Tribunal de première instance, 30 octobre 1997, « Fontvieille village » c/ SCI Antimen, Murinascia, Deplas

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Abstract🔗

Copropriété

Action du syndicat - Autorisation préalable de l'assemblée générale habilitant le syndic à agir en justice

Résumé🔗

Le syndicat des copropriétaires de « Fontvieille village », pourvu de la personnalité civile, ainsi que cela résulte de l'article 3, alinéa 1, de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, dispose du pouvoir d'exercer les actions attachées à la jouissance des parties communes, dont il a la garde et la conservation, en application de l'article 6 de l'ordonnance-loi susvisée ; le syndic a pour sa part qualité pour représenter ledit syndicat dans l'exercice du droit d'agir en justice, en vertu de l'article 3, alinéa 2, de cette ordonnance-loi.

Il doit néanmoins, disposer des pouvoirs nécessaires, avant d'introduire une telle action, consistant en une autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires.

Dès lors, qu'en l'espèce, l'assemblée générale a voté et approuvé à la majorité une résolution autorisant le syndic à poursuivre, par tous moyens de droit la fin d'un chantier, il ne saurait être contesté que l'introduction d'une action en justice, caractérise précisément l'un de ces moyens de droit, que les propriétaires ont permis au syndic d'utiliser pour la préservation de leurs intérêts dans ce litige ; que le syndic était donc régulièrement habilité à engager la présente procédure dont la recevabilité n'est pas contestable.


Motifs🔗

Le Tribunal

Considérant les faits suivants :

Les sociétés civiles immobilières dénommées Antimen, Murinascia et Deplas ont été les promotrices d'un ensemble immobilier à usage d'habitation, de commerce et de bureaux, composé de douze immeubles situés à Monaco, tandis qu'une communauté immobilière dite « Communauté immobilière de Fontvieille Village » a été créée, conformément aux dispositions de l'ordonnance du 23 mai 1959 ; différents désordres et malfaçons étant apparus sur l'ensemble des immeubles composant la communauté immobilière, en particulier le mauvais fonctionnement des parlophones, cette communauté immobilière assignait en référé les sociétés Antimen, Murinascia, Deplas et un expert judiciaire était désigné en la personne de M. Farina, suivant ordonnance de référé du 24 octobre 1984, puis remplacé le 22 février 1985 par Pierre Veisseire ;

Ledit technicien déposait son rapport le 15 juillet 1988 et concluait, notamment, à la nécessité de réaliser des travaux sur les parlophones, d'un montant de 159 720,25 francs hors taxes ;

La communauté immobilière assignait alors les sociétés promotrices et l'ensemble des constructeurs suivant exploit du 9 novembre 1989 en demandant leur condamnation solidaire au paiement d'une somme globale de 9 313.197,50 francs, correspondant au montant intégral des travaux de réfection pour l'ensemble des désordres ;

La durée de cette instance, toujours pendante à ce jour devant la présente juridiction, conduisait la communauté immobilière à maintenir des contacts avec les maîtres de l'ouvrage, lesquels s'engageaient à effectuer les travaux de remplacement des parlophones, confiés à une société dénommée Pezzana, dont les interventions ne s'avéraient pas satisfaisantes et qui cessait finalement tous ses travaux de réparation ou remplacement des interphones défectueux ;

Diverses sommations étaient alors adressées par la communauté immobilière aux trois sociétés civiles dès le 3 avril 1995, aux fins de voir procéder à la remise en conformité de ces installations ; lesdites mises en demeure restant infructueuses, la communauté immobilière demandait, suivant exploit du 21 avril 1995, au juge des référés, de l'autoriser à exécuter les travaux de reprise de l'installation hors-service, et ce, à ses frais avancés ;

Le magistrat des référés rejetait cette demande selon ordonnance du 28 juillet 1995, confirmée par arrêt de la Cour d'appel du 10 décembre 1996 ;

En l'état de deux devis dressés respectivement par la société Richard et la société Dolla, chiffrant le montant des travaux de réparation et remplacement à une somme très supérieure à celle retenue par l'expert Veisseire, puisqu'excédant 1 000 000 francs, la communauté immobilière faisait assigner les sociétés Antimen, Murinascia et Deplas, suivant exploit du 2 novembre 1995 aux fins de voir désigner tel expert qu'il appartiendra avec mission de :

