Tribunal de première instance, 25 mai 2000, C. c/ IET

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Abstract🔗

Procédure civile

Attestation - Nullité : défaut de mentions (CPC, art. 324-3° et 4°) (lien d'intérêt, intérêt au procès) - Contrat de travail - Rupture du contrat par le salarié - Préavis - Droit de l'employeur - Conditions

Résumé🔗

Sur la validité des attestations

L'attestation K. datée du 4 mars 1997 ne satisfait pas à l'article 324-3 du Code de procédure civile en ce que son auteur est muet sur l'existence ou l'absence de liens ou d'intérêt avec les parties ; elle doit donc être déclarée nulle par application de cet article.

La seconde attestation É. datée du 25 février 1998 ne précise pas si son auteur « a quelque intérêt au procès » ; qu'au sens de l'article 324-4 du Code de procédure civile, elle doit en conséquence également être déclarée nulle au voeu de la loi.

Sur la demande en paiement de trois mois de préavis.

L'article 8 de la loi n° 729 du 16 mars 1953 pose en principe que lorsque le travailleur dénonce le contrat, l'employeur est en droit de bénéficier d'un préavis d'une durée réduite de moitié, par rapport à celle profitant au salarié lorsque la rupture n'est pas de son fait, toute stipulation contraire étant déclarée nulle de plein droit.

Si le contrat de travail ayant uni les parties a prévu au profit du salarié un préavis de trois mois dès l'achèvement de la période d'essai d'une durée de trois mois également, il ne s'est pas prononcé sur le préavis dû à l'employeur en cas de démission. Ainsi, rien n'autorise à affirmer que dans l'hypothèse d'une rupture de contrat à l'initiative du salarié, celui-ci avait l'obligation d'observer un délai congé de cette même durée.

En conséquence la durée du préavis ne peut être appréciée en l'espèce qu'au regard de la loi, conformément au premier alinéa de l'article 7 de la loi n° 729 précitée.

Le deuxième alinéa de cet article n'édicte pas de droit de préavis en faveur du salarié lorsque son ancienneté dans l'entreprise est comme en l'espèce, inférieure à 6 mois ; il en résulte en la cause que le droit à préavis en faveur de l'employeur n'est pas reconnu par la loi, ainsi que l'a admis la société IET en cause d'appel.

Le salarié démissionnaire qui n'était pas tenu d'effectuer un préavis ne saurait en réclamer la contrepartie à son ancien employeur incompatible avec la démission qu'il a présentée.


Motifs🔗

Le Tribunal

Considérant les faits suivants :

Saisi par C. C. de demandes dirigées contre son ancien employeur, la société anonyme monégasque Institut d'Études Tertiaires (IET), tendant à obtenir paiement de trois mois de préavis (55 009,50 francs), de dommages-intérêts pour résistance abusive au paiement (25 000 francs) et d'une somme de 10 000 francs réclamée sur le fondement d'un texte français, le Tribunal du Travail, par jugement du 10 juillet 1997 auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits et circonstances de la cause, a débouté C. C. de ses demandes et, faisant partiellement droit à la demande reconventionnelle, l'a condamné à payer à la société IET, en réparation du préjudice subi du fait de C. C., la somme de 45 000 francs à titre de dommages-intérêts, outre les dépens de l'instance ;

Pour statuer ainsi, le Tribunal du travail a constaté que la démission de C. C. à compter du samedi 1er juin 1996 n'était pas contestée et qu'il appartenait au salarié d'apporter la preuve de ce que son employeur aurait refusé le lundi 3 juin 1996 qu'il accomplisse le préavis auquel il était tenu ; à cet égard, le Tribunal a relevé l'absence de tout élément de nature à accréditer sa thèse et l'a débouté de sa demande, qualifiée d'incongrue ;

Analysant la demande reconventionnelle de la société IET en paiement de la somme de 55 009,50 francs, correspondant aux salaires qui auraient dû être versés pendant les trois mois de préavis, le Tribunal du travail, tout en rappelant la règle édictée par l'article 8 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 qui dispose que la durée du délai-congé est réduite de moitié lorsque le travailleur prend l'initiative de dénoncer le contrat en réputant nulle toute disposition contraire, a considéré que l'employeur, qui n'était pas tenu de servir un préavis, ne pouvait exiger le versement de l'indemnité prévue par l'article 11 de la loi précitée ;

