Tribunal de première instance, 31 janvier 2002, CCSS, CAR, CAMTI, CARTI c/ B., AGRR, CCPB, Europa Assurances

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Distribution par contribution

Contredit à l'encontre de l'état provisoire de distribution du juge commissaire : renvoi devant le Tribunal de première instance - Privilèges généraux sur les meubles : application antérieure à la loi n° 1236 du 2 juillet 2001 - Privilèges du 6e rang article 1938-6° du Code civil en faveur : de la Caisse de retraite complémentaire (CAR) en ce qui concerne les cotisations, intérêts et majorations de retard pour retraite ; de la Caisse de congés payés du bâtiment (CCPB) en ce qui concerne les cotisations, intérêts et majorations de retard pour congés payés ; de la Compagnie d'assurances (Europa assurances) en ce qui concerne les primes du risque accident du travail

Résumé🔗

En l'état du contredit formalisé par les caisses opposantes, repris dans sa forme et teneur par l'acte introductif d'instance, il convient de déterminer si la CAR peut ou non voir sa créance admise au cinquième rang des privilèges de l'article 1938 du Code civil, dans la rédaction de cet article antérieur à la loi n° 1236 du 2 juillet 2001 intervenue postérieurement aux productions litigieuses ;

Par ailleurs il y a lieu également de réexaminer le cas des créances de la société Europa Assurances, remises en cause par les co-demanderesses, et de la CCPB qui émet une contestation, étant en effet précisé que la contribution n'a pas été arrêtée pour ces deux créanciers privilégiés, l'ordonnance de renvoi n'ayant été précédée que par un état provisoire de distribution ;

1° -La CAR

La CAR soutient que les dispositions de l'article 1938 du Code civil, sans qu'elles aient été modifiées par l'ordonnance-loi n° 663 du 23 mai 1959, n'ont pas abrogé celles de l'article 42 de la loi n° 455 du 27 juin 1947, au regard desquelles elle serait admise au cinquième rang des privilèges pour sa créance de cotisations de retraite, intérêts et majorations de retard ;

Il résulte cependant des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance-loi n° 663 du 23 mai 1959 que :

« Les dispositions résultant de la présente ordonnance complètent, en ce qui concerne les intérêts et majorations réglementaires de cotisations, les prescriptions des articles 42 de la loi n° 455 du 27 juin 1947, 23 de la loi n° 595 du 15 juillet 1954, 8 de la loi n° 595 du 15 juillet 1954, 8 de la loi n° 463 du 6 août 1947 complétée par la loi n° 611 du 11 avril 1956, 7 de la loi n° 637 du 11 janvier 1958 ; elles abrogent et remplacent, quant au rang des créances privilégiées sur la généralité des meubles, les stipulations contraires contenues dans ces mêmes articles ainsi qu'à l'article 33 de la loi du 11 janvier 1958 » ;

De telles dispositions apparaissent, de manière claire et non équivoque, substituer le privilège de sixième rang désormais institué à l'article 1938-6 du 2 du Code civil, à l'ancien rang prévu dans la loi n° 455, dont les dispositions sont de ce chef abrogées ;

La CAR bénéficie donc, pour les cotisations, intérêts et majorations de retard dus pour l'année courante et celle échue du privilège de sixième rang, ainsi que l'a à bon droit constaté le juge commissaire, dont l'analyse détaillée des différents exposés des motifs corrobore formellement cette interprétation ;

2° - La CCPB

La CCPB a produit au rang de superprivilège, par subrogation aux salariés, en ce qui concerne leurs congés à concurrence de 83 479,51 francs et à titre privilégié pour le solde de 20 869,88 francs ;

Elle n'a cependant été admise provisoirement pour la totalité de sa créance qu'avec le bénéfice du privilège de sixième rang prévu par l'article 1938 du Code civil ;

Dans le cadre de la présente instance, la CCPB soutient que les indemnités de congés payés versées aux salariés doivent être assimilées à des salaires et qu'elle bénéficie donc du superprivilège prévu à l'article 1938-5 du Code civil ;

