Tribunal de première instance, 26 octobre 2000, P. c/ SCI du Jardin des Révoires, Société SOGEPROM

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Abstract🔗

Faillites

Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 - Incompétence de la juridiction monégasque (non) - Inapplicabilité de la convention si le failli n'a point de biens dans les deux pays - Rejet des exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité

Agent d'affaires

Réclamation d'honoraires - Preuve écrite du mandat (C. civ., art. 1188).

Résumé🔗

Sur la compétence de la juridiction monégasque :

La Société Promofrance, étant en redressement et liquidation judiciaires, par suite de diverses décisions juridictionnelles françaises, Me R. liquidateur, se prévalant des dispositions de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, soulève l'incompétence du Tribunal de première instance de Monaco, pour connaître de l'appel en garantie formé contre ladite société par la SCI du Jardin des Révoires et la Société Sogeprom, lesquelles ont été attraites par P. P. agent immobilier en paiement d'un complément de commissions.

Cependant, l'article 1 de cette convention prévoit que ses dispositions ne concernent que les faillites et liquidations de commerçants et sociétés ayant des biens dans les deux pays. Il n'est à cet égard nullement démontré, ni même allégué que la Société Promofrance, dont le siège social est à Nanterre, ait des biens en Principauté de Monaco, en sorte que l'applicabilité au présent litige de la convention monégasque susvisée n'est pas établie.

Par ailleurs, le tribunal relève que la Société Promofrance a été régulièrement attraite aux débats en la personne de son liquidateur Me R., lequel la représente valablement en l'état des décisions juridictionnelles françaises évoquées.

Les exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité soulevées par Me R. doivent donc être rejetées, étant précisé que les problèmes inhérents à la suspension des poursuites individuelles (art. 47 de la loi française du 25 janvier 1985) et à la forclusion pour défaut de déclaration (art. 53) sont étrangers aux débats, dès lors qu'il n'est pas justifié de l'inapplicabilité de la convention bilatérale sur la faillite. Ils seront le cas échéant soumis à la juridiction française compétente pour connaître du recouvrement des créances dont s'agit, s'agissant d'une société française en liquidation judiciaire.

Au fond :

Il résulte des pièces produites que suivant mandat exclusif du 21 janvier 1991, P. P., exploitant l'agence Landau, s'est vu confier par la Société Promofrance mission de négocier les lots 7, 9, 11 et 13 situés à Monaco.

Il est non moins constant qu'en suite des négociations, certains achats et échanges étaient réalisés et P. P. recevait le 19 décembre 1991 un courrier émanant de son mandant et cocontractant. Promofrance, au terme duquel il obtenait la rémunération d'une partie de son travail, outre la promesse du versement d'un solde d'honoraires inhérent à d'autres acquisitions en cours ; il se voyait également notifier dans la même lettre la fin du mandat de négociation relatif à l'opération des Révoires à compter du 21 décembre 1991.

S'agissant de l'acompte adressé par le mandant Promofrance, il s'avère que le chèque de 487 212 francs a été tiré le 21 décembre 1991 sur le compte bancaire de cette même société auprès du Crédit lyonnais et que cette somme a été déclarée au fisc.

En revanche s'agissant de la SCI du Jardin des Révoires, cette société n'a pour sa part été constituée que selon acte sous seing privé du 5 novembre 1991 (déposé au rang des minutes de Me Rey le 8 décembre 1991) entre les sociétés Promofrance et Sogecob, et n'a été immatriculée au répertoire spécial des sociétés civiles que le 27 novembre 1991.

Le mandat liant les parties et le droit à commission qui en résulte sont de nature civile, s'agissant d'opérations immobilières, en sorte que les règles de preuve sont celles de l'article 1188 du Code civil.

Il doit à cet égard être relevé que le seul écrit versé à la procédure faisant état d'un engagement contractuel s'avère être le mandat donné le 21 janvier 1991 par la Société Promofrance à P. P., aucune pièce de même nature qui engagerait la Société des Révoires envers le négociateur immobilier n'étant produite.

