Tribunal de première instance, 23 février 1995, L. c/ H.

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Abstract🔗

Conflit de lois

Pactes sur successions futures : Intéressés de nationalité allemande - Loi successorale applicable - Droit allemand : Immeubles et meubles situés en Allemagne - Légalité des pactes sur succession future - Atténuation de l'ordre public monégasque quant aux effets des droits acquis en Allemagne - Droit monégasque : Immeuble situé à Monaco - Prohibition des pactes sur succession future

Résumé🔗

Les actes dont la nullité est demandée, portant renonciation de la part des descendants aux successions de leur mère et de leur père, ne pourraient tomber, comme il est prétendu, sous le coup des dispositions de l'article 985 du Code civil, prohibant les pactes sur succession future, lequel n'est, cependant, pas applicable aux successions mobilières, non plus que celle immobilière de la mère - ouverte en Allemagne - qu'au seul cas où les effets de la loi successorale allemande seraient contraires à l'ordre public monégasque.

L'application de la loi allemande qui admet les pactes sur succession future, comme les testaments conjonctifs, ne peut être considérée en l'espèce comme heurtant manifestement la conception monégasque de l'ordre public international.

Il est en effet de principe, en droit international privé monégasque, que la réaction de l'ordre public à l'encontre d'une disposition étrangère au droit interne, n'opère que de manière atténuée lorsqu'il s'agit seulement, comme en l'espèce, de laisser se produire à Monaco, les effets de droits régulièrement acquis à l'étranger, en conformité de la loi applicable selon la règle monégasque de conflit ;

Il ne saurait être dès lors procédé à l'invalidation des actes dont s'agit, lesquels doivent produire leur plein effet à Monaco en ce qui concerne l'entière succession de la mère et celle mobilière du père.

Par voie de conséquence, lesdites successions doivent être actuellement tenues pour définitivement dévolues à leurs légitimes bénéficiaires, sans pouvoir aucunement être désormais remises en cause dans la présente instance.

En matière immobilière, s'agissant de la seule succession du père, comportant un bien immobilier à Monaco, la loi successorale désignée par la règle monégasque de conflit comme devant régir la dévolution de ce bien, commande, en revanche, de tenir directement compte de la prohibition des pactes sur succession future édictée par l'article 985 du Code civil.

Les successions immobilières sont régies en droit international privé monégasque par la loi du lieu de situation des immeubles, ce qui conduit à l'application, en l'espèce, de la loi successorale monégasque, sans qu'il y ait lieu de s'attacher, comme il est prétendu en défense, à une plus grande faveur qui devrait être, à cet égard, reconnue à l'autonomie de la volonté ; en effet, soumettre à des lois distinctes la dévolution successorale de biens immobiliers ayant une même situation, en fonction, notamment, d'une simple manifestation de volonté du de cujus, même conforme à un rattachement objectif de la succession considérée avec le droit de son pays d'origine ou celui de son domicile, conduirait à l'évidence à une multiplicité de solutions juridiques de transmission de propriété à cause de mort, applicables à des immeubles relevant pourtant d'un même statut réel.

En cette matière, l'unicité d'un même régime de dévolution successorale régissant l'ensemble des immeubles situés dans la Principauté paraît - pour la sécurité des transactions immobilières intéressant au premier chef, directement ou indirectement, de nombreux étrangers, aptes à s'informer aisément du droit monégasque applicable - devoir être préférée à tout système fondé sur le refus de morcellement des masses successorales immobilières du fait de leur localisation différenciée, qui conduirait à soumettre l'entière succession relative à ces masses à une loi unique originairement convenue, mais dont les tiers n'auraient pas, sauf en dernier lieu, connaissance.

Aussi, toute renonciation à ce bien immobilier sur la base du pacte litigieux invoqué doit être considérée comme de nul effet relativement à ce bien, ce conformément aux dispositions de l'article 985 précité qui est d'ordre public et dont les termes clairs ne sont sujets à aucune interprétation qui serait destinée à éluder leur application.

Par voie de conséquence, le bien immobilier ne pourra revenir à la personne qui en a été instituée légataire universelle que dans la proportion d'un tiers, par application de l'article 780 du Code civil relatif à la quotité dont le testateur pouvait disposer à cause de mort, en présence, comme en l'espèce de deux enfants.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

R. L., né le 12 octobre 1906 à Munich (RFA), de nationalité allemande, a eu de son mariage avec J. L. née S., deux enfants : M. L. épouse K., née le 27 décembre 1934 et G. L., né le 25 novembre 1937 ;

Par acte, ultérieurement confirmé, dressé le 23 avril 1963 en l'étude de Me Georg Feyock, notaire à Munich, ces derniers ont renoncé à leur droit à réserve légale dans la succession du premier mourant de leurs parents ;

À la même époque les époux R. et J. L. ont établi un acte sous seing privé, daté du 19 mai 1963, contenant de leur part un testament olographe conjonctif, autorisé par la loi allemande ;

Aux termes de ce testament ils se sont mutuellement institués légataires universels et décidé, par ailleurs, qu'au décès du dernier mourant d'entre eux la totalité des biens composant la succession du défunt serait alors attribuée à leurs deux enfants, institués légataires universels de ces biens ;

Deux ans après, et à son retour des États-Unis, où il poursuivait des études d'architecture, G. L. a décidé de s'associer à son père, également architecte, afin d'exercer désormais avec lui son activité, au sein d'un cabinet commun ;

