Tribunal de première instance, 1 décembre 1988, R. c/ Compagnie A.G.F.

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Abstract🔗

Accident du travail

Action en indemnité dirigée contre l'assureur de l'employeur en l'absence de celui-ci - Recevabilité de cette action (oui)

Résumé🔗

L'action en indemnité dirigée par la victime contre l'assureur-loi de l'employeur seulement, à l'exclusion de celui-ci, à la suite d'une ordonnance de non-conciliation rendue au contradictoire de la victime et de l'assureur-loi, se trouve recevable, en application de l'article 21 quinquies de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, qui évoque la présence à l'instance de l'assureur-loi ou de la victime et de l'article 37 de la même loi, qui dispose que les contrats d'assurance régulièrement passés substituent entièrement les établissements d'assurance aux employeurs assujettis.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu qu'E. R., employé en qualité de mécanicien pour le compte de la S.A.M. Tore Meccano, dont l'assureur-loi est la Compagnie A.G.F., a été victime, le 10 septembre 1985, d'un accident du travail ayant entraîné, selon rapport d'expertise établi le 24 juin 1986 par le Dr Orecchia, une I.P.P. de 8 % sur laquelle la victime refusait de s'accorder ;

Qu'une Ordonnance de non-conciliation était alors rendue le 31 décembre 1986 et l'affaire renvoyée devant le Tribunal de Première Instance ;

Attendu qu'E. R. saisissait ladite juridiction suivant exploit du 24 novembre 1987 aux fins de s'entendre dire n'y avoir lieu à l'homologation du rapport expertal et voir fixer à 12 % le taux d'I.P.P. dont il demeure atteint en suite de ses séquelles ; qu'il sollicitait par ailleurs, et subsidiairement, l'instauration d'une nouvelle mesure expertale, et entendait voir condamner la Compagnie A.G.F. à lui payer la somme de 3 000 F, à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la Compagnie A.G.F. rappelait que suivant l'exploit précité la victime n'avait attrait qu'elle seule devant le Tribunal de Première Instance et concluait à l'irrecevabilité d'une telle demande en exposant qu'il appartenait à E. R. d'engager sa procédure au contradictoire de l'employeur et de l'assureur-loi ;

Que, subsidiairement au fond, la Compagnie A.G.F. concluait au rejet de la demande et à l'homologation du rapport Orecchia du 24 juin 1986 avec toutes conséquences de droit quant au taux d'I.P.P. retenu ;

Attendu que, par d'ultimes conclusions en réponse, E. R. déclare inopérant le moyen d'irrecevabilité soulevé par la Compagnie A.G.F. et expose que l'assureur-loi assigné en cette qualité vient aux droits de l'employeur de la victime et supporte au demeurant seul les conséquences de l'accident du travail dont s'agit ; que le contradictoire de l'employeur ne s'imposerait dès lors nullement ;

Sur ce,

I. - Sur la recevabilité de la demande

Attendu qu'il ressort de l'analyse de l'exploit introductif d'instance du 24 novembre 1987 qu'E. R. a assigné devant la juridiction de céans la Compagnie A.G.F. prise en sa qualité d'assureur-loi, substituée à la S.A.M. Tore-Meccano ; qu'il ne saurait toutefois lui être fait grief d'avoir engagé sa procédure au seul contradictoire de la Compagnie A.G.F., et hors la présence de l'employeur, dès lors qu'il est constant d'une part que l'article 21 quinquies de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 n'évoque la comparution devant le Tribunal de Première Instance que des parties au contradictoire desquelles fut rendue l'Ordonnance de non-conciliation, soit en règle générale l'assureur-loi et la victime, et qu'il ressort d'autre part des dispositions de l'article 37 de la même loi que les contrats d'assurance régulièrement passés substituent entièrement les établissements d'assurance aux employeurs assujettis ;