Il résulte cependant des dispositions de l'article 1938-6 alinéa 3 que les cotisations, intérêts et majorations de retard dus aux caisses de congés payés pour l'année échue et l'année courante bénéficient du seul privilège de sixième rang ;

Ainsi que l'a justement relevé le juge commissaire, les cotisations dues à cette caisse ne peuvent être assimilées aux indemnités de congés payés dues aux salariés, alors que par ailleurs qu'aucune subrogation dans les droits des salariés ne bénéficie audit organisme ;

Il s'ensuit que la créance du CCPB est garantie par le privilège de sixième rang de l'article 1938 du Code civil ;

3° - La société Europa Assurances

La compagnie Europa Assurances - assureur-loi de P. B. - a été admise provisoirement pour sa créance de cotisations obligatoires et accessoires dues pour l'année échue et l'année courante, avec le bénéfice de privilège de sixième rang ;

Les caisses demanderesses font valoir que l'article 1938 du Code civil ne prévoit la reconnaissance d'un privilège de sixième rang qu'à la créance de l'établissement d'assurance en paiement du capital, correspondant aux rentes et pensions dont il doit assurer le service en exécution d'un jugement rendu en application de l'article 42 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 sur les accidents du travail ;

Cependant l'article 1938-6 du Code civil comprend plusieurs paragraphes dont le premier - totalement autonome des suivants - englobe « Les cotisations, intérêts et majorations de retard, dus en vertu des textes qui les régissent, pour l'année échue et l'année courante, aux organismes ou aux institutions particulières agréées, chargés d'assurer, soit le service des prestations sociales de toute nature ou des pensions de retraite, soit la prévention médicale du travail, soit encore un complément de la répartition pécuniaire des accidents du travail » ;

Il résulte de ce texte que la créance de cotisations de l'assureur-loi bénéficie également du privilège de sixième rang édicté à l'article 1938-6 du Code civil, ainsi que l'a à bon droit décidé le juge commissaire.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

La Caisse de Compensation des Services Sociaux, en abrégé CCSS, la Caisse Autonome des Retraites, en abrégé CAR, la Caisse D'Assurance Maladie, Accident Maternité des Travailleurs Indépendants, en abrégé CAMTI et la Caisse Autonome des Retraites des Travailleurs Indépendants, en abrégé CARTI, formaient régulièrement opposition sur la somme de 100 000 francs représentant le prix de vente des éléments commerciaux attachés au fonds artisanal de maçon-carreleur que P. B. exploitait à Monaco, cédés à D. B., suivant acte reçu le 4 mars 1999 par Maître Paul-Louis Aureglia, notaire ;

Le 6 juin 2000, le juge commissaire de la distribution par contribution désigné par ordonnance présidentielle du 25 mai 2000 convoquait les créanciers opposants et le débiteur, lesquels ne parvenaient pas à un accord sur la répartition du prix ;

À défaut de règlement amiable, le juge commissaire dressait le 22 septembre 2000 un procès-verbal d'ouverture de distribution par contribution et invitait les créanciers opposants à produire leur titre de créance par application des dispositions des articles 730 et suivants du Code de procédure civile ;

Le juge commissaire constatait qu'il était dès lors justifié des créances suivantes :

« La Caisse des Congés Payés du Bâtiment (CCPB) :

  • un solde de cotisations impayées pour.... 72 404,15 francs

  • outre des intérêts pour............... 27 505,26 francs

  • et des majorations pour............... 13 140,78 francs

Soit un total de............... 113 050,19 francs

La Caisse de Compensation des Services Sociaux (CCSS) :

A - À titre privilégié pour la période ayant couru de janvier à juin 1999

  • un solde de cotisations impayées pour.... 48 738,30 francs

  • outre des intérêts pour............... 3 924,68 francs

  • et des majorations de retard pour............. 4 873,90 francs

Soit un total de.............. 57 537,88 francs

B - À titre chirographaire pour les périodes antérieures

  • un solde de cotisations impayées pour.... 5 724,75 francs

  • outre des intérêts pour............... 5 014,02 francs

  • et des majorations de retard pour............ 11 454,94 francs

Soit un total de................ 23 683,80 francs

La Caisse Autonome des Retraites (CAR) :