Un contrat d'association sous seing privé a été alors conclu par R. L. et son fils, sous la date du 1er juillet 1965 ;

Un an plus tard, le 1er août 1966, survenait le décès de J. L. née S. ; R. L. se voyait alors conférer la pleine disposition des biens de sa défunte épouse en exécution du testament conjonctif précité du 19 mai 1963 ;

Parmi ces biens figuraient un immeuble et une propriété respectivement situés à Munich, et dans les environs de cette ville, à Pöcking ;

Aux termes d'un acte reçu le 28 septembre 1973 par Me Helmut Gäbhard, notaire à Starnberg (RFA), R. L. a procédé à la cession de la propriété de Pöcking, consistant en une maison d'habitation avec garage cour et jardin, d'une superficie de 2 260 m2 ;

Cette cession, portant sur un bien évalué dans l'acte à 24 200 DM, s'est opérée par voie de donation au profit de L. S., née H., le 9 juillet 1929 à Düsseldorf (RFA), et demeurant également à Pöcking, avec laquelle R. L. devait peu après s'unir en mariage ;

Dans le même temps, et par devant Me Germar Hüttinger, notaire à Munich, R. L. a également cédé l'immeuble de Munich, à titre onéreux cette fois et pour le prix de 3 740 000 DM, ce par acte en date du 5 octobre 1973 conclu avec la société « Münchener Lebensversicherung Actiengesellschaft » ;

Moins de deux mois après, soit le 14 novembre 1973, R. L. contractait mariage à Pöcking, sous le régime légal allemand, avec L. H. ;

Décidant alors de vivre désormais avec elle à Monaco, R. L. y procédait dans les mois suivants à l'acquisition de divers biens immeubles ;

À la même époque les époux R. et L. L. concluaient le 17 juillet 1974, par devant Me Gäbhard, un contrat modificatif de leur régime matrimonial aux termes duquel ils adoptaient pour l'avenir un régime conventionnel de séparation de biens ;

Peu après, et alors que le cabinet d'architecture, exploité jusque là en association par son mari, connaissait quelques difficultés financières, L. L. s'est fait consentir par acte, en date du 30 novembre 1974, diverses cessions de créances par G. L., en contrepartie d'un prêt de 700 000 DM qu'elle lui octroyait alors, outre une caution de sa part envers un établissement de crédit créancier du cabinet ;

Parallèlement R. L. cessait à compter du 31 décembre 1974 d'exercer son activité d'architecte en association avec son fils ;

Une convention devait être à cette occasion signée le 21 novembre 1975 par les époux R. et L. L., ainsi que par G. L., aux termes de laquelle celui-ci devenait seul titulaire des créances de la société constituée avec son père et, par ailleurs, obtenait, contre paiement d'une somme transactionnelle de 18 400 DM, la rétrocession par L. L. de divers droits de créance antérieurement cédés à celle-ci par la société - au titre de concours financiers qu'elle avait apportés au cabinet d'architecture - sous réserve, en cas d'issue favorable de plusieurs procès en cours, que soient ultérieurement remboursés divers frais avancés à l'occasion de ces procès, par L. ou R. L. ;

Ces derniers avaient, par ailleurs, décidé, peu avant, d'un partage de leurs biens immobiliers situés à Monaco, partage auquel il a été procédé par devant Me Jean-Charles Rey, notaire à Monaco, suivant acte dressé le 3 juin 1975 ;

Par la suite L. L. a vendu le 27 juillet 1976 pour le prix de 874 000 DM la propriété dont R. L. lui avait fait donation trois ans auparavant ;

Dans le même temps et par acte notarié dressé le 30 août 1976 en l'étude de Me Helmut Gäbhard, notaire à Starnberg (RFA), G. L. et sa sœur M. K. née L. ont déclaré renoncer à tous droits, notamment de réserve légale, dans la succession future de leur père R. L., en ce compris les biens provenant de la succession de leur mère prédécédée J. L. née S. ;

En contrepartie de cette renonciation et par le même acte, valant convention G. L. s'est vu attribuer les parts d'une société civile propriétaire d'un terrain sis à Feldafing à charge pour lui, en cas d'aliénation du terrain, de reverser à sa sœur 50 % de la portion de prix excédant 400 000 DM ;

G. L. a reçu également de son père, signataire à l'acte, une somme en numéraire de 35 000 DM, à charge pour lui d'assumer une dette du cabinet d'architecture évaluée à 20 000 DM et de cautionner son père pour une autre dette de 50 000 DM ;

Pour sa part M. K. née L. s'est vue garantir par son père un prêt à hauteur de 100 000 DM ;

Par ailleurs, mais à la même époque, R. L. a reconnu par acte daté du 15 septembre 1976, avoir reçu de son épouse L. L. divers prêts d'un montant total de 1 250 000 DM qu'il a déclaré devoir à celle-ci ;

En considération des actes ainsi conclus en 1976, R. L. a établi par la suite un testament olographe, rédigé en langue française, et daté à Monaco, du 23 mai 1985, par lequel il a institué son épouse L. L. légataire universelle de ses biens ;

Dans ce testament R. L. a incidemment renouvelé sa reconnaissance de dette relative au prêt susvisé de 1 250 000 DM sur lequel, a-t-il indiqué, aucun remboursement n'avait été fait en capital ou intérêts ;