La signature des différentes promesses de vente ou d'échange s'est échelonnée de juin à août 1991, en sorte que la créance de P. P. ne pouvait concerner que la Société Promofrance, sa mandante et nullement une société dont la création n'interviendra que quelques mois plus tard, à savoir la SCI du Jardin des Révoires.

Il ne pourrait en être autrement que si les parties l'avaient expressément convenu, ce qui n'est pas le cas.

À cet égard les dispositions de l'article 1702 du Code civil n'apparaissent pas applicables, dès lors que la convocation liant P. à Promofrance ne contenait pas la stipulation que l'obligation était contractée pour le compte de la SCI du Jardin des Révoires, laquelle n'existait pas encore.

La preuve d'une délégation par changement de débiteur n'apparaît pas davantage rapportée, l'article 1123 du Code civil disposant que le créancier doit expressément déclarer qu'il entend décharger le débiteur opérant la délégation. En l'espèce, les faits démontrent, au contraire, d'une part, que le créancier ne décharge nullement Promofrance durant l'exécution du contrat les liant, alors d'autre part que cette société le paie partiellement avec ses fonds propres et lui offre le prochain règlement du solde de ses honoraires, sans se substituer pour l'avenir un autre débiteur en la personne de la SCI du Jardin des Révoires.

Il doit être déduit de l'ensemble des faits et circonstances ci-dessus relatés que la défenderesse à l'instance principale, la SCI du Jardin des Révoires, et sa gérante, la Société Sogeprom, ne sont nullement débitrices de P. P. au titre du solde de commission pouvant lui être dû.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

P. P. - qui exerce la profession d'agent immobilier - s'est vu confier selon mandat exclusif du 21 janvier 1991 donné par la société Promofrance représentée par M. L., la négociation de divers lots immobiliers, en vue d'une opération de remembrement de ces parcelles visant la création d'un seul immeuble ;

À la suite d'achats, d'échanges ou de dations en paiement, la négociation des lots était réalisée au cours de l'année 1991 et le mandataire P. P. réglé d'une partie de ses honoraires ;

À l'effet de faciliter les transactions, une nouvelle entité juridique, la SCI du Jardin des Révoires, était par ailleurs créée à l'initiative de la société Promofrance, qui en devenait la gérante ;

P. P. rencontrant certaines difficultés pour obtenir le règlement du solde de ses honoraires faisait, suivant exploit de Maître Notari du 25 octobre 1996, saisir-arrêter (en vertu d'une ordonnance du 23 octobre 1996 rendue par M. le président du tribunal de première instance) entre les mains de Maître Henry Rey, notaire, et de la SCI Rayon d'or, les sommes que ces derniers pouvaient détenir ou devoir à la SCI du Jardin des Révoires à hauteur de la somme de 3 100 000 francs ;

Par le même exploit, P. P. assignait la SCI du Jardin des Révoires et la société Sogeprom, prise en sa qualité de gérante de la SCI du Jardin des Révoires, à l'effet de voir :

• « déclarer bonne, régulière et valable la présente saisie-arrêt,

prononcer condamnation à rencontre de la SCI du Jardin des Révoires au paiement de la somme de trois millions cent mille francs montant auquel est évaluée provisoirement la créance du requérant en principal, frais et accessoires sauf à parfaire ou à diminuer,

dire que Maître Henry Rey et la SCI Rayon d'or pourront valablement se libérer entre les mains du requérant ou de l'huissier soussigné des sommes qu'ils détiennent pour le compte de la SCI du Jardin des Révoires et ce, jusqu'à concurrence de ladite somme,

condamner la SCI du Jardin, des Révoires aux entiers dépens » ;

