Tribunal de première instance, 7 février 1991, T. c/ Centre Hospitalier Princesse Grace, Cie d'Assurances Mutuelles Générales de France.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Accident du travail

Incapacité permanente de la victime - Commission spéciale d'invalidité, article 23 bis de la loi n° 636 - Majoration de rente après avis de la commission d'invalidité - Critères d'appréciation

Résumé🔗

Il ressort d'une jurisprudence constante, que la commission spéciale d'invalidité n'est pas tenue de fixer la capacité résiduelle de gains à un niveau équivalent, ou dans une quelconque mesure inhérente au degré de gravité des blessures subies ; il est en effet fréquent qu'un accident n'ayant occasionné que des lésions d'importance moyenne, voire minimum (IPP médical de 6 % en l'espèce), ait pour certaines catégories de salariés (telle en l'espèce celui de nettoyeur) des répercussions beaucoup plus importantes, et ce, en raison de l'incompatibilité existant entre certaines inaptitudes physiques et diverses professions, requérant notamment des efforts prolongés et une grande mobilité.

Eu égard à ce que la victime ne sera plus en mesure d'exercer son emploi de nettoyeur, à la situation du marché du travail et au champ des emplois pouvant encore demeurer ouverts à un salarié âgé de 52 ans, la commission spéciale d'invalidité apparaît avoir à bon droit évalué la capacité résiduelle de gains au taux de 50 %.

Dès lors se trouve justifiée la condamnation de l'assureur-loi, à payer à la victime une rente annuelle et viagère, calculée au taux de l'IPP médical de 6 % et de lui assurer un complément de rente calculée, sur la base d'une incapacité de 44 %, au titre de sa capacité résiduelle de gains.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu que, suivant jugement avant-dire-droit du 30 novembre 1989, le Tribunal de première instance homologuait le rapport de l'expert médical Orecchia ayant fixé à 6 % le taux d'IPP dont F. T. demeurait atteint en suite de l'accident du travail dont il avait été victime le 12 juin 1988, et saisissait par ailleurs la Commission spéciale d'invalidité instituée par l'article 23 bis de la loi n° 636 à l'effet d'apprécier la capacité résiduelle de gains de la victime ; que ladite juridiction condamnait enfin l'assureur-loi les Mutuelles du Mans à poursuivre le règlement de la provision sur rente de 1000,84 F jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné ;

Attendu que la commission spéciale se réunissait le 31 janvier 1990 et dressait son procès-verbal le 2 février 1990 aux termes duquel la capacité résiduelle de gains de F. T. était évaluée à 50 % ;

Attendu que F. T. s'oppose à une telle appréciation en faisant valoir qu'il a en fait 51 ans et ne peut plus effectuer de manutention lourde ni de station debout prolongée, ce qui limite de façon considérable ses chances de reclassement, étant par lui observé qu'il ne possède aucune autre qualification que celle de nettoyeur, et que la seule position indolore est désormais la position assise avec une jambe allongée ;

Que ledit salarié entend dès lors voir fixer à 25 % sa capacité résiduelle de gains ;

Attendu que le Centre hospitalier Princesse Grace et les Mutuelles du Mans estiment pour leur part exagérée l'évaluation effectuée par les membres de la commission spéciale au regard de l'état séquellaire minime de F. T. qui ne l'empêcherait pas d'exercer tout travail de manutention ;

Que les autres demandeurs concluent dès lors au rejet des prétentions de la victime et s'opposent formellement à l'homologation du procès-verbal de la commission spéciale ; qu'ils entendent voir limiter au taux de 6 % l'IPP dont F. T. demeure atteint et offrent de verser à celui-ci une rente annuelle et viagère de 2001,68 F calculée sur un salaire annuel de 66 722,53 F ;

SUR CE,

Attendu qu'avant d'examiner l'incidence professionnelle de l'accident du travail du 12 juin 1986 pour F. T., il y a lieu de rappeler que ce salarié est demeuré atteint d'un œdème du genou gauche survenant à l'effort, ainsi que d'une limitation de la flexion active et passive ischio-talon ; qu'il est en outre constant qu'à la suite de la rechute subie le 25 septembre 1987, F. T. n'a pas repris son travail de nettoyeur pour le compte du Centre hospitalier Princesse Grace et se trouve toujours sans emploi ;

