Tribunal de première instance, 9 juin 1988, G. c/ Société M.G.T.T.-R.M.O. et S.A. Assurances générales de France.

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Abstract🔗

Accident du travail

Action en indemnité de la victime - Régularité de la déclaration d'accident - Prescription d'un an non applicable - Recevabilité de l'action pendant deux ans - Matérialité de l'accident rapportée

Résumé🔗

La victime d'un accident du travail dont la déclaration d'accident a été régulièrement effectuée conformément à l'article 14 de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 modifiée ne saurait se voir opposer la prescription annale prévue par l'article 24 de ladite loi, celle-ci ne jouant qu'au cas de non-déclaration.

L'action en indemnité introduite moins de deux ans après la déclaration d'accident est recevable dans les conditions prévues par l'article 28 de la loi susvisée (non-perception de l'indemnité journalière), et se trouve fondée lorsque la preuve de la matérialité de l'accident est rapportée.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que G. A. employé pour le compte de M.G.T.T.-R.M.O., dont l'assureur-loi est la Compagnie A.G.F., a été victime le 30 avril 1986 d'un accident du travail ayant fait l'objet d'une déclaration régulière auprès de la Sûreté publique le 27 mai 1986 ;

Qu'en suite du refus formulé par la Compagnie A.G.F. de prendre en charge les conséquences pécuniaires de cet accident du travail dont elle contestait la matérialité, une enquête était alors diligentée le 1er juillet 1987 aux fins d'audition des parties et de deux témoins ;

Attendu toutefois que le 21 juillet 1987 la Compagnie A.G.F. nous ayant avisé de ce qu'elle persistait dans son refus de prise en charge des suites de la blessure à l'œil que G. prétendait avoir subie le 30 avril 1986 sur les lieux de son travail, l'affaire était alors renvoyée devant le Tribunal de première instance selon ordonnance en date du 24 juillet 1987 ;

Attendu que par exploit du 10 novembre 1987, la victime G. A. assignait la Société M.G.T.T.-R.M.O. et la Compagnie A.G.F. devant le Tribunal de première instance aux fins de s'entendre dire et juger que l'accident survenu le 30 avril 1986 constitue bien un accident du travail et qu'il appartient dès lors à l'assureur-loi de prendre en charge toutes ses conséquences pécuniaires ; qu'invoquant au soutien de ses prétentions le contenu des déclarations effectuées lors de l'enquête par les deux témoins C. O. et F. A., G. rappelle tant le rapport des faits qu'il avait effectué auprès de son chef de chantier que la difficulté du travail exécuté et les mauvaises conditions dans lesquelles il devait y procéder ;

Attendu que, par conclusions en réponse, la Société M.G.T.T.-R.M.O. et la Compagnie A.G.F. se sont formellement opposées à cette demande et au principe de toute prise en charge des faits du 30 avril 1986 ; qu'elles entendent pour leur part voir dire et juger que faute pour le sieur G. d'avoir satisfait aux prescriptions de l'article 14 de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 en souscrivant une déclaration d'accident du travail dans les 48 heures de sa survenance, celui-ci est non seulement déchu de la présomption légale mais également forclos aux termes de l'article 24 de ladite loi en son action en indemnité formée plus d'une année après la date supposée de cet accident ;

Sur quoi,

I. - Sur la recevabilité de l'action en indemnité intentée par la victime

Attendu s'agissant en premier lieu de la régularité de la déclaration d'accident effectuée par A. G., que si, comme l'invoquent les co-défenderesses, tout accident du travail doit, en application des dispositions d'ordre public de l'article 14 (b), être déclaré à l'employeur ou à l'un de ses préposés dans un délai de 48 heures, il convient de noter qu'indépendamment de cette formalité qui fut au demeurant observée par la victime, la loi sur les accidents du travail prévoit un relevé de forclusion en son article 14 (c) ; qu'il y est en effet prévu que jusqu'à l'expiration de l'année qui suit l'accident, la déclaration pourra être effectuée par la victime elle-même, ses représentants ou ses ayants droit ;

Attendu qu'en l'espèce, le respect de la première formalité précitée s'induit des déclarations mêmes du témoin C. O., lequel a déclaré le 1er juillet 1987 lors de l'enquête effectuée par le magistrat compétent qu'alors qu'il était le 30 avril 1986 préposé de l'employeur de G., et même responsable du chantier, la victime lui avait rapporté les faits et donc déclaré l'accident dont elle venait d'être victime quelques instants auparavant ;

Qu'il est par ailleurs, constant que la déclaration d'accident du travail fut régulièrement effectuée dans le délai d'une année prévu par l'article 14 (b) à compter de l'accident, dès lors que celle versée à la procédure porte la date du 27 mai 1986 ;