La SCI du Jardin des Révoires et la société Sogeprom formaient toutefois une exception dilatoire d'appel en garantie à l'effet de voir attraire aux débats la société Promofrance qu'elles estiment seule débitrice du solde d'honoraires réclamé par P. P., son cocontractant ;

Suivant jugement avant-dire-droit en date du 19 mars 1998, le Tribunal de première instance autorisait cet appel en garantie et en fixait le délai à un mois ;

Par exploit du 16 avril 1998, la SCI du Jardin des Révoires et la société Sogeprom faisaient assigner la société Promofrance, prise en la personne de son liquidateur, et P. P., à l'effet de :

• « ordonner la jonction de la présente instance avec celle introduite par l'exploit d'huissier en date du 25 octobre 1996 par Monsieur P. P.,

donner acte de leurs plus expresses réserves de contester les moyens dudit Monsieur P. P. et de l'ensemble des présents requis,

dire et juger que la société Promofrance SA devra intervenir à l'instance pendante par devant le Tribunal de première instance, introduite par exploit d'huissier du 25 octobre 1996 pour fournir toutes explications utiles qu'il appartiendra,

dire et juger que la société Promofrance SA devra relever et garantir les requérantes des condamnations qui pourraient, par impossible, être prononcées à leur encontre » ;

La société Promofrance n'ayant pas comparu, la réassignation était ordonnée et sur nouvel exploit du 4 juin 1998, les deux défendeurs comparaissaient ;

Au soutien de ses prétentions, P. P. fait pour l'essentiel valoir les éléments suivants :

• il n'aurait pour sa part traité qu'avec la SCI du Jardin des Révoires, promotrice de l'opération immobilière projetée et maître d'œuvre de cette réalisation,

• à supposer que la société Promofrance se soit comportée comme le gérant de la SCI du Jardin des Révoires, cette dernière n'en serait pas moins sa débitrice au titre des commissions dues,

• la SCI du Jardin des Révoires tente de rejeter ses propres obligations sur la société Promofrance, laquelle est en liquidation judiciaire et n'a donc aucun actif,

• en fait, ce serait bien la seule SCI du Jardin des Révoires qui a passé les actes notariés définitifs d'acquisition ou d'échange,

• des notes d'honoraires étaient établies par Promofrance (signées par M. L. pour l'essentiel) puis adressées à la SCI du Jardin des Révoires au titre du paiement des commissions d'intermédiaire,

• la SCI du Jardin des Révoires était donc non seulement concernée mais bénéficiaire des interventions et travaux effectués par P. P., en sorte qu'il s'estime fondé à lui réclamer le paiement du solde de ses honoraires, sans avoir à produire à la faillite de Promofrance, simple intermédiaire dans les tractations, au même titre que les divers gérants successifs de la SCI du Jardin des Révoires (comme L., G., Sogeprom) ;

P. P. estime en définitive qu'il lui est dû, sous déduction de l'acompte payé de 487 212 francs, une somme résiduelle de 2 115 705, 40 francs, laquelle porte intérêts depuis la sommation de payer du 8 décembre 1991 et s'élèverait à ce jour à 3 100 000 francs ;

Il entend également voir constater qu'il ne forme qu'aucune demande de paiement à rencontre de Promofrance qui n'a jamais agi qu'en qualité de gérant de la SCI du Jardin des Révoires et sollicite l'octroi d'une somme complémentaire de 20 000 francs de dommages-intérêts par la SCI du Jardin des Révoires, eu égard au préjudice causé par sa mauvaise foi manifeste et sa volonté abusive de se soustraire à ses obligations ;

La SCI Rayon d'or, tiers-saisie, a déclaré ne détenir aucune somme, derniers ou valeurs pouvant revenir à la SCI du Jardin des Révoires tandis que l'autre tiers-saisi, Maître Henry Rey, notaire à Monaco, a pour sa part indiqué qu'il détenait pour le compte de la SCI du Jardin des Révoires la somme de 2 800 000 francs ;

