Tribunal de première instance, 12 février 1988, C. c/ Dame D.

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Abstract🔗

Usufruitier - nu-propriétaire

Communication au nu-propriétaire des baux consentis par l'usufruitier.

Résumé🔗

Les nus-propriétaires de studios, qui envisagent de les céder, bien qu'étrangers aux conventions de location consenties sur ces biens par l'usufruitier, lesquelles ne leur deviendront opposables qu'à la fin de l'usufruit, ont intérêt, dans cette conjoncture, à connaître les conditions auxquelles lesdits studios ont été donnés en location et sont fondés en conséquence à obtenir les informations et communications concernant les baux consentis.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que, par l'exploit susvisé, C. T.-P. agissant comme administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens de ses deux enfants J.-M. et P. C., respectivement nés le 20 mai 1968 et le 9 juin 1970, a fait assigner C. D., veuve de P. C. et mère de J.-P. C., décédé le 30 avril 1977, dont cette demanderesse avait divorcé aux termes d'un jugement du tribunal en date du 27 février 1975, aux fins d'obtenir :

  • d'une part, l'exequatur à Monaco d'une ordonnance rendue le 9 septembre 1985 par le juge des tutelles du Tribunal d'instance de Nice, l'ayant autorisée, ès qualités, à vendre pour le prix minimum de 250 000 F la nue-propriété dévolue à ses enfants d'un studio situé à Monaco dont C. D. était usufruitière, ledit studio devant être choisi parmi divers autres studios ainsi affectés en nue-propriété et usufruit, respectivement, auxdits enfants et à C. D. aux termes d'un testament de J.-P. C. en date du 28 avril 1977 ;

  • d'autre part, la production par C. D. des baux par elle conclus pour ces mêmes studios, ce sous astreinte de 1 000 F par jour de retard, le tout sous le bénéfice sollicité de l'exécution provisoire du jugement requis ;

Attendu qu'après avoir conclu additionnellement à la condamnation de C. D. à lui payer une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts en raison de manœuvres dilatoires qu'elle impute à cette défenderesse du fait de ses conclusions, C. T.-P. a déclaré se désister purement et simplement de sa demande d'exequatur, au motif que l'un de ses enfants (P.) avait été émancipé le 10 septembre 1986 et que l'autre (J.-M.) était devenu majeur ;

Attendu que ces deux enfants, déclarant intervenir volontairement à l'instance par voie de conclusions datées du 4 décembre 1986, ont pareillement indiqué se désister de la demande d'exequatur introduite en leur nom par leur mère, tout en concluant par ailleurs, aux côtés de celle-ci, au maintien des fins des écritures judiciaires qu'elle avait antérieurement déposées quant à la communication des baux des studios susvisés et aux dommages-intérêts qu'elle réclamait,

Attendu que C. D., qui avait initialement conclu au rejet de la demande d'exequatur formulée par C. T.-P. ainsi qu'au débouté de cette demanderesse de l'ensemble des fins de ses conclusions, et sollicité, par ailleurs, la condamnation de celle-ci à lui payer 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, demande en dernier lieu au tribunal, tout en confirmant de ces chefs ses précédentes écritures, de déclarer irrecevable l'intervention des deux fils de C. T.-P. puisque, d'une part, ils seraient sans droit pour solliciter l'exequatur de l'ordonnance susvisée celle-ci ayant été requise par leur représentante légale, dont les fonctions avaient pris fin, et que, d'autre part, leur intervention tendrait en réalité à se substituer à une action en partage de la succession du père du testateur, qu'il leur appartiendrait d'exercer par ailleurs ;

Attendu que C. D. demande en outre que la demanderesse initiale et les parties intervenantes soient in solidum condamnées à lui payer 10 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Sur quoi,

Attendu que l'action, dont le tribunal a été saisi, a été engagée, comme cela se déduit du libellé même de l'assignation, par J.-M. et P. C., incapables mineurs représentés par leur mère C. T.-P. ;

Que, ces derniers se trouvant désormais à même d'exercer directement leurs droits, ainsi qu'il est constant, au regard de leur émancipation et majorité respectives, et alors que par conclusions d'intervention ils ont entendu reprendre l'action précédemment engagée en leur nom, il convient de les déclarer désormais régulièrement présents aux débats en l'état de leur capacité nouvelle d'ester en justice, en rejetant la demande de C. D. tendant à faire déclarer irrecevable leur intervention, laquelle demande se trouve présentement dépourvue d'objet ;

Que, par voie de conséquence, C. T.-P., qui n'a pas pris d'autre qualité que celle d'administratrice légale des biens de ses enfants, dans la présente instance, doit, au regard du dernier état de celle-ci, être mise d'office hors de cause, puisqu'elle ne saurait plus représenter J.-M. et P. C. de sorte que sa présence aux débats est superflue ;

