Tribunal de première instance, 9 décembre 1999, L. c/ SAM Cosmetic Laboratories

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Abstract🔗

Exequatur

Décisions françaises, appliquant la loi française au licenciement d'un VRP ayant un employeur monégasque - Contrat de travail du VRP soumis à la loi monégasque, d'ordre public - Atteinte à l'ordre public monégasque - Irrecevabilité de la demande d'exequatur : condition de l'article 18, alinéa 2, 5°) de la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 non remplie

Résumé🔗

S'agissant d'une demande d'exequatur de décisions françaises, prononcées en application de la loi française, déduite de la compétence territoriale, lesquelles ont condamné une société monégasque employeur d'un VRP travaillant en France, pour licenciement abusif de celui-ci, la société défenderesse s'oppose à l'exécution de ces décisions à Monaco en dépit de la Convention franco-monégasque en invoquant l'application au cas d'espèce de la loi monégasque qui est d'ordre public.

La procédure d'exécution simplifiée, instaurée par l'article 18 de la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949 impose de vérifier - les conditions des chiffres 1°, 3° et 4° dudit article étant réunies - si celles énoncées aux chiffres 2° et 5°, relatives à la compétence des juridictions appréciée selon la loi française et à l'absence de contrariété à l'ordre public ou aux principes de droit public de Monaco qui seules demeurent litigieuses, se trouvent remplies.

Sur la compétence

La décision du Conseil des prud'hommes de Vichy, confirmée en toutes ses dispositions par l'arrêt de la Cour d'appel de Riom, retient que R. L. est domicilié à ... et que sa profession de VRP induit un travail effectué en dehors de tout établissement et que c'est à juste titre qu'il a porté sa demande devant ce conseil « compétent du fait du domicile de ce dernier ».

Cette juridiction apparaît ainsi avoir implicitement mais nécessairement appliqué l'article R. 517-1, alinéa 2, du Code français du travail qui dispose : « Si le travail est effectué en dehors de tout établissement... la demande est portée devant le conseil de prud'hommes du domicile du salarié » tandis que le dernier alinéa de cet article édicte que « toute clause qui directement ou indirectement déroge aux dispositions qui précèdent est réputée non écrite ».

Il s'ensuit que d'après la loi française, les juridictions saisies en appel puis en cassation étaient bien compétentes pour connaître du litige soumis par R. L. au Conseil de prud'hommes du ressort de son domicile.

Sur la question de l'ordre public

Il est constant que la Société Cosmetic Laboratories a demandé l'application de la loi monégasque au litige et que sur cette demande la décision du conseil de prud'hommes confirmée par la Cour d'appel n'a pas autrement statué qu'en déduisant l'application de la loi française de sa compétence territoriale bien que le choix de la loi applicable et la désignation du tribunal compétent soient deux questions distinctes relevant de règles de solution de conflit différentes ainsi que l'avait relevé la Cour de Cassation.

Sur la loi applicable au litige ayant opposé les parties en France, le tribunal constate que celles-ci sont régies par les dispositions de la loi n° 762 du 26 mars 1964 modifiée le 5 juillet 1979 fixant le statut professionnel des voyageurs, représentants ou placiers (VRP).

Il résulte en effet de ces dispositions que le législateur monégasque a manifestement entendu soumettre les VRP et leurs employeurs aux règles édictées par la loi monégasque même dans l'hypothèse - quasiment nécessaire, eu égard à l'exiguïté du territoire monégasque - où le travail s'exécute en dehors de la Principauté.

Ainsi, il est notamment prévu que les VRP sont liés à leurs employeurs par des engagements déterminant « la zone géographique dans laquelle ils doivent exercer leur activité » (art. 1-4° -b) et que le délai-congé de VRP « employés hors de Monaco » est augmenté (art. 2-4e alinéa).

Le caractère d'ordre public de la loi n° 762 précitée n'apparaît pas contestable. Il résulte d'abord de la matière (législation régissant les relations de travail, les conventions entre VRP et employeurs étant qualifiées par l'article 1er, nonobstant toutes stipulations contraires, de contrats de travail), mais encore des dispositions impératives de la loi, en particulier à l'article 5 (droit à commissions à titre de salaire « quelles que soient la cause et la date de la cessation des services de l'employé »), à l'article 6 dernier alinéa (droit, « en tout état de cause à une indemnité calculée selon des modalités particulières »), à l'article 7 (dispositions de la loi applicables de plein droit aux contrats et aux instances en cours, obligation de se conformer à la loi dans les deux mois de sa publication), à l'article 8 (compétence exclusive du Tribunal du travail), à l'article 9 (nullité de plein droit des conventions éludant les dispositons de la loi) et à l'article 11 (sanctions pénales).

