Tribunal de première instance, 21 février 1996, Danzas c/ Geprocor, Banque Paribas

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Abstract🔗

Conflit de juridiction

Compétence Internationale du Tribunal - Clause contractuelle attributive de compétence à une juridiction étrangère - Validité de principe de cette clause - Clause conclue dans le seul intérêt d'une partie - Faculté de renonciation de celle-ci

Résumé🔗

La clause attribuant compétence en cas de contestation aux juridictions de Paris, figurant dans un document n'ayant en lui-même aucun caractère contractuel, prévu dans le seul intérêt d'un cocontractant, ne saurait priver celui-ci du droit d'y renoncer pour attraire son cocontractant et adversaire devant son juge naturel, à savoir la juridiction monégasque.

Il n'y a pas lieu en conséquence de faire droit à l'exception soulevée « in limine litis » par la demanderesse.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu que, suivant exploit du 22 septembre 1994, la société anonyme dénommée Danzas Dunkerque - autorisée par Ordonnance Présidentielle en date du 9 septembre 1994 à faire pratiquer une saisie-arrêt auprès de la Banque Paribas sur toutes sommes appartenant à sa cliente, la société anonyme monégasque dénommée Genuine Products Corporation et à concurrence d'une somme de 90 000 francs - a assigné ladite société et la Banque Paribas pour s'entendre, quant au tiers-saisi, faire la déclaration affirmative conformément à la loi, et, quant à la société Genuine Products Corporation, s'entendre condamner au paiement des causes de la saisie-arrêt, dont la validation est par ailleurs également réclamée ;

Attendu qu'alors que le tiers-saisi déclare détenir pour le compte de la société Genuine Products Corporation la somme de 90 000 francs, désormais bloquée dans ses livres, la société défenderesse soulève avant toute défense au fond un moyen d'exception tiré de l'incompétence des juridictions monégasques ; qu'à l'appui de ladite exception, la société Genuine Products Corporation excipe de la clause attributive de compétence rédigée par la société Danzas Dunkerque dans ses conditions générales d'intervention au profit des Tribunaux de Paris ; qu'elle entend voir par conséquent déclarer nulle et non avenue l'Ordonnance Présidentielle du 9 septembre 1994 et sollicite, outre la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 22 septembre 1994 auprès de la Banque Paribas, l'octroi d'une somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Danzas Dunkerque faisant valoir que ladite clause attributive de compétence figure dans un document qui n'a pas valeur contractuelle, expose qu'elle a seule intérêt à s'en prévaloir et qu'elle demeure libre de choisir l'autorité judiciaire qu'elle désire saisir ; qu'elle conclut en conséquence au débouté de la société défenderesse de son moyen d'incompétence et réitère le contenu de ses demandes au fond, tout en sollicitant l'octroi de 15 000 francs de dommages-intérêts pour résistance abusive, ainsi que l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Sur ce,

Attendu que la clause attributive de compétence invoquée par la société Genuine Products Corporation et ainsi rédigée :

« En cas de contestation de quelque nature que ce soit, même en cas d'appel en garantie ou de pluralité de défendeurs, attribution de compétence est faite aux Tribunaux de Paris, qui sont seuls compétents pour en connaître » ;

figure sous la rubrique « Conditions Générales » au dos d'un avis d'embarquement de fournitures émané de la société Danzas Dunkerque ;

Attendu que les conditions générales ainsi rappelées, même si elles figurent dans un document n'ayant en lui-même aucun caractère contractuel, ainsi que l'affirme à bon droit la demanderesse, obligent néanmoins toute personne contractant avec la société Danzas Dunkerque ;

Attendu, cependant, qu'une telle clause a été prévue par ladite société dans son seul intérêt et qu'il lui demeure loisible d'y renoncer pour attraire son co-contractant et adversaire devant son juge naturel, soit, pour la société Genuine Products Corporation, la juridiction monégasque ;

Attendu qu'il n'y a en conséquence pas lieu de faire droit à l'exception soulevée « in limine litis » par la société Genuine Products Corporation et qu'il convient de renvoyer la cause et les parties à l'audience du 21 mars 1996 pour conclusions ultérieures de la société Genuine Products Corporation ;

Attendu, s'agissant de la demande d'exécution provisoire de la présente décision, qu'il y a lieu d'y faire droit compte tenu de l'urgence qu'il y a de mettre cette instance en état au fond ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit par ailleurs à la demande de dommages-intérêts formulée par la société Danzas Dunkerque dans la mesure où la société défenderesse a pu se méprendre sur la portée de la clause de compétence susvisée ;

Et attendu que les dépens doivent être réservés ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant avant-dire-droit au fond,

Rejette l'exception soulevée par la société anonyme monégasque dénommée Genuine Products Corporation et se déclare compétent pour connaître de l'action introduite par la société anonyme dénommée Danzas Dunkerque ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Déboute la Société Danzas du surplus de ces demandes ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du 21 mars 1996 pour conclusions au fond ;

Composition🔗

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Me Pastor av. déf.

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