Tribunal de première instance, 1 juin 1995, État de Monaco c/ F.

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Abstract🔗

Domaine de l'Etat

Convention d'occupation d'une plage - Compte entre l'État et l'occupant à l'expiration de la Convention - Redevance due par l'occupant à l'État - Convention d'occupation d'une plage - Compte entre l'État et l'occupant à l'expiration de la Convention - Compensation opérée avec la valeur du matériel laissé par l'occupant supérieure au montant de la redevance

Résumé🔗

Dans le domaine des faits, il est constant que, selon Convention d'occupation signée le 9 juin 1989 entre les parties, F. F. a été autorisé par l'État de Monaco à occuper différents locaux à usage de snack-bar, d'une superficie de 235 m2 environ, moyennant une redevance annuelle de 525 000 francs, indexée sur les variations de l'indice INSEE, payable par trimestre.

Cette Convention, devant prendre fin le 30 juin 1992, a cependant fait l'objet par F. F. d'une résiliation anticipée à compter du 1er octobre 1991. Il est également constant qu'à cette date F. F. était redevable d'une somme de 356 033,77 francs, au titre de la redevance d'occupation afférente au dernier semestre d'exploitation, soit du 1er avril au 30 septembre 1991, somme que l'État réclame, sous déduction de la reprise, évaluée à 100 000 francs, du matériel laissé par son occupant dans les lieux.

Si l'article 17 de la Convention susvisée prévoit qu'à son expiration : « le bénéficiaire sera tenu d'enlever à ses frais les installations qu'il aura réalisées dans les locaux faisant l'objet de la présente autorisation », il apparaît, au regard des circonstances de la cause, que les parties ont entendu, à tout le moins implicitement, déroger à cette disposition.

Il n'est, en effet, pas contesté, d'une part, que F. F. a laissé dans les lieux le matériel et les installations qu'il y avait réalisées et que, d'autre part, l'État ne l'a, non seulement pas mis en demeure de les enlever, mais a revendu ces éléments au repreneur des lieux le 26 mai 1992 - ainsi qu'il le reconnaît dans ses écritures judiciaires -, en sorte qu'une novation est ainsi intervenue dans les conventions des parties.

Seule diverge, dès lors, entre elles, l'évaluation du coût de ces éléments, F. F. considérant que ceux-ci s'élevaient à 550 000 francs environ, tandis que l'État en limite la valeur à 100 000 francs.

Même si ces équipements ont nécessairement subi une certaine usure après deux ans et demi d'occupation, leur valeur résiduelle doit être considérée comme supérieure au montant des redevances impayées, compte tenu des éléments suffisants d'appréciation dont le Tribunal dispose, eu égard aux pièces produites.

Ainsi, l'État de Monaco ayant accepté de compenser le paiement des redevances dues par la valeur des installations laissées, il y a lieu de la débouter de sa demande en paiement ainsi que de sa demande en dommages-intérêts, F. F. n'apparaissant pas avoir opposé une résistance abusive aux revendications de son contractant.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que, suivant, l'exploit susvisé, l'État de Monaco, qui expose qu'en vertu d'une convention d'occupation par lui consentie à F. F. le 9 juin 1989, portant sur des locaux commerciaux à usage de snack-bar, celui-ci reste redevable de la somme de 356 033,77 francs, représentant les redevances du 1er avril au 30 septembre 1991, déduction faite du coût de certaines installations laissées dans les lieux, évaluées à 100 000 francs, a fait assigner son débiteur en paiement de ces sommes, outre 25 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Qu'au soutien de ses demandes, l'État de Monaco expose que suite à la Convention susvisée, F. F. s'était vu concéder l'exploitation des locaux constituant les lots 46, 47, 48, 49 et 50, moyennant une redevance annuelle de 525 000 francs, mais que ce locataire avait quitté les lieux le 30 septembre 1991, en s'abstenant de régler les deux derniers trimestres de redevance, s'élevant au total à 356 033,77 francs ;

Attendu que, de son côté, F. F. réplique que s'il est exact qu'il n'a pas acquitté les redevances afférentes à son dernier semestre d'occupation, c'est en raison des graves difficultés financières que son commerce a connues dès le mois d'avril 1991, mais qu'il avait proposé à son bailleur par lettre du 16 octobre 1991, de compenser sa dette avec le matériel laissé dans les lieux, d'une valeur d'achat de 550 000 francs environ, ce qui représenterait 400 000 francs de valeur résiduelle ;

Qu'il estime, dès lors, que c'est de manière arbitraire que l'État de Monaco a unilatéralement évalué ce matériel pour la somme de 100 000 francs et qu'il sollicite la production de l'état des lieux dressé lors de son départ ;

Qu'à titre subsidiaire, il conclut à une expertise aux fins d'évaluer la valeur du matériel litigieux et qu'à titre tout à fait subsidiaire, il sollicite, en cas de sa condamnation au versement des redevances réclamées, les plus larges délais de paiement, en faisant valoir son impécuniosité actuelle ;

Attendu que, dans le dernier état de ses écritures judiciaires, l'État de Monaco expose qu'une mesure d'expertise serait inopportune, dès lors qu'un repreneur se trouve depuis lors dans les lieux, lequel a utilisé le matériel litigieux, et a pu le modifier, voire s'en séparer, ce qui rendrait toute investigation impossible ;

Qu'il expose, par ailleurs, qu'ayant notifié au défendeur le 12 juin 1992 le nouveau montant des sommes dues, après déduction du rachat des investissements à hauteur de 100 000 francs, F. F. a tacitement accepté ce rachat qu'il serait à présent mal fondé de remettre en question ;

