Tribunal de première instance, 15 janvier 1992, SAM Le Brasilia c/ K.

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Abstract🔗

Baux d'habitation

Obligations du preneur en fin de bail - Clause imposant au preneur de restituer les lieux en parfait état - Modifications autorisées - Portée de la clause : non-restitution des lieux dans leur état primitif

Résumé🔗

La clause du bail selon laquelle le locataire, ayant reçu les locaux loués en parfait état, doit les rendre dans le même état, ne peut être interprétée comme imposant au preneur une obligation de conférer en fin de bail, leur distribution d'origine aux lieux loués, dès lors qu'ils sont restitués en parfait état.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Selon acte sous seing privé en date du 18 juin 1985, enregistré à Monaco le 24 juin 1985, la société anonyme monégasque « Le Brasilia » a donné à bail à S. K. une « villa-duplex », pour une durée de trois années à compter du 1er juillet 1985 et moyennant un loyer annuel de 600 000 F, payable par trimestre anticipé ;

Aux termes du 16e paragraphe du contrat, le preneur reconnaissait prendre les locaux loués en parfait état et s'engageait à les restituer dans le même état à la fin du bail, étant par ailleurs précisé, que, dans le cas où il serait constaté un retard dans ladite remise en état, le locataire serait tenu de régler sur la base du dernier loyer, une indemnité journalière de retard outre tous les dommages pour perte de location ou trouble de jouissance ;

Par ailleurs, le 22e paragraphe de la convention stipulait que le preneur ne pourrait effectuer aucun travaux de quelque nature que ce soit, sans l'accord écrit de la bailleresse, étant en outre précisé que les entreprises et l'architecte chargés d'effectuer lesdits travaux devraient être agréés par cette dernière ;

Par ordonnance de référé du 29 février 1988, le président du tribunal de ce siège, constatant que, par l'effet de la clause résolutoire contenue dans le bail, le contrat de location se trouvait de plein droit résilié, ordonnait l'expulsion de S. K., lequel libérait les lieux, advenant le 30 septembre 1988 ;

Par la même ordonnance, une expertise était en outre prescrite, à l'effet de déterminer d'une part la nature et le montant des travaux ayant pu être exécutés par S. K. dans les locaux loués, d'autre part la nature et le coût des travaux de réfection devant être éventuellement entrepris pour la remise des lieux dans l'état où ils se trouvaient lors de la signature du bail, ainsi que la nature des préjudices subis par la SAM Le Brasilia du fait desdits travaux ;

Aux termes de son rapport en date du 19 mai 1989, déposé au greffe général le même jour, l'expert Pierre Veisseire a notamment conclu :

  • que l'appartement loué au sieur K. comportait à l'origine :

« un hall qui donne accès à un salon et une salle à manger et à 2 dégagements, le premier distribue la cuisine-office, 2 blocs toilettes, 1 argentier, 1 placard ; le deuxième distribue la chambre de maître avec dressing, salle de bains, douche toilettes.

  • en continuant ce deuxième dégagement nous trouvons un second hall qui donne accès :

  • à la terrasse supérieure

  • à un autre dégagement distribuant 3 dressings, 3 placards, 2 chambres avec chacune une salle de bain et toilettes.

Sur le palier de service face à la porte de la cuisine nous trouvons la porte de la chambre de service avec placard, salle de bain, toilettes » ;

  • que ce même appartement, à la suite des travaux de transformation effectués par le sieur K. comportait :

« un hall avec escalier d'accès à la terrasse supérieure. Ce hall donne accès soit à une partie chambres, soit à une partie séjour.

La partie séjour se compose :

a) - d'une grande pièce en L qui comprend les pièces suivantes du plan d'origine :

  • salon - salle à manger

  • le hall d'entrée et les deux dégagements

  • les blocs toilettes, l'argentier, le placard

Sa surface est d'environ 95 m2.

b) - d'une cuisine

c) - d'une chambre avec pièce d'eau surélevée comprenant 1 douche, 1 lavabo, 1 wc

d) - d'un dégagement avec placard

Cet ensemble se trouve à l'emplacement de la cuisine office prévue à l'origine.

La partie chambres se compose :

a) de la chambre de maître à l'emplacement de celle d'origine,

b) d'une salle de bains partiellement sur l'emplacement de la salle de bain de maître d'origine,

c) d'une grande pièce à l'emplacement des 3 dressings d'origine,

d) d'une chambre avec une salle de bain sans changement par rapport à l'origine,

e) d'une chambre sans changement par rapport à l'origine,

f) d'une salle de bain entièrement modifiée (accès appareillages, revêtement),

g) la chambre de service n'a pas été modifiée » ;

  • que les travaux entrepris par le sieur K. sont restés inachevés, notamment quant :

« au sol non poncé dans le séjour,

à l'aménagement de la cuisine et des trois salles de bain (appareillages et revêtement),

aux installations électriques, de chauffage et de climatisation,

aux menuiseries intérieures,

aux peintures, nettoyage » ;

  • que les travaux de réfection devant être entrepris pour la remise des lieux en l'état où ils se trouvaient au moment de leur location au sieur K. représenteront un coût de 1 545 386,46 F TTC ;

  • que le préjudice subi par la SAM Le Brasilia résulte du fait que les travaux entrepris par le sieur K. ont nécessité des travaux de réfection pour la remise des locaux en leur état antérieur à la location, par l'effet desquels les locaux ont été rendus indisponibles jusqu'à la date de leur achèvement, en décembre 1989 ;

