Tribunal de première instance, 27 avril 1995, B., M. c/ SAM Amero Conseil

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Abstract🔗

Exploits

Exploit d'assignation - Nullité, même en l'absence de grief - Défaut de maintien du domicile - Signification ne satisfaisant pas aux prescriptions de l'article 148 du Code de procédure civile

Résumé🔗

Il y a lieu de prononcer la nullité de l'exploit d'assignation devant le juge de paix, alors que cet acte ne mentionne pas le domicile du défendeur, comme le prescrit l'article 136 du Code de procédure civile, mais encore ne respecte pas les prescriptions imposées à peine de nullité par l'article 155 dudit code, édictées par l'article 148 de ce même code aux termes desquelles « tous exploits seront faits à personne ou à domicile ».

La circonstance que le défendeur ait postérieurement reçu copie de cet acte à la diligence du Parquet général est inopérante quant à la validité de l'assignation, de même qu'il est tout aussi indifférent qu'il ait comparu sur cette assignation sans subir aucun grief, dès lors que le principe « pas de nullité sans grief » n'est pas applicable en droit monégasque, que le régime des nullités prévues par le code, tel qu'il s'applique aux assignations devant le juge de paix en vertu de l'article 57 du Code de procédure civile, est consacré par l'article 966 dudit code édictant au contraire qu'aucune des nullités qui y sont prévues n'est comminatoire.


Motifs🔗

Le Tribunal,

En vertu d'un permis d'assigner délivré le 6 octobre 1993, la société anonyme monégasque dénommée Amero Conseil, par exploit du 9 novembre 1993, a fait citer devant le juge de paix V. B. C., demeurant à Monaco et « A. M. B., demeurant à Beausoleil (Alpes-Maritimes) » en paiement de la somme de 24 550,20 francs avec intérêts de droit à compter du 9 août 1993, correspondant à la fourniture d'une prestation de conseil, outre la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Les défendeurs ont opposé à ces demandes le moyen tiré de la nullité de l'assignation au motif qu'A. M. y est désigné sous le nom de M. B. et a été assigné non pas à son domicile mais à son lieu de travail ; à titre subsidiaire ils ont fait valoir que le bien-fondé des demandes n'est pas établi ;

Par jugement du 15 juin 1994 auquel il y a lieu de se reporter, le juge de paix a rejeté l'exception de nullité et a condamné solidairement V. B. C. et A. M. à payer à la société Amero Conseil la somme principale de 24 550,20 francs avec intérêts de droit à compter du 9 novembre 1993, outre celle de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts, les défendeurs ayant été par ailleurs déboutés de leur demande reconventionnelle et condamnés aux dépens ;

Pour statuer ainsi, le juge de paix, sur le moyen de procédure, a estimé que la nullité encourue par application de l'article 155 du Code de procédure civile doit être prononcée « dans la mesure où elle suppose l'existence d'un grief résultant des erreurs mentionnées », et qu'en l'espèce, A. M., qui a retiré l'acte délivré à son bureau et a constitué avocat pour la défense de ses intérêts, n'a subi aucun grief ; que l'exception a dès lors été rejetée ;

Sur le fond, le juge de paix a déduit des pièces produites que B. C. et M. ont fait appel à la société Amero Conseil en vue d'obtenir son aide pour la constitution d'une société et que celle-ci, à l'occasion d'une dizaine de rendez-vous, leur a consacré du temps et a prodigué des conseils répondant à leur attente, aucune objection n'ayant été formulée sur la qualité de la mission remplie par cette société prestataire de services ;

Que le premier juge a donc admis le principe de la demande en modifiant la date de départ du cours des intérêts et a indemnisé la résistance fautivement opposée au paiement par l'allocation de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Par l'exploit susvisé du 2 août 1994, B. C. et M. ont régulièrement interjeté appel de cette décision, signifiée le 4 juillet 1994 ; ils font grief au juge de paix d'avoir violé les dispositions des articles 136 et 155 du Code de procédure civile en ayant exigé l'existence d'un grief, ce qui constitue une condition non prévue par les textes monégasques ;

A titre subsidiaire, ils font état de divers éléments pour conclure au rejet de la demande de la société Amero Conseil ;

Cette société, dans des conclusions du 10 novembre 1994, soutient que c'est à juste titre que le juge de paix a appliqué le principe jurisprudentiel « pas de nullité sans grief » et sollicite la confirmation du jugement entrepris en demandant en outre le paiement de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;

En réponse, les appelants, prenant acte que la société Amero Conseil a décidé sa dissolution anticipée à compter du 30 septembre 1994, concluent à l'irrecevabilité des écrits judiciaires pris par cette société le 10 novembre 1994, soit à une date où elle était dissoute ;

