproduite et donc sans connaissance par B. D. de la nature et de l'étendue de l'obligation contractée, circonstance de nature à affecter la validité même de l'engagement ;

Il suit qu'aucune force probante ne saurait en toute hypothèse être accordée à l'acte du 30 mai 1996, alors même qu'en l'état des contestations relatives à cet acte, le CFM, bien qu'invité à fournir les originaux, s'est abstenu de les produire, et ce à ses risques et périls, ainsi qu'énoncé auparavant à propos de l'absence de valeur probante des copies d'un acte original dénié dans son contenu ;

En conséquence, il convient de condamner le CFM à restituer aux hoirs D. la somme de 250 000 francs soit 38 112,25 euros en principal correspondant au montant du gage espèces indûment réalisé par le CFM ainsi que toute somme supplémentaire qui aurait pu être prélevée par la banque en vertu de l'acte du 30 mai 1996, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu que suivant exploit du 25 avril 2000, M. et J. D. ont fait assigner le Crédit Foncier de Monaco (ci-après CFM) et O. J., au contradictoire et en présence de H. C., J. B. et Maître P.-L. A., aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

  • déclarer nuls et inopposables à feu B. D. et ses héritiers les actes de caution solidaire et indivisible et nantissement de compte à terme établis à son nom au profit de O. J. et du CFM les 30 mai et 30 juillet 1996,

  • leur donner acte de ce qu'ils somment O. J. et le CFM de produire sans délai :

  • l'original de l'acte du 30 mai 1996 susvisé signé au nom de B. D.,

  • l'original de l'acte du 30 juillet 1996 susvisé signé de B. D.,

  • un décompte détaillé et tous justificatifs y relatifs des sommes que chacun a reçu directement ou indirectement de D., notamment du/de ses compte(s) au CFM, du chef de chacun des actes de caution solidaire et de nantissement de compte à terme établis au nom de D. les 30 mai 1996 et 30 juillet 1996 au profit de O. J. et du CFM,

  • à défaut, sommer O. J. et le CFM de s'exécuter sous astreinte de 1 000 francs par jour de retard,

  • dire et juger que les dettes d'O. J. envers le CFM n'étaient et ne sont aucunement garanties par B. D.,

  • juger en tant que de besoin que l'acte de cautionnement solidaire et indivisible et nantissement de compte à terme susvisé du 30 juillet 1996 s'est substitué à celui du 30 mai 1996 avec toutes conséquences de droit,

  • condamner conjointement et solidairement le CFM et O. J. :

  • à leur restituer toutes sommes et valeurs reçues directement ou indirectement de D. ou du CFM même pour le compte de D. du chef de l'un quelconque des deux actes susvisés, et notamment la somme déjà certaine de 250 000 francs outre intérêts légaux, sauf à parfaire (mémoire),

  • à leur verser à chacun la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts,

  • si le Tribunal s'estimait insuffisamment informé, entendre par jugement avant dire droit nommer un expert judiciaire aux fins de :

  • a) déterminer si les mentions manuscrites et la signature figurant sur les actes susvisés du 30 mai 1996 et du 30 juillet 1996 sont bien de la main de D., et pour ce faire ordonner notamment au CFM et à O. J., sous astreinte de 1 000 francs par jour de retard, de communiquer en originaux lesdits actes,

b) comparer lesdites mentions manuscrites et signature figurant sur les deux actes du 30 mai 1996 et 30 juillet 1996 avec l'écriture de O. J. ;

Qu'ils exposent, au soutien de leurs prétentions, être les seuls enfants et héritiers de B. D. décédé le 1er août 1996 et avoir appris bien après le décès de leur père que celui-ci se serait porté caution solidaire et indivisible d'O. J. avec nantissement de compte à terme, auprès du CFM à hauteur de 250 000 francs (acte du 30 mai 1996) portés à 300 000 francs (acte du 30 juillet 1996) ;

Que sur le fondement de deux rapports d'expertise graphologique, ils contestent la validité desdits actes de cautionnement au motif qu'ils seraient, pour le premier, non écrit et signé de la main de son présumé auteur (acte du 30 mai 1996) et pour le second, non écrit de celui-ci (acte du 30 juillet 1996) ;

