Tribunal de première instance, 15 décembre 1994, A. c/ Sté Allianz Via Assurances IARD

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Abstract🔗

Assurance

Garantie en cas de vol d'un véhicule : avenant - Clause d'exclusion de cette garantie : à défaut de gravage du numéro minéralogique sur les glaces - Manquement de l'agent général à son devoir d'Information et de conseil - Responsabilité de l'assureur : civilement responsable - Préjudice correspondant à la non-couverture du risque

Résumé🔗

L'agent général préposé d'une compagnie d'assurances manque à son devoir d'informateur et de conseil auquel il est tenu en sa qualité de professionnel de l'assurance, dès lors qu'il omet de signaler concrètement à l'assuré auquel il vient de faire souscrire un avenant à sa police d'assurances, le garantissant notamment contre le vol de son nouveau véhicule, que celle-ci contient désormais une clause d'exclusion de ce risque, au cas où le véhicule assuré ne comporterait pas le gravage sur ses glaces de son numéro d'immatriculation ou de série.

En application des dispositions de l'article L. 511-1 alinéa 2 du Code français des assurances, applicable à Monaco par l'effet de l'article 1er de l'ordonnance souveraine n° 4178 du 12 décembre 1968, l'assureur doit être tenu de répondre en sa qualité de civilement responsable du dommage causé par la faute de son mandataire rémunéré et agent général, considéré comme son préposé pour l'application de ce texte, et ce, dans les termes de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil français au demeurant analogue à l'article 1231 alinéa 4 du Code civil monégasque.

Le préjudice subi par l'assuré, né du manquement commis par l'agent général à son devoir d'information et de conseil, correspond à l'absence de couverture du risque survenu ; sa réparation devra donc être égale au montant de la couverture de ce même risque telle que stipulée au contrat d'assurances, dès lors que ce montant constitue le préjudice effectivement subi par cet assuré, à savoir une indemnité équivalant à la valeur vénale dudit véhicule déduction faite d'une franchise.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

G. (J.) A. est titulaire d'une police d'assurances « multirisque automobile » numéro 506901 A31A0760 qu'il avait souscrite le 18 décembre 1985 auprès de la société anonyme dénommée Allianz Via Assurances IARD relative à un véhicule de marque Mercédès dont il était alors propriétaire ;

Aux termes des conditions particulières de cette police, G. A. reconnaissait avoir reçu un exemplaire des conditions générales de ce contrat d'assurances, qui ne comportaient aucune clause d'exclusion quant à la garantie du vol de ce véhicule ;

Par la suite, G. A. ayant fait l'acquisition d'un nouveau véhicule de marque Rover, type Range, souscrivait, le 5 décembre 1992 auprès de cette même compagnie d'assurances, un avenant à la police susvisée énumérant au titre des conditions particulières les diverses garanties qui lui étaient offertes, parmi lesquelles celle couvrant le risque de vol dudit véhicule, et mentionnant en outre sous la rubrique « clauses diverses : 1J-gravage des glaces/1M-expertise », sans que lui soit remis un exemplaire des nouvelles conditions générales du contrat d'assurances qui exigeaient notamment, quant à la garantie du vol du véhicule, le gravage préalable de ses glaces, condition qui n'était pas prévue dans les précédentes conditions générales, annexées au contrat initial ;

Le 17 mars 1992, G. A. déposait plainte à la Sûreté Publique de Monaco pour le vol dudit véhicule survenu entre le 16 mars à 15 h 30 et le 17 mars à 12 h 30 sur la voie publique, avenue de Grande-Bretagne à Monaco ;

Faisant état de ce que la compagnie Allianz Via Assurances IARD avait refusé de prendre en charge ce sinistre, G. A. a, suivant exploit en date du 18 mars 1993, fait assigner cette dernière en paiement de la somme principale de 300 000 francs, montant de la valeur vénale de son véhicule de marque Rover, type Range, avec intérêts de droit à compter du 16 octobre 1992, date du refus de prise en charge par la compagnie d'assurances dont s'agit, outre celle de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Il fait valoir au soutien de sa demande que si l'avenant qu'il a signé relatif à l'assurance de son nouveau véhicule comportait la mention des clauses 1J et 1M, il n'a jamais été informé par l'agent général de la compagnie Allianz Via Assurances IARD, qui ne lui avait remis aucun autre document, de l'obligation qui en résultait pour lui, à l'effet d'être garanti contre le vol, de faire procéder au gravage des vitres de son véhicule et de le soumettre à l'examen de l'expert de cette compagnie ;

