Tribunal de première instance, 27 avril 1995, P.-M. c/ M.

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Abstract🔗

Minorité

Droit de visite - Exercice par un grand-parent - Opposition du père - Refus du juge : atteinte aux attributions de la puissance paternelle

Résumé🔗

À défaut par les parties qui sont toutes deux de nationalité italienne de revendiquer l'application de leur loi nationale commune, il y a lieu de retenir la compétence de la loi du for pour régir le présent litige.

Si le législateur monégasque a prévu les conditions d'exercice du droit de visite des parents dans le cadre des procédures de divorce et de séparation de corps (art. 206-20 et 206-36) ou au bénéfice de certaines personnes qui ont élevé un enfant mineur (art. 214-2), soit encore dans le cadre des mesures de l'assistance éducative (C. civ., art. 319) le Code civil demeure en revanche totalement silencieux en ce qui concerne les grands-parents ou toutes autres personnes qui voudraient entretenir des relations personnelles avec un enfant mineur par le biais d'un droit de visite ou d'hébergement.

En une telle matière, inhérente à l'état des personnes, il ne saurait être soutenu que l'absence de toute prohibition équivaudrait à une autorisation légale ; il doit en effet être tenu compte du caractère d'ordre public des dispositions relatives aux attributs de la puissance paternelle, laquelle est en l'occurrence exercée par le seul défendeur en application de l'article 301 du Code civil monégasque, et ce, pour autant que cette prérogative ne soit pas de nature à compromettre ni la santé ni la sécurité, la moralité ou l'éducation desdits enfants.

En effet, de l'exercice normal de cette puissance paternelle touchant à l'organisation de la famille dépend ce qui doit être considéré comme l'intérêt « présumé » de l'enfant.

En l'espèce, il n'est pas établi d'une part que l'exercice du droit de visite sollicité ne porterait pas atteinte aux prérogatives de la puissance paternelle revenant au fils de la demanderesse, alors d'autre part que la loi monégasque ne permet d'apporter de modification à l'environnement affectif de l'enfant que dans des circonstances particulières et spécialement énumérées, tenant notamment à la situation de danger physique ou psychique dans laquelle se trouverait le mineur.

En l'occurrence, force est de constater que les enfants vivent, au contraire, dans un foyer uni et source d'équilibre, qu'aucune circonstance juridique ou de fait ne permet en l'état de remettre en cause, même de façon ponctuelle.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu que Y. P.-M. a, suivant l'exploit susvisé, fait assigner son fils M. M. aux fins d'obtenir l'autorisation d'exercer un droit de visite d'un après-midi tous les quinze jours - le mercredi de 14 heures à 18 heures - auprès de ses petits-enfants L. et E. âgés respectivement de 6 et 3 ans, et ce, à charge pour elle de les prendre et les ramener au domicile de leurs parents, au besoin en présence d'un tiers ;

Attendu que la demanderesse expose que son fils refuse de lui confier ses enfants qu'elle n'a quasiment jamais pu voir depuis leur naissance, et ce, au prétexte de la procédure de divorce très conflictuelle qui l'aurait opposée à L. M., père du défendeur ;

Qu'elle revendique son désir légitime de grand-mère d'entretenir des relations d'affection avec ses petits-enfants et invoque au soutien de sa demande l'article 371 alinéa 4 du Code Civil français qui dispose que :

« les père et mère ne peuvent, sans motifs graves, faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents » ;

Que tout en admettant que le Code Civil monégasque ne dispose pas de prescriptions similaires, Y. P.-M. estime qu'aucun texte ne fait obstacle à ce que les grands-parents puissent exercer le droit de visite ; qu'elle évoque l'importante superficie de l'appartement dont elle est propriétaire au « Périgord » et rappelle que sa propre fille y a séjourné plusieurs fois avec ses enfants ;

Qu'à titre subsidiaire, Y. P.-M. accepte l'instauration d'une mesure d'enquête sociale, confiée à telle assistante sociale qu'il appartiendra, à l'effet de faire rapport sur les circonstances matérielles et de moralité dont elle jouit ;

Qu'elle sollicite enfin l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu que M. M. expose pour sa part que Y. P.-M. et lui-même sont tous deux de nationalité italienne et que la loi française ne saurait dès lors recevoir application ; que se référant à son propre mariage célébré en Principauté de Monaco et à la fixation de leur domicile respectif sur le territoire de ce pays, M. M. conclut à la compétence de la seule loi monégasque ;