La SCI du Jardin des Révoires et sa gérante la société Sogeprom exposent quant à elles que :

• la société Promofrance a seule engagé une opération de promotion immobilière nécessitant le remembrement de plusieurs parcelles,

• Elle a confié le 21 janvier 1991 un mandat exclusif à Monsieur P. P., agent immobilier représentant l'agence Landau, pour négocier les lots n° 7, 9, 11 ; étant précisé à l'acte que l'opération formant un tout, chacune de ces quatre ventes était soumise à la condition suspensive mutuelle de la vente des trois autres,

• À la suite d'achats, d'échanges ou de dations en paiement, la négociation des lots situés au n° 7 (immeuble « ... »), au n° 9 (immeuble « ... ») et au n° 11 (villa « ... », propriété de Maître C.) a été réalisée au cours de l'année 1991,

• Une fois ces opérations terminées, les parties n'étant pas parvenues à s'entendre sur le montant de la rémunération du mandataire, la société Promofrance a réglé par chèque bancaire sous la date du 19 décembre 1991, tiré sur son compte ouvert dans les livres du Crédit lyonnais (agence Boulogne 92), au nom de l'agence Landau, la somme de 487 212 francs correspondant à :

1 - Échange entre la SCI Priest et la SCI du Jardin des Révoires portant sur un studio situé au Giotto, donné en paiement du Studio de ..., propriété de la SCI Priest,

Montant de la transaction : 2 370 000 FF

Honoraires dus à 8 % + TVA : 231 866 FF

2 - Échange entre M. P. et la SCI du Jardin des Révoires portant sur un studio au Giotto, donné en paiement du studio de ..., propriété de M. P.,

Montant de la transaction : 2 150 000 FF

Honoraires dus à 8 % + TVA : 203 992 FF

3 - Acquisition de la villa « ... », propriété de M. V.,

Montant de la transaction : 13 000 000 FF

Commission perceptible HT : 1 040 000 FF

• par le même courrier Promofrance précisait :

« Par ailleurs, n'est pas dû, à l'heure actuelle, le montant des honoraires sur les autres acquisitions à savoir :

Transaction M. : l'acte notarié réitératif passé avec Madame M. est soumis à la condition suspensive formelle de l'octroi du permis de construire (de) l'opération projetée de telle sorte qu'au cas où ce permis de construire ne serait pas obtenu, la transaction serait nulle et non avenue.

Transaction SCI Cufra : la remarque est la même que précédemment, en y ajoutant qu'à l'heure actuelle, ni la clause de porte-fort de la signataire, ni l'acte réitératif notarié n'ont été signés.

En tout état de cause, du reste la transaction est également soumise à la condition suspensive de l'octroi du permis de construire de l'ensemble projeté, et par conséquent, ne prendra son effet qu'au moment de l'obtention de ce permis, il n'y a donc pas l'heure actuelle de la transaction passée » ;

Les sociétés défenderesses en déduisent les éléments suivants :

• bien que la société Promofrance ait créé une SCI du Jardin des Révoires pour réaliser une partie de ces opérations, elle a entendu en rester maître,

• seule la société Promofrance est débitrice des sommes réclamées, dès lors qu'elle est la mandante de P. P. et son unique cocontractante,

• elle a réglé le premier acompte sur son propre compte, par les soins de son gérant M. L., en son nom propre et nullement en qualité de gérante,

• la SCI du Jardin des Révoires ne s'est pas engagée envers P. P. et n'a souscrit aucune dette à son égard, aucun transfert ne pouvant intervenir sans l'accord exprès du créancier,

La SCI du Jardin des Révoires précise également que la procédure de redressement judiciaire de la société Promofrance est soumise à la loi française du 25 janvier 1985, au regard de laquelle le délai de production est venu à expiration, en sorte que la créance est désormais éteinte par forclusion ;

À titre subsidiaire, la SCI du Jardin des Révoires estime que P. P. est rempli de ses droits eu égard aux acomptes versés ;