• « visiter les lieux et installations litigieuses ;

• se faire communiquer tous documents utiles ;

• constater tous désordres relatifs aux parlophones de la communauté immobilière de Fontvieille Village ;

• rechercher l'origine et la cause des désordres constatés ;

• préconiser tous travaux urgents qu'il appartiendra aux fins de faire cesser les dysfonctionnements affectant les parlophones ;

• déterminer et décrire les véritables causes de ces désordres, leur origine et à qui elles sont imputables ;

• préconiser et chiffrer tous travaux utiles pour remédier aux désordres constatés par lui ;

• chiffrer le montant de toutes les conséquences, matérielles ou immatérielles, directes ou indirectes, desdits désordres ;

• concilier les parties, si faire se peut, et dresser rapport de ses opérations pour être statué ce qu'il appartiendra ; »

Attendu que les sociétés défenderesses concluent quant à elles à l'irrecevabilité de la demande, en faisant valoir, d'une part, que le syndic n'a pas justifié d'un pouvoir régulier et spécial l'autorisant à exercer la présente procédure, et, d'autre part, que les désordres allégués font l'objet d'une autre expertise déjà confiée à Pierre Veisseire et d'une instance judiciaire encore pendante tendant à la réparation des parlophones ;

Que les défenderesses estiment, en effet, à cet égard, que la communauté immobilière ne saurait être admise à poursuivre cumulativement la réparation des parlophones et leur remplacement complet ; qu'en outre, les sociétés promotrices estiment que la demanderesse ne démontre nullement que les nouveaux désordres dont elle se plaint constituent des vices cachés au sens des articles 1483 et suivants du Code civil, ou qu'elles seraient elles-mêmes responsables de leur aggravation depuis l'expertise Veisseire ; qu'enfin, il n'y a, selon elles, jamais eu d'engagement du promoteur de procéder au remplacement complet des parlophones, plus de quinze ans après l'achèvement des immeubles ;

Attendu qu'en définitive, les trois sociétés défenderesses entendent voir :

• « constater que la communauté immobilière n'établit pas que les désordres allégués relèvent de la garantie du vendeur et que, par ailleurs, celle-ci a déjà engagé une procédure tendant à la réparation desdits désordres ;

• déclarer irrecevable et mal fondée la demande de la communauté immobilière ;

• en conséquence, l'en débouter purement et simplement ;

• condamner la communauté immobilière au paiement de la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

• ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

• condamner la demanderesse aux entiers dépens ; »

Attendu qu'en réplique, la communauté immobilière de Fontvieille Village fait valoir que le syndic dispose du pouvoir d'exercer les actions attachées à la propriété indivise entre les copropriétaires des parties communes, et ce, dès lors qu'en application de l'article 6 de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, le syndicat des copropriétaires a la conservation et la garde de ces parties communes ; qu'en outre, la résolution prise le 7 juin 1994 par l'assemblée générale constitue indéniablement le pouvoir d'ester en justice conféré au syndic ;

Attendu, quant au fond, que la communauté immobilière de Fontvieille Village expose n'avoir pas à fonder sa demande d'expertise sur un texte particulier et estime pouvoir se contenter du manquement des sociétés défenderesses à une obligation de faire des travaux librement contractée lors de l'assemblée générale du 7 juin 1994 ;

Qu'elle expose les raisons rendant, selon elle, nécessaire l'instauration d'une nouvelle mesure d'expertise, à savoir :

1° « l'intervention effectivement intempestive des sociétés défenderesses sur les parlophones, sans autorisation judiciaire ;

2° l'importante différence d'appréciation du coût des travaux entre les chiffres retenus par Pierre Veisseire et les devis produits émanant des sociétés Richard et Dolla ; »

Attendu que la demanderesse fait, en outre, valoir que les demandes formulées dans le cadre de cette instance sont nécessairement différentes puisque les installations ont été, au moins partiellement, remplacées et réparées par l'entreprise missionnée par les sociétés, en sorte qu'il n'est plus possible de se référer à la garantie d'origine ; qu'à cet égard, la communauté immobilière s'engage à déduire du montant des sommes obtenues dans la présente procédure celles qui lui seraient allouées dans l'instance initiale ;