Attendu que, dès lors que ces derniers ne poursuivent plus l'action en exequatur initialement introduite par leur mère, seule demeure en définitive litigieuse leur demande de communication des baux, outre les demandes de dommages-intérêts formulées de part et d'autre ;

Attendu, sur ce, qu'il est constant que les studios dont les baux sont sollicités se trouvent situés ., et portent les numéros 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 18, exclusivement, aux termes de l'assignation ;

Attendu qu'après avoir été argué de nullité par C. T.-P., le testament de J.-P. C. ayant attribué la nue-propriété desdits studios à J.-M. et P. C. a été en définitive validé par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence rendu le 12 octobre 1982, passé en force de chose jugée, auquel les parties se sont expressément référées dans leurs écritures en ce qu'il en ressort désormais sans conteste, à leur estimation, que J.-M. et P. C. sont bien propriétaires desdits studios ;

Attendu que, si les demandeurs demeurent étrangers aux conventions de location ayant pu être consenties sur ces biens par leur usufruitière, lesquelles ne leur deviendront opposables qu'à la fin de l'usufruit, il s'avère qu'en l'espèce et au regard de cette opposabilité éventuelle, lesdits demandeurs, qui envisagent ainsi qu'il est constant de céder les studios objet de l'assignation initiale, ont intérêt à connaître les conditions auxquelles lesdits studios ont pu être donnés en location par C. D., qui ne nie pas cette circonstance tout en faisant cependant référence, pour s'opposer à la communication sollicitée des baux correspondants, à une expertise judiciaire opérée par Gérard Depéri, à la requête de C. T.-P. ès qualités, laquelle toutefois n'est pas suffisamment explicite quant aux conditions actuelles des locations considérées, en sorte qu'elle apparaît devoir être complétée de ce chef ;

Qu'à cet effet, et pour la meilleure information des parties demanderesses qui doivent être déclarées fondées dans le principe de leur demande de ce chef, il échet de procéder à la désignation d'un mandataire de justice qui obtiendra de C. D., ou de tout tiers, les informations et communication de documents requises, cette mesure apparaissant plus efficiente en l'espèce que celle tenant à une simple production de pièces ;

Qu'il convient dès lors en cet état de rejeter la demande de dommages-intérêts formulée par C. D., qui succombe en ses moyens de défense, et, eu égard à ce que celle-ci a pu légitimement se méprendre sur la portée de ses droits, de rejeter également la demande de dommages-intérêts dirigée contre elle par les demandeurs, lesquels ne sauraient invoquer en conséquence le caractère fautif de la défense opposée à leur action par C. D. ;

Attendu, par ailleurs, qu'à défaut d'urgence caractérisée, l'exécution provisoire sollicitée n'apparaît pas justifiée ;

Et attendu que C. D. qui succombe dans la présente instance doit en supporter les dépens, auxquels il conviendra d'ajouter les frais et honoraires du mandataire de justice ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare J.-M. et P. C. régulièrement présents aux débats dans le dernier état de la procédure comme personnellement investis de la capacité d'ester en justice ;

Met en conséquence et d'office hors de cause C. T.-P. ;

Donne acte à J.-M. et P. C. de ce qu'ils renoncent à leur demande d'exequatur initiale ;

Faisant droit au principe de leur demande principale dirigée contre C. D. ;

Désigne Monsieur André Garino en qualité de mandataire de justice, lequel aura pour mission d'obtenir de C. D. comme de tout tiers - en procédant au besoin aux vérifications nécessaires - toutes informations utiles sur les conditions de location des studios portant les numéros 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 18 situés ., en précisant notamment la durée des baux consentis, l'identité des preneurs à bail, le montant conventionnel des loyers, ainsi l'existence de toutes clauses desdits baux pouvant, par l'effet de leur opposabilité prévisible à l'égard des demandeurs, influer sur la valeur de la nue-propriété dont ceux-ci sont titulaires relativement aux studios dont s'agit ;

Dit que le mandataire de justice ainsi désigné déposera au greffe général, qui en donnera connaissance aux parties, un rapport de ses opérations dans les deux mois de la signification du présent jugement, et que ses frais et honoraires seront supportés par C. D. après la taxe qui en sera faite par le président du tribunal en application des articles 128 et 145 de l'ordonnance souveraine du 2 juillet 1866 ;

Dit qu'en cas d'empêchement du mandataire de justice ainsi désigné, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. : MMe Lorenzi et Léandri, av. déf. ; Depo. av. (Barreau de Nice).

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