Il ressort de ces circonstances que, même à supposer que les parties aient entendu soumettre leurs rapports contractuels à d'autres règles que celles édictées par la loi monégasque - incontestablement applicable en l'espèce - ce qui, au demeurant, n'est pas établi par les pièces du dossier, le seul fait tiré de l'exécution du travail en France étant insuffisant, au regard de la loi monégasque n° 762 qui envisage expressément cette circonstance, pour caractériser la volonté des parties de soumettre leurs relations à la loi française, elles n'auraient pu convenir de telles règles sans heurter les prescriptions tout aussi impératives qu'exclusives de la loi n° 762 ; il en résulte que seule la loi monégasque avait vocation à régir leurs relations.

Dans ces conditions, en ayant appliqué la loi française au litige opposant les parties, les décisions françaises - dont les dispositions ne sont pas détachables des motifs en vertu desquels cette application a été décidée -, apparaissent contraires à l'ordre public de la Principauté, qui impose que le litige soit gouverné par la loi monégasque.

Par ailleurs une autre contrariété à l'ordre public tient à l'insécurité juridique qui résulterait de l'application de lois différentes à un même employeur selon le domicile ou la nationalité de ses employés.

Enfin se trouve également atteint le principe de droit public (au sens de l'article 18-5° de la convention franco-monégasque) de l'égalité devant la loi, aussi bien vis-à-vis des employeurs de Monaco que des VRP qu'ils emploient.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Vu la note en délibérée de Maître Frank Michel, avocat-défenseur, au nom de la société Cosmetic Laboratories, en date du 17 novembre 1999 ;

Vu la note en délibéré de Maître Didier Escaut, avocat-défenseur, au nom de R. L., en date du 18 novembre 1999 ;

Attendu que suivant l'exploit susvisé, R. L. a fait assigner la société anonyme monégasque Cosmetic Laboratories, dont le siège social est en Principauté de Monaco, à l'effet d'obtenir sur le territoire de la Principauté de Monaco, l'exequatur des décisions suivantes :

1. Le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Vichy en date du 11 janvier 1993, dont le dispositif est ainsi conçu :

  • Ordonne la jonction des procédures inscrites sous les numéros 265/91 et 266/91,

  • se déclare compétent pour connaître du litige,

• dit que Monsieur L. a été licencié sans motif réel et sérieux et que la procédure légale n'a pas été suivie,

• condamne la société Cosmetic Laboratories à payer et porter à Monsieur L. :

  • la somme de 36 808,23 francs au titre du préavis,

  • la somme de 3 680,82 francs au titre des congés payés y afférents,

  • la somme de 106 743,86 francs au titre de l'indemnité principale de rupture,

• dit et juge que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire pour la somme de 110 424,69 francs, le salaire de référence s'élevant à 12 269,41 francs,

• condamne la société Cosmetic Laboratories à payer et porter à Monsieur L. la somme de 73 616,46 francs au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

• condamne la société Cosmetic Laboratories au paiement au profit de R. L. de 2 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

• déboute la société Cosmetic Laboratories de sa demande reconventionnelle et de sa demande d'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

• condamne la société Cosmetic Laboratories en tous les dépens ;

2. L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Riom en date du 20 septembre 1993, suivant dispositif ci-après :

• confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant, met hors de cause la société Real Vernis, et déboute Monsieur L. de sa demande formulée à l'encontre de cette société sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

• déboute la société Cosmetic Laboratories de toutes ses demandes reconventionnelles,

• condamne en outre la société Cosmetic Laboratories à payer :

  • à Monsieur L. une somme complémentaire de 5 000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile

  • à l'ASSEDIC de la région Auvergne la somme de 15 850,75 francs, en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail,

Condamne la société Cosmetic Laboratories en tous les dépens ;

3. L'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 18 mai 1995, ainsi conçu :

• rejette le pourvoi,

• condamne la société Cosmetic Laboratories au paiement d'une somme de 8 000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

• la condamne également, envers Monsieur L. et l'ASSEDIC d'Auvergne aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Que le demandeur a par ailleurs sollicité l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Attendu qu'en réponse, la société Cosmetic Laboratories conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de la demande, en faisant valoir que les pièces requises par les articles 475 et suivants du Code de procédure civile n'ont pas été produites ; qu'elle conclut subsidiairement au rejet de la demande, en indiquant que les décisions prononcées sont contraires aux règles de compétence de la Principauté de Monaco, ainsi qu'aux dispositions d'ordre public du droit monégasque ;