Attendu qu'en ce qui concerne le fondement juridique de la présente action, la demanderesse se réfère exclusivement à l'engagement contractuel pris par les sociétés Antimen, Murinascia et Deplas de procéder à leur charge aux travaux permettant de remettre en état de fonctionnement les installations de parlophones ; qu'elle évoque pour en justifier, tant la lettre recommandée avec accusé de réception du 30 avril 1992 émanant des maîtres d'ouvrage, que la confirmation lors de l'assemblée générale du 7 juin 1994 au moyen d'une résolution votée par les sociétés octroyant un délai supplémentaire pour achever lesdits travaux ;

Qu'en outre, et à titre subsidiaire, si le Tribunal devait, selon la demanderesse, estimer que l'obligation des sociétés n'est pas de nature contractuelle, mais relève encore de l'article 1483 du Code civil, il conviendrait de surseoir à statuer jusqu'à la décision à intervenir dans le cadre de l'instance au fond engagée le 7 novembre 1989 ;

Attendu que la communauté immobilière de Fontvieille Village rappelle en outre la nécessité de faire procéder à une nouvelle expertise en précisant que le rapport Veisseire ne comporte aucune analyse technique des causes du sinistre, ce technicien n'étant pas spécialisé en une telle matière, que par ailleurs, les installations ont été modifiées par les sociétés depuis le dépôt du rapport et qu'enfin, l'inefficacité des interventions réalisées a été démontrée (devis Dolla et Richard, rapport Mangialetto) ;

Attendu que la communauté immobilière de Fontvieille Village entend, en définitive, en l'état de l'ensemble de l'argumentation qu'elle développe en ses derniers écrits judiciaires :

• « voir dire et juger recevables l'ensemble de ses demandes ;

• se voir donner acte de ce qu'elle s'engage à déduire du montant des sommes qu'elle obtiendra dans le cadre de la présente procédure, celles qui pourraient lui être allouées dans le cadre de la procédure initiale ;

• voir déclarer bien fondées ses demandes sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'article 1002 du Code civil ;

• subsidiairement, si par impossible le Tribunal devait estimer que l'obligation des sociétés n'est pas de nature contractuelle, mais pourrait relever de l'article 1483 du Code civil, voir surseoir à statuer dans l'attente de la décision de principe devant être rendue dans le cadre de l'instance au fond engagée le 7 novembre 1989 ;

• en tout état de cause, voir désigner tel expert judiciaire spécialisé en matière de parlophones qu'il plaira au Tribunal, avec la mission suivante :

visiter les lieux et installations litigieuses ;

se faire communiquer tous documents utiles ;

constater tous les désordres, malfaçons et non façons relatifs aux parlophones de la communauté immobilière de Fontvieille Village ;

rechercher l'origine et la cause des désordres, malfaçons et non façons constatés ;

préconiser tous travaux urgents qu'il appartiendra et dans cette hypothèse, autoriser le demandeur à faire exécuter lesdits travaux à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, sous la direction du maître d'œuvre des demandeurs, par des entreprises de son choix, l'expert devant, dans ce cas, déposer un pré-rapport précisant la nature, l'importance et le coût de ces travaux ;

définir et chiffrer tous travaux utiles pour remédier aux désordres, malfaçons et non façons constatés ;

évaluer le montant des préjudices matériels et immatériels consécutifs aux vices précités ;

concilier les parties, si faire se peut, et dresser rapport de ses opérations pour être statué ce qu'il appartiendra ;

• voir mettre les frais d'expertise à la charge des sociétés Antimen, Murinascia et Deplas ;

• et voir, d'ores et déjà, dire et juger les sociétés Antimen, Murinascia et Deplas tenues, conformément aux engagements contractuels qu'elles ont pris, de remettre en état de fonctionnement et à leurs frais, les installations de parlophones ;

• voir dire et juger qu'elles n'ont pas tenu cet engagement ;

• en conséquence, voir condamner conjointement et solidairement et à défaut in solidum les sociétés Antimen, Murinascia et Deplas à lui payer la somme provisionnelle de 100 000 francs, sauf à parfaire au vu du rapport d'expertise à intervenir, à valoir sur le coût des travaux de réfection et sur le trouble collectif de jouissance des copropriétaires ;