Attendu en conséquence qu'il apparaît que G. A. ne saurait être déchu de la présomption légale édictée par l'article 2, alinéa 2, de la loi n. 636 du 11 janvier 1958 et qu'il convient dès lors d'examiner le second moyen d'irrecevabilité invoqué par les co-défenderesses et tiré de la prescription résultant du délai d'un an écoulé entre la date de l'accident et celle de l'action en indemnité ;

Attendu cependant qu'il convient d'observer qu'une telle prescription est prévue par l'article 24 de la loi n. 636, lequel ne s'avère nullement applicable au cas de l'espèce ; qu'il résulte en effet dudit texte que l'action en indemnité se prescrit par un an à dater du jour de l'accident, ce, seulement, s'il n'y a « pas eu de déclaration d'accident du travail » ; qu'il apparaît toutefois au vu de l'analyse précédente que la déclaration du 27 mai 1987 revêtait bien tous les caractères requis de la régularité, et qu'ainsi, le délai de prescription d'une année prévu par l'article 24 ne doit pas recevoir application en l'occurrence, seules les dispositions de l'article 28, alinéa 2, instituant une prescription biennale apparaissant au contraire devoir bénéficier à G. à compter de la déclaration d'accident du travail, et ce, dès lors qu'il n'a pas perçu d'indemnité journalière et n'a intenté une action en indemnité qu'après avoir déclaré l'accident dont s'agit ;

Attendu qu'au regard de cette analyse et étant observé qu'un délai inférieur à deux années s'est écoulé entre la date de la déclaration d'accident du travail et celle de l'exploit introductif d'instance, il apparaît que le moyen tiré de la prescription n'est pas non plus fondé ;

Qu'en conséquence, l'action en indemnité intentée par G. doit être déclarée recevable et il convient dès lors d'examiner la matérialité de l'accident du 30 avril 1986 également contestée par l'employeur et l'assureur-loi ;

II. - Sur les circonstances matérielles de l'accident

Attendu qu'il est en l'espèce constant et confirmé par les pièces de la procédure que G. A. était à l'époque des faits litigieux, soit en 1986, employé en qualité de plombier H.Q. pour le compte de la Société M.G.T.T.-R.M.O. et détaché plus précisément le 30 avril 1986 sur le chantier de l'immeuble « Le grand large », où il travaillait seul au 1er sous-sol dans la salle des tuyauteries qu'ayant eu pour tâche ce jour-là de déboucher un tuyau d'égoût qui traversait le plafond, G. déclarait avoir reçu sur le coin de l'œil un morceau de bois clouté qui le blessait profondément à la rétine, provoquant son décollement et entraînant une hospitalisation de 20 jours à l'Hôpital Saint-Roch de Nice ;

Attendu toutefois que la Compagnie A.G.F., contestant la matérialité des faits et la relation de cause à effet entre eux et le dommage invoqué, refusait de prendre en charge ses conséquences pécuniaires ;

Qu'au regard néanmoins des dispositions de l'article 2, alinéa 2, de la loi n. 636 instituant la présomption légale d'imputabilité - dont il vient d'être dit que G. devait toujours en bénéficier - il convient seulement de déterminer si l'accident dont G. s'est dit victime a pu survenir par le fait ou à l'occasion du travail ;

Qu'à cet égard, les déclarations du responsable de chantier C. O. révèlent que le sieur G., qui débouchait une tuyauterie située au plafond, était bien venu dans la matinée du 30 avril 1986 l'aviser de ce qu'il avait reçu des éclats de limaille dans les yeux ; que le chef de chantier A., qui n'avait pour sa part été informé de cet accident que dans le courant de la semaine qui suivit, confirmait le fait qu'aucun témoin visuel direct n'ait pu en l'espèce assister à l'incident, dès lors que G. travaillait tout à fait seul au 1er sous-sol de l'immeuble et dans des conditions de surcroît assez délicates rendant vraisemblable la réalisation d'accident de cette nature ;

Attendu en conséquence qu'il ressort tant de la nature du travail exécuté par G. que du siège de la lésion constatée le 4 mai 1986 par le Docteur R. et de ses conséquences traumatologiques immédiates que la matérialité de cet accident survenu par le fait du travail et le lien de causalité avec le décollement de rétine subi par la victime sont contestés à tort par les co-défenderesses, et tout à fait établis au regard des éléments de fait précités ;

Qu'il suit que la Compagnie A.G.F. devra prendre en charge toutes les conséquences pécuniaires qu'a pu entraîner pour G. l'accident du travail du 30 avril 1986 ;

Et attendu que les parties doivent être renvoyées devant le juge des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra ;

Que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare recevable l'action en indemnité intentée par G. A. ;

Dit que l'accident dont G. A. a été victime le 30 avril 1986 sur son lieu de travail constitue un accident du travail et qu'il y a lieu pour la Compagnie A.G.F. - substituant la Société M.G.T.T.-R.M.O. - de prendre en charge toutes ses conséquences pécuniaires ;

Renvoie les parties devant le juge des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Sbarrato et Léandri, av. déf. ; Rucker, av. (Barreau de Nice).

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