En réplique, la société Amero Conseil dénie toute valeur à ce moyen d'irrecevabilité au motif que toute personne morale survit pour les besoins de sa liquidation, en sorte qu'elle peut continuer à ester en justice ;

Sur quoi,

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'A. M. est domicilié à Monaco, ainsi qu'il en justifie par la production, en copie, de sa carte de séjour valable du 6 mai 1993 au 25 avril 1994 ;

Qu'il est constant cependant qu'il a été assigné le 9 novembre 1993 devant le juge de paix à Parquet, en l'état d'une adresse en France à Beausoleil, mentionnée comme étant son domicile ;

Attendu qu'il s'ensuit que non seulement l'exploit d'assignation le concernant ne contient pas la mention de son domicile, comme le prescrit l'article 136 du Code de procédure civile, mais encore ne respecte pas les prescriptions, imposées à peine de nullité par l'article 155 dudit code, édictées par l'article 148 de ce code aux termes desquelles « tous exploits seront faits à personne ou à domicile » ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de prononcer la nullité de l'exploit d'assignation susvisé du 9 novembre 1993, en ce qu'il concerne A. M., la circonstance que ce défendeur ait ultérieurement reçu copie de cet acte à Beausoleil à la diligence du Parquet Général étant inopérante quant à la validité de l'assignation, de même qu'il est tout aussi indifférent que M. ait comparu sur cette assignation sans subir aucun grief, dès lors que le principe « pas de nullité sans grief » n'est pas applicable en droit monégasque ; que le régime des nullités prévues par le code, tel qu'il s'applique aux assignations devant le juge de Paix en vertu de l'article 57 du Code de procédure civile, est consacré par l'article 966 dudit code édictant au contraire qu'aucune des nullités qui y sont prévues n'est comminatoire ;

Attendu, dès lors, que le juge de paix n'était pas valablement saisi de l'instance introduite par la société Amero Conseil à l'encontre d'A. M. ;

Attendu, quant à l'instance engagée contre V. B. C., qu'il y a lieu d'observer qu'elle tendait à l'origine à la condamnation de ce défendeur au paiement de la somme de 24 550,20 francs avec intérêts de droit à compter du 9 août 1993 - soit en l'occurrence le taux légal fixé en toute matière, à 9,50 % par an selon l'ordonnance n° 6170 du 26 décembre 1977 applicable à la période considérée - et de celle de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Qu'ainsi, au jour de la demande originaire du 9 novembre 1993, cette action excédait la compétence du juge de paix telle qu'édictée par l'article 6 du Code de procédure civile limitant le taux de son ressort à la valeur de 30 000 francs ;

Attendu qu'il est en effet de principe que le taux de compétence s'apprécie en fonction du principal de la demande constitué par le capital, les intérêts dus au jour de la demande et les dommages-intérêts (cf. jugements du tribunal de première instance des 15 février 1990 : P. / A., et 13 février 1992 : ALCATEL / POOL INTERNATIONAL), les intérêts dus après la demande formant pour leur part les accessoires de la créance ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'incompétence du juge de paix doit être soulevée en la cause, étant relevé qu'en ce qu'elle touche à l'ordre des juridictions, cette incompétence en raison de la matière doit être relevée d'office sur le fondement de l'article 263 du Code de procédure civile (cf. jugements du tribunal de première instance des 18 février 1988 : HELI AIR MONACO / M., 17 janvier 1991 : G. / MONTE CARLO SUN, et 4 mars 1993 : BCCI / B.) ;

Attendu que les dépens doivent être supportés par la société Amero Conseil, en l'état des irrégularités commises à l'occasion de la saisine du juge de paix ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du juge de paix,

Infirme le jugement du 15 juin 1994 en ce qu'il a rejeté l'exception soulevée par A. M. ;

Prononce, à l'égard de cette partie, la nullité de l'assignation délivrée par le ministère de Maître Claire Notari, huissier, en date du 9 novembre 1993 ;

Dit en conséquence que le juge de paix ne se trouvait pas valablement saisi et annule les condamnations prononcées à l'encontre de M. ;

Constate par ailleurs que le juge de paix était incompétent pour connaître de la demande formée à l'égard de V. B. C. et annule également les condamnations prononcées à son encontre ;

MM. Landwerlinprés ; Serdetprem.-subst.proc.gén.Mes Escaut, Karczag-Mencarelli av.-déf. ; Licari av.

Note🔗

MM. Landwerlinprés ; Serdetprem.-subst.proc.gén.Mes Escaut, Karczag-Mencarelli av.-déf. ; Licari av.

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