• voir ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

• voir condamner conjointement et solidairement et à défaut in solidum, les sociétés Antimen, Murinascia et Deplas à lui payer la somme de 100 000 francs au titre des frais irrépétibles ; et à supporter l'intégralité des dépens solidairement, ou à défaut, in solidum ; »

Attendu que, par d'ultimes écrits en réponse, les sociétés Antimen, Murinascia et Deplas indiquent qu'à aucun moment, l'assemblée générale extraordinaire n'a donné mandat au syndic d'introduire quelque action en justice que ce soit ; qu'en outre, se référant au procès-verbal de l'assemblée du 11 juin 1996 et à l'intervention orale de l'expert amiable Mangialetto, les défenderesses estiment que la communauté immobilière de Fontvieille Village ne saurait bénéficier, sous couvert de la réparation de malfaçons, d'un avantage consistant en un remplacement complet d'installations devenues obsolètes et donc en une amélioration du système commandé et installé, dont les désordres font, par ailleurs, l'objet d'une instance distincte ;

Que, réitérant les termes de leur exception d'irrecevabilité, les sociétés Antimen, Murinascia et Deplas entendent voir constater :

1° « que selon assignation du 9 novembre 1989, la communauté immobilière de Fontvieille Village a sollicité l'homologation du rapport Veisseire déposé le 21 juillet 1988 sans en contester les conclusions, ni donc l'évaluation concernant la réfection de l'installation des parlophones ;

2° que la mission décrite dans la demande d'expertise formulée par l'exploit du 2 novembre 1995 a déjà été remplie par Pierre Veisseire dans le cadre de son rapport du 21 juillet 1988 ; »

Que lesdites sociétés entendent, en conséquence, voir débouter la communauté immobilière de Fontvieille Village de l'ensemble de ses demandes ;

Sur ce,

  1. Sur l'exception d'irrecevabilité

Attendu que les sociétés Antimen, Murinascia et Deplas estiment que l'action présentement exercée par le syndic de la communauté immobilière de Fontvieille Village serait irrecevable, faute pour ce dernier d'avoir reçu mandat des copropriétaires, et compte tenu, par ailleurs, de l'existence d'une autre expertise judiciaire ordonnée dans le cadre d'une instance encore pendante, inhérente pour partie aux désordres et malfaçons affectant les parlophones ;

Attendu, sur le premier point, que le syndicat des copropriétaires de Fontvieille Village, pourvu de la personnalité civile, ainsi que cela résulte de l'article 3 alinéa 1er de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, dispose du pouvoir d'exercer les actions attachées à la jouissance des parties communes, dont il a la garde et la conservation par application de l'article 6 de l'ordonnance-loi susvisée ; que le syndic a pour sa part qualité pour représenter ledit syndicat dans l'exercice du droit d'agir en justice, en vertu de l'article 3 alinéa 2 de l'ordonnance-loi susvisée ;

Attendu qu'il doit, néanmoins, disposer des pouvoirs nécessaires avant d'introduire une telle action, consistant en une autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires ;

Attendu que, dans le cas d'espèce, la résolution suivante a été votée et approuvée à la majorité lors de l'assemblée générale du 7 juin 1994 :

« Un délai supplémentaire est laissé aux sociétés promotrices pour achever le travail de remise en état des parlophones à leurs frais jusqu'à la fin du mois d'octobre 1994. Après cette date, le syndic est autorisé par tous moyens de droit à poursuivre la fin de ce chantier aux frais avancés de la communauté immobilière. » ;

Attendu qu'il ne saurait être contesté que l'introduction d'une action en justice caractérise précisément l'un de ces moyens de droit que les copropriétaires ont permis au syndic d'utiliser pour la préservation de leurs intérêts dans ce litige ; qu'A. G. était donc régulièrement habilité à engager la présente procédure, dont la recevabilité n'est pas, de ce chef, contestable ;

Qu'il convient, au demeurant, de préciser que le syndic n'a agi au fond, suivant l'exploit susvisé du 2 novembre 1995, qu'après avoir vu rejeter sa demande par ordonnance de référé du 28 juillet 1995, confirmée en appel, et avoir donc usé d'un premier moyen de droit qui s'est avéré inopérant ;