C'est en l'état de ce testament que R. L. est décédé en Suisse, le 19 janvier 1990, alors qu'il était domicilié à Monaco ;

En sus des biens mobiliers qui en dépendent, la succession de R. L. ne comporte qu'un seul immeuble situé à Monaco ;

Il s'agit d'un appartement de 53,81 m2, outre 2,70 m2 de balcon, situé au premier étage inférieur de l'immeuble dénommé « Villa M.-L. » à Monaco ;

Sa valeur vénale a été estimée au 30 janvier 1990 à 1 110 000 francs ;

Par l'exploit d'assignation susvisé, régulièrement délivré à L. L. née H., G. L. et M. K. née L. demandent au Tribunal de déclarer nuls comme contraires à l'ordre public les actes ci-dessus mentionnés des 23 avril 1963 et 30 août 1976 contenant successivement renonciation de leur part à la succession du premier mourant de leurs parents et à la succession de leur père R. L. ;

Ils prétendent en effet que le contenu de ces deux actes est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article 985 du Code civil prohibant, sous peine de nullité absolue, toute renonciation à des successions non ouvertes et toutes stipulations relatives à de pareilles successions ;

Les demandeurs estiment à ce propos que l'acte du 30 août 1976, par lequel ils ont déclaré renoncer à la succession future de leur père, doit être qualifié de pacte sur succession future et s'avère dès lors entaché de nullité sur le fondement des dispositions de l'article 985 du Code civil ;

Ils considèrent en effet, que la partie immobilière de la succession de leur père, en tant qu'elle concerne les immeubles situés à Monaco, doit être régie par le droit monégasque, à raison d'une telle situation, et donc, en particulier, par l'article 985 précité ;

Ils ajoutent quant à la partie mobilière de cette même succession que, si en raison de la nationalité allemande du de cujus, la loi successorale applicable est la loi allemande, en revanche cette loi devrait être écartée, en l'espèce, comme comportant des dispositions contraires à l'ordre public monégasque ;

Les demandeurs précisent en effet que la renonciation à une succession, bien que conforme au droit allemand, se heurte au principe d'ordre public interdisant toute renonciation à une succession future qu'institue, en droit monégasque, l'article 985 du Code civil ;

Incidemment, G. et M. L. font valoir, par ailleurs, que leur père n'a pas respecté les dispositions contenues dans le testament conjonctif qu'il a établi le 19 mai 1963 avec sa première épouse, J. L. née S. ;

Ils rappellent, en effet, qu'aux termes de cet acte, ils auraient dû devenir tous deux légataires universels de leur père, au décès de celui-ci, conformément à la volonté conjointe de leurs deux parents, en sorte que le testament de leur père, daté du 23 mai 1985, ne respecterait pas cette volonté puisqu'il avait institué L. L. seule légataire universelle du de cujus ;

Les demandeurs considèrent, en définitive, dans leur assignation, qu'ils devraient hériter, chacun, du tiers des biens mobiliers et immobiliers de leur père, ce qu'ils demandent au Tribunal de juger ;

Ils prétendent, en outre, qu'en application de l'article 712 du Code civil, L. L. devrait rapporter à la succession l'ensemble des donations qu'elle a reçues de R. L. ;

Ils précisent, à cet égard, que la propriété de Pöcking qui n'est revenue à R. L. qu'ensuite du décès de J. L. née S., et qui a été donnée par lui à L. L., a été vendue par la donataire à une époque où R. et L. L. ont procédé, le 6 décembre 1973, à l'acquisition à Monaco d'un bien immobilier dénommé « Villa B. » ;

Dès lors que cette villa a été divisée en lots, que certains lots ont été vendus et que les lots subsistants ont été partagés entre R. et L. L. le 3 juin 1975, les demandeurs estiment que L. L. a, en réalité, bénéficié par l'effet de ce partage, d'une donation déguisée, et que, par voie de conséquence, la « Villa B. » devrait, comme toute autre donation consentie par le de cujus, être rapportée à la succession de R. L. ;

Pour parvenir au règlement de celle-ci, G. et M. L. sollicitent enfin, par leur assignation, qu'il soit procédé aux opérations de compte liquidation et partage de ladite succession par un notaire désigné par le Tribunal ; ils contestent, cependant, qu'il puisse être tenu compte, à cette occasion, de la reconnaissance de dette réitérée dans son testament du 23 mai 1985 par R. L. au profit de L. L., laquelle reconnaissance ne correspondrait, selon eux, à aucune obligation réelle et n'aurait été insérée dans ledit testament que dans le seul but d'aggraver le passif de la succession au profit de la défenderesse ;

En réponse aux demandes ainsi formulées, et tout en s'interrogeant sur le lieu d'ouverture de la succession dont s'agit, eu égard au décès du de cujus en Suisse, et aux liens étroits de celui-ci avec son pays d'origine, L. L., soutient que, par l'acte du 30 août 1976, G. et M. L. sont devenus immédiatement propriétaires d'une partie importante du patrimoine de R. L. et, notamment, de toutes les parts d'une société civile allemande propriétaire de plusieurs terrains situés près de Starnberg, en sorte que c'est d'un commun accord des parties, que R. L. avait décidé de partager avec eux son patrimoine successoral en contrepartie de leur renonciation définitive et irrévocable à réclamer ultérieurement un quelconque bien relevant de sa propre succession ;