Elle conclut en définitive au déboutement pur et simple de P. P. ;

Maître R., mandataire agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Promofrance, conclut pour sa part à l'incompétence de la juridiction monégasque au profit du Tribunal de commerce de Nanterre ;

Il rappelle l'évolution des procédures initiées en France :

• par jugement en date du 9 février 1994, le Tribunal de commerce de Nanterre a prononcé le redressement judiciaire de la société Egerit anciennement dénommée « Promofrance Développement SA » et la société SGI et a désigné Maître S. en qualité d'administrateur et Maître R. comme représentant des créanciers,

• par jugement en date du 29 juin 1994, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé le redressement judiciaire des sociétés Promofrance Holding - Promofrance - Athea - Promo-finance, SARL d'exploitation du Royal Regency, SCI 12 rue Parmentier - de la SCI Beaulieu - de la société Atrium Garden - de Monsieur J.-L. G., de Madame M. G. née D., de la société Promofrance Loisirs, de la société Granger et de la SCI Le Mendelssohn et de la SCI Saint Christophe, a désigné Maître S. en qualité d'administrateur et Maître R. comme représentant des créanciers,

• par jugement du 5 juillet 1994, le Tribunal de commerce de Nanterre a prononcé le redressement judiciaire des sociétés civiles immobilières Le 84 Bld de la Liberté, 88 rue Nationale, Place du marché aux poissons, Résidence Les Oyats 1, Frédéric Chopin, Résidence des Échevins, Moulin Basset et Diamantel et a désigné Maître S. en qualité d'administrateur et Maître R. comme représentant des créanciers,

• par jugement du 12 juillet 1994, le Tribunal de commerce de Nanterre a prononcé le redressement judiciaire de la SCI 91/H et la SCI 14, rue des Binelles et a désigné Maître S. en qualité d'administrateur et Maître R. comme représentant des créanciers,

• par jugement du 26 juillet 1994, le Tribunal de commerce de Nanterre a converti l'ensemble des procédures en liquidation judiciaire et joint les procédures avec confusion des patrimoines en désignant Maître R. en qualité de liquidateur ;

Il fait dès lors valoir :

• que la créance réclamée se fonde sur un contrat de mandat du 21 janvier 1991 et a donc pris naissance avant l'ouverture du redressement judiciaire de Promofrance (1994),

• que l'admission éventuelle au passif de cette créance relève de la compétence des juridictions du pays où la faillite a été déclarée et ce, par application de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950.

La SCI du Jardin des Révoires estime en réponse à cette exception que :

• le tribunal monégasque n'est pas appelé à statuer sur une question de procédure collective d'une société dont le siège est en France, devant seulement constater que la créance dont le paiement est poursuivi devant elle était due par cette société,

• eu égard à l'objet du litige, qui ne relève pas de la liquidation judiciaire de la société Promofrance, l'exception d'incompétence soulevée par Maître R. doit être, à l'évidence, rejetée,

• l'irrecevabilité fondée sur les articles 47 et 53 de la loi française du 25 janvier 1985 est hors débat, le Tribunal n'ayant pas été saisi de la question de l'admission des créanciers au passif de Promofrance ;

La SCI du Jardin des Révoires et la société Sogeprom entendent en conséquence voir rejeter les exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité soulevées par Maître R. et réitèrent quant au fond les termes de leurs précédents écrits judiciaires ;

Sur ce :

I - Sur la compétence des juridictions monégasques pour connaître de l'appel en garantie et de la recevabilité de cette mise en cause :

Attendu que la société Promofrance étant en redressement et liquidation judiciaires en suite de diverses décisions juridictionnelles françaises, Maître R., liquidateur, soulève l'incompétence du Tribunal de première instance de Monaco, en se prévalant des dispositions de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 ;

Attendu cependant que l'article 1 de cette convention prévoit que ses dispositions ne concernent que les faillites et liquidations de commerçants et sociétés ayant des biens dans les deux pays ;

