Tribunal de première instance, 13 février 1992, H. c/ A.

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Abstract🔗

Contrats et obligations

Contrat de transport - Convention complexe - Déménagement, emballage et déballage - Application de l'article 71 du Code de commerce.

Résumé🔗

Une convention de caractère complexe comportant diverses obligations pour le défendeur tenu d'assumer l'emballage de meubles, leur transport et leur déballage et ressortissant pour partie du louage d'ouvrage et pour partie du transport, apparaît avoir pour objet principal le déplacement des meubles, les opérations d'emballage et de déballage n'étant destinées qu'à rendre possible le transport et à le faciliter.

Il en résulte que le défendeur doit être considéré comme ayant fait office de voiturier, au sens de l'article 64 du Code de commerce, l'absence de lettre de voiture, conforme aux dispositions de l'article 70 dudit code, laquelle ne fait que constater le contrat de transport, n'excluant pas l'existence d'un tel contrat, à caractère consensuel, dont la preuve est établie en la cause, par le devis adressé à la demanderesse et la facture correspondante acquittée par celle-ci.

Dès lors que le destinataire a reçu le mobilier transporté et a payé le prix du transport, sans émettre de réserves lors de la livraison ou de protestations dans les trois jours de celle-ci, son action engagée contre le transporteur, pour avarie ou perte partielle, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de transport, se trouve éteinte, conformément aux dispositions de l'article 71 du Code de commerce, aucune circonstance tirée de la force majeure n'étant par ailleurs établie pour justifier ses protestations exprimées hors le délai légal de trois jours.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu que, suivant l'exploit susvisé, W. H., qui expose avoir chargé le 30 mars 1990, P. A., exerçant le commerce à Monaco, sous l'enseigne « D. M. », d'assurer le déménagement de son mobilier de Monaco à Roquebrune-Cap-Martin (06) et avoir constaté des avariés et manquants, à la suite de leur livraison, le 31 mars 1990, ce dont elle l'avait informé par lettre recommandée avec avis de réception du 5 avril 1990, restée sans réponse, a fait assigner P. A. en responsabilité et en réparation du préjudice par elle subi lors de ce déménagement, ainsi qu'en paiement d'une indemnité provisionnelle de 10 000 F, dans l'attente des résultats de l'expertise sollicitée pour l'évaluation de ce préjudice ;

Attendu que P. A. a conclu au principal, à l'irrecevabilité de la demande et formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 10 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive, en faisant valoir, que conformément aux termes de l'article 18 des conditions du déménagement figurant au devis, accepté par la dame H., celle-ci devait adresser à l'entreprise de déménagement, en cas de perte partielle ou d'avarie, une lettre recommandée décrivant les dommages constatés dans les trois jours suivant la livraison ;

Que cette dernière ne lui ayant fait parvenir sa protestation que le 5 avril 1990, son action s'avère éteinte, conformément aux dispositions de l'article 71 du Code de commerce ;

Qu'il expose par ailleurs, subsidiairement, quant au fond, que la demanderesse ne rapporte nullement la preuve de la relation des dommages affectant son mobilier avec les opérations de déménagement, dès lors qu'ils n'ont été constatés que par un procès-verbal d'huissier dressé le 27 avril 1990, soit plus de 3 semaines après la livraison ;

Attendu que W. H., réitérant sa demande initiale, a rétorqué que la forclusion de l'article 71 du Code de commerce ne saurait lui être opposée, en l'espèce, en l'absence d'établissement d'une lettre de voiture, qu'à cet effet le devis dont se prévaut le défendeur qui n'a jamais été soumis à sa signature, ne saurait équivaloir à un tel document ; qu'enfin son état de santé constaté par certificat médical ne lui a pas permis d'agir avec plus de diligence ;

SUR CE,

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats, notamment du devis adressé le 11 janvier 1990 par P. A. à W. H., que celui-ci s'était engagé à assurer lui même l'emballage au départ de Monaco, puis le transport de Monaco à Roquebrune-Cap-Martin, enfin le déballage à l'arrivée à Roquebrune-Cap-Martin du mobilier appartenant à la demanderesse ; que s'agissant d'une convention à caractère complexe, en l'état des diverses obligations ainsi assumées par le défendeur, lesquelles ressortent pour partie du louage d'ouvrage et pour partie du transport, il échet de déterminer le but principal poursuivi par les parties à ladite convention pour la qualifier utilement ;

Qu'en l'espèce il apparaît que l'objet principal du contrat, à défaut d'indications contraires, était le déplacement des meubles, les opérations d'emballage et de déballage n'étant destinées qu'à rendre possible le transport en le facilitant et s'avérant être ainsi un élément accessoire par rapport au trajet à effectuer ;

Qu'il en résulte que P. A. doit être considéré comme ayant fait office de voiturier, au sens de l'article 64 du Code de commerce, l'absence de lettre de voiture, conforme aux dispositions de l'article 70 du code précité, laquelle ne fait que constater le contrat de transport, n'excluant pas l'existence d'un tel contrat, à caractère consensuel, dont la preuve est établie, en la cause, par le devis adressé à W. H. et la facture correspondante acquittée par celle-ci ;

Attendu que ceci étant, il est par ailleurs constant que la demanderesse a accepté la livraison de son mobilier, laquelle est intervenue le 30 mars 1990 et qu'elle a réglé le prix du déménagement, le jour même de sa réception, sans assortir celle-ci d'une quelconque réserve ;

Qu'il n'est pas davantage contesté par les parties, que la demanderesse n'a notifié sa protestation motivée à P. A., que par lettre recommandée du 5 avril 1990, étant observé que les dommages invoqués dans cette lettre ne constituent qu'une partie de ceux ultérieurement soumis aux constatations de l'huissier requis ;

Qu'il s'ensuit, ainsi que le soutient le défendeur, que, W. H. ayant formé sa protestation plus de trois jours après la réception de son mobilier, son action formée contre P. A., pour avarie ou perte partielle, née du contrat de transport, apparaît éteinte, conformément aux dispositions de l'article 71 du Code de commerce, aucune circonstance tirée de la force majeure n'étant par ailleurs établie, en l'espèce ;

Attendu en revanche, que la demanderesse ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits, sa demande n'apparaît pas abusive en sorte que le défendeur doit être débouté de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, de ce chef ;

Attendu qu'enfin les dépens suivront la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

statuant contradictoirement,

Déclare W. H. irrecevable en son action formée à l'encontre de P. A., exerçant le commerce à Monaco, sous l'enseigne « M. D. », pour cause de forclusion ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Sanita et Karczag-Mencarelli, av. déf.

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