Qu'en outre, ils invoquent la nullité de l'acte du 30 juillet 1996 en l'état du vice du consentement résultant de l'état de santé dans lequel se trouvait leur père lors de la signature de ce document ; qu'ils ajoutent que l'annulation d'un acte qui s'est substitué au précédent ne saurait faire revivre le premier acte ;

Qu'en l'état de ces éléments ils s'estiment bien fondés dans leurs prétentions, ajoutant qu'en tout état de cause le CFM a agi avec une légèreté blâmable résultant des circonstances dans lesquelles il a accepté au mépris de toute prudence ces actes de cautionnements ;

Attendu qu'H. C. (23 mai 2000), J. B. (24 mai 2000) et Maître P.-L. A. (26 mai 2000) ont chacun indiqué par courrier qu'ils n'entendaient pas intervenir à la présente procédure ;

Attendu que pour sa part, B. D., intervenant volontairement en sa qualité de syndic de la cessation des paiements d'O. J., a conclu à l'irrecevabilité, sur la base de l'article 461 du Code de commerce, des demandes de remboursement et de condamnations formulées à l'encontre d'O. J. ; qu'en revanche, elle a déclaré s'en rapporter à justice s'agissant des demandes concernant la validité des actes de cautionnement contestés, la production d'originaux et l'instauration d'une mesure d'expertise ;

Attendu qu'en l'état de ces écrits judiciaires, les demandeurs sollicitent que leur soit donné acte de ce que :

  • ils constatent la cessation des paiements d'O. J.,

  • ils ont produit leur créance entre les mains du syndic,

  • ils maintiennent à l'encontre du syndic uniquement leurs demandes autres que celles de remboursement et condamnations à paiement,

  • ils maintiennent leurs demandes intégrales à l'encontre du CFM ;

Attendu que Maître Pasquier-Ciulla, avocat constitué aux intérêts d'O. J., a déclaré par conclusions du 21 février 2001 se trouver sans pièce ni moyen ;

Attendu que pour sa part, le CFM rappelle avoir réalisé son gage-espèces à concurrence de la somme de 250 000 francs dès lors que l'augmentation de l'autorisation de découvert avait été stoppée à la suite du décès de B. D. ;

Que remarquant que seules sont mises en doute les mentions manuscrites figurant sur les actes susmentionnés, il fait valoir pour l'essentiel que l'acte de cautionnement, dépourvu de mention manuscrite ou comportant une mention insuffisante, ne serait pas nul mais serait seulement dépourvu de force probante et aurait simple valeur de commencement de preuve par écrit ;

Qu'il estime en outre inopérant l'argument tiré de l'état mental supposé de B. D. le 30 juillet 1996 en l'état du certificat du docteur G. ayant constaté que le patient était conscient ;

Qu'enfin, il assure n'avoir fait preuve d'aucune légèreté blâmable dès lors que l'acte du 30 mai 1996 a été signé dans ses locaux, et que B. D. avait clairement manifesté sa volonté pour le second acte dès lors que le 19 juillet 1996 (soit 11 jours avant le second acte de caution), il s'était rendu en compagnie d'O. J. dans l'établissement bancaire pour demander une augmentation du découvert avec extension de garantie à hauteur de 300 000 francs ;

Qu'au bénéfice de ses explications, le CFM conclut au rejet de l'ensemble des demandes de M. et J. D. et entend en revanche voir dire et juger :

  • que les actes de caution des 30 mai et 30 juillet 1996 sont réguliers et valides,

  • subsidiairement sur ce point en cas d'annulation de l'acte du 30 juillet 1996, que l'acte du 30 mai 1996 a continué de produire ses effets,

  • que le CFM a réalisé licitement son gage-espèces ;

Que le CFM sollicite en outre la condamnation des demandeurs à lui payer la somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et téméraire ;

Attendu que M. et J. D. ont répliqué le 17 octobre 2001 pour justifier de la nullité des actes de cautionnement sur le fondement du rapport d'expertise qu'ils ont fait effectuer lequel établirait :

  • que les mentions manuscrites de l'acte du 30 mai 1996 ne sont pas de la main de B. D., alors que sa signature a probablement été décalquée ou apposée par ce dernier avant la transcription du texte,

