Tribunal de première instance, 16 mai 1991, SA Philips Industrielle et Commerciale c/ SARL « Soft Décoration » et B.

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Abstract🔗

Conflit de juridiction

Demande d'exequatur - Ordonnance de référé commerciale française - Décision dépourvue d'autorité de chose jugée - Rejet de la demande

Résumé🔗

Une ordonnance de référé rendue par une juridiction commerciale française, portant condamnation solidaire de deux débiteurs au paiement d'une somme d'argent à titre provisionnel, laquelle, en vertu de l'article 488 du Code de procédure civile française, n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée, ainsi que le requiert l'article 18 de la convention d'aide mutuelle judiciaire franco-monégasque, pour que la demande d'exequatur puisse prospérer en Principauté.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu que suivant exploit du 26 septembre 1989, la société anonyme dénommée « Philips Industrielle et Commerciale » a fait assigner la SARL dénommée « Soft Décoration » et J.-J. B. aux fins de s'entendre déclarer exécutoire en Principauté de Monaco, en toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé rendue le 13 septembre 1988 par le Tribunal de commerce de Nice, et condamner ceux-ci à lui payer la somme principale de 73 318,94 F avec intérêts au taux légal à compter de la signification à titre provisionnel et la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que J. B. ayant seul comparu sur cette assignation, alors que la société « Soft Décoration » faisait défaut, le tribunal constatant ce défaut ordonnait sa réassignation par jugement du 2 novembre 1989 ; Que la société Philips Industrielle et Commerciale a alors fait de nouveau assigner la SARL « Soft Décoration » qui n'a pas comparu, ni personne pour elle, à l'audience du 4 janvier 1990 ;

Attendu en conséquence qu'il y a présentement lieu de statuer par jugement non susceptible d'opposition à l'égard des parties en cause, en application des dispositions de l'article 219 alinéa 2 du Code de procédure civile dans la rédaction qui était la sienne antérieurement à la loi n° 1135 du 16 juillet 1990 ;

Attendu que J.-J. B. s'oppose pour sa part formellement à la demande d'exequatur ainsi formulée, en faisant valoir principalement que le « référé provision » dont l'exequatur est requis est une procédure française totalement ignorée du Code de commerce monégasque et se trouve en contradiction formelle avec le principe d'ordre public édicté par l'article 419 du Code de procédure civile, prévoyant que « les ordonnances de référé ne feront aucun préjudice au principal » ; Que cette décision étrangère serait alors contraire à l'ordre public monégasque et ne pourrait être déclarée exécutoire à Monaco selon le défendeur, qui entend également voir renvoyer la société industrielle et commerciale à définir le fondement précis de sa demande ;

Attendu que la demanderesse précisant pour sa part qu'elle ne poursuit que l'exequatur de la décision rendue le 13 septembre 1989 par le Tribunal de commerce de Nice, fait valoir que le « référé commercial » n'est pas une notion ignorée de la législation monégasque, et, qu'en tout état de cause, il ne heurte nullement l'ordre public de ce pays ;

Que la société Philips Industrielle et Commerciale qualifiant de « dilatoire » la thèse soutenue par J.-J. B. réitère la demande d'exequatur formulée à l'encontre de celui-ci et de la SARL « Soft Décoration » ;

SUR CE,

Attendu que l'article 18 de la convention relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, rendue applicable à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, permet au tribunal, saisi d'une demande d'exequatur d'une décision française, de déclarer celle-ci exécutoire dans la Principauté après avoir vérifié seulement, au regard de la loi du pays d'origine, soit la loi française, l'authenticité de cette décision, la compétence de la juridiction dont elle émane, la régularité des citations délivrées aux parties, ainsi que la réalité de sa force de chose jugée, puis, au regard du droit du for, soit de la loi monégasque, l'absence de contrariété à l'ordre public des dispositions qu'elle comporte ;

Attendu que la décision dont l'exequatur est en l'occurrence requis est une ordonnance de référé rendue le 13 septembre 1988 par le Tribunal de commerce de Nice, ayant renvoyé les parties à se pourvoir au principal comme il appartiendra et condamné solidairement la SARL « Soft Décoration » et J.-J. B. à payer à la SA Philips Industrielle et Commerciale la somme de 73 318,94 F à titre provisionnel ;

Qu'il est néanmoins constant qu'une telle ordonnance, bien qu'exécutoire par provision, ne saurait être assimilée à une décision passée en force de chose jugée, ainsi que le requiert l'article 18 de la convention franco-monégasque précitée régissant la matière de l'exequatur ; Qu'il suffit à cet égard de se référer à la loi française de procédure du pays dont émane cette décision pour constater que seuls les jugements qui ne sont susceptibles « d'aucun recours suspensif d'exécution » ont force de chose jugée (article 500 du Code de procédure civile français), tandis que « l'ordonnance de référé n'a pas, au principal l'autorité de la chose jugée » (article 488 du Code de procédure civile français) ;

Attendu en conséquence qu'en l'état du non-respect de l'une des conditions prévues par l'article 18 de la convention du 21 septembre 1949, il n'y a pas lieu de déclarer exécutoire à Monaco l'ordonnance de référé rendue le 13 septembre 1988 par le Tribunal de commerce de Nice ;

Que la demande de paiement de sommes formulées par le même exploit introductif d'instance qui n'est étayée par la production d'aucune pièce et à laquelle apparaît avoir renoncé la demanderesse, doit également être rejetée en l'état ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS ;

Le Tribunal,

Statuant par jugement non susceptible d'opposition ;

Déboute la SA Philips Industrielle et Commerciale de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Karczag-Mencarelli et Sbarrato, av. déf.

Note🔗

Le Tribunal a rappelé opportunément, dans son premier attendu les conditions qui régissent l'application de l'exequatur en énonçant : « L'article 18 de la convention relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, rendue applicable à Monaco, par l'ordonnance souveraine n° 106 du 6 décembre 1949, permet au tribunal, saisi d'une demande d'exequatur d'une décision française, de déclarer celle-ci exécutoire dans la Principauté après avoir vérifié seulement, au regard de la loi du pays d'origine, soit la loi française, l'authenticité de cette décision, la compétence de la juridiction dont elle émane, la régularité des citations délivrées aux parties, ainsi que la réalité de sa force de chose jugée, puis au regard du droit du for, soit de la loi monégasque, l'absence de contrariété à l'ordre public des dispositions qu'elle comporte.

Selon l'article 500 du Code de procédure civile français, sur les jugements qui ne sont susceptibles » d'aucun recours suspensif d'exécution " ont la force de chose jugée, ce qui n'est pas le cas d'une ordonnance de référé laquelle aux termes de l'article 488 du même code n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée.

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