Tribunal de première instance, 3 février 2000, B. c/ G., État de Monaco

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Abstract🔗

Saisie - arrêt

Avec titre exécutoire : art. 495, CPC - Sans titre exécutoire : art. 500-1, CPC - Saisie visant par erreur art. 500-1, CPC au lieu de 495, C. civ. - Effet attributif malgré cette erreur - Intervention d'un autre créancier : art. 500-8, CPC, inopérante du fait de l'attribution intégrale au saisissant

Résumé🔗

Bien que disposant d'un titre exécutoire (arrêt de la cour d'appel prononçant une condamnation contre son débiteur G.), B. a néanmoins présenté requête pour être autorisé à saisir-arrêter une somme de 300 000 F sur les fonds (350 000 F) consignés à titre de cautionnement par son débiteur à la Caisse des Dépôts et Consignations. Cette autorisation ayant été obtenue, B. a fait procéder à la saisie-arrêt et a assigné son débiteur. L'État est intervenu à l'instance, pour réclamer un montant résiduel de frais de justice après appréhension d'une première somme de 50 000 F.

Ceci étant exposé :

La créance dont se prévaut J. B. a été consacrée par un titre exécutoire constitué par l'arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 9 juin 1997. B. n'avait donc pas à recourir à la procédure des articles 500-1 et suivants du Code de procédure civile mais à celle des articles 495 et suivants du même code relatifs aux saisies pratiquées en vertu d'un titre exécutoire.

Malgré l'erreur ainsi commise, il n'a pas renoncé au bénéfice de son titre exécutoire puisqu'il s'en est au contraire explicitement prévalu dans la requête qu'il a présentée le 11 mai 1998 ; ainsi l'autorisation qui lui a été délivrée le 12 mai suivant n'était pas nécessaire.

Dès lors l'exploit de saisie-arrêt du 29 mai 1998 a aussitôt eu pour effet de droit d'emporter attribution de la somme de 300 000 F à son profit, par application de l'article 495 du Code de procédure civile.

L'État de Monaco ne pouvait donc plus intervenir à l'instance pour être admis au bénéfice de la saisie, en application des dispositions de l'article 500-8 du Code de procédure civile, puisque la somme consignée a été attribuée entièrement à J. B. dès le 29 mai 1998, mais disposait seulement de la faculté d'élever une contestation dans le délai de quinze jours, conformément aux dispositions de l'article 497 du Code de procédure civile, ce qu'il n'a pas fait.

Il convient donc, non pas de condamner G. G. au paiement sollicité, puisque J. B. détient d'ores et déjà un titre exécutoire, mais de constater que la saisie-arrêt pratiquée le 29 mai 1998 a emporté attribution au profit de ce dernier de la somme de 300 000 F et d'inviter la Caisse des Dépôts et Consignations de Monaco à se libérer de la somme de 300 000 F qu'elle détient entre les mains de J. B.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Après y avoir été autorisé, sur sa demande, par ordonnance présidentielle du 12 mai 1998, J. B. a fait pratiquer une saisie-arrêt le 29 mai 1998 entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations de Monaco à hauteur de 300 000 francs sur un cautionnement de 350 000 francs fourni par G. G., en exécution d'un arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 27 décembre 1995 dans le cadre d'une procédure pénale, pour assurer sa mise en liberté ;

J. B. expose qu'il détient sur G. G. une créance de 9 585 452 francs qui a été fixée par jugement du tribunal correctionnel de Monaco du 18 mars 1997, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 9 juin 1997, créance qu'il ne parvient pas à recouvrer ;

G. G. conclut au débouté des prétentions émises à son encontre, à la mainlevée de la saisie-arrêt et à l'octroi de 10 000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive ; il explique que les fonds déposés au titre de la caution ne lui appartiennent pas mais sont la propriété de son beau-frère M. S. et que, dès lors, ils ne peuvent être appréhendés par ses créanciers ;

Ensuite d'une déclaration affirmative du 3 juin 1998, l'État de Monaco est intervenu volontairement à l'instance sur le fondement de l'article 500-8 du Code de procédure civile, par conclusions déposées le 9 décembre 1998, 17 mars 1999, 6 septembre 1999 et 7 décembre 1999 pour réclamer le montant résiduel des frais de justice dont est redevable G. G. après appréhension d'une première somme de 50 000 francs consignée pour garantie des frais de justice et amendes, soit la somme de 168 596 francs ; il indique que si tant est que la somme consignée a bien été versée par M. S., elle constitue un prêt de ce dernier à G. G., qui, en application de l'article 1731 du Code civil, en est devenu propriétaire ; qu'ainsi les demandes en paiement présentées devraient être accueillies ;