Qu'il n'est à cet égard nullement démontré, ni même allégué que la société Promofrance, dont le siège social est à Nanterre, ait des biens en Principauté de Monaco, en sorte que l'applicabilité au présent litige de la convention franco-monégasque susvisée n'est pas démontrée ;

Attendu par ailleurs que le Tribunal de Monaco relève que la société Promofrance a été régulièrement attraite aux débats en la personne de son liquidateur Maître R., lequel la représente valablement en l'état des diverses décisions juridictionnelles françaises précédemment évoquées ;

Attendu que les exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité soulevées par Maître R. doivent donc être rejetées, étant précisé que les problèmes inhérents à la suspension des poursuites individuelles (article 47 de la loi française du 25 janvier 1985) et à la forclusion pour défaut de déclaration (article 53) sont étrangers aux débats, dès lors qu'il n'est pas justifié de l'applicabilité de la convention bilatérale sur la faillite ;

Qu'ils seront le cas échéant soumis à la juridiction française compétente pour connaître du recouvrement des créances dont s'agit, s'agissant d'une société française en liquidation judiciaire ;

II - Sur la jonction :

« Attendu qu'ainsi que l'a relevé le Tribunal de première instance dans son jugement avant-dire-droit du 19 mars 1998, » l'appréciation de l'ensemble des relations unissant entre eux le demandeur, la SCI du Jardin des Révoires et la société Promofrance paraît conforme à une bonne administration de la justice " ;

Qu'il est par ailleurs constant que l'instance principale et l'appel en garantie présentent entre elles un lien de connexité certain et qu'il est opportun de statuer sur chacune de ces instances par un seul et même jugement ;

Attendu qu'il y a en conséquence lieu de joindre les instances n° de rôle 266 (exploit du 25 octobre 1996) et nos de rôle 853 et 1011 (exploits d'assignation du 16 avril 1998 et de réassignation du 4 juin 1998) ;

III - Au fond :

Attendu qu'il résulte des pièces produites que suivant mandat exclusif du 21 janvier 1991, P. P., exploitant l'agence Landau, s'est vu confier par la société Promofrance mission de négocier les lots 7, 9, 11 et 13 situés à Monaco ;

Qu'il est non moins constant qu'en suite des négociations, certains achats et échanges étaient réalisés et P. P. recevait le 19 décembre 1991 un courrier émanant de son mandant et cocontractant, Promofrance, au terme duquel il obtenait la rémunération d'une partie de son travail, outre la promesse du versement d'un solde d'honoraires inhérent à d'autres acquisitions en cours ; qu'il se voyait également notifier dans la même lettre la fin du mandat de négociation relatif à l'opération des Révoires à compter du 21 décembre 1991 ;

Attendu par ailleurs, s'agissant de l'acompte adressé par le mandant Promofrance, que le chèque de 487 212 francs s'avère tiré le 21 décembre 1991 sur le compte bancaire de cette même société auprès du Crédit Lyonnais ;

Qu'en outre, cette société adressait à P. P. le 27 février 1992 un courrier l'avisant de ce qu'elle avait déclaré au fisc le versement de la somme susvisée, réglée au titre des honoraires ;

Attendu en revanche, s'agissant de la SCI du Jardin des Révoires, que cette société n'a pour sa part été constituée que selon acte sous seing privé du 5 novembre 1991 (déposé au rang des minutes de Maître Rey, notaire à Monaco, le 8 décembre 1991 ) entre les sociétés Promofrance et Sogecob, et n'a été immatriculée au répertoire spécial des sociétés civiles que le 27 septembre 1991 sous le numéro 91 SC ;

