Tribunal de première instance, 16 juin 1988, M. B. A. c/ S. et Compagnie d'assurances G.F.A.

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Abstract🔗

Accident du travail

Accident de trajet - Notion : itinéraire normal (non) et temps normal (non) - Non-application de la présomption d'imputabilité - Preuve contraire de la victime : non rapportée ni offerte

Résumé🔗

S'il est établi que l'accident (chute sur la chaussée) n'est survenu ni sur l'itinéraire normal, ni au temps normal du trajet, la présomption d'imputabilité édictée par l'article 2, alinéa 2, de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 se trouvant écartée, il appartient à la victime désireuse de bénéficier malgré tout de la protection légale de rapporter la preuve que le trajet détourné avant l'accident et effectué à une heure insolite était dû à des raisons dépendant soit de l'emploi soit des nécessités de la vie courante et non pas à un intérêt personnel.

A défaut de faire cette preuve ou d'offrir de la faire, l'accident invoqué ne peut être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que M. B. A., employé pour le compte d'A. S., dont l'assureur-loi est la Compagnie G.F.A., a été victime le 5 juillet 1987 d'un accident de trajet constitutif d'un accident de travail et déclaré comme tel le 15 juillet 1987 par l'employeur auprès de la Sûreté publique ;

Attendu, toutefois, que la Compagnie G.F.A. en refusait la prise en charge en invoquant que la matérialité des faits n'était pas établie et une enquête était alors diligentée le 30 octobre 1987 dans le cabinet du juge chargé des accidents du travail ; qu'en l'absence de tout témoin et à l'issue de la seule audition de la victime, l'assureur-loi devait persister dans son refus de prendre en charge les conséquences pécuniaires de l'accident de trajet litigieux et l'affaire était renvoyée devant le Tribunal de première instance selon ordonnance du 24 novembre 1987 ;

Attendu que, suivant exploit du 28 décembre 1987, B. A. assignait la Compagnie G.F.A. et A. S. devant la juridiction de céans aux fins de s'entendre ordonner la prise en charge par l'assureur-loi de l'accident du travail-trajet dont il avait été victime le 5 juillet 1987 ;

Attendu que la Compagnie G.F.A., se référant à la définition donnée par l'article 2, alinéa 2, de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 de l'accident de trajet, prétend pour sa part que les faits litigieux ne seraient survenus ni au temps, ni sur l'itinéraire normal du parcours séparant la résidence du lieu de travail de B. A. ; qu'elle estime pour sa part que, l'examen de celui-ci révélant en fait un état pathologique suffisant pour entraîner les troubles constatés, B. A. ne saurait prétendre avoir été victime d'un accident de trajet et doit être débouté des fins de sa demande ;

Attendu qu'A. S., employeur responsable, a quant à lui sollicité qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapporte à justice sur le mérite des demandes formulées par la victime tant à son encontre qu'à l'encontre de la Compagnie G.F.A., sa compagnie d'assurances ;

Sur ce,

Attendu qu'il résulte de l'article 2, alinéa 2, de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 que l'accident survenu à un travailleur salarié qui se rend de son lieu de travail à sa résidence et inversement est considéré comme un accident de travail ; que, toutefois, la présomption d'après laquelle l'accident de trajet présente un lien avec le travail se trouve écartée s'il est établi que la victime a été détournée de son parcours normal ou qu'elle l'a interrompu pour un motif étranger à son emploi, la charge de la preuve contraire incombant à la victime qui revendique le bénéfice de la législation sur les accidents du travail ;

Attendu qu'il résulte en l'espèce des pièces versées aux débats, et notamment du procès-verbal d'enquête en date du 30 octobre 1987, que B. A. prétend avoir été victime le 5 juillet 1987 aux environs de 17 h 30 d'un accident du travail survenu boulevard Princesse-Charlotte à Monte-Carlo alors qu'il se dirigeait vers l'avenue . pour y prendre son travail à 18 heures ; qu'il expose qu'après être tombé sur le sol mouillé et s'être blessé à la tête, il avait été assisté puis transporté au service des urgences du C.H.P.G. par un couple d'automobilistes, dont il ne pouvait néanmoins révéler l'identité ;

Attendu qu'il ressort cependant des pièces de la procédure que ledit hôpital n'a enregistré l'arrivée du demandeur qu'aux environs de 22 h 30, soit plus de quatre heures après les faits allégués d'une part, et que, d'autre part, le revêtement du sol, dont il avait dans un premier temps admis qu'il était sec, ne pouvait présenter, comme le soutient la victime, aucune trace d'humidité, ainsi qu'en atteste le bulletin météorologique versé aux débats délivré par l'Institut océanographique de Monaco, et mentionnant un temps beau et sec pour la journée du 5 juillet 1987 ;

Attendu, par ailleurs, que la chute litigieuse survenue sur le boulevard Princesse-Charlotte, à hauteur de Radio Monte-Carlo, n'est pas intervenue sur l'itinéraire normal reliant la résidence de la victime sise . à son lieu de travail avenue . ; qu'il ressort en effet des propres déclarations de B. A. que celui-ci « remontait de la gare S.N.C.F. en direction du Restaurant S.-L. » lorsqu'il fut accidenté ; qu'ainsi, le détournement de parcours s'évince des propres aveux de la victime qui reconnaît qu'elle venait à pied du quartier de la Condamine et n'avait nullement emprunté le trajet normal et le plus direct reliant la commune de . où elle réside à l'avenue . où elle travaillait ;

Attendu, en outre, sur le point de savoir si la chute litigieuse est survenue au temps normal du trajet, qu'il est constant que l'entrée à l'hôpital du demandeur ne fut enregistrée qu'à 22 h 30, ce, alors qu'il devait prendre son travail à 18 heures, soit plus de 4 heures auparavant, et qu'il prétend avoir été accidenté à 17 h 30, sans fournir néanmoins aucune explication sur son emploi du temps durant les cinq heures dont s'agit ;

Attendu qu'à défaut de tout témoignage et en l'état des éléments de faits précités, il apparaît établi que l'accident du 5 juillet 1987 n'est survenu ni sur l'itinéraire normal, ni au temps normal du trajet ;

Que, dès lors, la présomption d'imputabilité devant être écartée, il incombait à la victime désireuse de bénéficier malgré tout de la protection légale de rapporter la preuve que le trajet détourné avant l'accident et effectué à une heure inconnue était dû à des raisons dépendant soit de l'emploi soit des nécessités de la vie courante, et non pas à un intérêt personnel ;

Attendu que M. B. A. n'a pas rapporté une telle preuve, ni offert de le faire, et, qu'en conséquence, il y a lieu de dire que ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail la chute survenue le 5 juillet 1987 sur un parcours détourné et à une heure n'apparaissant pas correspondre à l'heure normale de ce trajet ;

Que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Déboute M. B. A. des fins de sa demande ;

Dit que la chute dont a été victime le 5 juillet 1987 B. A. à Monaco ne peut être considérée comme constituant un accident de trajet ouvrant droit pour la victime au bénéfice de la législation sur les accidents du travail ;

Composition🔗

M.M. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Karczag-Mencarelli, Lorenzi et Léandri, av. déf.

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