Tribunal de première instance, 22 février 2001, SNC A.-G. et G. c/ Commune de Monaco

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Abstract🔗

Commune

Domaine public communal - Convention d'occupation précaire et révocable non-renouvellement de la convention expirée - Action indemnitaire de l'occupant contre la commune - Rejet de la demande : absence de faute de la commune

Responsabilité communale

Domaine public communal - Action indemnitaire de l'occupant contre la commune - Rejet : absence de faute de la commune

Résumé🔗

Le Tribunal de première instance est saisi d'une action indemnitaire en réparation du préjudice économique et commercial lié à l'expiration d'une convention d'occupation d'un local de traiteur non renouvelée, action intentée par la société en nom collectif contre la Commune de Monaco.

Ce préjudice ne saurait être indemnisé qu'à la condition qu'il soit établi que la Commune ait commis une faute en mettant fin à l'occupation des lieux.

Il résulte des pièces produites que la convention d'occupation du domaine public concernant le stand de traiteur et ses annexes est venue à expiration le 15 mai 1999 sans que la SNC n'ait présenté une nouvelle demande d'autorisation d'occupation.

Aucun élément ne vient étayer les allégations de cette société relativement au caractère complémentaire de cette exploitation avec celle d'un restaurant qu'elle tient, dans le même immeuble mais à un niveau différent, en vertu d'une autre convention d'occupation ; la signature de deux conventions distinctes fait au demeurant présumer de l'indépendance de ces deux activités commerciales ; par ailleurs la lettre du 3 juillet 1998, fixant la redevance annuelle pour le renouvellement des locaux abritant le restaurant, exclut toute confusion avec la redevance relative au local de traiteur puisque l'addition de ces deux redevances est supérieure au montant proposé dans ladite lettre.

Ainsi il n'apparaît pas que la commune ait commis une faute en n'ayant pas à nouveau autorisé la SNC à occuper les lieux, lorsque la convention relative à ces locaux est venue à expiration le 15 mai 1999, étant souligné que l'autorisation n'avait été accordée qu'à titre précaire et révocable ; il s'en suit qu'il ne saurait être fait droit à la demande de dommages-intérêts formée par la SNC


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Par ordonnance du 11 janvier 2000, le juge des référés de ce siège, saisi par la commune de Monaco d'une demande visant à obtenir la libération de locaux - consistant, d'une part, en un stand n° 2 de traiteur et deux emplacements de parkings annexes, d'autre part, en des locaux à usage de restaurant et ses dépendances situés au 2e étage et 2e sous-sol de l'immeuble - occupés à des fins d'exploitation commerciale par la société en nom collectif A.-G. et G. (ci-après la SNC), a ordonné sous astreinte la libération du stand de traiteur et des parkings après avoir relevé que la convention d'occupation précaire concernant ces locaux était venue à expiration le 15 mai 1999, sans faire droit par ailleurs au surplus de la demande ;

Sur appel de cette ordonnance formé par la SNC, la Cour d'appel, par arrêt du 7 mars 2000 auquel il y a lieu de se reporter, a débouté la SNC des fins de son appel et confirmé l'ordonnance entreprise quant à l'expulsion de cette société ;

Par exploit du 20 janvier 2000, la SNC a fait assigner la commune pour qu'il soit jugé comme suit :

« Constater que la convention d'occupation s'est contractuellement reconduite pour une durée de trois ans sur la base de la lettre RAR du 3 juillet 1998 ;

Constater que les termes de la lettre de Madame le Maire de Monaco en date du 2 mars 1999 sont entachés d'irrégularité, d'erreurs et de faux motifs et la dire en conséquence nulle et sans portée ;

Constater que la Mairie de Monaco s'est livrée à des violations contractuelles graves notamment par dénaturation des dispositions de l'article 11 ayant entraîné la demande d'expulsion de la SNC ;

Condamner la Commune de Monaco à payer à la société requérante la somme de 300 000 frs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire en réparation des préjudices financiers, commerciaux et moraux subis par la SNC et les sieurs G. à titre personnel ;

Dire et juger que la Mairie de Monaco n'a jamais remis en question le renouvellement de la Convention portant sur le stand de traiteur n° 2 et des parkings dans sa lettre du 2 mars 1999 et que la SNC se trouve fondée à voir renouvelée la Convention d'occupation de ces locaux jusqu'au 15 mai 2002 (ensuite de l'avenant en date du 18 juillet 1996 - pièce adverse n° 3) ;