A - À titre privilégié pour la période ayant couru de janvier à juin 1999

  • un solde de cotisations impayées pour.... 35 022,58 francs

  • outre des intérêts pour............... 2 498,10 francs

  • et des majorations de retard pour............ 3 502,23 francs

Soit un total de................. 41 022,91 francs

B - À titre chirographaire pour les périodes antérieures

  • des intérêts pour............... 3 686,57 francs

  • et des majorations de retard pour............ 8 983,29 francs

Soit un total de................. 13 971,09 francs

La Caisse Autonome des Retraites des Travailleurs Indépendants (CARTI) :

A - À titre privilégié pour la période ayant couru de janvier à juin 1999

  • un solde de cotisations impayées pour.... 8 743,68 francs

  • outre des intérêts pour............... 480,81 francs

Soit un total de............... 9 224,49 francs

B - À titre chirographaire pour les périodes antérieures

  • des cotisations pour............... 4 371,84 francs

  • et des intérêts pour............... 43,41 francs

Soit un total de............... 4 415,55 francs

La Caisse d'Assurance Maladie Accident Maternité des Travailleurs Indépendants (CAMTI) :

À titre privilégié

  • un solde de cotisations impayées pour.... 8 550,00 francs

  • outres des intérêts pour............... 470,25 francs

  • et des majorations de retard pour............ 855,00 francs

Soit un total de............... 9 875,25 francs

L'Association Générale des Retraites par Répartition (AGRR) :

  • des cotisations en vue de la retraite pour. 72 647,46 francs

  • état de frais et dépens............... 7 459,00 francs

Soit un total de............... 80 106,46 francs

La société Europa Assurances :

À titre privilégié

  • des primes dues au titre de contrats » accidents du travail « n° 99050053, pour la période ayant couru du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, et 99010063 pour la période ayant couru du 1er janvier au 31 décembre 1999 soit 42 413,52 francs » ;

Le 1er décembre 2000, le juge commissaire arrêtait un état provisoire de distribution qui était dénoncé aux créanciers le 6 décembre 2000 ;

Le 26 décembre 2000, la CCSS, la CAR, la CAMTI et la CARTI formaient contredit à l'encontre de cet état provisoire et le juge commissaire, faisant application des dispositions de l'article 737 du Code de procédure civile, rendait le 8 janvier 2001 une ordonnance de renvoi à l'audience du Tribunal ;

Suivant exploit du 8 février 2001, ces créanciers contestants faisaient assigner la CCPB, l'AGRR et la société Europa Assurances, autres créanciers, ainsi que P. B., débiteur, à l'effet de se voir :

• donner acte de leur contredit,

• recevoir en leurs demandes de collocation sur la somme de 100 000 francs,

• s'entendre ainsi la créance de la CAR, d'un montant de 41 022,91 francs représentant les cotisations, intérêts et majorations, frais et dépens pour la période des mois de janvier à juin 1999 et mise à jour au 30 septembre 1999, admise au cinquième rang des privilèges de l'article 1938 du Code civil avec toutes conséquences de droit,

• s'entendre les créances de :

  • la CCSS, soit la somme de 57 537,88 francs, représentant les cotisations, intérêts et majorations, frais et dépens pour la période des mois de janvier à juin 1999 et mise à jour au 30 septembre 1999,

  • la CAMTI, soit la somme de 9 875,25 francs, représentant les cotisations, intérêts et majorations, pour la période des mois de janvier à mars 1999 et avril à juin 1999 et mise à jour au 31 août 1999,

  • et de la CARTI, soit la somme de 9 224,49 francs, représentant les cotisations et intérêts pour la période des mois de janvier à mars 1999, avril à juin 1999 et mise à jour au 31 août 1999,

admises au sixième rang du privilège de l'article 1938 du Code civil avec toutes conséquences de droit,

• s'entendre dire et juger que conformément à l'article 738 du Code de procédure civile, l'affaire sera renvoyée devant le juge commissaire afin qu'il clôture son procès-verbal,