  • qu'outre le fait que l'écriture et la signature figurant sur l'acte du 30 juillet 1996 ne sont pas de la main de B. D., ce document est entaché d'un vice du consentement compte tenu de l'état de santé dégradé de B. D. au moment de son établissement ;

Qu'ils affirment que le CFM a commis un certain de nombre de fautes et a fait montre d'une légèreté blâmable en réalisant son gage alors, notamment, que les héritiers contestaient la validité des actes de cautionnement, non signés dans les locaux du CFM malgré des affirmations non établies, et que les juridictions de la Principauté s'étaient opposées à la disposition des fonds par cet établissement bancaire ;

Qu'ils indiquent que le formalisme imposé par l'article 1173 du Code civil monégasque, applicable en l'espèce, doit être respecté à peine de nullité et ajoutent que les actes remis en cause ne satisfont pas aux prescriptions de ce texte ;

Attendu que le 12 décembre 2001, le syndic de la cessation des paiements d'O. J., prenant acte de ce que les hoirs D. avaient renoncé à toute demande de remboursement et de condamnation à l'encontre d'O. J., a déclaré ne pas être en possession des originaux des actes des 30 mai et 30 juillet 1996 et s'en rapporter à justice sur les prétentions des demandeurs ;

Attendu que le CFM a maintenu ses positions en affirmant que la jurisprudence produite par les demandeurs au soutien de leur analyse de l'article 1173 du Code civil n'est pas pertinente dans le cas d'espèce, l'irrégularité n'affectant que l'instrumentum et non la validité même du cautionnement, dès lors que figurent à l'acte la nature et l'étendue de l'engagement de la caution ;

Qu'ajoutant à ses prétentions, il conclut à la nullité des attestations produites en pièce n° 30 faute de respecter les conditions prescrites aux alinéas 3 et 5° de l'article 324 du Code de procédure civile ;

Attendu enfin que dans le dernier état de leurs écrits judiciaires, les hoirs D. ont déclaré produire de nouvelles attestations conformes aux prescriptions légales, tout en faisant remarquer que tant O. J. que le CFM se refusent à produire en original les actes de cautionnement litigieux ;

Sur ce :

1/En la forme :

Attendu qu'H. C., J. B. et Maître P.-L. A., bien qu'ayant eu connaissance de l'assignation, ainsi que cela résulte des courriers qu'ils ont respectivement adressés au Tribunal, ne comparaissent pas, en sorte qu'il sera statué par jugement réputé contradictoire à l'égard de toutes les parties, par application des dispositions de l'article 216 du Code de procédure civile ;

Attendu, par ailleurs, que le CFM a soulevé la nullité des attestations produites par les demandeurs en pièce 30 pour défaut de conformité aux prescriptions de l'article 324 du Code de procédure civile ;

Attendu toutefois, à cet égard, que les hoirs D. ont produit en cours de procédures deux nouvelles attestations (pièce 30 bis) qui respectent le formalisme imposé par l'article précité, en sorte que rejetant l'exception de nullité formée par le CFM, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les attestations F. régularisées ;

2/Au fond :

Attendu qu'il est constant et non contesté qu'O. J. bénéficiait d'un concours du CFM sous forme de découvert autorisé à hauteur de 250 000 francs, selon lettre contractuelle du 21 mai 1996 ;

Qu'un acte de caution solidaire contenant nantissement et gage commercial au profit de cet établissement bancaire, visant à garantir ce crédit, était établi le 30 mai 1996 au nom de B. D. ;

Qu'un nouvel acte de caution solidaire et nantissement de compte à terme était ensuite signé le 30 juillet 1996 à concurrence de la somme de 300 000 francs ;

Que le CFM réalisait son gage espèces à hauteur cependant de la somme de 250 000 francs, compte tenu que suite au décès de B. D. le 1er août, l'augmentation de l'autorisation de découvert à 300 000 francs avait été stoppée ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la contestation élevée par les hoirs D. quant à l'authenticité des actes précités ne peut être valablement examinée que pour ce qui est du premier acte du 30 mai 1996, dès lors que le second a été de fait estimé non valable par le CFM en l'état des circonstances ayant entouré son établissement, et notamment du décès de B. D. dès le 1er août 1996, d'autant qu'il n'a produit aucun effet ;

