Tribunal de première instance, 8 juillet 1999, Compagnie d'assurances Winterthur c/ Compagnie d'assurances MACIF

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Abstract🔗

Accident du travail

Assureur-loi

  • - Recours contre le tiers responsable ou son assureur

  • - Incompétence de la juridiction monégasque (art. 3-2° CPC)

  • - Défendeur non domicilié à Monaco et de nationalité étrangère

Résumé🔗

En vertu de l'article 13 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, l'assureur-loi est fondé à obtenir du tiers responsable contre lequel il dispose d'une action directe, le paiement de l'ensemble des sommes déboursées au titre de l'accident du travail, y compris le capital constitutif de la rente servie à la victime, sans que son recours soit limité au préjudice de la victime évalué selon le droit commun.

Toutefois, ce recours n'est pas soumis par la loi précitée à des règles de compétence particulières, seules celles posées par les articles 1 et suivants du Code de procédure civile trouvent à s'appliquer.

Lorsque, comme en l'espèce, le défendeur n'est pas domicilié à Monaco, les tribunaux monégasques ne peuvent connaître que des actions fondées sur des obligations qui sont nées ou qui doivent être exécutées dans la Principauté, ainsi que des actions fondées sur des obligations nées à l'étranger envers une personne physique ou morale monégasque conformément à l'article 3-2° du Code de procédure civile.

Étant donné, en la cause, que le fait générateur du dommage s'est produit en France, qu'aucune obligation n'est née ou devait être exécutée à Monaco, puisque le tiers responsable ou son assureur, tenu d'indemniser l'assureur-loi est domicilié en France et de nationalité française, il s'ensuit que l'article 3-2° précité n'apparaît pas devoir s'appliquer à la situation considérée.

Aucune règle de compétence n'étant applicable, le tribunal ne peut que décliner sa compétence.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu qu'il est constant que le 2 mars 1993, J.-P. F., employé au service de la société anonyme monégasque The « A » Group Monte-Carlo, a été victime d'un accident de trajet-travail alors qu'il pilotait sa motocyclette à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes), ayant été percuté par l'automobile conduite par P. P., assuré auprès de la compagnie d'assurances MACIF ;

Que ses blessures ont entraîné une hospitalisation et une incapacité temporaire de travail, ainsi qu'une incapacité permanente partielle fixée à 12 % par l'expert judiciaire commis par ordonnance du juge chargé des accidents du travail ;

Que si l'assureur-loi de la société The « A » Group Monte-Carlo, la compagnie Winterthur, a obtenu de la MACIF le remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques, d'hospitalisation, de transport et des indemnités journalières réglés à J.-P. F., il s'est en revanche opposé au versement du capital constitutif de la rente bénéficiant à la victime en application d'une ordonnance de conciliation du magistrat chargé des accidents du travail en date du 7 juin 1996 ;

Attendu que par l'exploit susvisé du 9 février 1998, la compagnie Winterthur a fait assigner la compagnie MACIF Provence Méditerranée ayant son siège à Arles (Bouches-du-Rhône) en vue d'obtenir la condamnation de cette compagnie à lui payer, sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, la somme de 132.851,49 francs avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 1996, correspondant au capital constitutif de la rente servie à F., outre celle de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive en sollicitant l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu que la compagnie MACIF, par conclusions du 27 mai 1998, a décliné la compétence du Tribunal de Monaco au motif qu'elle est domiciliée en France où l'accident s'est produit ;

Attendu qu'en réponse, la compagnie Winterthur s'est opposée à ce moyen d'incompétence et a maintenu ses demandes, en faisant valoir qu'aux termes de l'article 13 alinéa 5 de la loi n° 636 précitée, l'assureur de l'employeur dispose d'une action directe contre le tiers responsable de l'accident et peut l'attraire aux débats devant les tribunaux monégasques, de même que sa compagnie d'assurance ;

Sur quoi :

Attendu qu'il convient d'observer en premier lieu que P., auteur de l'accident du 2 mars 1993 demeurant à Nice et responsable de celui-ci - ainsi que les parties l'admettent - n'a pas été attrait en la cause ;

Attendu, sous cette réserve, qu'il est exact qu'en vertu de l'article 13 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, l'assureur-loi est fondé à obtenir du tiers responsable, contre lequel il dispose d'une action directe, le paiement de l'ensemble des sommes déboursées au titre de l'accident du travail, y compris le capital constitutif de la rente servie à la victime, sans que son recours soit limité au préjudice de la victime évalué selon le droit commun ;

Attendu toutefois que ce recours n'est pas soumis par la loi précitée à des règles de compétence particulières, seules celles posées par les articles 1 et suivants du Code de procédure civile trouvant en conséquence à s'appliquer ;

Attendu que lorsque, comme en l'espèce, le défendeur n'est pas domicilié à Monaco, les tribunaux monégasques ne peuvent connaître que des actions fondées sur des obligations qui sont nées ou qui doivent être exécutées dans la Principauté, ainsi que « des actions fondées sur des obligations nées à l'étranger envers une personne physique ou morale de nationalité monégasque » (article 3-2° du Code de procédure civile) ;

Attendu, en la cause, que le fait générateur du dommage s'est produit en France, aucune obligation n'étant née ou ne devant être exécutée à Monaco puisque le tiers responsable ou son assureur, tenus d'indemniser l'assureur-loi, sont, comme celui-ci, domiciliés en France et de nationalité française ;

Attendu en conséquence que l'article 3-2° précité du Code de procédure civile n'apparaît pas devoir s'appliquer à la situation considérée ; qu'aucune autre règle de compétence ne saurait par ailleurs trouver application ;

Qu'il s'ensuit que le Tribunal ne peut que décliner sa compétence pour connaître des demandes dont il est saisi, étant observé que la compagnie Winterthur demanderesse produit elle-même un arrêt confirmatif de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 juillet 1996 rendu dans une instance similaire où, en sa qualité cette fois de défenderesse domiciliée en France, elle a été condamnée comme assureur du tiers responsable - lequel était attrait aux débats - à indemniser l'assureur-loi ayant son siège en France sur le fondement de la loi monégasque sur les accidents du travail déclarée applicable en vertu de la convention franco-monégasque sur la sécurité sociale du 28 février 1952, en sorte que le recours de la compagne Wintherthur pourrait utilement prospérer devant les juridictions françaises compétentes ;

Attendu que la demanderesse, qui succombe sur l'exception d'incompétence, devra supporter les dépens du présent jugement par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Faisant droit à l'exception soulevée par la défenderesse, se déclare incompétent pour connaître du présent litige ;

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut et Lorenzi, av. déf. ; Bensa, av. bar. de Nice

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