• s'entendre dire la Caisse des Dépôts et Consignations tenue de payer aux requérantes le montant des collocations réservées sur les sommes dont elle est dépositaire,

• condamner les requis aux entiers dépens de l'instance ;

Au soutien de cette assignation, les créanciers opposants estiment que la CAR doit être admise au cinquième rang des privilèges de l'article 1938 du Code civil et ce, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 455 du 27 juin 1947 ;

P. B. a déclaré s'en rapporter à justice ;

La CCPB entend pour sa part être admise définitivement pour un montant de 104 349,39 francs, dont 83 479,51 francs au rang de superprivilège, soit le cinquième rang, et au même rang que la créance du congés payés pour les salariés conformément à l'article 475 du Code de commerce, le solde de 20 869,88 franc demeurant au sixième rang ; ledit organisme accepte par ailleurs le principe que les cotisations CAR soient admises pour 41 022,91 francs au cinquième rang des privilèges de l'article 42 de la loi n° 455 du 27 juin 1947, sous la réserve qu'il en soit de même pour les congés payés sur la créance de la CCPB, soit la somme de 83 479,51 francs ;

Dans l'hypothèse où lesdites créances ne seraient pas reconnues au cinquième rang, la CCPB demande que soit entérinée la répartition prononcée par le juge commissaire, en proportion des créances respectives, à savoir :

• CCPB............... 32 %

• AGRR............... 22,68 %

• CCSS............... 16,29 %

• Europa Assurances............... 12,01 %

• CAR............... 11,61 %

• CAMTI............... 2,80 %

• CARTI............... 2,61 %

La société Europa Assurances, rappelant sa qualité d'assureur-loi de P. B. et sa créance chiffrée à 42 413,52 francs garantie par le privilège de l'article 1938 alinéa 6 du Code civil, estime que l'analyse du juge commissaire doit être confirmée ;

Elle entend en effet voir le Tribunal de première instance admettre sa demande de collocation sur la somme de 100 000 francs concernant sa créance de 42 413,52 francs et ce, au sixième rang des privilèges ;

Elle entend par ailleurs voir dire et juger que les créances de la CAR, de la CCSS, de la CAMTI et de la CARTI devront être également admises au sixième rang des privilèges de l'article 1938 avec toutes conséquences de droit ;

L'AGRR conclut au débouté des organismes sociaux demandeurs de leurs prétentions et à l'admission de la CAR au sixième rang des privilèges de l'article 1938 du Code civil, en faisant de ce chef valoir que l'article 42 de la loi n° 455 invoqué par la CAR a été abrogé par l'ordonnance-loi n° 663 du 23 mai 1959 ayant modifié l'article 1938 du Code civil ;

Les créanciers opposants, à savoir la CCSS, la CAR, la CAMTI et la CARTI, demandent au Tribunal de :

• rejeter la demande d'admission de la créance de la CCPB au rang de superprivilège, soit le cinquième rang,

• rejeter la demande d'admission de la créance de la société Europa Assurances à titre privilégié du sixième rang,

• rejeter l'ensemble des demandes d'admission à titre privilégié du sixième rang relatives aux créances portant sur des périodes antérieures au 1er janvier 1999,

• si par impossible, le Tribunal devait néanmoins, et en dépit de l'article 1938-6 du Code civil, admettre que les créances relatives à des périodes antérieures au 1er janvier 1999 peuvent bénéficier d'un privilège, d'admettre les organismes requérants en leur demande de collocation à titre privilégié du sixième rang pour les créances suivantes, produites à l'origine à titre chirographaire, par précaution :

  • CCSS : la somme de 23 683,80 francs représentant les cotisations, intérêts et majorations, frais et dépens pour la période du mois de novembre 1997, janvier à juillet 1998 et septembre à octobre 1998, décembre 1998 et mise à jour au 31 décembre 1998,

  • CAR : la somme de 13 971,09 francs représentant les intérêts et majorations, frais et dépens pour la période du mois de novembre 1997, janvier à juillet 1998 et septembre à octobre 1998, décembre 1998 et mise à jour au 31 décembre 1998,

