Tribunal de première instance, 30 mars 1995, Société Cera Factors c/ SAM Chocolaterie et Confiserie de Monaco.

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Abstract🔗

Affactorage (factoring)

Subrogation conventionnelle - Opposabilité des droits du débiteur cédé à l'égard du factor - Exceptions nées avant la subrogation - Condition : réunion des éléments de la compensation légale - Exceptions nées après la subrogation - Condition : connexité avec créance principale du fournisseur

Résumé🔗

Si le débiteur cédé est fondé à invoquer contre le factor les exceptions de fait ou de droit nées avant la subrogation, ce n'est que pour autant qu'elles lui auraient permis de refuser de payer le fournisseur (paiement, confusion, prescription) et à la condition que tous les éléments de la compensation légale soient réunis, c'est-à-dire que les créances soient réciproques, certaines, liquides et exigibles - ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Si l'opposabilité des créances postérieures à la subrogation apparaît également admise, ce n'est que dans la mesure de leur connexité avec la créance principale du fournisseur contre le débiteur cédé ; en l'occurrence, cette condition n'apparaît pas davantage remplie eu égard à la nature personnelle de la créance en dommages-intérêts invoquée par la défenderesse et à l'absence de tout lien de rattachement avec l'objet des livraisons ayant donné lieu à l'établissement des factures litigieuses.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu que la société dénommée Cera Factors NV, qui se dit créancière - en vertu d'un contrat d'affacturage et de subrogation de la société anonyme monégasque dénommée Bouchard l'Escaut -, d'une somme principale de 26 706,42 francs, représentant le montant d'un relevé de comptes relatif à diverses factures s'échelonnant de juin 1991 à septembre 1991 demeurées impayées, a fait assigner la société anonyme monégasque dénommée « Chocolaterie et Confiserie de Monaco » aux fins d'obtenir le paiement de ladite somme de 26 706,42 francs, outre les intérêts de retard du jour d'exigibilité de la dernière facture, le 16 septembre 1991, et 2 500 francs à titre de dommages-intérêts, soit une somme totale de 34 412,71 francs ;

Attendu que la société Chocolaterie et Confiserie de Monaco reconnaît en premier lieu que les factures objet de la créance de la société Bouchard ont été régulièrement cédées à la société Cera Factors NV ; qu'elle explique en avoir volontairement suspendu le règlement à compter du mois de juillet 1991 en raison selon elle des manœuvres indélicates dont elle aurait été l'objet de la part d'un administrateur de la société Bouchard qui aurait prospecté sur son territoire et démarché ses clients ;

Attendu que la défenderesse, qui chiffre à 39 779 francs le coût des frais des nouveaux investissements qu'elle dut assurer pour démarcher sa clientèle et forme implicitement une demande reconventionnelle tendant à voir consacrer le principe de sa créance de dommages-intérêts à l'encontre de la société Bouchard, conclut au débouté pur et simple de la société de factoring de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu que la société Cera Factors NV estime pour sa part que le débiteur ne saurait opposer au factor, nouveau créancier, des exceptions nées de ses relations passées avec le créancier et fournisseur initial ; qu'en outre, les moyens de défense invoqués n'ont nullement trait à la marchandise livrée et ne sauraient lui être opposés, alors que le client a accepté les livraisons sans réserve ni aucune protestation, et qu'il ne conteste toujours pas devoir le montant des factures y afférent ;

Sur ce,

Attendu que la traduction de la convention de factoring - non enregistrée et qui le sera avec le présent jugement - signée le 8 novembre 1990 entre d'une part, la société Cera Factors SA ou « factor », et, d'autre part, la société Bouchard l'Escaut ou « fournisseur », permet de constater que la société demanderesse Cera apparaît bien fondée - en tant que cessionnaire des créances de la société Bouchard - à demander à la société « Chocolaterie et Confiserie de Monaco » l'exécution de ses engagements ;

Qu'il est non moins constant qu'une somme totale de 26 706,42 francs est demeurée impayée au titre de diverses factures s'échelonnant de juin 1991 à septembre 1991 ;

Attendu que la défenderesse croit pouvoir s'opposer à la demande de condamnation ainsi formée en invoquant la créance de dommages-intérêts qu'elle aurait acquise à l'encontre d'un des administrateurs de la société Bouchard ;

Attendu cependant que si le débiteur cédé est fondé à invoquer contre le factor les exceptions de fait ou de droit nées avant la subrogation, ce n'est que pour autant qu'elles lui auraient permis de refuser de payer le fournisseur (paiement, confusion, prescription) et à la condition que tous les éléments de la compensation légale soient réunis, c'est-à-dire que les créances soient réciproques, certaines, liquides et exigibles ;

Attendu qu'en l'espèce, force est au contraire de constater que la défenderesse ne justifie pas de l'existence d'une créance antérieure à la subrogation ni de son caractère liquide et exigible ;

Attendu, en outre, que si l'opposabilité des créances postérieures à la subrogation apparaît également admise, ce n'est que dans la mesure de leur connexité avec la créance principale du fournisseur contre le débiteur cédé ; qu'en l'occurrence, cette condition n'apparaît pas davantage remplie eu égard à la nature personnelle de la créance en dommages-intérêts invoquée par la défenderesse et à l'absence de tout lien de rattachement avec l'objet des livraisons ayant donné lieu à l'établissement des factures litigieuses ;

Attendu qu'il y a donc lieu de débouter la société défenderesse des fins de sa demande reconventionnelle en compensation et de la condamner au paiement de la somme principale de 26 706,42 francs assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 1992, date de la lettre de mise en demeure ;

Et attendu que la société Cera Factors NV ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'octroi d'intérêts au taux légal et doit être déboutée des fins de sa demande de dommages-intérêts ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS.

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Condamne la société anonyme monégasque dénommée « Chocolaterie et Confiserie de Monaco » à payer à la société dénommée Cera Factors NV la somme de 26 706,42 francs, montant des causes susénoncées, avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 1992, date de la lettre de mise en demeure ;

Déboute la société « Chocolaterie et Confiserie de Monaco » des fins de sa demande reconventionnelle ;

Déboute la société Cera Factors NV du surplus de ses demandes ;

Composition🔗

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. subst. Proc. gén. - Me Sanita av. déf.

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