Il ajoute qu'en l'état du manquement de son agent général, J.-P. J., à son obligation de conseil, la compagnie Allianz Via Assurances IARD doit répondre de la faute commise par ce dernier, en sa qualité de commettante, civilement responsable du fait de son préposé, dans les conditions des articles 1384 alinéa 5 du Code civil français et 1231 alinéa 4 du Code civil monégasque, et en assumer les conséquences dommageables ;

La compagnie Allianz Via Assurances IARD a conclu au rejet de la demande en faisant observer que c'est pour de justes motifs qu'elle a refusé sa garantie, dès lors que les conditions particulières de la police souscrite par son assuré mentionnaient expressément l'existence de la clause 1J « gravage des glaces », laquelle était intégralement reproduite sous l'article 31-5 des conditions générales de cette même police dont celui-ci avait eu connaissance par l'exemplaire qui lui avait été remis ;

Qu'aux termes de cette clause, il était stipulé que la garantie concernant le vol du véhicule assuré ne serait acquise que s'il présentait un gravage de toutes ses glaces ;

Que s'agissant d'une condition de mise en œuvre de sa garantie contre le risque de vol, le non-respect par son assuré de cette obligation entraîne la non-assurance du vol du véhicule dont il a été victime ;

G. A., réitérant sa demande initiale, a soutenu que l'avenant du 5 décembre 1992, qui avait pour objet d'obtenir de sa compagnie d'assurances qu'elle garantisse son nouveau véhicule aux lieu et place du précédent, n'était pas assorti d'un exemplaire des conditions générales du contrat qu'on lui oppose, en sorte qu'il ne pouvait comprendre la portée des clauses susvisées, sur lesquelles l'agent de la compagnie aurait dû attirer son attention en lui fournissant les renseignements qui s'imposaient ;

Sur ce,

En la forme,

Attendu qu'aux termes des écritures judiciaires des parties qui déterminent l'objet du présent litige, celui-ci a trait à la responsabilité susceptible d'être encourue par la compagnie Allianz Via Assurances IARD, du fait de son agent général, considéré comme préposé, quant aux conséquences dommageables du refus de garantie opposé par cette compagnie à son assuré, par suite du non-respect de la clause dénommée « 1J-gravage des glaces » figurant dans l'avenant à la police automobile multirisques signé par les parties le 2 décembre 1992 ;

Qu'à cet égard, la responsabilité d'un commettant peut être directement recherchée par la victime d'un dommage sans que celle-ci soit alors tenue d'assigner en même temps le préposé par la faute duquel le dommage serait survenu ; que l'action dirigée par G. A. contre ladite compagnie d'assurances apparaît dès lors recevable en la forme, bien que ce demandeur n'ait pas cru devoir appeler en la cause l'agent général, J.-P. J. ;

Au fond,

Attendu qu'il est constant, qu'à la date du vol dont il a fait l'objet, le véhicule automobile de marque Rover, type Range appartenant à G. A. ne comportait aucun gravage de ses glaces, alors qu'aux termes de la clause susvisée, la garantie contre le vol n'était acquise à ce dernier, que si le véhicule assuré présentait « un gravage profond d'au moins deux dixièmes de millimètres de son numéro d'immatriculation ou de série sur chacune de ses glaces » ;

Attendu qu'une telle clause qui prive l'assuré de la garantie du risque de vol en cas d'inobservation des conditions qu'elle prévoit, s'analyse en une clause d'exclusion de garantie qui, en application de l'article 112-4 du Code français des assurances, loi contractuelle des parties, devait être mentionnée en caractères très apparents ;