  • CARTI : la somme de 4 415,55 francs représentant les cotisations et intérêts pour la période des mois d'octobre à décembre 1998 ;

Au soutien de leurs prétentions, ces organismes font valoir pour l'essentiel :

• s'agissant de la créance de la CCPB, que cette caisse assimile les cotisations qui lui sont dues aux congés payés dus aux salariés alors qu'il s'agit en l'espèce de cotisations sociales non payées relevant du sixième rang des privilèges pour les années 1999 et 2000,

• s'agissant de la créance de l'AGRR, la même réserve est formulée quant aux sommes réclamées et au rang invoqué,

• en ce qui concerne la créance de la société Europa Assurances (qui correspondrait à des primes d'assurances non réglées en couverture du risque accident du travail), le privilège de l'article 1938 alinéa 6 ne leur apparaît pas applicable à l'assureur-loi, lequel ne pourrait en bénéficier que pour les créances en paiement du capital correspondant aux rentes et pensions dont il doit assurer le service ;

La société Europa Assurances, répliquant à ces dernières conclusions des caisses demanderesses, estime que celles-ci se livrent à une lecture sélective et erronée de l'article 1938-6 du Code civil, composé de quatre paragraphes indépendants et non exclusifs les uns des autres ;

Elle en déduit que l'assureur-loi peut bénéficier du privilège de sixième rang pour la créance prévue au premier paragraphe de l'article 1938-6 du Code civil relatif aux cotisations, intérêts et majorations de retard ;

Le juge commissaire, selon rapport daté du 14 janvier 2002, a pour sa part déclaré se référer à l'état provisoire de distribution alors que le Procureur général a indiqué le 21 janvier 2002 s'en rapporter à justice ;

Sur ce :

Attendu qu'en l'état du contredit formalisé par les caisses opposantes, repris dans sa forme et teneur par l'acte introductif d'instance, il convient de déterminer si la CAR peut ou non voir sa créance admise au cinquième rang des privilèges de l'article 1938 du Code civil, dans la rédaction de cet article antérieure à la loi n° 1236 du 2 juillet 2001 intervenue postérieurement aux productions litigieuses ;

Attendu par ailleurs qu'il y a lieu également de réexaminer le cas des créances de la société Europa Assurances, remises en cause par les co-demanderesses, et de la CCPB qui émet une contestation, étant en effet précisé que la contribution n'a pas été arrêtée pour ces deux créanciers privilégiés, l'ordonnance de renvoi n'ayant été précédée que par un état provisoire de distribution ;

1° - La CAR

Attendu que la CAR soutient que les dispositions de l'article 1938 du Code civil, sans qu'elles aient été modifiées par l'ordonnance-loi n° 663 du 23 mai 1959, n'ont pas abrogé celles de l'article 42 de la loi n° 455 du 27 juin 1947, au regard desquelles elle serait admise au cinquième rang des privilèges pour sa créance de cotisations de retraite, intérêts et majorations de retard ;

Attendu qu'il résulte cependant des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance-loi n° 663 du 23 mai 1959 que :

« Les dispositions résultant de la présente ordonnance complètent, en ce qui concerne les intérêts et majorations réglementaires de cotisations, les prescriptions des articles 42 de la loi n° 455 du 27 juin 1947, 23 de la loi n° 595 du 15 juillet 1954, 8 de la loi n° 595 du 15 juillet 1954, 8 de la loi n° 463 du 6 août 1947 complétée par la loi n° 611 du 11 avril 1956, 7 de la loi n° 637 du 11 janvier 1958 ; elles abrogent et remplacent, quant au rang des créances privilégiées sur la généralité des meubles, les stipulations contraires contenues dans ces mêmes articles ainsi qu'à l'article 33 de la loi du 11 janvier 1958 » ;

Attendu que de telles dispositions apparaissent, de manière claire et non équivoque, substituer le privilège de sixième rang désormais institué à l'article 1938-6 alinéa 2 du Code civil à l'ancien rang prévu dans la loi n° 455, dont les dispositions sont de ce chef abrogées ;