La société IET a donc été déboutée de sa demande de ce chef ;

En revanche, le Tribunal a estimé que la décision soudaine de démissionner de C. C. avait causé une désorganisation de l'entreprise, compte tenu de l'importance de ses fonctions et qu'en outre C. C. avait évoqué avec légèreté, au cours de la procédure, des éléments de nature à mettre en doute l'intégrité de la société IET, ouvrant droit pour celle-ci à des dommages-intérêts arbitrés à la somme de 45 000 francs ;

C. C. a régulièrement relevé appel, par l'exploit susvisé du 30 septembre 1997, de ce jugement qui lui a signifié le 22 septembre précédent ; il en poursuit l'infirmation et formule en cause d'appel les mêmes demandes qu'en première instance, en concluant au rejet de la demande reconventionnelle de la société IET et à la condamnation de cette société à une amende civile de 5 000 francs, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir « nonobstant appel » (sic) ;

C. C. a ultérieurement abandonné sa prétention du chef de l'amende civile et a demandé la condamnation de la société IET à lui payer 50 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices, cette somme ayant été portée en définitive à 100 000 francs ; La nullité de l'attestation K. a également été sollicitée ;

La société IET poursuit au contraire la confirmation du jugement du 10 juillet 1997 en ce qu'il a débouté C. C. de ses demandes et l'a condamné aux dépens ; formant appel incident du chef des dommages-intérêts, elle entend en voir élever le montant à 100 000 francs en réparation du préjudice causé par la brusque rupture du contrat et l'atteinte portée à son honneur et sa réputation ; elle réclame par ailleurs 50 000 francs de dommages-intérêts pour sanctionner la production aux débats d'une attestation mensongère et 30 000 francs supplémentaires pour appel abusif ; elle déclare acquiescer au chef du jugement relatif à la demande - qu'elle abandonne - en paiement d'un préavis de trois mois ;

Par la suite, la société IET a demandé le paiement de 150 000 francs à titre de dommages-intérêts « tous préjudices confondus » dont 50 000 francs réclamés « au titre du préjudice moral particulier eu égard aux accusations dont elle est victime » ; cette société a sollicité le rejet des débats, comme nulle, de l'attestation É. ; elle entend également voir dire que l'attestation K. est valable ;

Au soutien de leurs prétentions respectives, les parties ont fait valoir leurs moyens et arguments dans d'abondants écrits judiciaires auxquels le Tribunal entend faire référence ; pour l'essentiel, leurs thèses peuvent être ainsi résumées :

C. C. indique avoir remis sa démission, pour des « raisons impérieuses » le 31 mai 1996, après une activité de trois mois et demi au sein de la société IET, entre les mains de K. dans les locaux de la société Net Services ; il affirme s'être présenté dans les locaux de la société IET à huit heures le 3 juin 1996, y avoir rencontré K. et n'avoir pas obtenu de réponse de sa part quant à la conduite à tenir ;

Il explique avoir en conséquence posté une lettre recommandée avec demande d'avis de réception le même jour, dans laquelle il demandait des instructions de son employeur à propos du préavis ; Au fil de ses conclusions, C. C. indique que la société IET a manifesté le 3 juin un refus passif de le voir exécuter un préavis, son employeur ayant fait preuve d'indifférence à ce sujet, le plaçant ainsi dans l'impossibilité d'effectuer le préavis qu'il était prêt à exécuter ;

Il se prévaut de la second attestation É., dont il souligne la régularité, pour prétendre qu'il s'est bien rendu dans les locaux de la société IET le 3 juin 1996, nécessairement selon lui pour effectuer son préavis ; Il affirme que son employeur n'a pas manifesté son intention de le conserver à son service le 31 mai 1996, lui ayant au contraire demandé de restituer divers effets et de récupérer ses affaires personnelles, ce qui corroborerait sa version des faits ;

Observant que les prévisions contractuelles étaient plus favorables que les exigences légales en matière de préavis, il estime que la société IET lui doit trois mois de salaire à ce titre puisqu'elle a refusé qu'il accomplisse son travail pendant cette période ;