Qu'à cet égard, la défenderesse expose qu'en application des règles de compétence de la Principauté de Monaco, seul le Tribunal du Travail de Monaco aurait dû connaître d'un litige opposant une société de droit monégasque à un salarié dont le contrat de travail fut signé à Monaco ;

Que de surcroît, les juridictions françaises saisies ont fait application du droit français au litige alors que la loi monégasque afférente au licenciement serait d'ordre public, selon la société Cosmetic Laboratories ;

Que compte tenu de ces diverses observations, la défenderesse entend voir :

1. « À titre principal :

  • Déclarer irrecevable, compte tenu des pièces produites, la demande d'exequatur,

2. À titre subsidiaire :

  • Bien y avoir lieu à exequatur les décisions prononcées compte tenu des dispositions de l'article 473 alinéa 2 du Code de procédure civile en ce qui si lesdites décisions émanent bien des juridictions compétentes d'après leur loi locale, il y a opposition avec la loi monégasque sur le terrain de la compétence juridictionnelle ;

  • Dire et juger au surplus que lesdites décisions apparaissent contraires à l'ordre public monégasque ;

3. Plus subsidiairement, si l'exequatur devait être accordé :

a) débouter Monsieur L. de sa demande en paiement de la somme de 8 000 francs mise à la charge de la société Cosmetic Laboratories mais au bénéfice dont on ne sait quelle partie par l'arrêt de la Cour de cassation française ;

b) accorder à la société Cosmetic Laboratories un délai d'une année pour se libérer du montant du surplus des sommes allouées par les juridictions françaises à Monsieur L. ; »

Attendu que réitérant sa demande d'exequatur, R. L. a répondu à ces divers moyens de défense en faisant valoir pour l'essentiel :

• que la procédure d'exécution simplifiée résultant de l'article 18 de la convention du 21 septembre 1949 n'impose nullement la légalisation des actes de procédure ;

• que le moyen tiré de l'absence de pièce justificative de son recours est inopérant, compte tenu de la production de l'arrêt d'appel de la Cour de Riom et de l'arrêt de rejet de la Cour de cassation du 18 mai 1995 ;

• que l'article 18 de la convention d'aide mutuelle ne permet pas au juge monégasque de remettre en cause la compétence des juridictions françaises ;

• que la société Cosmetic Laboratories n'a jamais demandé l'application de la loi monégasque à la juridiction française ;

• que la condamnation à la somme de 8 000 francs de dommages-intérêts ne peut plus être remise en cause, compte tenu du caractère exécutoire de la décision française ;

• qu'aucun délai ne saurait être accordé à la société Cosmetic Laboratories, dont le comportement dilatoire doit au contraire être sanctionné par l'octroi d'une somme de 50 000 francs de dommages-intérêts ;

Attendu que l'affaire ayant été retenue à plaider à l'audience du 20 mai 1999, une remise au rôle était néanmoins sollicitée par R. L. à l'effet de permettre à Monsieur le Procureur Général de faire valoir ses observations conformément aux dispositions de l'article 184 du Code de procédure civile ;

Attendu que l'affaire ayant été remise au rôle le 10 juin 1999, le Ministère public déposait ses conclusions le 4 novembre 1999 aux termes desquelles il relevait que le salarié exécutait son travail sur le territoire français et non en Principauté de Monaco où il n'avait jamais résidé ; qu'il en déduisait qu'il n'existait aucune atteinte à l'ordre public international monégasque et donc pas de cause objective faisant obstacle à l'exequatur des décisions déférées ;

Attendu que par note en délibéré du 17 novembre 1999, la société anonyme monégasque Cosmetic Laboratories fait pour l'essentiel valoir que la position du Ministère public est en contradiction avec la jurisprudence du Tribunal de Première Instance, en particulier le jugement rendu le 11 mars 1999, alors que la loi numéro 762 du 26 mai 1964 régissant le statut des « Voyageurs Représentants Placiers » (VRP) est d'ordre public et a vocation à s'appliquer aux rapports contractuels existant entre un employeur monégasque et un salarié qui exerce son activité hors du territoire de la Principauté ;

Que selon cette société, il n'est donc pas possible d'admettre la légitimité dans l'ordre juridique interne de décisions ayant écarté expressément l'application d'un texte monégasque d'ordre public (dans un cas où il avait vocation à s'appliquer) ;

Attendu que par note en date du 18 novembre 1999 adressée au Tribunal en cours de délibéré, le sieur L. faisait valoir quant à lui les éléments de fait suivants :

