Tribunal de première instance, 23 juin 1988, R. c/ Hôtel Beach Plazza.

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Abstract🔗

Procédure civile

Cour d'appel

Avocat - défenseur

Statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail - Ministère de l'avocat-défenseur non obligatoire - Salarié représenté par le secrétaire de l'Union des syndicats

Résumé🔗

Il ne saurait être exigé d'un salarié d'être représenté devant le Tribunal de première instance statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail, par un avocat-défenseur puisque les modalités de représentation prévues à cet effet par l'article 44 de la loi n. 446 du 16 mai 1946 sont applicables en vertu de l'article 63 de ladite loi, laquelle déroge expressément sur ce point par son caractère spécial d'ordre public, aux dispositions antérieures résultant de l'article 7 de l'ordonnance souveraine du 21 mai 1909 sur l'appel.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Attendu qu'en suite d'un procès-verbal de non-conciliation dressé le 26 août 1987, R., deuxième maître d'hôtel dans l'établissement dénommé Beach Plaza, a saisi le Bureau de jugement du Tribunal du travail d'une demande dirigée contre son employeur tendant à l'application de l'article 33 de la convention collective du travail réglant les rapports entre employeurs et employés des hôtels, cafés, restaurants et brasseries de la Principauté de Monaco, lequel est ainsi conçu :

Débours invités : la direction reste responsable des débours faits pour le compte des clients à condition qu'ils lui aient été signalés et qu'ils aient été visés par elle ;

Pour les palaces et les établissements de première catégorie « de luxe », en ce qui concerne les notes des invités (à l'exception des membres de la famille et des membres d'administration), il sera versé par la caisse patronale au compte « service » le pourcentage découlant de l'évaluation du montant présumé de la note de cette nature de clients ;

Qu'il reprochait alors pour l'essentiel à son employeur de l'avoir privé d'une partie de la rémunération à laquelle il pouvait légitimement prétendre par le fait que n'avaient pas été versés au compte « service » alimentant la masse commune servant à rétribuer l'ensemble des employés rémunérés, comme lui, au « pourcentage service », divers pourcentages que l'employeur se devait d'apporter à cette masse, lorsqu'il faisait bénéficier des clients de certaines gratuités, en calculant alors lesdits pourcentages sur l'évaluation du montant présumé de la note desdits clients, ce, conformément à l'article 33 précité qui n'aurait pas été en l'occurrence respecté ;

Attendu qu'aux termes d'un jugement contradictoirement rendu en premier ressort le 5 mars 1987, le Tribunal du travail s'est déclaré incompétent pour connaître d'une telle demande en constatant que celle-ci ne présentait pas les caractères d'un conflit individuel, et a renvoyé M. R. à se mieux pourvoir en le condamnant aux dépens ;

Attendu que ce dernier, plaidant par F. R., secrétaire à l'Union des syndicats de Monaco, a relevé appel du jugement ainsi rendu suivant l'exploit susvisé en date du 1er avril 1987 délivré à l'Hôtel Beach Plaza au domicile de celui-ci, élu en l'étude de son conseil, Maître Etienne Léandri, avocat-défenseur ;

Attendu que, concluant le 15 octobre 1987, la Société Trust Houses Forte International Management Limited qui exploite l'Établissement Beach Plaza, a demandé au tribunal de dire et juger que c'est à bon droit que le Tribunal du travail avait décliné sa compétence dès lors que le litige dont celui-ci avait été saisi comme il vient d'être dit ne répondait pas aux critères de l'article 1er de la loi n. 446 du 16 mai 1946, en sorte qu'il y aurait lieu de débouter M. R. de son appel, étant à ce propos relevé que, selon la Société Trust Houses Forte International Management Ltd, l'action de M. R. ne viserait pas à conférer à celui-ci un avantage particulier bien défini mais tendrait en revanche à ordonner que ladite société soit déclarée tenue de percevoir le pourcentage-service sur toutes les gratuités offertes aux clients, sauf celles admises par la convention collective, et à moins d'obtenir du personnel une autorisation contraire cas par cas, et à reverser à la masse les sommes provenant du pourcentage-service devant être calculées sur toutes les prestations fournies, facturées ou non, en sorte qu'une telle action révèlerait bien en l'espèce l'existence d'un conflit collectif échappant à la compétence du tribunal puisque R. agirait en l'occurrence en représentation d'un groupement de fait, constitué par l'ensemble des salariés ayant des droits sur la masse du pourcentage-service ;

Attendu qu'aux motifs, principalement, qu'il ne pouvait, en introduisant sa demande ni apprécier le montant de la rémunération à laquelle il prétend, ni connaître la réduction de celle-ci, correspondant à l'absence incriminée de versements au compte service ayant pu se produire au détriment de la masse lors de défauts de perception de pourcentage-service ayant profité à certains clients, et que, de la sorte, il avait dû se borner à demander, sans la connaître, une rectification de sa rémunération, M. R. a conclu, le 12 novembre 1987, à l'infirmation du jugement entrepris puisque le litige dont s'agit aurait bien, selon lui, à ce titre, un caractère individuel ;