Constater pour le surplus que la lettre du 3 juillet 1998 porte renouvellement non seulement sur l'exploitation du restaurant L. P., mais également de façon implicite mais nécessaire du stand de traiteur au vu du loyer global qui y est mentionné ;

Constater que la Mairie de Monaco a encaissé le montant du loyer du premier trimestre 1999 pour les deux locaux, sans aucune opposition ni réserve ;

Condamner la Mairie de Monaco aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Brugnetti, avocat-défenseur sous sa due affirmation » ;

En dépit de la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance précitée le 11 janvier 2000, la SNC fait valoir, au soutien de ses demandes :

  • qu'à la date du 15 mai 1999 à laquelle la convention d'occupation du stand de traiteur est venue à échéance, elle était en droit de prétendre au renouvellement tacite de l'autorisation d'occupation pour une durée de trois ans,

  • qu'en s'opposant à ce renouvellement, la commune a engagé sa responsabilité et lui a occasionné un grave préjudice financier ;

  • que la commune ne saurait tirer prétexte d'un litige opposant les associés de la SNC pour justifier sa demande d'expulsion,

  • que la décision, prise d'autorité par le maire, d'établir une nouvelle convention d'occupation pour six mois est irrégulière,

  • que la procédure d'expulsion initiée à son encontre lui cause un grave préjudice commercial,

  • que la décision prise le 11 janvier 2000 par le juge des référés est critiquable ;

La commune a conclu le 13 juillet 2000 au rejet de l'ensemble de ces demandes, en se prévalant de l'ordonnance de référé confirmée en cause d'appel ;

Se portant demanderesse reconventionnelle, elle réclame à la SNC le paiement de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire et d'une indemnité, chiffrée à 61 428,18 francs, pour l'occupation indue de son domaine public pendant la période du 15 mai 1999 au 17 février 2000, date à laquelle la SNC a libéré les lieux ;

Après un rappel des faits de la cause, la commune observe que la SNC ne fait la preuve d'aucune faute qui lui serait imputable, d'autant qu'elle estime avoir légitimement usé de son droit de ne pas renouveler l'autorisation d'occupation des lieux, concédée à titre précaire et révocable ; elle se prévaut notamment des décisions rendues dans l'instance de référé et observe que celles-ci ont reçu exécution le 17 février 2000, date à laquelle la SNC a libéré les locaux de traiteurs et les parkings annexes ;

Pour soutenir ses demandes reconventionnelles, la commune estime que la SNC a engagé son action « sur des bases totalement erronées » et qu'elle s'est trouvée dès le 15 mai 1999 sans droit ni titre pour occuper les lieux, occasionnant ainsi à la collectivité publique un trouble illicite dont elle doit réparation sur la base des sommes dues en application de la convention d'occupation ;

En réponse, la SNC, en l'état des décisions de référé, déclare ne plus maintenir ses demandes relatives à la prolongation de la convention d'occupation concernant le stand de traiteur mais réitère sa prétention visant à obtenir paiement de la somme de 300 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Sur le préjudice commercial et économique invoqué, elle affirme que les gérants de la SNC, en sollicitant le renouvellement de la convention d'occupation relative au restaurant, entendaient obtenir également une autorisation pour le stand de traiteur ; elle prétend que les deux exploitations sont liées et complémentaires, la cuisine du restaurant réalisant les produits vendus par le traiteur, lequel était « une annexe en quelque sorte du self-service » ; elle affirme que le montant demandé le 3 juillet 1998 par lettre de la Mairie englobait les indemnités d'occupation des deux locaux, laissant ainsi croire à un renouvellement des deux conventions d'occupation ; elle reproche à la commune d'avoir saisi le prétexte d'un litige opposant les associés de la SNC pour initier les procédures en expulsion ; elle indique avoir été contrainte de démonter dans de brefs délais « l'infrastructure mobilière » et avoir perdu le bénéfice d'exploitation du local de traiteur, tout en étant maintenue dans une « incertitude procédurale » préjudiciable à ses intérêts ;

Sur quoi :