Se référant aux constatations de l'expert Veisseire dont elle a sollicité l'homologation du rapport, la SAM « Le Brasilia » a, suivant exploit en date du 6 juillet 1990, fait assigner S. K. en paiement, avec intérêts de droit à compter de la résiliation du bail, des sommes suivantes ;

  • 840 310,82 F montant des travaux de remise en état des locaux qui lui avaient été donnés à bail ;

  • 304 600 F à titre d'indemnité d'occupation et acomptes sur charges pour la période du 1er avril, date de la résiliation du bail au 30 septembre 1988, date de la libération effective des locaux ;

  • 761 500 F à titre d'indemnité de privation de jouissance pour la période allant du 1er octobre 1988 au 31 décembre 1989, date d'achèvement des travaux de réfection ;

  • 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

S. K. a conclu au débouté et formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Il fait valoir, à titre principal, que la SAM Le Brasilia qui lui avait donné son accord pour la réalisation des travaux de transformation des locaux loués, avait par l'effet de la convention ainsi intervenue, renoncé à exiger leur remise en état, telle que prévue par le bail initial ;

Il expose, à titre subsidiaire, pour le cas où le tribunal ne reconnaîtrait pas l'existence de cette convention tacite, qu'en tout état de cause la SAM Le Brasilia qui a bénéficié de travaux améliorant le standing de ses locaux, ne justifie aucunement de la nécessité d'une remise en état qui s'avère par ailleurs inutile ;

SUR CE,

Quant au paiement des loyers et charges arriérés ;

Attendu qu'il est constant que S. K., tenu de payer le prix du bail et les charges locatives aux termes convenus, ne s'est plus acquitté de cette obligation depuis le 1er avril 1988 ;

Attendu que le bail ayant été résilié à compter du 29 janvier 1988, par l'effet de la clause résolutoire constatée par l'ordonnance de référé du 29 février 1988 prononçant par ailleurs l'expulsion, de S. K., que ce dernier a continué à occuper les locaux sans droit ; que cette occupation indue ouvre droit à réparation au profit du bailleur ; que l'indemnité d'occupation due à ce dernier doit être fixée, compte tenu du caractère fautif du maintien dans les lieux du défendeur, à une somme équivalente au montant du loyer précédemment exigible, à compter du 1er avril 1988 jusqu'au 30 septembre 1988, date de son départ des locaux, soit la somme de : 152 300 × 2 = 304 600 F, ainsi qu'il est demandé par la SAM Le Brasilia ;

Qu'il échet en conséquence de condamner S. K. à payer à la SAM Le Brasilia ladite somme de 304 600 F ; qui, étant allouée à titre indemnitaire, portera intérêts au taux légal à compter de ce jour, dès lors que sa liquidation est effectuée par le présent jugement ;

Quant au paiement des travaux de remise en état et à la réparation du trouble de jouissance ;

Attendu que, dès lors qu'il est constant, comme résultant des pièces produites, notamment de l'échange des correspondances entre les parties, que la SAM Le Brasilia a autorisé les travaux de transformation et d'aménagement intervenus dans les locaux dont s'agit, la demande tendant à la restitution des lieux en leur état antérieur se fonde implicitement mais nécessairement sur la clause du bail ainsi conçue : « Le locataire ayant reçu les locaux loués en parfait état doit les rendre dans le même état » ;

Attendu toutefois qu'une telle clause ne peut être interprétée comme imposant au preneur une obligation de conférer en fin de bail, leur distribution d'origine aux lieux loués, dès lors qu'ils sont restitués en parfait état ;

Qu'à ce propos, aucun élément de fait soumis à la contradiction des parties, ne permet d'établir que « la villa duplex », objet du bail, aurait été restituée à la SAM Le Brasilia dans un état d'entretien défectueux, contraire au parfait état qu'elle devait présenter, au terme des travaux autorisés par cette bailleresse, à l'exception toutefois des inachèvements constatés par l'expert ;

Qu'à cet égard, la demanderesse serait seulement fondée à réclamer le coût des finitions des travaux n'apparaissant pas avoir été menés à leur terme par le preneur ;

Que, toutefois, en l'espèce, dès lors qu'elle a procédé à la redistribution des pièces du local en leur état antérieur à la location, la SAM Le Brasilia, en s'abstenant de toute mise en demeure en vue de la poursuite des travaux, délivrée à son locataire, a implicitement mais nécessairement renoncé, de manière définitive, au bénéfice de cette exécution en nature d'une obligation de faire, à laquelle était tenue ce dernier, ainsi qu'à se prévaloir de la créance de dommages-intérêts devant compenser le trouble de jouissance subi par elle, du fait de l'inachèvement des travaux qu'elle avait autorisés ;

Qu'il s'ensuit que la SAM Le Brasilia doit être déboutée de ses demandes en paiement des travaux de remise en état des locaux et de dommages-intérêts pour troubles de jouissance ;

Attendu, quant aux demandes accessoires, que, chacune des parties ayant partiellement succombé en ses prétentions, il convient de les débouter de leurs demandes respectives tendant au paiement de dommages-intérêts pour procédure et résistance abusives ;

Attendu qu'enfin, en l'état de la succombance respective des parties, il y a lieu de faire masse des dépens qui comprendront les frais de l'expertise, et de les partager par moitié entre elles ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Condamne S. K. à payer à la société anonyme monégasque dénommée « Le Brasilia » la somme de trois cent quatre mille six cents francs (304 600 F), à titre d'indemnité d'occupation, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Déboute la SAM Le Brasilia de toutes ses autres demandes ;

Déboute S. K. de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet. prem. subst. proc. gén. ; Mes Sbarrato, Karczag-Mencarelli, av.

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