• le lieu d'exécution du travail de R. L. a toujours été en France,

• il n'a jamais exécuté quelque activité salariale que ce soit à Monaco,

• le contrat de travail prévoyait la compétence du Conseil des Prud'hommes et non du Tribunal du travail ;

Que le demandeur en déduisait le bien-fondé de sa demande d'exequatur des décisions mentionnées dans l'exploit introductif d'instance ;

Sur ce :

Attendu que la primauté sur les règles internes devant être reconnue à la convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949 commande de faire application au présent litige de l'article 18 de cette convention, sans égard pour les articles 473 et suivants du Code de procédure civile sur lesquels la défenderesse a estimé à tort se fonder, la circonstance que la discussion judiciaire se soit instaurée sur ce fondement n'étant pas de nature à faire obstacle à l'application de la règle de droit pertinente ;

Attendu que la procédure d'exécution simplifiée, instaurée par cet article 18, des jugements exécutoires français à Monaco impose de vérifier si les conditions prescrites par le second alinéa dudit article sont réunies en la cause ;

Attendu qu'il est constant que les décisions, exécutoires en France dont l'exequatur est requis, telles que versées aux débats, réunissent les conditions nécessaires à leur authenticité et sont passées en force de chose jugée, après que les parties aient été régulièrement citées, au sens des chiffres 1 °, 3° et 4° de l'article 18 précité ;

Que seules demeurent litigieuses les conditions énoncées aux chiffres 2° et 5°, relatives à la compétence des juridictions appréciée selon la loi française et à l'absence de contrariété à l'ordre public ou aux principes de droit public de Monaco des dispositions dont l'exécution est poursuivie ;

Attendu, sur la compétence, que la décision du Conseil des Prud'hommes de Vichy - confirmée en toutes ses dispositions par l'arrêt de la Cour d'appel de Riom - retient que R. L. est domicilié à ... et que sa profession de VRP induit un travail effectué en dehors de tout établissement et que c'est à juste titre qu'il a porté sa demande devant ce Conseil « compétent du fait du domicile de ce dernier » ;

Attendu que cette juridiction apparaît ainsi avoir implicitement mais nécessairement appliqué l'article R. 517-1 alinéa 2 du Code français du travail qui dispose :

« Si le travail est effectué en dehors de tout établissement..., la demande est portée devant le Conseil de prud'hommes du domicile du salarié »,

tandis que le dernier alinéa de cet article édicte que « toute clause qui directement ou indirectement déroge aux dispositions qui précèdent est réputée non écrite » ;

Attendu qu'il s'ensuit que d'après la loi française, les juridictions saisies en appel puis en cassation étaient bien compétentes pour connaître du litige soumis par R. L. au Conseil de Prud'hommes du ressort de son domicile ;

Attendu, s'agissant de la question de l'ordre public, qu'il est constant que la société Cosmetic Laboratories a demandé l'application de la loi monégasque au litige ; que sur cette demande, le Conseil de Prud'hommes n'a pas autrement statué qu'en déduisant l'application de la loi française de sa compétence territoriale ;

Que la cour d'appel confirmait ledit jugement en déclarant :

« ... le travail de R. L. étant effectué en dehors de tout établissement... les premiers juges ont, pour les mêmes motifs (application par les premiers juges des articles 14 du Code civil français et R. 517-1 du Code français du travail) fait application des dispositions légales françaises applicables à la procédure de licenciement » ;

Que la Cour de cassation, répondant au premier moyen selon lequel « le choix de la loi applicable et la désignation du Tribunal compétent sont deux questions distinctes relevant de règles de solution de conflit différentes, de telle sorte que la loi applicable au fond du litige ne saurait se déduire de règles et de considérations propres à déterminer le Tribunal compétent », a énoncé : « ... la Cour d'appel a également fondé sa décision sur les dispositions de l'article 14 du Code civil et exactement retenu qu'en l'absence de convention internationale dérogeant aux dispositions de cet article, la loi française était applicable » ;

Attendu, sur la loi applicable au litige ayant opposé les parties en France, que le Tribunal constate que celles-ci sont régies par les dispositions de la loi n° 762 du 26 mai 1964 modifiée le 5 juillet 1979 fixant le statut professionnel des voyageurs, représentants ou placiers (VRP) ;

Attendu qu'il résulte en effet de ces dispositions que le législateur monégasque a manifestement entendu soumettre les VRP et leurs employeurs aux règles édictées par la loi monégasque même dans l'hypothèse - quasiment nécessaire, eu égard à l'exiguïté du territoire monégasque - où le travail s'exécute en dehors de la Principauté ;