Attendu que le cautionnement étant un contrat unilatéral qui n'entraîne d'obligation qu'à la charge de la caution, l'écrit constatant cet engagement doit respecter, lorsque le montant de l'obligation cautionnée est déterminable au jour de sa signature, le formalisme prévu par l'article 1173 du Code civil, à savoir être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit, ou du moins contenir la mention « bon » ou « approuvé » portant en toutes lettres la somme cautionnée ;

Attendu qu'en l'espèce, l'acte signé le 30 mai 1996 produit en copie (à enregistrer) comporte bien l'ensemble des mentions manuscrites prévues audit article ainsi que la signature de B. D. ;

Que toutefois, les enfants de ce dernier, en leur qualité d'héritiers, ont déclaré ne pas reconnaître l'écriture et la signature de leur père sur cet acte, estimant que ce dernier ne pouvait en être l'auteur ;

Attendu à cet égard, qu'il est de principe que les copies d'acte, même certifiées conformes, ne peuvent faire foi du contenu de l'original dénié par celui auquel on l'oppose ; qu'en l'absence de production de l'original par le CFM, l'engagement de B. D. n'est pas établi, étant en outre relevé que les circonstances qui ont entouré son établissement s'avèrent équivoques ;

Qu'en effet, l'expert graphologue que les demandeurs ont mandaté a conclu dans son rapport en date du 23 août 1999 que « l'écriture de l'acte de caution n'est pas de la main de M. D. (...) en revanche (...) la signature de l'acte est bien celle de M. D. » tout en énonçant, relativement à cette signature, l'hypothèse d'un transfert d'un calque en l'état de son emplacement inhabituel au milieu du texte, laissant supposer que la signature avait été apposée avant la mention manuscrite ;

Attendu, à cet égard, que les présomptions tirées du rapport d'expertise graphologique C. sont complétées par l'examen des pièces versées aux débats, et notamment du testament établi de la main de B. D. dont une copie est produite ; que le spécimen d'écriture qui y est révélé montre suffisamment de différences flagrantes pour permettre au Tribunal d'affirmer qu'il n'a rien de commun avec l'écriture portée à l'acte de caution du 30 mai 1996, en sorte qu'il est exclu que B. D. en soit l'auteur ;

Qu'au demeurant, le CFM n'a jamais réellement contesté que les mentions manuscrites insérées dans l'acte de cautionnement n'étaient pas de la main de B. D. ;

Attendu, en droit, que si les mentions manuscrites figurant sur l'acte n'ont pas été rédigées de la main de B. D. malgré les termes précités de l'article 1173 du Code civil, l'acte irrégulier n'est toutefois pas frappé de nullité dès lors que l'omission des formalités dudit article n'affecte que la force probante de l'acte et est sans influence sur la validité de l'obligation elle-même ;

Que faute de bénéficier de l'autorité normalement attachée aux actes sous seing privé, le document dressé en violation de l'article 1173 du Code civil peut être retenu en qualité de commencement de preuve par écrit, devant être complété par d'autres éléments, à la condition toutefois d'émaner de la personne à laquelle on l'oppose, ce qui est mis en doute par les hoirs D. en l'espèce ;

Attendu, s'agissant de la signature apposée sur l'acte du 30 mai 1996, que la similitude évidente avec le spécimen figurant sur le testament dressé par B. D. et les conclusions corroborantes de l'expert amiable C. qui indiquent que la signature de l'acte de caution ne révèle aucun des signes qui caractérisent les signatures grossièrement imitées (lenteur excessive, hésitation, tremblements, reprises) laissent sérieusement présumer que B. D. en est bien l'auteur, ce qui n'est d'ailleurs pas contredit par ses héritiers ;

Que toutefois, le CFM ne rapporte pas la preuve que l'acte lui-même a été réellement signé par B. D. ;