Attendu que le mandat liant les parties et le droit à commission qui en résulte sont de nature civile, s'agissant d'opérations immobilières, en sorte que les règles de preuve sont celles de l'article 1188 du Code civil ; qu'il doit à cet égard être relevé que le seul écrit versé à la procédure faisant état d'un engagement contractuel s'avère être le mandat donné le 21 janvier 1991 par la société Promofrance à P. P., aucune pièce de même nature qui engagerait la société des Révoires envers ce négociateur immobilier n'étant produite ;

Attendu qu'il est par ailleurs constant que le droit à commission de P. P. a pris naissance dès la conclusion de l'affaire que son travail de négociation ou d'intermédiaire a permis ;

Qu'à cet égard, la signature des différentes promesses de vente ou d'échange s'est échelonnée de juin à août 1991, en sorte que la créance de P. P. ne pouvait concerner que la société Promofrance, sa mandante, et nullement une société dont la création n'interviendra que quelques mois plus tard, à savoir la SCI du Jardin des Révoires ;

Attendu qu'il ne pourrait en être autrement que si les parties l'avaient expressément convenu, ce qui n'est pas le cas ;

Qu'à cet égard, les dispositions de l'article 1702 du Code civil n'apparaissent pas applicables dès lors que la convention liant P. P. à Promofrance ne contenait pas la stipulation que l'obligation était contractée pour le compte de la SCI du Jardin des Revoires, laquelle n'existait au demeurant pas encore ;

Attendu que la preuve d'une délégation par changement de débiteur n'apparaît pas davantage rapportée, l'article 1123 du Code civil disposant que le créancier doit expressément déclarer qu'il entend décharger le débiteur opérant la délégation ; qu'en l'espèce, les faits démontrent au contraire d'une part que le créancier P. P. ne décharge nullement Promofrance durant l'exécution du contrat les liant, alors d'autre part que cette société le paye partiellement avec ses fonds propres et lui offre le prochain règlement du solde de ses honoraires, sans se substituer pour l'avenir un autre débiteur en la personne de la SCI du Jardin des Révoires ;

Attendu qu'il doit être déduit de l'ensemble des faits et circonstances ci-dessus relatés que la défenderesse à l'instance principale, la SCI du Jardin des Révoires, et sa gérante, la société Sogeprom, ne sont nullement débitrices de P. P. au titre du solde de commissions pouvant lui être dû ;

Qu'aucune demande n'étant formée par celui-ci à l'encontre de quelque autre partie à l'instance, il y a lieu de le débouter de l'ensemble de ses prétentions principales comme de sa demande complémentaire de dommages-intérêts et de donner mainlevée des saisies-arrêts pratiqués suivant exploit du 25 octobre 1996 entre les mains de Maître Rey et de la SCI Rayon d'or ;

Attendu qu'aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la SCI du Jardin des Révoires, l'appel en garantie dirigé contre la société Promofrance apparaît sans objet et doit être quant au fond rejeté ;

Attendu que P. P. doit être condamné aux entiers dépens de l'instance, étant observé que par son assignation dirigée à l'encontre de sociétés non débitrices il a rendu l'appel en garantie inévitable ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant contradictoirement,

  • Ordonne la jonction des instances n° de rôle 266 (exploit du 25 octobre 1996) et nos de rôle 853 et 1011 (exploits d'assignation du 16 avril 1998 et de réassignation du 4 juin 1998) ;

  • Se déclare compétent pour connaître de l'appel en garantie et déclare recevable les demandes qui en résultent ;

  • Déboute P. P. des fins de sa demande dirigée contre la SCI du Jardin des Révoires et la société Sogeprom ;

  • Déclare sans objet l'appel en garantie dirigé par ces sociétés contre la société Promofrance prise en la personne de son liquidateur, Maître R. ;

  • Donne mainlevée de saisies-arrêts pratiquées selon exploit du 25 octobre 1996 entre les mains de Maître Rey et de la SCI Rayon d'or.

Composition🔗

M. Narmino prés. ; Mlle Lelay prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti, Blot, Pasquier-Ciulla av. déf. ; Mullot av.

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