Attendu que la CAR bénéficie donc, pour les cotisations, intérêts et majorations de retard dus pour l'année courante et celle échue du privilège de sixième rang, ainsi que l'a à bon droit constaté le juge commissaire, dont l'analyse détaillée des différents exposés des motifs corrobore formellement cette interprétation ;

2° - La CCPB

Attendu que la CCPB a produit au rang de superprivilège, par subrogation aux salariés, en ce qui concerne leurs congés à concurrence de 83 479,51 francs et à titre privilégié pour le solde de 20 869,88 francs ;

Qu'elle n'a cependant été admise provisoirement pour la totalité de sa créance qu'avec le bénéfice du privilège de sixième rang prévu par l'article 1938 du Code civil ;

Attendu que dans le cadre de la présente instance, la CCPB soutient que les indemnités de congés payés versées aux salariés doivent être assimilées à des salaires et qu'elle bénéficie donc du superprivilège prévu à l'article 1938-5 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte cependant des dispositions de l'article 1938-6 alinéa 3 que les cotisations, intérêts et majorations de retard dus aux caisses de congés payés pour l'année échue et l'année courante bénéficient du seul privilège de sixième rang ;

Attendu qu'ainsi que l'a justement relevé le juge commissaire, les cotisations dues à cette caisse ne peuvent être assimilées aux indemnités de congés payés dues aux salariés, alors par ailleurs qu'aucune subrogation dans les droits des salariés ne bénéficie audit organisme ;

Qu'il s'ensuit que la créance de la CCPB est garantie par le privilège de sixième rang de l'article 1938 du Code civil ;

3° - La société Europa Assurances

Attendu que la compagnie Europa Assurances - assureur-loi de P. B. - a été admise provisoirement pour sa créance de cotisations obligatoires et accessoires dues pour l'année échue et l'année courante, avec le bénéfice de privilège de sixième rang ;

Attendu que les caisses demanderesses font valoir que l'article 1938 du Code civil ne prévoit la reconnaissance d'un privilège de sixième rang qu'à la créance de l'établissement d'assurance en paiement du capital correspondant aux rentes et pensions dont il doit assurer le service en exécution d'un jugement rendu en application de l'article 42 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 sur les accidents du travail ;

Attendu cependant que l'article 1938-6 du Code civil comprend plusieurs paragraphes dont le premier - totalement autonome des suivants - englobe « Les cotisations, intérêts et majorations de retard, dus en vertu des textes qui les régissent, pour l'année échue et l'année courante, aux organismes ou aux institutions particulières agréées, chargés d'assurer, soit le service des prestations sociales de toute nature ou des pensions de retraites, soit la prévention médicale du travail, soit encore un complément de la répartition pécuniaire des accidents du travail » ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la créance de cotisations de l'assureur-loi bénéficie également du privilège de sixième rang édicté à l'article 1938-6 du Code civil, ainsi que l'a à bon droit décidé le juge commissaire ;

Attendu enfin, s'agissant du privilège de sixième rang précédemment reconnu à certaines des créances produites, qu'il doit être précisé que celui-ci ne s'appliquera qu'aux créances relatives à l'année échue (1999) et à l'année courante (2000) et non à des périodes antérieures, ainsi que l'observent justement les caisses demanderesses ;

Attendu qu'il y a en conséquence lieu de confirmer intégralement l'état provisoire de distribution établi le 1er décembre 2000 par le juge commissaire et de renvoyer l'affaire devant ce magistrat conformément aux dispositions de l'article 738 du Code de procédure civile à l'effet de lui permettre de clôturer son procès-verbal ;

Attendu que les dépens suivent la succombance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Et ceux retenus par le juge commissaire :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Vu l'ordonnance de renvoi en date du 8 janvier 2001,

Déboute les créanciers contestants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Confirme l'état provisoire de distribution dressé le 1er décembre 2000 par le juge commissaire ;

Renvoie la procédure devant ce magistrat pour qu'il soit fait application des dispositions de l'article 738 du Code de procédure civile.

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Michel, Escaut, av. déf., Morel, av. bar. de Nice.

Note🔗

Ce jugement est devenu définitif.

  • Consulter le PDF