S'agissant de l'attestation K., il en demande la nullité pour non-conformité au Code de procédure civile et prétend en outre que la relation des faits qui y est contenue est mensongère, en observant que la société IET employait alors ce salarié de façon clandestine ;

C. C. conteste par ailleurs le préjudice invoqué par la société IET en indiquant qu'il était affecté au sein de l'entreprise Net Services lors de sa démission, en sorte que la société IET ne pourrait se plaindre de son départ ; Insistant sur la mauvaise foi de son adversaire, il estime justifiée la demande de dommages-intérêts qu'il soumet au Tribunal d'appel ;

La société IET affirme avoir été surprise par la brusque démission de C. C. qui occupait un poste à responsabilité dans l'entreprise et s'en est libéré contre toute attente ; Elle assure que C. C. ne s'est plus présenté sur les lieux de son travail après le 31 mai 1996 et analyse les divers courriers que les parties ont ensuite échangés ;

Selon l'attestation K. qu'elle reprend à son compte, C. C. ne l'a pas rencontré le 3 juin ni ultérieurement, les propos tenus par L. É. étant mensongers à cet égard ; La seconde attestation de cette personne est arguée de nullité au motif qu'elle ne mentionnerait pas l'existence d'un éventuel intérêt au procès ;

La société IET critique la position évolutive adoptée par C. C. dans ses écrits judiciaires et indique n'avoir jamais refusé qu'il accomplisse son préavis, en estimant tardive la proposition faite dans le courrier recommandée avec demande d'avis de réception qu'elle n'a reçu que le 7 juin 1996 ; Elle précise que le 31 mai, C. C. a remis spontanément les clés du véhicule et du bureau, en reprenant possession de ses effets personnels ;

Elle observe que C. C. ne prouve pas le refus qu'il allègue et s'interroge sur la nécessité de son départ, seulement motivé selon lui par une attitude de « silence et d'indifférence » ;

Acquiesçant à la décision des premiers juges selon lesquels C. C. n'était pas tenu à l'observation d'un délai-congé, elle maintient cependant avoir subi un préjudice du fait de la brusque rupture du travail par C. C., outre l'atteinte à son honneur qui résulterait de ce qu'il a prétendu, à tout le moins en première instance, qu'il aurait été contraint d'entreprendre « une démarche comptable non conforme à la déontologie » ; d'autres assertions et délations infondées sont également évoquées au titre du préjudice moral ;

Elle s'oppose en tout état de cause à la demande principale de C. C., observant qu'il n'est pas créancier mais débiteur d'un préavis et considère que sa prétention a été justement écartée par les premiers juges, aucune somme n'étant due ;

Elle estime que l'attestation K. est régulière pour contenir, au moins implicitement, toutes les mentions prévues par la loi ;

Elle prétend en définitive que la demande de C. C. n'est pas fondée dans la mesure où il n'établit ni sa présence le 3 juin 1996, ni - à supposer sa présence admise - l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé d'effectuer son préavis ;

Sur quoi :

Attendu que l'appel, qui apparaît avoir été formé dans les délais de la loi, doit être déclaré recevable, l'élévation du montant des dommages-intérêts réclamés en cause d'appel par C. ne pouvant être regardée comme une demande nouvelle ;

Les attestations K. et É. :

Attendu que l'attestation K. datée du 4 mars 1997 ne satisfait pas à l'article 324-3° du Code de procédure civile en ce que son auteur est muet sur l'existence ou l'absence des liens ou d'intérêt avec les parties ; qu'elle doit donc être déclarée nulle par application de cet article ;

Attendu que la seconde attestation É. datée du 25 février 1998 - qui se substitue à la première dont C. C. a admis la nullité - ne précise pas si son auteur « a quelque intérêt au procès », au sens de l'article 324-4° du Code de procédure civile ; qu'elle doit en conséquence également être déclarée nulle au voeu de la loi ;

Attendu qu'il s'ensuit que les demandes liées à ces attestations n'ont pas lieu d'être admises ;

La demande en paiement de trois mois de préavis :

Attendu que l'article 8 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 pose en principe que lorsque le travailleur dénonce le contrat, l'employeur est en droit de bénéficier d'un préavis d'une durée réduite de moitié par rapport à celle profitant au salarié lorsque la rupture n'est pas de son fait, toute stipulation contraire étant déclarée nulle de plein droit ;