L. L. estime, en outre, que la convention conclue à cette occasion le 30 août 1976, par acte notarié, est conforme à la Loi allemande (BGB, § 2274 à 2302), alors surtout que les parties à l'acte litigieux avaient la nationalité allemande et que celui-ci, régulièrement dressé en Allemagne, y a produit des effets définitifs puisque G. et M. L. sont effectivement entrés en possession des actifs qui en étaient l'objet ;

La défenderesse prétend, en conséquence, que cette convention ne saurait être aucunement déclarée contraire à l'ordre public monégasque, dès lors, d'une part, que, pour la partie mobilière de la succession, cet ordre public n'aurait qu'un effet atténué, conduisant à tenir pour valable à Monaco les conséquences juridiques de la convention litigieuse, régulièrement nées en Allemagne, et que, d'autre part, si, en matière immobilière, la loi successorale monégasque, à la supposer applicable, pourrait par principe s'opposer à ladite convention, il conviendrait, en revanche, de tenir compte, en l'occurrence, de ce que cette même convention était, quant au fond et à la forme, formellement autorisée par la loi du pays où elle a été conclue, et dont étaient nationaux ses divers signataires ;

L. L. fait valoir, par ailleurs, qu'il incombe aux demandeurs de prouver l'existence de la donation déguisée qu'ils invoquent et incidemment, que seules les juridictions allemandes seraient compétentes pour statuer de ce chef, quant aux actes portant sur des biens immobiliers situés en Allemagne ;

Elle estime également injustifiée, l'allégation des demandeurs tendant à contester la validité de la reconnaissance de dette opérée à son profit par son défunt mari ;

Elle forme, enfin, une demande reconventionnelle contre eux - pour le cas où, après invalidation à Monaco de l'acte susvisé du 30 août 1976, ils seraient tenus pour héritiers réservataires de R. L. quant au seul bien immobilier situé à Monaco et relevant de la succession de celui-ci - en paiement d'une somme en francs correspondant à 1 250 000 DM, montant de la reconnaissance de dette réitérée par le de cujus dans son dernier testament, outre intérêts au taux de 6 % l'an à compter du mois d'août 1976 ;

Répliquant aux conclusions de L. L., et considérant comme ouverte sans conteste à Monaco la succession dont s'agit, les demandeurs principaux contestent avoir eu volontairement pour dessein, lors de la convention du 30 août 1976, un partage successoral du patrimoine de R. L., communément admis par les parties ;

Ils rappellent, en effet, que si, du vivant de leur mère, ils avaient par acte du 23 avril 1963, renoncé à la succession future du premier mourant de leurs parents, ce n'était qu'à seule fin de permettre le testament conjonctif que ceux-ci ont établi à la même époque le 19 mai 1963, lequel, selon un procédé juridique couramment pratiqué en Allemagne, avait pour objet de les instituer en définitive légataires universels, aptes à recueillir l'entière succession de leur père et mère au décès du dernier mourant ;

G. et M. L. rappellent, à ce propos, qu'au décès de leur mère, le patrimoine immobilier de leurs parents était important puisqu'il comportait : un immeuble à usage commercial et d'habitation dans un quartier central et résidentiel de Munich, qui avait en 1966 une valeur d'environ 3 000 000 DM, une grande villa double à Pöcking, dans une banlieue de Munich, proche de Starnberg, très résidentielle, d'une valeur en 1966 de 900 000 DM et également des parts d'une société civile immobilière (Kirchplatz Feldafing) qui possédait à l'actif un terrain à bâtir à Feldafing, pareillement dans la banlieue de Munich, évalué à la même époque à environ 400 000 DM ;

Ils soulignent, en revanche, qu'au moment de l'acte litigieux du 30 août 1976, R. L. ne possédait plus l'immeuble de Munich (cédé à titre onéreux le 5 octobre 1973), non plus que la propriété de Pöcking (dont il avait fait donation à L. L.) ;

Ils estiment, de la sorte, inexact de dire, comme l'indique la défenderesse principale, qu'ils seraient, par l'acte litigieux précité, devenus immédiatement propriétaires d'une « partie importante » du patrimoine de R. L., puisqu'aussi bien ne leur avaient été alors dévolus, en matière immobilière, compte tenu de ce qui précède, que les parts de la société civile précitée, propriétaire au surplus, non pas de plusieurs terrains, comme allégué en défense, mais seulement d'un seul terrain d'une valeur de 400 000 DM, lequel se trouvait alors grevé d'une hypothèque au profit de L. L., pour un montant de 100 000 DM ;

Dès lors qu'aux termes de la convention précitée, G. L. devait céder à sa sœur, M. L., une somme de 165 000 DM sur le prix de cession de ce bien immobilier, après déduction de la somme de 100 000 DM revenant à L. L., les demandeurs principaux concluent, en définitive, qu'ils n'ont recueilli chacun, au décès de leur père, que les sommes de 135 000 et 165 000 DM respectivement, alors qu'au décès de leur mère, le patrimoine familial pouvait être évalué à environ 4 300 000 DM ;

G. et M. L. considèrent, dans ces conditions, avoir été lésés par l'acte du 30 août 1976 qu'ils ont souscrit, puisqu'aussi bien la contre-valeur de l'immeuble de Munich est venue grossir le patrimoine du de cujus, tout comme celle de la villa de Pöcking a accru les avoirs de L. L., et que les sommes correspondant à ces contre-valeurs, ont été, selon eux, manifestement exportées d'Allemagne et réinvesties, notamment, dans des biens immobiliers de Monaco ;

