Tribunal de première instance, 29 février 1996, P. c/ E.

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Abstract🔗

Cessation de paiements

Tribunal du travail saisi d'une action salariale contre l'employeur débiteur - Suspension des poursuites individuelles - Ouverture d'une procédure collective : vérification des créances - Créance salariale contestée - Sursis à statuer jusqu'à décision du Tribunal du travail - Article 472 du Code de commerce - Article 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946

Résumé🔗

L'action en paiement de compléments de salaires, de préavis, d'indemnités de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, dirigée par un salarié à l'encontre de son ancien employeur, à supposer fondée, la créance salariale invoquée, laquelle a pris naissance antérieurement au jugement prononçant la cessation des paiements de celui-ci, se trouve soumise à la règle de la suspension des poursuites individuelles à juste titre admise par le Tribunal du travail sur le fondement de l'article 461 du Code de commerce, ainsi qu'à l'obligation de produire édictée par l'article 462 du même code.

Dans ces conditions et en raison seulement de ce que la créance régulièrement produite se trouve actuellement contestée en ses principes et montant, il convient de surseoir à statuer de ces chefs jusqu'à ce que le Tribunal du travail se soit prononcé.

Il y a lieu en effet de constater, conformément aux dispositions de l'article 472 du Code de commerce, que le tribunal du travail a seul compétence pour statuer sur une telle contestation, par application des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.

Pour autant, le sursis à la continuation des opérations de liquidation des biens, également prévu par l'article 472 précité n'apparaît pas en l'état justifié, et n'a dès lors pas lieu d'être ordonné.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu qu'I. P. a produit à titre privilégié pour la somme de 153 083,30 francs au passif de G. E., dont la cessation des paiements a été judiciairement constatée le 9 septembre 1994 et la liquidation des biens ultérieurement prononcée le 22 juin 1995 ;

Attendu que, sur proposition du syndic A. G., le juge commissaire de la procédure collective consécutive à ces jugements a rejeté entièrement la production d'I. P., qui a dès lors régulièrement formé une réclamation contre le rejet de sa production ;

Attendu qu'aux termes d'une ordonnance rendue le 10 janvier 1996 sur cette réclamation, le juge commissaire s'est déclaré incompétent pour statuer sur la créance d'I. P. au motif que seul le Tribunal du travail peut connaître des différends pouvant s'élever à l'occasion du contrat de travail entre un employeur et un salarié ;

Attendu que le Tribunal a été dès lors saisi, par application de l'article 472 du Code de commerce, de l'examen de la créance invoquée par I. P. ;

Attendu que cette dernière a conclu le 2 février 1996 à son admission provisionnelle pour un franc au passif de G. E., au sursis à la continuation des opérations de la procédure collective, et au renvoi des parties devant le Tribunal du travail, seul compétent pour connaître du litige opposant ces mêmes parties ;

Attendu que, pour sa part, le syndic A. G. s'en est rapporté à justice ;

Sur quoi,

Attendu qu'il est constant qu'avant que G. E. ne soit déclaré en état de cessation des paiements par le jugement susvisé du 9 septembre 1994, I. P. avait saisi le bureau de jugement du Tribunal du travail, en suite d'un procès-verbal de non-conciliation délivré le 21 mars 1994, d'une action dirigée contre son ancien employeur G. E. tendant, outre 4 483,30 francs de complément de salaires, au paiement d'une somme totale de 148 600 francs à titre de préavis, d'indemnité de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Qu'intervenant volontairement en l'instance ainsi introduite, le syndic A. G. a sollicité la suspension des poursuites exercées contre G. E., ce, par application de l'article 461 du Code de commerce ;

Attendu qu'il a été fait droit à cette demande par le Tribunal du travail, cette juridiction ayant, par jugement en date du 23 février 1995, constaté que le jugement de cessation des paiements prononcé le 9 septembre 1994 avait généré la suspension des poursuites individuelles à l'encontre de G. E. ;

Attendu qu'en cet état de la procédure, il doit être relevé que la créance invoquée à l'encontre de ce débiteur par I. P. a manifestement pris naissance, à la supposer fondée, antérieurement au jugement précité du 9 septembre 1994 ;

Qu'I. P. s'est dès lors trouvée soumise à la règle de la suspension des poursuites individuelles à juste titre admise par le Tribunal du travail sur le fondement de l'article 461 du Code de commerce, ainsi qu'à l'obligation de produire édictée par l'article 462 du même code ;

Attendu que, dans ces conditions, et en raison seulement de ce que la créance régulièrement produite par I. P. se trouve actuellement contestée en ses principes et montant, il convient de surseoir à statuer de ces chefs jusqu'à ce que le Tribunal du travail se soit prononcé ;

Qu'il y a lieu en effet de constater, conformément aux dispositions de l'article 472 du Code de commerce, que le Tribunal du travail a seul compétence pour statuer sur une telle contestation, ce, par application des articles 1er et 54 de la loi n° 446, modifiée, du 16 mai 1946 ;

Que, pour autant, le sursis à la continuation des opérations de la liquidation des biens, également prévu par l'article 472 précité, n'apparaît pas en l'état justifié, et n'a dès lors pas lieu d'être ordonné ;

Et attendu que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Surseoit à statuer sur la production susvisée jusqu'à décision définitive du Tribunal du travail quant à la créance invoquée par I. P. à l'encontre de G. E. ;

Renvoie en conséquence I. P. à saisir à nouveau de ce chef le Tribunal du travail ;

Dit toutefois n'y avoir lieu de surseoir à la continuation des opérations de la liquidation des biens de G. E. ;

Ordonne le maintien de la présente instance au rôle général du Tribunal et dit qu'elle pourra être rappelée à la première audience utile sur simples conclusions déposées à cet effet, en temps opportun, par la partie la plus diligente ;

Composition🔗

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Me Pastor, Sbarrato av. déf. ; Mouchan av. au bar. de Nice.

Note🔗

Le jugement ci-dessus rapporté est à rapprocher de la jurisprudence correspondant à l'ancienne loi française du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire et la liquidation des biens (Com. 5 mars 1974, D. 1974, 475 ; Soc. 13 mars 1975, D. 1975, p. 434). Ainsi que le relève Mlle Adrienne-Honorat dans sa note sous l'arrêt précité de la chambre sociale, tous les créanciers qui se prévalent d'une créance antérieure au jugement de règlement judiciaire ou de liquidation des biens sont soumis à l'obligation de produire, y compris ceux qui, n'ayant pas encore de titre cherchent à faire reconnaître leur droit. Le Tribunal du travail qui, en l'absence d'ouverture d'une procédure collective, aurait seul compétence pour statuer sur une créance salariale ne redevient compétent lors d'une telle procédure que si ladite créance une fois produite fait l'objet d'une contestation. En ce cas sur renvoi opéré, conformément aux dispositions de l'article 472 du Code de commerce, le Tribunal doit constater que la juridiction du travail est seule compétente pour déterminer le montant d'une telle créance. Il doit donc surseoir à statuer sur la production, renvoyer les parties à saisir le Tribunal du travail quant au montant de la créance et, le cas échéant, ce qui n'a pas été le cas dans le jugement rapporté, surseoir également à la continuation des opérations.

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