Attendu que si le contrat de travail ayant uni les parties a prévu au profit de C. C. un préavis de trois mois dès l'achèvement de la période d'essai d'une durée de trois mois également, il ne s'est pas prononcé sur le préavis dû à l'employeur en cas de démission ;

Qu'ainsi, rien n'autorise à affirmer que dans l'hypothèse d'une rupture de contrat à l'initiative du salarié, celui-ci avait l'obligation d'observer un délai-congé de cette même durée ;

Attendu en conséquence que la durée du préavis ne peut être appréciée en l'espèce qu'au regard de la loi, conformément au premier alinéa de l'article 7 de la loi n° 729 précitée ;

Attendu que le deuxième alinéa de cet article - dont les parties n'ont pas discuté l'application, étant relevé qu'elles se sont abstenues d'invoquer des conventions collectives ou usages plus favorables - n'édicte pas de droit à préavis en faveur du salarié lorsque son ancienneté dans l'entreprise est, comme en l'espèce, inférieure à six mois ; qu'il en résulte en la cause que le droit à préavis en faveur de l'employeur n'est pas reconnu par la loi, ainsi que l'a admis la société IET en cause d'appel ;

Attendu que C. C., qui n'était pas tenu d'effectuer un préavis, ne saurait en réclamer la contrepartie à son ancien employeur, incompatible avec la démission qu'il a présentée le 31 mai 1996 à effet du 1er juin ; que la décision des premiers juges doit donc être confirmée de ce chef, le Tribunal d'appel estimant devoir reprendre à son compte le qualificatif d'incongrue retenu par le Tribunal du Travail pour qualifier la demande de C. C. ;

Les autres demandes de C. C. :

Attendu que la demande en paiement de dommages-intérêts, portée en dernier lieu à 100 000 francs, ne peut qu'être rejetée dans la mesure où elle est fondée sur la résistance fautive que la société IET aurait opposée au paiement du préavis dont il a été jugé qu'il n'était pas dû par cette société, en sorte que l'allégation de faute apparaît inopérante ;

Attendu que la demande d'exécution provisoire « nonobstant appel » formée devant une juridiction d'appel dont les décisions sont exécutoires ne saurait être admise ;

La demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts :

Attendu que pour les motifs retenus par les premiers juges, il y a lieu de confirmer leur décision de ce chef, étant précisé qu'un délai suffisant de prévenance, fondé sur les usages en vigueur, doit être observé par tout salarié démissionnaire, sauf circonstances particulières non alléguées en la cause ;

Que C. C. n'établissant pas avoir satisfait à cette obligation - aucun élément probant n'étant versé aux débats pour combattre le fait, résultant de sa lettre de démission du 31 mai 1996, qu'il ne s'est plus présenté à son travail à compter du 1er juin -, il lui incombe de réparer le préjudice ainsi occasionné à la société IET ; que le montant retenu à ce titre par le Tribunal du Travail apparaît équitable et doit être confirmé ;

Attendu que C. C., éclairé sur l'inanité de sa thèse par le premier jugement, apparaît avoir fautivement mis en œuvre la voie de recours de l'appel ; qu'il a ainsi causé à la société IET, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour assurer sa défense, un préjudice supplémentaire que le Tribunal d'appel estime devoir évaluer à 5 000 francs ;

Attendu que les dépens d'appel doivent être mis à la charge de l'appelant ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

et ceux non contraires des premiers juges,

Le tribunal, statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du Travail,

  • Déclare l'appel recevable en la forme ;

Au fond,

  • Déclare nulles les attestations K. et É., respectivement datées des 4 mars 1997 et 25 février 1998 ;

  • Confirme le jugement entrepris du 10 juillet 1997 en ce qu'il a débouté C. C. de ses demandes et l'a condamné à payer, outre les dépens, la somme de 45 000 francs à la société anonyme monégasque IET à titre de dommages-intérêts ;

  • Condamne en outre C. C. à payer à la société IET la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.

Composition🔗

M. Narmino prés. ; Mlle Lelay prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut, Sbarrato av. déf. ; Sosso av. ; Cohen av. Bar. de Nice.

Note🔗

ce jugement confirme pour partie le jugement du tribunal du travail du 10 juillet 1997.

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