La demande principale,

Attendu que l'assignation introductive de la présente instance, lancée après la décision du juge des référés ordonnant la libération du local de traiteur et des emplacements de parkings annexes, avait essentiellement pour objet de remettre en cause cette décision et d'obtenir le renouvellement de l'autorisation d'exploiter ce local ;

Attendu que le Tribunal, prenant acte de ce que ces prétentions sont abandonnées dans le dernier état des écrits judiciaires de la SNC, constate qu'il n'est désormais saisi que d'une demande indemnitaire en paiement de dommages-intérêts destinée à réparer le préjudice économique et commercial lié à l'expiration de la convention d'occupation du local dans lequel était exploitée l'activité de traiteur ;

Attendu que ce préjudice ne saurait être indemnisé qu'à la condition d'établir que la commune a commis une faute en mettant fin à l'occupation des lieux ;

Attendu que la preuve d'une telle faute n'est pas rapportée en l'espèce ;

Attendu en effet qu'il résulte des pièces produites que la convention d'occupation du domaine public concernant le stand de traiteur et les emplacements de parkings est venue à expiration le 15 mai 1999 sans que la SNC n'ait présenté une nouvelle demande d'autorisation d'occupation ; qu'aucun élément ne vient étayer les allégations de cette société concernant le caractère complémentaire des deux exploitations, localisées à des niveaux différents de l'immeuble et occupant des superficies respectives d'environ 16 m2 et 546 m2 ; que la signature de deux conventions distinctes fait au demeurant présumer l'indépendance des activités commerciales ; que la lettre du 3 juillet 1998 fixant la redevance annuelle pour le renouvellement de l'occupation des locaux abritant le restaurant exclut toute confusion avec la redevance relative au local de traiteur puisque l'addition de ces deux redevances est supérieure au montant proposé dans ladite lettre ;

Attendu en définitive que la commune n'apparaît avoir commis aucune faute en n'ayant pas à nouveau autorisé la SNC à occuper les lieux lorsque la convention relative à ces locaux est venue à expiration le 15 mai 1999, étant au demeurant souligné que l'autorisation n'avait été accordée qu'à titre précaire et révocable ;

Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts formée par la SNC ;

La demande reconventionnelle,

Attendu qu'il est constant que, sans droit ni titre après la date du 15 mai 1999, la SNC a continué à occuper les lieux en se livrant à ses activités jusqu'au 17 février 2000, date de remise des clefs ;

Attendu que ce faisant, la SNC a commis une faute dont elle doit réparation, la commune étant fondée à être indemnisée du fait de l'occupation indue de ses locaux ;

Attendu que le décompte établi à ce titre par le receveur municipal le 18 juillet 2000 n'est pas contesté par la SNC ; qu'il procède au demeurant d'un calcul fondé sur le montant des redevances réglées en application de la convention et devant, à ce titre, être entériné dès lors qu'il répare équitablement le préjudice subi par la commune ;

Qu'ainsi, le montant des dommages-intérêts dus au titre des indemnités d'occupation - déduction faite d'une partie des redevances réglées pour la période du 16 mai au 30 juin 1999 - doit être fixé à la somme réclamée de 61 428,18 francs ;

Attendu que la SNC, en l'état de l'ordonnance du 11 janvier 2000 dont elle a fait appel le 17 janvier suivant, apparaît avoir fait preuve d'imprudence en saisissant le Tribunal d'une demande qu'elle a abandonnée après que la Cour d'appel se soit prononcée le 7 mars 2000 ;

Qu'en introduisant sa demande devant le Tribunal dans ces conditions, elle a commis une faute ayant contraint la commune à exposer des frais pour sa défense ; qu'au regard des éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose, il y a lieu d'arbitrer à 10 000 francs le montant des dommages-intérêts destinés à réparer ce préjudice ;

Attendu que la SNC qui succombe en ses prétentions doit supporter les dépens de l'instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant contradictoirement,

  • constate que la société en nom collectif A.-G. et G. n'a maintenu en dernier lieu que sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

  • Déboute la société A.-G. et G. de cette demande ;

Faisant partiellement droit aux demandes reconventionnelles,

  • Condamne la société A.-G. et G. à payer à la commune de Monaco la somme de 71 428,18 francs à titre de dommages-intérêts.

Composition🔗

M. Narmino prés. ; Mlle Le Lay prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti, Léandri av. déf.

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