Qu'en effet, l'examen de l'acte de cautionnement du 30 mai 1996, dont rien ne permet de dire qu'il a été effectivement signé dans les bureaux du CFM contrairement aux affirmations de cet établissement, fait apparaître que la signature est apposée de façon inhabituelle au milieu des mentions manuscrites qui le contournent ; qu'elle ne vient donc pas, comme de coutume, certifier par sa présence en fin de document l'authenticité et l'approbation des mentions qu'il comporte, d'autant plus qu'aucune mention faisant référence au corps du texte imprimé ne figure sur cet acte d'engagement ; qu'en l'état de cet élément, les circonstances qui entourent l'apposition de la signature apparaissent pour le moins équivoques dès lors que la signature peut en réalité avoir fait l'objet d'une falsification par calque ou transfert ou avoir été réalisée avant que la mention ait été reproduite et donc sans connaissance par B. D. de la nature et de l'étendue de l'obligation contractée, circonstance de nature à affecter la validité même de l'engagement ;

Attendu qu'il suit qu'aucune force probante ne saurait en toute hypothèse être accordée à l'acte du 30 mai 1996, alors même qu'en l'état des contestations relatives à cet acte, le CFM, bien qu'invité à fournir les originaux, s'est abstenu de les produire, et ce à ses risques et périls, ainsi qu'énoncé auparavant à propos de l'absence de valeur probante des copies d'un acte original dénié dans son contenu ;

Attendu, en conséquence, qu'il convient de condamner le CFM à restituer aux hoirs D. la somme de 250 000 francs soit 38 112,25 euros en principal correspondant au montant du gage espèces indûment réalisé par le CFM ainsi que toute somme supplémentaire qui aurait pu être prélevée par la banque en vertu de l'acte du 30 mai 1996, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

Qu'il y a lieu, en revanche, de débouter les demandeurs du surplus de leurs prétentions, la production sollicitée des pièces et d'un décompte des sommes virées n'étant nullement nécessaire en l'état de la mention précise figurant dans l'acte du 30 mai 1996 du montant considéré à tort comme garanti par le CFM ;

Attendu qu'il convient de donner acte à B. D., ès qualités de syndic de la cessation des paiements d'O. J., de ce qu'elle déclare ne pas être en possession des originaux des actes des 30 mai et 30 juillet 1996 ;

Que toutefois, les autres demandes de donner acte présentées ne sauraient être prises en compte dès lors que n'étant pas de nature à conférer ni à faire perdre un droit à cette dernière, elles n'ont pas leur place dans le dispositif du présent jugement ;

3/Sur les dommages-intérêts :

Attendu que le CFM, qui a commis une faute caractérisée dans l'exercice de ses droits de la défense en ne produisant pas les originaux des actes en cause, doit être condamné à payer à chacun des demandeurs la somme de 3 000 euros, eu égard aux éléments suffisants d'appréciation dont le Tribunal dispose pour l'évaluation des préjudices occasionnés par la nécessité de s'adresser à justice ;

4/Sur l'exécution provisoire :

Attendu que la demande d'exécution provisoire n'a pas lieu d'être admise en la cause dès lors que les demandeurs ne font état d'aucune circonstance de nature à justifier qu'elle soit ordonnée ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS ;

Le Tribunal,

Statuant par jugement réputé contradictoire,

Constate que les hoirs D. ont renoncé à leur demande de condamnation à l'encontre d'O. J., déclarée en état de cessation des paiements le 27 mai 1999 ;

Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les attestations F. ;

Dit que l'engagement de caution de B. D. en faveur du crédit Foncier de Monaco n'est pas établi ;

Condamne le Crédit Foncier de Monaco à payer à M. et J. D. la somme de 38 112,25 euros, montant des causes sus-énoncées, ainsi que toute somme supplémentaire qui aurait pu être prélevée par la banque en vertu de l'acte du 30 mai 1996, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2000, outre celle de 3 000 euros à chacun d'eux à titre de dommages-intérêts ;

Déboute M. et J. D. du surplus de leurs demandes ;

Donne acte à B. D., ès qualités de syndic de la cessation des paiements d'O. J., de ce qu'elle déclare ne pas être en possession des originaux des actes des 30 mai et 30 juillet 1996 ;

Dit n'y avoir lieu de prendre en compte les autres demandes de donner acte.

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Fougeras Lavergnolle, juge supl. f.f. subst. proc. gén. Mes Palmero, Licari, Pasquier-Ciulla, av. déf.

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