Qu'enfin, il y a également lieu de préciser que l'habilitation ainsi donnée au syndic par les copropriétaires ne lui a jamais été retirée, mais a, au contraire, fait l'objet de multiples rappels et donc de confirmations implicites lors d'assemblées générales postérieures des 14 mars 1995 et 11 juin 1996, au cours desquelles étaient évoquées tant l'objet de la présente instance que l'éventualité d'un accord transactionnel dont le syndic pourrait établir le protocole ;

Attendu, sur le second moyen d'irrecevabilité, qu'il est constant et non au demeurant contesté, que l'action engagée selon exploit du 9 novembre 1989 portait sur une demande visant l'article 1483 du Code civil, et donc, essentiellement fondée sur la garantie des vices cachés ;

Qu'en revanche, la présente action trouve son origine dans le manquement des trois sociétés Antimen, Murinascia et Deplas à leur engagement contractuel de remettre en état de fonctionnement les installations défectueuses et s'avère dès lors fondée sur les dispositions de l'article 1002 du Code civil ;

Attendu que le fondement distinct de ces actions n'apparaît nullement artificiel au Tribunal, dans la mesure où il s'évince tant des écrits judiciaires que des pièces produites, que l'ensemble des parlophones litigieux a d'ores et déjà été soit remplacé, soit réparé, par l'entreprise Pezzana, missionnée par les sociétés promotrices, en sorte que le bien initialement vendu, objet de la garantie susvisée, n'existait plus lors de l'introduction de cette instance qui a désormais trait à d'autres biens ;

Attendu que la demande de la communauté immobilière de Fontvieille Village apparaît donc recevable ;

  1. Sur le fond

Attendu quant au fondement de la présente action, qu'il résulte de l'analyse des pièces versées à la procédure que les sociétés défenderesses se sont engagées à procéder, à leurs frais exclusifs, aux travaux permettant de remettre en état les parlophones défectueux ;

Qu'il s'évince, en effet, d'un premier courrier émanant des maîtres d'ouvrage et en particulier de la société Antimen les représentant, daté du 18 mai 1992, que cette dernière avisait la copropriété de leur intention de remettre en état l'ensemble des parlophones, suivant un calendrier se décomposant en quatre phases pour l'ensemble des immeubles, lequel était évoqué et réitéré lors de l'assemblée générale du 5 juin 1992 ;

Que confirmation de cet engagement était encore donnée lors de l'assemblée générale du 7 juin 1994, au cours de laquelle les sociétés votaient la résolution prévoyant qu'un « délai supplémentaire leur serait laissé pour achever le travail de remise en état des parlophones à leurs frais jusqu'à la fin du mois d'octobre 1994 » ;

Qu'enfin, le commencement d'exécution de cette obligation librement consentie par les trois sociétés résulte de l'intervention partielle d'une entreprise Pezzana missionnée par ces sociétés, dont les travaux ayant consisté, soit à réparer, soit à remplacer, une partie de l'installation, se sont avérés inefficaces ;

Attendu, cependant, que les fautes éventuelles commises par cette société travaillant pour le compte des trois sociétés ne saurait exonérer ces dernières de leur responsabilité envers la copropriété ; que le courrier du 4 avril 1995 émanant des sociétés Antimen, Murinascia et Deplas, par lequel ces dernières avisent la communauté immobilière de Fontvieille Village de leur décision d'interrompre les travaux à défaut d'obtenir un résultat satisfaisant, ne saurait davantage les délier de leurs obligations et en confirme au contraire la teneur ;

Attendu que les trois sociétés défenderesses doivent, dès lors, être tenues pour responsables envers la communauté immobilière de Fontvieille Village des dommages engendrés par l'inexécution au moins partielle de leur engagement de remise en état des parlophones, et tenues d'assumer les conséquences dommageables de ce manquement conformément aux dispositions de l'article 1002 du Code civil ;

Attendu quant à l'évaluation desdits dommages, que le Tribunal relève que le rapport Veisseire déposé dans le cadre d'une autre instance ne peut être, en l'espèce, d'aucune utilité, dès lors que le bien, objet de la garantie d'origine, a quasiment disparu ou été modifié, et que les divers rapports amiables (de spécialistes en la matière), produits aux débats parviennent à des conclusions totalement différentes ; qu'en outre, le caractère très succinct du rapport Veisseire sur la question des parlophones ne saurait permettre de définir la nature des travaux à réaliser, étant enfin observé que la persistance des désordres s'évince de l'ensemble des pièces produites, et en particulier, du rapport établi par Mangialetto, le 22 juillet 1996, attestant du défaut de son ou d'image avec les diverses platines de rue des douze immeubles et du défaut de liaison son avec la plupart des appartements de l'ensemble de la copropriété ;