Par lettre du 26 octobre 1999 adressée au président de la juridiction, le conseil de J. B. relève que G. G. ne fait pas connaître ses coordonnées, notamment son adresse, ce qui rendrait irrecevables ses écrits judiciaires ;

Sur quoi :

Attendu que tout moyen doit être développé par voies de conclusions et non par simple courrier adressé au président du tribunal ;

Attendu que l'exception d'irrecevabilité soulevée par J. B. ne peut donc être accueillie ;

Attendu que peu importe de savoir qui a fait l'avance des fonds déposés à titre de caution pour permettre la remise en liberté de G. G. dans la mesure où cette « mise à disposition » s'analyse nécessairement en un prêt qui confère la propriété des fonds à l'emprunteur, conformément aux dispositions de l'article 1731 du Code civil ;

Attendu au demeurant, que contrairement à ce qu'il fait soutenir dans la présente instance, G. G. ne s'est pas trompé sur sa qualité de propriétaire des fonds puisqu'il en a demandé la restitution à son profit le 7 novembre 1997 au Procureur Général ;

Attendu que la somme de 300 000 F déposée à la Caisse des Dépôts et Consignations pouvait donc être saisie par les créanciers de G. G. ;

Attendu que la créance dont se prévaut J. B. a été consacrée par un titre exécutoire consacré par l'arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 9 juin 1997 ;

Attendu que B. n'avait donc pas à recourir à la procédure des articles 500-1 et suivants du Code de procédure civile mais à celle des articles 495 et suivants du même code relatifs aux saisies pratiquées en vertu d'un titre exécutoire ;

Attendu que malgré l'erreur ainsi commise, il n'a pas renoncé au bénéfice de son titre exécutoire puisqu'il s'en est au contraire explicitement prévalu dans la requête qu'il a présentée le 11 mai 1998 ; qu'ainsi, l'autorisation qui lui a été délivrée le 12 mai suivant n'était pas nécessaire ;

Attendu, dès lors, que l'exploit de saisie-arrêt du 29 mai 1998 a aussitôt eu pour effet de droit d'emporter attribution de la somme de 300 000 francs à son profit, par application de l'article 495 du Code de procédure civile ;

Attendu que l'État de Monaco ne pouvait donc plus intervenir à l'instance pour être admis au bénéfice de la saisie en application des dispositions de l'article 500-8 du Code de procédure civile puisque la somme consignée a été attribuée entièrement à J. B. dès le 29 mai 1998, mais disposait seulement de la faculté d'élever une contestation dans le délai de quinze jours, conformément aux dispositions de l'article 497 du Code de procédure civile, ce qu'il n'a pas fait ;

Attendu qu'il convient donc, non pas de condamner G. G. au paiement sollicité, puisque J. B. détient d'ores et déjà un titre exécutoire, mais de constater que la saisie-arrêt pratiquée le 29 mai 1998 a emporté attribution au profit de ce dernier de la somme de 300 000 francs et d'inviter la Caisse des Dépôts et Consignations de Monaco à se libérer de la somme de 300 000 francs qu'elle détient entre les mains de J. B. ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'État de Monaco doit être débouté de son intervention, les dépens y afférents restant à sa charge ;

Attendu que G. G., qui succombe, doit supporter la charge des dépens de l'instance principale ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant contradictoirement,

Constate l'effet attributif de la saisie-arrêt pratiquée selon exploit du 29 mai 1998 en vertu de l'arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 9 juin 1997 par J. B. auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations sur les fonds consignés par G. G., à hauteur de 300 000 francs, ainsi que l'absence de contestation relative à cette attribution dans les conditions prévues par l'article 497 du Code de procédure civile ;

Invite la Caisse des Dépôts et Consignations de Monaco à se libérer des sommes qu'elle détient au profit de J. B. à concurrence du montant de 300 000 francs augmenté, le cas échéant, des intérêts produits ;

Déboute l'État de Monaco de ses demandes et laisse les dépens de son intervention volontaire à sa charge, avec distraction au profit de Maître Georges Blot, avocat-défenseur ;

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Pasquier-Cuilla, Karczag-Mencarelli, Michel, av. déf.

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