Tribunal de première instance, 9 février 1989, Copropriété de l'immeuble « Windsor » c/ S.A. « Charlotte »

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Abstract🔗

Copropriété

Non respect par un locataire du règlement de copropriété - Apposition d'une enseigne par celui-ci - Action du syndicat contre le copropriétaire bailleur aux fins de suppression de l'enseigne - Irrecevabilité de cette action fondée sur l'article 998 du Code civil - Action personnelle et mobilière devant être dirigée contre le locataire

Résumé🔗

L'action exercée par le syndicat de copropriétaires, tendant à la suppression d'une enseigne sur une fenêtre de façade apposée par un locataire en contravention au règlement de la copropriété, que celui-ci s'est formellement engagé à respecter, ne saurait prospérer contre le bailleur copropriétaire, étant donné qu'elle vise à la réparation en nature de l'inexécution d'une obligation de ne pas faire conformément à l'article 998 du Code civil, non imputable à celui-ci

Il appartient au syndicat de diriger sa demande, qui s'analyse en une action personnelle mobilière, contre le locataire, tenu à l'obligation arguée d'inexécution, lequel n'a pas mis été en cause


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu que des éléments de la cause résulte de la relation suivant des faits de la procédure, des prétentions et moyens des parties ;

La Société Anonyme de droit monégasque dénommée « Société Immobilière Charlotte » est propriétaire au rez-de-chaussée du Bloc I de l'Immeuble en Copropriété « Le Windsor » sis à Monaco d'un appartement composé d'un hall, de deux pièces à usage de bureau et d'une toilette avec WC, formant le lot numéro 9 du cahier des charges de ladite copropriété ;

L'article 1er du Règlement de Copropriété stipulait notamment : « 2° / Les locaux composant l'immeuble devront conserver la destination uniquement bourgeoise, sauf en ce qui concerne les locaux du rez-de-chaussée et du rez-de-jardin du Bloc II » ;

Suivant acte sous seing privé en date du 15 octobre 1984, enregistré à Monaco le 22 octobre 1984, la Société Immobilière Charlotte a donné à bail ledit appartement « à usage de bureau à l'exclusion de toute profession » à la Société Anonyme dénommée « Entretien Technique Service » (en abrégé « E.T.S. ») pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction ;

Ledit bail comportait notamment une clause aux termes de laquelle le locataire s'engageait à respecter les dispositions du Règlement de Copropriété dont il déclarait avoir pris connaissance ;

Faisant état de ce que la Société « Entreprise Technique Service » aurait apposé sur les vitres des fenêtres du local loué les lettres E.T.S., initiales de sa raison sociale en contravention avec la destination du bâtiment concerné, à savoir le Bloc I, voué à une habitation bourgeoise, le syndic de la Copropriété de l'Immeuble Le Windsor, dûment habilité à cet effet, par décision de l'Assemblée Générale du 27 mars 1986, a, suivant exploit en date du 18 août 1986, fait assigner la Société Anonyme dénommée Société Immobilière Charlotte pour obtenir sa condamnation à procéder sous astreinte à la suppression des lettres E.T.S. ainsi qu'à lui payer la somme de 50 000 F. à titre de dommages intérêts pour résistance abusive ;

La Société Immobilière Charlotte a conclu au débouté et formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 10 000 F. de dommages intérêts pour procédure abusive en faisant valoir que l'apposition par la Société « Entreprise Technique Service » de son sigle sur les fenêtres du local qu'elle occupe à usage de bureau et qu'elle utilise à cette seule fin, n'y exerçant aucune activité commerciale, ne porte nullement atteinte à la destination de l'Immeuble Le J Windsor, d'autant qu'au rez-de-chaussé du Bloc II jouxtant le Bloc I et sur la même façade où est situé ledit local se trouvent deux fonds de commerce disposant d'enseignes ;

Le syndicat des copropriétaires de l'Immeuble Le Windsor a réitéré sa demande initiale en soutenant que la Société E.T.S. utilisait en fait le local litigieux pour y exercer son activité commerciale ainsi que cela ressort notamment de l'extrait du Répertoire du Commerce et de l'Industrie qu'elle verse aux débats aux termes duquel ce local constitue son siège social en tant que société commerciale et qu'elle ne dispose d'aucun autre établissement en Principauté lui permettant d'exercer une telle activité ;

Elle fait par ailleurs remarquer que la défenderesse ne saurait se prévaloir de la présence de fonds de commerce dans le Bloc II de l'immeuble, laquelle est expressément autorisée par le Règlement de Copropriété alors que toute activité commerciale est interdite dans le Bloc I ;

La Société Immobilière Charlotte a rétorqué que les locaux qu'elle occupe étant affectés à la gestion et à l'administration de son entreprise, ceux-ci sont effectivement utilisés conformément à leur usage de bureau prescrit par le Règlement de Copropriété et que son caractère de société commerciale n'implique nullement l'existence d'un fonds de commerce d'autant que son activité commerciale de nettoyage et d'entretien d'immeubles ne peut en fait s'exercer qu'en dehors de ses bureaux ;

Sur ce,

Attendu que la présente demande tend à la suppression d'une enseigne apposée par un locataire sur les fenêtres d'un appartement situé en façade d'un immeuble en copropriété ;

Que le syndicat de la Copropriété Le Windsor ayant ainsi opté pour la réparation en nature de l'inexécution d'une obligation de ne pas faire conformément aux dispositions de l'article 998 du Code civil, son action présentement dirigée contre la Société Immobilière Charlotte, copropriétaire bailleresse, ne saurait prospérer en l'espèce aucune condamnation n'étant susceptible d'être prononcée de ce chef à son encontre ;

Qu'en effet, ayant mis en possession la Société E.T.S. de l'appartement qu'elle était tenue de lui délivrer en exécution du contrat de bail, elle en a par là même perdu l'usage pour la durée de la location consentie à celle-ci, ce qui lui interdit désormais toute immixtion, de quelque nature que ce soit, dans les locaux présentement occupés par la Société E.T.S., d'autant que cette dernière, non appelée en cause, est l'unique auteur de la modification ainsi apportée à l'aspect des fenêtres qualifiée par la demanderesse de contravention aux stipulations du Règlement de Copropriété qui s'imposaient à cette locataire qui a expressément déclaré, dans son bail, en avoir pris connaissance et s'être engagée à les respecter ;

Attendu que, de toutes ces considérations, il s'évince que le syndicat des copropriétaires de l'Immeuble Le Windsor doit être débouté de sa demande, telle que celle-ci est présentement formulée, s'agissant d'une action personnelle mobilière qui aurait dû être dirigée contre la personne tenue de l'obligation arguée d'inexécution ;

Attendu par ailleurs que, la demanderesse ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits à rencontre de l'un des copropriétaires, il convient de débouter la Société Immobilière Charlotte de sa demande en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'Immeuble Le Windsor de sa demande dirigée contre la Société Immobilière Charlotte ;

Déboute la Société Immobilière Charlotte de sa demande en paiement de dommages intérêts ;

Composition🔗

MM. Landwerlin prés., Serdet prem. subst. proc. gén. MMes Marquilly et Sbarrato av. déf.

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