Tribunal de première instance, 26 novembre 1987, M.-C. c/ Ministère public.

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Abstract🔗

Nationalité

Acquisition de la nationalité monégasque - Condition - Notion de résidence habituelle - Caractère de fréquence et de régularité

Résumé🔗

Aux termes de l'article 2 de la loi n. 572 du 18 novembre 1952 modifié par la loi n. 1070 du 23 mai 1984, le déclarant qui, comme c'est le cas en l'espèce, remplit les conditions de naissance (personne née à Monaco d'une mère monégasque elle-même issue d'un père monégasque) exigées par ce texte, peut acquérir la nationalité monégasque s'il réside en Principauté de Monaco et justifie y avoir eu son domicile de droit ou sa résidence habituelle dans les années qui précèdent cette déclaration.

La notion d'habitude requise par l'article susvisé implique un certain caractère de fréquence et de régularité faisant présumer la nature anormale, voire exceptionnelle de l'éloignement de la Principauté de Monaco, ce qui n'apparaît nullement être le cas lorsque le déclarant demeurait effectivement durant les sept années ayant précédé sa déclaration, dans un pays étranger où il suivait ses études secondaires et ne venait en Principauté de Monaco, qu'à l'occasion de certaines périodes de vacances scolaires, ne permettant pas de qualifier de « courante » sa présence sur le territoire monégasque.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'il est constant que S. M. née à Monaco le 3 mars 1970 d'un père britannique et d'une mère monégasque elle-même issue d'un père monégasque, a fait le 21 avril 1987 devant l'officier de l'État civil de Monaco la déclaration prévue par la loi n. 572 du 18 novembre 1952, ultérieurement modifiée, à l'effet d'acquérir la nationalité monégasque, ce, dans le délai de 3 mois suivant l'âge de ses dix-sept ans conformément aux dispositions de la loi n. 1070 du 23 mai 1984 ;

Attendu toutefois que par lettre du 29 avril 1987, l'officier de l'État civil avisait l'intéressée de son refus de procéder à la transcription de ladite déclaration, en lui faisant connaître que la condition relative au domicile ou à la résidence habituelle en Principauté durant les années qui précèdent cette déclaration n'était pas remplie ;

Attendu que M. M. et N. C. son épouse, agissant tous deux en qualité de représentants légaux de leur fille mineure S. M., ont alors, par l'exploit susvisé, régulièrement saisi le tribunal pour que soit constaté que leur fille remplit les conditions légales pour acquérir la nationalité monégasque en l'état de la déclaration par elle souscrite le 21 avril 1987 ;

Qu'à l'appui de leur demande, les époux M. font valoir que S. qui a eu sa résidence habituelle à Monaco depuis sa naissance jusqu'à l'âge de onze ans fut alors contrainte de les suivre en Grande-Bretagne où ils s'étaient installés courant 1980, mais qu'elle avait néanmoins conservé des liens étroits avec son pays natal où résident ses grands-parents maternels, chez lesquels elle revenait passer chaque période de vacances scolaires ;

Que S. avait de la sorte manifesté sa volonté de revenir séjourner en Principauté de Monaco, ce qu'elle fait en permanence depuis le mois d'avril 1987, ainsi que le rappellent les demandeurs ;

Attendu que le Procureur général, partie défenderesse, qui expose que S. M. a résidé en Grande-Bretagne d'août 1980 jusqu'à ces derniers mois, soit dans la période qui a précédé sa déclaration, demande pour sa part au tribunal de constater que celle-ci ne remplit pas la condition de résidence requise par la loi pour acquérir la nationalité monégasque ;

Sur quoi,

Attendu qu'aux termes de l'article 2, modifié par la loi n. 1070 du 23 mai 1984, de la loi n. 572 précitée, le déclarant qui, comme en l'espèce S. M., remplit les conditions de naissance exigées par ce texte, peut acquérir la nationalité monégasque s'il réside en Principauté de Monaco et justifie y avoir eu son domicile de droit ou sa résidence habituelle dans les années qui précèdent cette déclaration ;

Attendu qu'il ressort à cet égard des pièces produites et en particulier de l'enquête de police à laquelle il a été procédé, que S. M. a quitté Monaco au mois d'août 1980 pour aller résider auprès de ses parents et sa sœur cadette en Grande-Bretagne, où elle poursuivit ses études secondaires dans la région de Londres jusqu'au printemps 1987 ;

Que S. M. manifesta alors son désir de revenir vivre en Principauté de Monaco et sollicita le 7 avril 1987 sa première carte de séjour en produisant une attestation d'hébergement établie par son grand-père, P. C., indiquant qu'elle résidait désormais au . à Monte-Carlo ;

Attendu qu'il convient dès lors d'observer que ce n'est que 14 jours avant sa déclaration en date du 21 avril 1987 que S. M. a prétendu demeurer de façon effective et permanente sur le territoire monégasque, étant au demeurant observé que cette circonstance n'apparaît pas confirmée par les renseignements obtenus dans le cadre de l'enquête de police, au vu desquels S. M. était toujours scolarisée dans un collège londonien courant septembre 1987 ;

Qu'il ressort par ailleurs des attestations produites par la déclarante que durant les sept années qui ont précédé sa déclaration, celle-ci demeurait effectivement en Grande-Bretagne où elle suivait ses études secondaires, et ne venait en Principauté de Monaco qu'à l'occasion de certaines périodes de vacances scolaires, et donc de façon tout à fait exceptionnelle ne permettant pas de qualifier de courante sa présence sur le territoire monégasque ;

Attendu en effet que la notion d'habitude requise par l'article 2, alinéa 1er, de la loi n. 572 précitée implique un certain caractère de fréquence et de régularité faisant présumer la nature anormale, voire exceptionnelle de l'éloignement de la Principauté de Monaco, ce qui n'apparaît nullement être le cas de S. M. absente de la Principauté depuis 1980, hormis les brefs séjours d'agrément précités ;

Attendu en conséquence que S. M. ne remplit pas la condition de domicile de droit ou résidence habituelle dans la Principauté dans les années qui ont précédé sa déclaration, telle qu'exigée par l'article 2 de la loi n. 572 du 18 novembre 1952 modifiée par la loi n. 1070 du 23 mai 1984, et ne peut donc prétendre bénéficier des dispositions édictées par cette législation ;

Qu'il suit que les époux M. agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure S. doivent être déboutés des fins de leur assignation du 8 septembre 1987 et être condamnés aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant publiquement et contradictoirement, après débats en Chambre du Conseil,

Déboute M. M. et N. C. épouse M. en qualité de représentants légaux de leur fille mineure S. J. M. de leurs demandes, fins et conclusions ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; Me Sbarrato, av. déf.

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