Attendu, dès lors, qu'indépendamment de l'instance au fond engagée suivant exploit du 9 novembre 1989, et étant donné acte à la communauté immobilière de Fontvieille Village de ce qu'elle s'engage à déduire du montant des sommes qu'elle obtiendra dans le cadre de la présente procédure, celles qui pourraient lui être octroyées dans l'instance initiale, il convient, à l'effet de préserver les droits de la copropriété demanderesse, de faire définir par un technicien spécialisé en cette matière, les travaux utiles pour remédier aux désordres actuellement constatés, sur les parlophones en place, et ce, avec la mission figurant au dispositif ci-après ;

Attendu qu'il y a lieu, en l'état, de réserver les droits de la communauté immobilière de Fontvieille Village quant à sa demande de dommages-intérêts et remboursement des frais irrépétibles, tout en la déboutant d'ores et déjà des fins de sa demande d'indemnité provisionnelle ;

Attendu, par ailleurs, que la demande de dommages-intérêts formulée par les sociétés défenderesses doit être rejetée dès lors que la présente procédure n'apparaît nullement abusive et que l'expertise sollicitée a été accordée ;

Attendu que l'avance des frais de l'expertise incombe à la copropriété demanderesse ;

Attendu que l'exécution provisoire sollicitée apparaît opportune, compte tenu de l'urgence en la matière, s'agissant de travaux de mise en conformité ;

Et attendu que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare recevable l'action introduite par la communauté immobilière de Fontvieille Village, par l'intermédiaire de son syndic ;

Déclare les sociétés civiles immobilières dénommées Antimen, Murinascia et Deplas responsables d'un manquement à leur engagement contractuel de remise en conformité ;

Avant dire droit au fond pour le surplus,

Ordonne une mesure d'expertise, confiée à M. Émile Bénichou, demeurant à Monaco, lequel, serment préalablement prêté par écrit aux formes de droit, aura pour mission de :

visiter les lieux et installations litigieuses ;

se faire communiquer tous documents utiles ;

constater tous les désordres, malfaçons et non façons relatifs aux parlophones de la communauté immobilière de Fontvieille Village et déterminer la date de leur survenance et la nature des modifications (réparations, remplacement) apportés aux produits d'origine, en précisant si elles ont été efficaces ;

rechercher l'origine et la cause des désordres, malfaçons et non façons ;

définir et chiffrer tous travaux utiles pour remédier à ces troubles ;

évaluer les éventuels préjudices consécutifs à ces désordres et aux travaux préconisés ;

concilier les parties, si faire se peut, et dresser rapport de ses opérations pour être statué ce qu'il appartiendra ;

Impartit à l'expert ainsi commis un délai de huit jours pour l'acceptation ou le refus de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui lui sera adressée par le Greffe général ;

Dit qu'en cas d'acceptation de sa mission, le même expert déposera au Greffe général un rapport écrit de ses opérations dans les trois mois du jour où il les aura débutées, à défaut d'avoir pu concilier les parties, ce qu'il lui appartiendra de tenter dans toute la mesure du possible ;

Charge M. Jean-Charles Labbouz, juge au siège, du contrôle de l'expertise ;

Ordonne que les frais d'expertise seront avancés par la communauté immobilière de Fontvieille Village, laquelle sera tenue de verser une provision à l'expert ;

Réserve, en l'état, les droits de la communauté immobilière de Fontvieille Village quant à sa demande de dommages-intérêts ;

La déboute des fins de sa demande d'indemnité provisionnelle ;

Déboute les sociétés Antimen, Murinascia et Deplas des fins de leur demande de dommages-intérêts ;

Donne acte à la communauté immobilière de Fontvieille Village de ce qu'elle s'engage à déduire du montant des sommes qu'elle obtiendra dans le cadre de cette instance celles allouées dans l'instance initiée le 9 novembre 1989 ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Réserve les dépens en fins de cause ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Karczag-Mencarelli, Brugnetti, av. déf. ; Cohen, av. bar. de Nice.

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