Attendu que par des conclusions additionnelles datées du 26 novembre 1987, la société intimée a conclu à la nullité de l'exploit d'appel susvisé du 1er avril 1987, ainsi qu'à celle des conclusions subséquentes de la partie appelante en faisant grief à celle-ci de ne pas avoir régularisé ces actes de procédure dans le respect des articles 44 et 63 de la loi n. 446 du 16 mai 1946 ;

Que la Société Trust Houses Forte International Management Limited expose à ce propos qu'il appartenait à M. R. de faire élection de domicile à Monaco et de se faire représenter soit par un salarié dûment muni d'un pouvoir, soit par un avocat-défenseur, comme le prescrit en termes généraux l'article 7 de l'ordonnance souveraine sur l'appel du 21 mai 1909 ;

Attendu qu'en réponse à ces moyens de procédure, M. R. soutient, principalement, que ceux-ci sont tardifs, au regard de l'article 264 du Code de procédure civile, comme couverts par la discussion du fond antérieurement instaurée par l'intimée en défense à l'appel du jugement d'incompétence précité, et, subsidiairement, qu'il est régulièrement représenté par M. F. R., salarié de l'Union des syndicats de Monaco, que celui-ci est porteur d'un pouvoir de sa part qu'il n'avait aucune obligation de produire lors de l'assignation, puisque l'article 44 susvisé ne prescrit, à cet égard, qu'une simple faculté, qu'il ne saurait être exigé de lui en la circonstance l'obligation de recourir à un avocat-défenseur à l'effet de sa représentation en justice, puisque la loi n. 446 déroge sur ce point à l'ordonnance souveraine sur l'appel, et, enfin, que l'élection de domicile dont l'absence prétendue lui est reprochée, a, en réalité, eu lieu au siège de l'Union des syndicats de Monaco ;

Attendu qu'en cet état de la procédure les parties ont déclaré, en plaidant, qu'elles entendaient limiter dans l'immédiat la connaissance par le tribunal du litige lui étant soumis aux moyens développés par l'intimée en ses conclusions du 26 novembre 1987 et à ceux présentés, pour s'y opposer, par l'appelant ;

Sur ce,

Attendu qu'en dépit des conclusions des parties à cet égard déposées, lesdits moyens ne peuvent être tenus pour relatifs à des nullités de la procédure dès lors qu'ils portent seulement sur les conditions de la représentation de l'appelant, d'une part, d'où résulterait l'application de la règle « nul ne plaide par procureur » - laquelle doit être conçue comme de nature à occasionner un cas d'irrecevabilité de la demande revêtant un caractère d'ordre privé et pouvant être allégué en tout état de cause - et, d'autre part, sur les effets du manquement à une obligation légale d'élection de domicile n'étant pas prévue à peine de nullité par les articles 138 et 155 du Code de procédure civile ;

Qu'il s'ensuit que l'article 264 dudit code, principalement invoqué par l'appelant, ne saurait être retenu en l'espèce ;

Attendu par ailleurs qu'il ressort des pièces versées aux débats que cette même partie s'est, dès l'exploit d'appel et assignation susvisés, trouvée, d'une part, représentée par F. R., muni d'un pouvoir ultérieurement produit et dont la qualité de salarié de l'Union des Syndicats de Monaco n'a pas été en dernier lieu contestée, et, d'autre part, avoir fait élection de domicile au siège de cet organisme, le tout conformément aux dispositions des articles 44 modifié de la loi n. 446 du 16 mai 1946 et 138 du Code de procédure civile ;

Qu'il ne saurait être, à ce propos, exigé d'un salarié appelant d'un jugement du Tribunal du travail d'être représenté en appel par un avocat-défenseur puisque les modalités de représentation prévues à cet effet par l'article 44 de la loi n. 446 précitée sont applicables en appel en vertu de l'article 63 de ladite loi qui déroge expressément sur ce point, par son caractère spécial d'ordre public, aux dispositions antérieures résultant de l'article 7 de l'ordonnance souveraine sur l'appel du 21 mai 1909 ;

Qu'il échet, dès lors, de débouter la Société Trust Houses Forte International Management Limited des chefs de demande contenus dans ses conclusions du 26 novembre 1987, et de la condamner aux dépens du présent jugement en vertu de l'article 231 du Code de procédure civile, l'instance devant cependant se poursuivre pour le surplus ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement et comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Déboute la Société Trust Houses Forte International Management Limited des demandes contenues dans ses conclusions du 26 novembre 1987 ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du 30 juin 1988 pour être ensuite statué au fond ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. ; Me Léandri, av. déf. ; R., mandataire.

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