G. L. soutient dès lors, avec sa sœur, qu'en réalité il n'avait consenti à souscrire les conventions de 1976 que sur la demande insistante de son père qui l'avait menacé de quitter l'Allemagne en organisant son insolvabilité et en lui laissant assumer seul la responsabilité solidaire d'associé dans le cabinet d'architecture commun, face aux créanciers de celui-ci ;

La société civile professionnelle constituée par R. L. avec son fils, connaissait alors, en effet, selon ce qu'admettent les demandeurs principaux, de sérieuses difficultés qui avaient conduit L. L. à apporter, avec son propre patrimoine, un concours financier à cette société, encore que, pour une somme qu'ils considèrent comme limitée à 800 000 francs, compte tenu de diverses contreparties obtenues par la défenderesse principale ;

G. et M. L. considèrent, cependant, dans leurs conclusions en réplique, que cette partie n'a nullement apporté la preuve de l'existence réelle de la dette du de cujus à son profit, qu'elle invoque à hauteur de 1 250 000 DM, en sorte que le Tribunal ne pourrait aucunement faire droit à la demande reconventionnelle ;

Ils précisent, au demeurant, qu'une telle demande serait en toute hypothèse irrecevable, puisqu'à la supposer réelle, la dette alléguée du de cujus ne les concernerait pas directement, car elle affecterait, au premier chef, le passif successoral de R. L., ce qui s'opposerait à ce qu'ils puissent être condamnés à la payer ainsi qu'il serait sollicité ;

Sur la base d'une consultation du Pr. L. fondée sur les faits constants ci-dessus rapportés, L. L., qui admet, en définitive, que la succession de R. L. s'est ouverte à Monaco, distingue en ses dernières conclusions les sorts devant être respectivement conférés à la masse mobilière et à la masse immobilière relevant de cette succession, rappelant exactement qu'en droit international privé monégasque la succession mobilière est régie par la loi nationale du défunt, tandis que la succession immobilière l'est par la loi du pays où se situe chaque immeuble considéré ;

Relativement à la succession immobilière de R. L., dont il est rappelé qu'elle ne concerne que l'appartement susvisé de la « Villa M.-L. », L. L. maintient son opposition à ce que soit prononcée, comme il est demandé, la nullité du pacte successoral litigieux du 30 août 1976, spécialement en ce qu'il porte, de la part des demandeurs principaux, renonciation à la succession du de cujus ;

L. L. reconnaît, à cet égard, que la Loi monégasque condamne indiscutablement ce type de renonciation ; elle estime, cependant, que s'il est généralement admis que les pactes sur succession future sont en principe soumis à la loi successorale, donc, en l'espèce, à la Loi monégasque, s'agissant de la succession immobilière, en revanche, cette solution de principe ne serait pas absolue et devrait désormais connaître des exceptions dans un contexte juridique général devenu plus favorable, à la fois aux pactes successoraux, à l'autonomie de la volonté en droit international privé, et à la prévisibilité des solutions à apporter aux litiges en ce domaine ;

L. L. considère, en premier lieu, que si le principe de la prohibition des pactes sur succession future subsiste en droit monégasque, ce principe n'a jamais été absolu puisque les articles 937, 948 et 931 du Code civil admettent, respectivement, les institutions contractuelles en faveur des futurs époux par contrat de mariage et les donations-partages ;

L. L. souligne, en outre, diverses atténuations à ce principe, issues de dispositions postérieures au Code civil, telles l'article 1237 du Code civil dans sa rédaction résultant de la Loi n° 886 du 25 juin 1970 qui permet la stipulation dans un contrat de mariage, qu'à la dissolution du mariage par décès, l'époux survivant aura la faculté de se faire attribuer certains biens personnels du pré-mourant ;

Elle ajoute, dans le même sens, l'article 785 du Code civil, permettant aux réservataires de consentir à des aliénations avec réserve d'usufruit faites à des successibles et considérées par la loi comme des libéralités, et par là même, de renoncer par avance à en demander la réduction lorsqu'elles portent atteinte à la réserve héréditaire ;

Au regard de ces diverses exceptions au principe de prohibition des pactes sur succession future, L. L. relève qu'il y a manifestement nécessité de faire échapper certains pactes successoraux à cette prohibition ; elle considère, pour ce, que la jurisprudence pourrait, dès lors, élargir le domaine des pactes licites, en considération, notamment, de l'utilité de ceux qui mettent fin à un contentieux familial, en organisant un règlement d'ensemble, et que corrélativement, la multiplication des pactes licites pourrait conduire à ce que la validité des pactes successoraux ne soit plus régie, en droit international privé, par la loi successorale ;

Sur ce point, L. L. rappelle qu'en droit international privé, les règles de conflit sont d'origine jurisprudentielle et donc susceptibles d'évolution et d'adaptation en fonction des besoins ;

Elle note qu'en matière successorale, le règlement des litiges commande le choix d'une loi apte à régir, sur une base unitaire, les divers éléments du patrimoine du de cujus pouvant être dispersés sur plusieurs territoires, une telle loi devant naturellement présenter un lien étroit avec la situation à régler et étant généralement la loi nationale du de cujus, la loi de son domicile, ou la loi de situation des immeubles pour la partie immobilière de la succession ;