Qu'enfin, l'État soutient qu'à aucun moment, il n'a sollicité de son occupant la reprise de son investissement, pas plus qu'il n'a souhaité être un intermédiaire dans le cadre d'un rachat éventuel, en sorte que les prétentions de F. F. seraient, selon lui, particulièrement dolosives et qu'il conclut au bénéfice de ses demandes initiales ;

Sur quoi,

Attendu, dans le domaine des faits, qu'il est constant que, selon Convention d'occupation signée le 9 juin 1989 entre les parties, F. F. a été autorisé par l'État de Monaco à occuper différents locaux à usage de snack-bar, d'une superficie de 235 m2 environ, moyennant une redevance annuelle de 525 000 francs, indexée sur les variations de l'indice INSEE, payable par trimestre ;

Que cette Convention, devant prendre fin le 30 juin 1992, a cependant fait l'objet par F. F., d'une résiliation anticipée à compter du 1er octobre 1991 ;

Qu'il est également constant qu'à cette date, F. F. était redevable d'une somme de 356 033,77 francs, au titre de la redevance d'occupation afférente au dernier semestre d'exploitation, soit du 1er avril au 30 septembre 1991, somme que l'État réclame, sous déduction de la reprise, évaluée à 100 000 francs, du matériel laissé par son occupant dans les lieux ;

Attendu que si l'article 17 de la Convention susvisée prévoit qu'à son expiration : « le bénéficiaire sera tenu d'enlever à ses frais les installations qu'il aura réalisées dans les locaux faisant l'objet de la présente autorisation », il apparaît, au regard des circonstances de la cause, que les parties ont entendu, à tout le moins implicitement, déroger à cette disposition ;

Qu'il n'est, en effet, pas contesté, d'une part, que F. F. a laissé dans les lieux le matériel et les installations qu'il y avait réalisées et que, d'autre part, l'État ne l'a, non seulement pas mis en demeure de les enlever, mais a revendu ces éléments au repreneur des lieux le 26 mai 1992 - ainsi qu'il le reconnaît dans ses écritures judiciaires -, en sorte qu'une novation est ainsi intervenue dans les conventions des parties ;

Que seule diverge, dès lors, entre elles, l'évaluation du coût de ces éléments, F. F. considérant que ceux-ci s'élevaient à 550 000 francs environ, tandis que l'État en limite la valeur à 100 000 francs ;

Attendu que, cependant, dans ses conclusions du 19 mai 1994, l'État admet que la valeur hors taxes du matériel laissé par son occupant, s'élevait, selon factures produites, à 428 262 francs, mais qu'en raison du mauvais état de l'ensemble, il conviendrait d'affecter à ce montant une déduction de 25 % ; que, toutefois, il divise par quatre ce montant pour arriver à une valeur résiduelle de 107 065,50 francs, ce qui correspondrait, selon lui, approximativement, à la somme de 100 000 francs déjà déduite dans son décompte définitif ;

Attendu, cependant, que l'état des lieux très succinct établi par les parties le 9 octobre 1991, lors du départ effectif de F. F., révèle un bon état général - à l'exception de quelques carreaux cassés - et confirme la présence d'une cuisine complète ;

Qu'à cet égard, il résulte de l'ensemble des factures produites par F. F., que si un nombre important d'entre elles concerne soit la livraison du matériel, soit des travaux de plomberie et d'électricité, soit la fourniture de petit matériel - toutes factures qui doivent rester à la charge du défendeur, dès lors qu'il lui incombait de réaliser les travaux d'aménagement propres à l'exploitation des locaux et qu'il lui était loisible de récupérer tout le petit matériel de fonctionnement -, il ressort des autres factures produites que F. F. a déboursé la somme de 578 415,76 francs pour le matériel lourd et les installations culinaires laissées à l'État, et que celui-ci ne conteste pas avoir revendus, à savoir :

  • la somme de 42 696 francs pour l'installation des stores et lambrequins, selon facture de l'entreprise « Le Relais du Store » en date du 30 juin 1989 ;

  • la somme de 3 463,12 francs pour passe-plat inox et consoles de support, selon facture de l'entreprise « Le sur mesure de l'inox » en date du 6 juillet 1989 ;

  • la somme de 4 020,54 francs pour installation d'enseignes, selon facture de l'entreprise « J.-P. F. » en date du 21 novembre 1989 ;

  • les sommes de 71 160 francs, 408 294,73 francs et 9 275,71 francs pour installation complète de la cuisine, selon factures de l'entreprise « Froid et machines de cuisine » en date du 1er juillet 1989 ;

  • les sommes de 16 018,12 francs et 23 487,54 francs pour installations de différentes vitrines, selon 2 factures de l'entreprise « Nice froid » en date respectivement des 29 juin et 4 août 1989 ;

Que même si ces équipements ont nécessairement subi une certaine usure après deux ans et demi d'occupation, leur valeur résiduelle doit être considérée comme supérieure au montant des redevances impayées, compte tenu des éléments suffisants d'appréciation dont le tribunal dispose, eu égard aux pièces produites ;

Qu'ainsi, l'État de Monaco ayant accepté de compenser le paiement des redevances dues par la valeur des installations laissées, il y a lieu de le débouter de sa demande en paiement ainsi que de sa demande en dommages-intérêts, F. F. n'apparaissant pas avoir opposé une résistance abusive aux revendications de son co-contractant ;

Attendu que les dépens du présent jugement doivent être laissés à la charge de l'État qui succombe ; qu'imputables à l'adversaire d'un assisté judiciaire, leur recouvrement sera régi par l'article 50 du Code de Procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute l'État de Monaco de l'ensemble de ses demandes.

Composition🔗

M. Landwerlin Prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Karczag-Mencarelli et Escaut av. déf. ; Pasquier-Ciula av.

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