Attendu que le défendeur observe à cet égard que le Code Civil monégasque ne possède aucune disposition spécifique permettant l'exercice d'un droit de visite pour les grands-parents et indique que s'agissant d'une question relative à l'état des personnes, aucune assimilation à une jurisprudence française ne saurait être retenue ; que M. M. entend en conséquence à titre principal voir débouter Y. P.-M. des fins de sa demande et expose à titre subsidiaire qu'il existe des motifs graves l'autorisant à s'opposer à l'exercice d'un tel droit de visite ; qu'il évoque à cet égard l'influence néfaste qu'aurait eue sa mère sur l'harmonie de son couple et la tendance de cette dernière à reporter sur lui l'agressivité éprouvée après le divorce d'avec son père L. M. ;

Attendu que le défendeur a également indiqué à l'audience qu'il ne s'opposerait pas à ce qu'une enquête sociale soit ordonnée dans le cas où le Tribunal consacrerait le principe d'un droit de visite confié à sa mère ;

Sur ce,

Attendu que le présent litige commande de déterminer si la demanderesse peut ou non revendiquer l'autorisation d'exercer à Monaco un droit de visite sur la personne de ses petits-enfants vivant en l'occurrence au sein d'une famille unie dans les liens du mariage ;

Qu'il est en effet constant que Y. P.-M., divorcée de L. M., est la grand-mère de L., né le 16 août 1991 et d'E., née le 19 avril 1989, qui sont les enfants de son propre fils M. et de son épouse, née A. M. ;

Qu'alors que les parties s'accordent à dire qu'elles sont toutes deux de nationalité italienne, elles n'en revendiquent pas pour autant la compétence de la loi italienne dont relève leur statut personnel, mais se réfèrent expressément à la barre au droit positif monégasque comme devant régir leurs relations dans le cadre de la présente instance ;

Attendu dès lors, qu'à défaut pour les parties d'avoir sollicité l'application de leur loi nationale commune, il y a lieu de retenir la compétence de la loi du for pour régir le présent litige ;

Attendu que si le législateur monégasque a à cet égard prévu les conditions d'exercice du droit de visite des parents dans le cadre des procédures de divorce et de séparation de corps (articles 206-20 et 206-36) ou au bénéfice de certaines personnes qui ont élevé un enfant mineur (article 214-2), soit encore dans le cadre des mesures de l'assistance éducative (article 319 du Code Civil), le Code Civil demeure en revanche totalement silencieux en ce qui concerne les grands-parents ou toutes autres personnes qui voudraient entretenir des relations personnelles avec un enfant mineur par le biais d'un droit de visite ou d'hébergement ;

Attendu qu'en une telle matière, inhérente à l'état des personnes, il ne saurait être soutenu que l'absence de toute prohibition équivaudrait à une autorisation légale ; qu'il doit en effet être tenu compte du caractère d'ordre public des dispositions relatives aux attributs de la puissance paternelle, laquelle est en l'occurrence exercée par le seul défendeur en application de l'article 301 du Code Civil monégasque, et ce, pour autant que cette prérogative ne soit pas de nature à compromettre ni la santé ni la sécurité, la moralité ou l'éducation desdits enfants ;

Attendu en effet que, de l'exercice normal de cette puissance paternelle touchant à l'organisation de la famille dépend ce qui doit être considéré comme l'intérêt « présumé » de l'enfant ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas établi d'une part que l'exercice du droit de visite sollicité par Y. P.-M. ne porterait pas atteinte aux prérogatives de la puissance paternelle revenant à son fils, alors d'autre part que la loi monégasque ne permet d'apporter de modification à l'environnement affectif de l'enfant que dans des circonstances particulières et spécialement énumérées, tenant notamment à la situation de danger physique ou psychique dans laquelle se trouverait le mineur ;

Attendu qu'en l'occurrence, force est de constater que les enfants de M. M. et A. M. épouse M. vivent au contraire dans un foyer uni et source d'équilibre, qu'aucune circonstance juridique ou de fait ne permet en l'état de remettre en cause, même de façon ponctuelle ;

Attendu qu'il y a donc lieu de débouter Y. P.-M. des fins de sa demande d'autorisation d'exercer un droit de visite sur les personnes de ses petits-enfants L. et E. ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute Y. P.-M. des fins de sa demande ;

Composition🔗

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mme Brugnetti, Pastor av. déf. ; Pomatto av. bar. de Nice.

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