L. L. rappelle, à cet égard, qu'une récente convention de La Haye (du 1er août 1989), élaborée avec le concours actif de l'Union Internationale du Notariat Latin, prévoit en son article 5 la possibilité pour le de cujus de faire une « professio juris » en faveur de la loi du pays dans lequel il avait son domicile au moment de la désignation ou au moment du décès, ou dont il possédait la nationalité, et que ladite convention, comme d'ailleurs le droit suisse, définissent la loi applicable aux pactes successoraux comme étant celle de l'État dans lequel le disposant est domicilié au moment du pacte, sauf possibilité pour lui de soumettre toute sa succession au droit de son État national, au lieu et place de la loi de son domicile ;

L. L. considère ainsi que la tendance actuelle de la doctrine serait favorable à l'autonomie de la volonté en matière successorale, et qu'il conviendrait, par conséquent, d'assouplir, en cette matière, les règles jurisprudentielles de rattachement, en permettant à la volonté du testateur d'influer sur la loi applicable, ce, dans le dessein, notamment, d'offrir au testateur la faculté de soumettre à sa loi nationale l'ensemble de sa succession, y compris les immeubles, où qu'ils soient situés, et d'éviter ainsi lors du règlement de sa succession, un morcellement inutile de son patrimoine ;

Selon L. L., l'adoucissement ainsi préconisé de la règle de conflit, à raison d'une plus grande faveur faite à l'autonomie de la volonté, bien que non encore expressément consacrée par la jurisprudence, devrait conduire à soumettre les pactes successoraux à la loi en contemplation de laquelle ils ont été conclus, tout au moins lorsque cette loi présente avec la succession un lien de rattachement objectif, ce qui serait, de surcroît, en harmonie avec une meilleure garantie de la prévisibilité des solutions en matière successorale ; L. L. estime, en effet, avec le Pr. L., que le droit international privé, autrefois conçu comme un droit répartiteur des souverainetés étatiques, devrait être aujourd'hui considéré comme ayant pour fonction première de dégager les solutions les plus appropriées aux intérêts des personnes privées impliquées dans des relations internationales ;

Ainsi, en matière successorale, le choix de la loi de situation de l'immeuble, qui répondait autrefois à la seule idée que la souveraineté des États était à l'évidence intéressée au sort des immeubles situés sur leur territoire, devrait maintenant avoir pour unique justification la localisation objective d'un élément du patrimoine, en sorte que le choix d'une telle loi devrait s'effacer lorsqu'il serait manifeste que le défunt ou ses héritiers présomptifs n'avaient pu songer que cette loi s'appliquerait et viendrait troubler leurs prévisions légitimes de règlement de la succession ;

Dans cet ordre d'idées, L. L. mentionne que, si l'on exclut l'acquisition d'un immeuble à Monaco, faite par les époux L. peu avant le décès du de cujus, les intérêts desdits époux, comme ceux de leurs enfants, se trouvaient entièrement et naturellement localisés en Allemagne au moment de la conclusion du pacte successoral litigieux de 1976 et avaient été manifestement conçus par les parties en présence comme devant être soumis au droit allemand, en raison tant de la nationalité que du domicile de ces mêmes parties ; L. L. en conclut donc que le souci de prévisibilité des solutions devrait également commander, en l'espèce, l'application de la Loi allemande au règlement du litige, et donc la validation du pacte successoral dont s'agit ;

S'agissant toujours de la succession immobilière de R. L., mais en ce qui concerne le domaine particulier du rapport de donations sollicité par les demandeurs principaux, L. L. souligne, pour l'essentiel, qu'un tel rapport serait certainement à exclure, en tant qu'il devrait porter, comme il est demandé, sur la prétendue donation de la « villa B. », puisque, selon les termes même de l'assignation, ce bien n'aurait été acquis qu'avec les fonds provenant de la vente de la propriété de Pöcking, et que, si l'on pourrait concevoir un rapport de cette propriété à la masse successorale allemande, il ne pourrait, en revanche, nullement être admis qu'un tel rapport fût fait à la masse immobilière monégasque, à laquelle ladite propriété n'était pas originairement incorporée ;

L. L. rappelle, en effet, qu'il est de principe que le rapport n'est jamais dû qu'à la succession au détriment de laquelle la libéralité a été faite, sans quoi il constituerait en réalité un apport au profit d'une autre succession ;

Au plan de la succession mobilière, L. L. estime, par ailleurs, sur la base de la consultation du Pr. L., que la part croissante faite, en droit international privé, à l'autonomie de la volonté en matière de pactes successoraux, interdit sans doute de considérer aujourd'hui comme contraire à l'ordre public monégasque, un pacte successoral fait en conformité de la loi désignée par la règle de conflit de lois du for, comme appelée à régir la succession dont s'agit, un tel ordre public ne pouvant avoir, en l'espèce, qu'un effet atténué ;

Sur quoi,

Attendu que les actes des 23 avril 1963 et 30 août 1976 dont la nullité est invoquée par G. et M. L. dans les termes de l'assignation susvisée ont eu pour effet, ainsi qu'il vient d'être rappelé, d'emporter renonciation par ces parties à tout droit à réserve légale dans la succession de J. L., et dans celle de R. L. ;