Qu'ainsi, il est notamment prévu que les VRP sont liés à leurs employeurs par des engagements déterminant « la zone géographique dans laquelle ils doivent exercer leur activité » (article 1-4° -b) et que le délai-congé de VRP « employés hors de Monaco » est augmenté (article 2, 4e alinéa) ;

Attendu que le caractère d'ordre public de la loi n° 762 précitée n'apparaît pas contestable ; qu'il résulte d'abord de la matière (législation régissant les relations de travail, les conventions entre VRP et employeurs étant qualifiées par l'article 1er, nonobstant toutes stipulations contraires, de contrats de travail), mais encore des dispositions impératives de la loi, en particulier à l'article 5 (droit à commissions à titre de salaire « quelles que soient la cause et la date de la cessation des services de l'employé »), à l'article 6 dernier alinéa (droit, « en tout état de cause à une indemnité calculée selon des modalités particulières »), à l'article 7 (dispositions de la loi applicables de plein droit aux contrats et aux instances en cours, obligation de se conformer à la loi dans les deux mois de sa publication), à l'article 8 (compétence exclusive du Tribunal du travail), à l'article 9 (nullité de plein droit des conventions éludant les dispositions de la loi) et à l'article 11 (sanctions pénales) ;

Attendu qu'il résulte de ces circonstances que même à supposer que les parties aient entendu soumettre leurs rapports contractuels à d'autres règles que celles édictées par la loi monégasque incontestablement applicable en l'espèce - ce qui, au demeurant, n'est pas établi par les pièces du dossier, le seul fait tiré de l'exécution du travail en France étant insuffisant, au regard de la loi monégasque n° 762 qui envisage expressément cette circonstance, pour caractériser la volonté des parties de soumettre leurs relations à la loi française -, elles n'auraient pu convenir de telles règles sans heurter les prescriptions tout aussi impératives qu'exclusives de la loi n° 762 ; qu'il en résulte que seule la loi monégasque avait vocation à régir leurs relations ;

Attendu, dans ces conditions, qu'en ayant appliqué la loi française au litige opposant les parties, les décisions françaises - dont les dispositions ne sont pas détachables des motifs en vertu desquels cette application a été décidée - apparaissent contraires à l'ordre public de la Principauté, qui impose que le litige soit gouverné par la loi monégasque ;

Attendu qu'une autre contrariété à l'ordre public peut être relevée en la cause, tenant à l'insécurité juridique qui résulterait de l'application de lois différentes à un même employeur en fonction des circonstances ;

Qu'alors que l'un des objectifs d'une législation du travail consiste à fixer dans l'ordre interne des règles, en fonction desquelles une entreprise employant du personnel apprécie si elle entend s'y soumettre, la situation de l'espèce rend cette perspective inopérante ;

Qu'il ne peut être admis en effet qu'un employeur de Monaco régi par la loi n° 762 précitée, soit soumis à des règles différentes selon le domicile ou la nationalité de ses employés, dans la mesure où ces critères leur permettraient de saisir des juridictions étrangères pour leur faire appliquer d'autres règles que celles de la loi monégasque ;

Attendu, enfin, qu'apparaît également atteint le principe de droit public (au sens de l'article 18-5° de la convention) de l'égalité devant la loi, aussi bien vis-à-vis des employeurs de Monaco que des VRP qu'ils emploient ; qu'une rupture de l'égalité serait en effet manifestement consacrée par l'admission en Principauté des décisions litigieuses, puisque la société Cosmetic Laboratories aurait à subir des règles -notamment en matière de procédure de licenciement - dont d'autres entreprises monégasques pourraient s'affranchir tandis que R. L. bénéficierait d'une situation différente de celle à laquelle ses collègues de travail peuvent prétendre ;

Attendu qu'il s'ensuit que les dispositions des arrêts de la Cour d'appel et de la Cour de cassation, en ce qu'elles sont nécessairement soutenues par une motivation préalable ayant conduit à l'application de la loi française avec les conséquences ci-dessus analysées, ne peuvent recevoir l'exequatur à Monaco faute d'être compatibles avec l'ordre public et les principes de droit public de la Principauté ;

Attendu, par suite, que la demande de dommages-intérêts formée par R. L. doit être rejetée ; que ce demandeur doit en définitive être débouté de l'ensemble de ses prétentions et tenu aux dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant contradictoirement,

Déclare la demande recevable ;

Déboute R. L. de l'ensemble de ses prétentions ;

Note🔗

Cette décision va dans le sens du jugement rendu le 11 mars 1999 dans une affaire de même nature opposant F. à la SAM Cosmetic Laboratories.

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