Attendu qu'en l'espèce, il convient de constater que cette clause, se trouve imprimée dans les mêmes caractères que ceux employés pour l'ensemble des clauses de garantie figurant dans l'avenant du 5 décembre 1992 ;

Attendu, qu'en outre, elle apparaît rédigée en des termes particulièrement sibyllins puisque simplement dénommée « 1J-gravage des glaces » ; que, de la sorte, elle ne pouvait en aucune manière être dégagée du contexte qui la précédait pour attirer l'attention de l'assuré sur le fait qu'il s'agissait d'une clause d'exclusion, d'autant que sa définition ne figurait pas dans les conditions particulières de l'avenant signé par les parties, pas plus qu'elle ne renvoyait aux conditions générales de la police d'assurances ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que J.-P. J., agent général de la compagnie d'assurances Allianz Via, a manqué au devoir d'information et de conseil auquel il était tenu, en sa qualité de professionnel de l'assurance, dès lors qu'il a omis, ainsi qu'il l'a expressément reconnu dans sa lettre du 29 octobre 1992, de signaler concrètement à G. A., auquel il venait de faire souscrire un avenant à sa police d'assurances, le garantissant notamment contre le vol de son nouveau véhicule, que celle-ci contenait désormais une clause d'exclusion de ce risque, au cas où le véhicule assuré ne comporterait pas le gravage sur ses glaces de son numéro d'immatriculation ou de série ;

Qu'il est constant que cette faute professionnelle commise par J.-P. J. dans l'exercice de ses fonctions d'agent général et de mandataire rémunéré de la compagnie Allianz Via Assurances IARD, a eu pour effet le refus de garantie que ladite compagnie a opposé à son assuré, G. A. ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 511-1 deuxième alinéa du Code français des assurances, applicable à Monaco par l'effet de l'article 1er de l'ordonnance souveraine n° 4178 du 12 décembre 1968, la compagnie Allianz Via Assurances IARD doit être tenue de répondre, en sa qualité de civilement responsable du dommage causé par la faute de son mandataire et agent général, J. J.-P., considéré comme son préposé pour l'application de ce texte, et ce, dans les termes de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil français au demeurant analogue à l'article 1231 alinéa 4 du Code civil monégasque ;

Attendu que le préjudice subi par G. A., né du manquement commis par l'agent général de la compagnie Allianz Via Assurances IARD à son devoir d'information et de conseil, correspond à l'absence de couverture du risque survenu ; que sa réparation devra donc être égale au montant de la couverture de ce même risque telle que stipulée au contrat d'assurances, dès lors que ce montant constitue le préjudice effectivement subi par cet assuré ;

Qu'à cet égard, aux termes de la police liant les parties, la compagnie d'assurances s'est engagée à verser à son assuré, au cas de réalisation du risque de vol de son véhicule, une indemnité correspondant à la valeur vénale dudit véhicule, déduction faite d'une franchise de 2 900 francs ;

Qu'en l'espèce, cette valeur vénale s'établissant à la somme de 265 300 francs selon le rapport non critiqué de l'expert de la compagnie, l'indemnisation revenant à G. A. s'élève à la somme de : 265 300 - 2 900 = 262 400 francs à laquelle il convient de condamner la compagnie Allianz Via Assurances IARD, à titre de dommages-intérêts, ladite somme devant porter intérêts au taux légal à compter de ce jour, date à laquelle est liquidé le préjudice ;

Attendu qu'en revanche, la résistance de la compagnie Allianz Via Assurances IARD qui a pu se méprendre sur la portée de ses droits, n'apparaît pas avoir revêtu un quelconque caractère abusif, en sorte que G. A. doit être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu qu'enfin, les dépens suivront la succombance de la défenderesse ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

statuant contradictoirement,

  • Condamne la compagnie d'assurances dénommée Allianz Via Assurances IARD à payer à G. A. la somme de deux cent soixante deux mille quatre cents francs (262 400 francs), montant des causes sus-énoncées, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

  • Déboute G. A. de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, Prés. ; Serdet, Prem. subst. av. gén. ; - Mes Lorenzi et Sanita, av. déf.

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