Attendu que la succession de J. L. s'est ouverte en Allemagne, où elle a été dévolue à R. L. par l'effet du testament conjonctif que celui-ci a régulièrement conclu avec son épouse le 19 mai 1963, ladite succession comportant pour l'essentiel, outre une partie mobilière, des immeubles situés dans leur intégralité en Allemagne ;

Attendu que la succession de R. L. comportant un seul immeuble à Monaco s'est ouverte en revanche à Monaco, ainsi que la défenderesse l'a admis en dernier lieu, compte tenu de la domiciliation du défunt dans la Principauté ;

Attendu que l'action de G. et M. L. dont le Tribunal se trouve saisi tend manifestement à remettre en cause le règlement, convenu par les parties, des successions respectives de J. L. et de R. L., lesquelles, quel que soit leur lieu d'ouverture, et selon la règle monégasque de conflit de lois applicable en la circonstance, doivent être tenues pour exclusivement régies en matière mobilière par la loi allemande, loi nationale des de cujus, laquelle est également appelée à régir la succession immobilière de J. L., entièrement localisée en Allemagne ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'en ces deux matières, les actes incriminés des 23 avril 1963 et 30 août 1976 portant renonciation aux successions de J. L. et R. L. ne pourraient tomber, comme il est prétendu, sous le coup des dispositions de l'article 985 du Code civil prohibant les pactes sur succession future, lequel n'est pas cependant applicable aux successions mobilières dont s'agit, non plus que celle immobilière de J. L., qu'au seul cas où les effets de la loi successorale allemande seraient contraires à l'ordre public monégasque, tiré de ces mêmes dispositions ;

Attendu toutefois que l'application d'une telle loi, qui admet les pactes sur succession future, tout comme les testaments conjonctifs, ne peut être considérée en l'espèce comme heurtant manifestement la conception monégasque de l'ordre public international ;

Attendu qu'il est en effet de principe, en droit international privé monégasque, que la réaction de l'ordre public à l'encontre d'une disposition étrangère contraire au droit interne, n'opère que de manière atténuée lorsqu'il s'agit seulement, comme en l'espèce, de laisser se produire à Monaco les effets de droits régulièrement acquis à l'étranger, en conformité de la loi applicable selon la règle monégasque de conflit ;

Qu'il ne saurait être dès lors procédé, comme il est sollicité, à l'invalidation des actes susvisés des 23 avril 1963 et 30 août 1976, lesquels doivent donc produire leur plein effet à Monaco en ce qui concerne l'entière succession de J. L. et celle, mobilière, de R. L. ;

Que par voie de conséquence, lesdites successions doivent être actuellement tenues pour définitivement dévolues à leurs légitimes bénéficiaires, sans pouvoir aucunement être désormais remises en cause dans la présente instance ;

Attendu qu'en matière immobilière et s'agissant cette fois de la seule succession de R. L. comportant un bien immobilier à Monaco, la loi successorale désignée par la règle monégasque de conflit comme devant régir la dévolution de ce bien, commande, en revanche, de tenir directement compte de la prohibition des pactes sur succession future édictée par l'article 985 précité du Code civil ;

Attendu, en effet, qu'aux termes de l'article 3 dudit Code, les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par les lois de la Principauté ; que ces dispositions, manifestement relatives au contenu des droits réels et aux modes de transmission des immeubles considérés, propres à leur statut, doivent être conçues comme applicables également aux transferts à cause de mort, afin, d'une part, de faire coïncider en cette matière la compétence législative et la compétence juridictionnelle prévue par l'article 3-1° du Code de procédure civile, d'autre part, de soumettre à une loi unique en fonction de la situation des immeubles, dont dépend leur statut réel, l'ensemble des questions relevant de leur indivision ou partage, outre celles de forme ou de fond relatives à la transmission de leur propriété ou aux modes de leur dévolution successorale ;

Qu'il s'ensuit que les successions immobilières sont régies en droit international privé monégasque par la loi du lieu de situation des immeubles, ce qui conduit à l'application, en l'espèce, de la loi successorale monégasque, sans qu'il y ait lieu de s'attacher, comme il est prétendu en défense, à une plus grande faveur qui devrait être à cet égard reconnue à l'autonomie de la volonté ;

Qu'en effet, soumettre à des lois distinctes la dévolution successorale de biens immobiliers ayant une même situation, en fonction notamment d'une simple manifestation de volonté du de cujus, même conforme à un rattachement objectif de la succession considérée avec le droit de son pays d'origine ou celui de son domicile, conduirait à l'évidence à une multiplicité de solutions juridiques de transmission de propriété à cause de mort applicables à des immeubles relevant pourtant d'un même statut réel ;

Qu'en cette matière, l'unicité d'un même régime de dévolution successorale régissant l'ensemble des immeubles situés dans la Principauté paraît - pour la sécurité des transactions immobilières intéressant au premier chef, directement ou indirectement, de nombreux étrangers, aptes à s'informer aisément du droit monégasque applicable - devoir être préférée à tout système fondé sur le refus de morcellement des masses successorales immobilières du fait de leur localisation différenciée, qui conduirait à soumettre l'entière succession relative à ces masses à une loi unique originairement convenue, mais dont les tiers n'auraient pas, sauf en dernier lieu, connaissance ;