Attendu que dans le procès-verbal dressé le 2 février 1990, les membres de la commission spéciale relevaient que l'état de santé de F. T. ne lui permettait pas de station debout prolongée, ni de manutention lourde, tandis que le médecin rapporteur préconisait pour sa part un reclassement professionnel de type de gardiennage ;

Attendu que lesdits critères conduisaient les membres de la commission spéciale à évaluer à 50 % le taux de capacité résiduelle de gains de F. T. ;

Que pour s'opposer à une telle fixation, le Centre hospitalier Princesse Grace et la Cie les Mutuelles du Mans font valoir le caractère minime des séquelles de ce salarié, dont le taux d'IPP médical de 6 % ne peuvent à leur avis avoir entraîné une telle réduction de sa capacité résiduelle de gains ;

Attendu qu'il ressort toutefois d'une jurisprudence constante, que la commission spéciale d'invalidité n'est pas tenue de fixer la capacité résiduelle de gains à un niveau équivalent, ou dans une quelconque mesure inhérente au degré de gravité des blessures subies ; Qu'il est en effet fréquent qu'un accident n'ayant occasionné que des lésions d'importance moyenne voire minime ait pour certaines catégories de salariés des répercussions beaucoup plus importantes, et ce, en raison de l'incompatibilité existant entre certaines inaptitudes physiques et diverses professions requérant notamment des efforts prolongés et une grande mobilité ;

Attendu qu'il doit en l'espèce être admis qu'un nettoyeur est, de part sa qualification, conduit à soulever divers ustensiles et produits d'entretien plus ou moins lourds, qu'il doit également rester debout une grande partie de la journée et effectuer de multiples flexions pour procéder au nettoyage des sols ; Que les lésions subies par F. T. lui interdisant la station debout prolongée et entraînant des œdèmes du genou à l'effort s'avèrent réellement incompatibles avec la profession de ce salarié, qui ne pourrait apparemment plus occuper qu'un poste de gardiennage, ainsi que le suggère le docteur S.-M. de l'office de la médecine du travail dans le rapport effectué aux membres de la commission spéciale ;

Attendu que, F. T. ne justifiant pas pour sa part d'une quelconque erreur d'appréciation des membres de la commission spéciale, doit être débouté des fins de sa demande tendant à voir porter à 25 % le taux de sa capacité résiduelle de gains ;

Attendu qu'il résulte en revanche de l'analyse précitée que F. T. ne sera plus en mesure d'exercer son emploi de nettoyeur et, qu'eu égard à la situation du marché du travail et du champ des emplois pouvant encore demeurer ouverts à ce salarié désormais âgé de 52 ans, la commission spéciale d'invalidité apparaît avoir à bon droit évalué sa capacité résiduelle de gains au taux de 50 % ; Qu'il apparaît dès lors opportun de condamner l'assureur-loi à payer à F. T. une rente annuelle et viagère de 2001,68 F calculée en fonction d'un taux d'IPP médical de 6 % et tenu de lui assurer un complément de rente calculée sur la base d'une incapacité de 44 % au titre de sa capacité résiduelle de gains ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance respective des parties ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

statuant contradictoirement, après jugement avant-dire-droit du 30 novembre 1989 :

  • ayant tels égards que de droit pour l'avis exprimé le 2 février 1990 par la commission spéciale d'invalidité ;

  • fixe à 50 % la capacité résiduelle de gains de F. T. ;

  • condamne la compagnie les Mutuelles du Mans substituée au Centre hospitalier Princesse Grace à payer à F. T. une rente annuelle et viagère de 2001,68 F calculée en fonction du taux médical de 6 % et d'un salaire annuel de 66 722,53 F et tenue de lui assurer un complément de rente calculé sur la base d'une incapacité de 44 % et du même salaire annuel, et ce, à compter du 1er octobre 1986, date de la reprise du travail ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Sbarrato et Sanita, av. déf.

  • Consulter le PDF