Attendu qu'il apparaît en l'espèce que la S.A.M. Tore-Meccano était bien, à la date de l'accident, l'employeur d'E. R. et avait pour assureur-loi la Compagnie A.G.F. d'une part, et, d'autre part, que l'Ordonnance de non-conciliation du 31 décembre 1986 a bien été rendue au contradictoire de la victime et de cette seule compagnie d'assurances ;

Qu'il s'ensuit que la demande dirigée à l'encontre de la Compagnie A.G.F., substituée à la S.A.M. Tore-Meccano, apparaît régulière en la forme et doit être déclarée recevable ;

II. - Au fond

Attendu qu'à l'appui de sa contestation des conclusions expertales, E. R. produit un certificat médical établi le 24 novembre 1986 par son médecin-traitant, le Dr G., lequel estime qu'une « fracture ouverte au pouce droit multi-fragmentaire » justifie chez un droitier un taux d'I.P.P. de 12 %, ce que soutient également la victime en se référant au barème établi par l'arrêté ministériel du 14 janvier 1947 ;

Attendu cependant que ledit barème ne lie nullement l'expert judiciaire auquel il fournit une fourchette d'évaluation pour chaque type spécifique de séquelles, et que par ailleurs, ni la victime, ni son médecin traitant, ne formulent aucune critique à l'encontre des constatations cliniques effectuées par le Dr Orecchia ;

Attendu cependant que l'analyse du rapport détaillé établi le 24 juin 1986 par cet expert permet d'observer qu'E. R., qui avait présenté, lors de l'accident du travail du 10 septembre 1985 une fracture ouverte de P1 du pouce droit, ne demeure actuellement atteint que d'une raideur importante des articulations métacarpo-phalangiennes et P1 P2 du pouce droit, avec une forte diminution de la force de serrage et une gêne douloureuse ; qu'au regard desdites séquelles, il y a lieu de se référer au Barème établi par l'Arrêté ministériel du 14 janvier 1947 qui prévoit, en effet, dans son chapitre I, au titre consacré aux doigts et métacarpes, un taux d'I.P.P. compris entre 1 et 3 % pour une simple raideur de l'articulation méta-carpo-phalangienne du pouce et de 4 à 8 % pour la raideur des articulations métacarpo-phalangiennes et interphalangiennes ;

Qu'il s'ensuit, en l'état de ces observations, que l'expert Orecchia apparaît avoir fait une juste appréciation des indications contenues dans le barème au regard desquelles le taux d'I.P.P. de 8 % retenu apparaît tout-à-fait suffisant ;

Attendu en conséquence qu'à défaut de toute critique fondée émise à l'encontre du rapport de l'expert Orecchia, il y a lieu de dire que les séquelles médicalement constatées par ce praticien justifient le taux d'I.P.P. qu'il propose et il convient d'homologuer, avec toutes conséquences de droit, son rapport du 24 juin 1986, tout en déboutant E. R. des fins de sa demande de dommages-intérêts qui n'apparaît pas justifiée en l'état de l'indemnisation légale précitée ;

Et attendu qu'E. R., qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare recevable la demande formée par E. R. ;

Au fond, déboute ce dernier de ladite demande, homologue le rapport du Dr Orecchia en date du 24 juin 1986 ayant fixé à 8 % le taux d'I.P.P. dont demeure atteint E. R. à la suite de son accident du travail du 10 septembre 1985 ;

Condamne la Compagnie A.G.F. - substituée à la S.A.M. Tore-Meccano - à payer à E. R. à compter du 15 novembre 1985, et avec interruption du 3 mars 1986 au 24 mars 1986 (période de la rechute), une rente annuelle et viagère de 4 693,12 F calculée en fonction du taux d'I.P.P. précité de 8 % et d'un salaire annuel de 117 328,21 F ;

Composition🔗

MM. Landwerlin prés., Serdet prem. subst. proc. gén., MMes Blot et Léandri av. déf.

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