Attendu qu'en définitive, le bien immobilier relevant de la succession de R. L. et consistant, ainsi qu'il a été dit, en un appartement situé à Monaco, doit être dévolu selon les règles successorales monégasques, aux parties actuellement en présence puisque, en particulier, toute renonciation à ce bien par G. et M. L. sur la base du pacte litigieux du 30 août 1976 doit être considérée comme de nul effet relativement à ce bien, ce, conformément aux dispositions de l'article 985 précité du Code civil, qui est d'ordre public et dont les termes clairs ne sont sujets à aucune interprétation qui serait destinée à éluder leur application en l'espèce ;

Attendu que, par voie de conséquence, et dès lors qu'il est constant que L. L. a été instituée légataire universelle par son défunt mari, R. L., le bien immobilier précité ne pourra revenir à cette légataire que dans la proportion d'un tiers, ce, par application de l'article 780 du Code civil relatif à la quotité dont le testateur pouvait disposer à cause de mort en présence, comme en l'espèce, de deux enfants ;

Qu'il convient dès lors de faire droit pour ce bien, avec toutes conséquences légales, à la demande de partage formulée par G. et M. L. sur la base d'un tiers pour chacun ;

Attendu qu'en revanche, l'on ne saurait accueillir, quant au fond, la demande de rapport de libéralités, par ailleurs formulée par G. et M. L. ;

Qu'indépendamment de la circonstance invoquée par L. L. que le rapport ainsi sollicité affecterait, selon le droit international privé, des masses successorales distinctes, comme afférent à la Villa B. acquise à Monaco avec des fonds provenant de la vente d'un immeuble objet d'une donation antérieure en Allemagne, il doit être en effet rappelé que le rapport d'une libéralité ne peut être envisagé que de celui qui, étant héritier ab intestat, aurait été personnellement gratifié par le de cujus, tandis qu'un successeur testamentaire n'est jamais tenu de rapporter des libéralités par lui reçues en plus de son legs ;

Qu'en l'occurrence, L. L., légataire universelle, ne saurait donc être contrainte au rapport sollicité de sa part, quant aux donations consenties par le de cujus ;

Qu'il convient dès lors de débouter G. et M. L. de leur demande formulée de ce chef ;

Attendu, d'autre part, que la demande reconventionnelle formulée par L. L. et tendant à se voir reconnaître la qualité de créancière de la succession de R. L. pour une somme de 1 250 000 DM, ce, en vertu d'une reconnaissance de dette consentie par le de cujus, ne peut être utilement dirigée contre G. et M. L., lesquels en allèguent toutefois à tort l'irrecevabilité, au motif, inexact, que serait sollicitée leur condamnation au paiement d'une telle somme ;

Attendu en effet que ceux-ci n'ont la qualité d'héritiers réservataires compte tenu de ce qui précède, que relativement à la masse successorale immobilière monégasque, tandis que leur renonciation à tout droit dans la succession mobilière de R. L., constituant une masse successorale distincte, doit, comme il vient d'être rapporté, être reconnue valide selon le droit allemand applicable par l'effet atténué de l'ordre public monégasque, ce qui s'oppose à ce que soit actuellement remise en cause la dévolution d'ores et déjà opérée du patrimoine mobilier du du cujus, selon les modalités, ci-dessus rapportées, convenues par les parties ;

Attendu que cette circonstance fait ainsi obstacle à ce que L. L. puisse actuellement prétendre à des droits successoraux de nature mobilière à l'encontre de G. et M. L., autres que ceux qui lui ont été d'ores et déjà implicitement reconnus par les parties demanderesses principales dans le cadre de la dévolution successorale mobilière définitivement opérée en Allemagne ou selon la loi allemande ;

Que, son droit à agir n'étant pas de la sorte fondé à cet égard, il convient, dès lors, de la débouter de sa demande reconventionnelle ;

Et attendu que cette partie succombe pour l'essentiel dans la présente instance ;

Qu'elle doit dès lors en supporter les dépens par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare l'acte susvisé du 30 août 1976 sans effet sur la dévolution successorale du bien immobilier relevant de la succession de R. L., situé à Monaco dans l'immeuble dénommé « Villa M.-L. » ;

Dit qu'ensuite du décès de R. L., G. L., M. K. née L. et L. L. née H., sont dévolutaires de la propriété de ce bien à raison, chacun, d'une quote-part d'un tiers ;

Faisant droit à la demande de G. L. et de M. K. née L.,

Ordonne qu'il sera procédé entre les parties au partage en valeur du bien précité conformément à leurs quotes-parts respectives ;

Pour y parvenir, ordonne préalablement la licitation de ce même bien ;

Dit qu'il y sera procédé par-devant M. Jean-François Landwerlin, Président du Tribunal en présence du Ministère public, à l'audience du Mercredi 31 mai 1995 à 11 heures sur la mise à prix de 1 100 000 francs (un million cent mille francs), et après établissement d'un cahier des charges, conformément aux dispositions des articles 897 et suivants du Code de procédure civile ;

Commet Me Henry Rey, Notaire, pour procéder ensuite aux opérations de partage et M. Jean-François Landwerlin, Président du Tribunal, pour faire rapport s'il s'élevait des contestations ;

Dit qu'en cas d'empêchement du Notaire ou du Magistrat ainsi commis, il sera procédé à leur remplacement par simple Ordonnance ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Composition🔗

MM. Landwerlin Prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. - Mes Brugnetti et Sbarrato av. déf. - Klima av. bar. de Munich ; Ziegenfeuter av. bar. de Nice.

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