Tribunal de première instance, 26 novembre 1987, Dame S.-C. c/ S.C.I. « Le Castel Developments ».

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Abstract🔗

Agent immobilier

Droit à la commission - Paiement par l'acquéreur s'étant substitué au bénéficiaire de la promesse de vente en connaissance de cause - Détermination de la commission : usages

Résumé🔗

Une société ayant acquis un immeuble aux lieu et place d'une autre société laquelle bénéficiait d'une promesse de vente avec faculté d'acquérir pour le compte d'autrui, est tenue de régler la commission d'usage due à une agence immobilière alors que ces deux sociétés ont le même gérant lequel n'ignorait pas la réalité de l'intervention de cette agence dans la conclusion de la promesse de vente.

Dans son principe et dans son montant la commission est fixée selon les usages en vigueur, tenant compte d'un barème établi par la Chambre des agents immobiliers de Monaco.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que par exploit du 4 août 1987, P. S. épouse C., propriétaire exploitante d'une agence à l'enseigne « A. » a assigné la Société civile immobilière « Le Castel Developments » aux fins de s'entendre celle-ci condamner à lui payer la somme de 533 700 F représentant le montant de la commission dont elle lui est redevable calculée au taux de 3 %, outre la T.V.A., et ce, avec intérêts de droit à compter du jour de la vente intervenue le 15 octobre 1986 en l'étude de Maître Aureglia, notaire, et la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; que la demanderesse entend par ailleurs voir produire son plein et entier effet à l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 1er juin 1987, volume 168, n° 128 à la conservation des hypothèques de Monaco et sollicite l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu que bien que régulièrement citée par l'exploit susvisé, la S.C.I. « Le Castel Developments » n'a pas comparu, ni personne pour elle, et qu'il y a lieu de statuer par défaut à son encontre ;

Attendu que P. S. expose au soutien de sa demande qu'elle a servi d'intermédiaire à l'occasion des tractations qui ont abouti le 21 juillet 1986 à la signature d'une promesse de vente et d'achat intervenue entre, d'une part, la S.C.I. du Castel et, d'autre part, la Société de droit jordanien dénommée H. S. & Sons Exchange Group Ltd ayant son siège à Amman (Jordanie), et relative à un immeuble sis ., dont le prix ferme était fixé à la somme de 15 millions de francs ;

Qu'en suite de cette simple promesse par acte sous seing privé, l'acte de vente proprement dit était régularisé le 15 octobre 1986 en l'étude de Maître Aureglia, notaire, entre la S.C.I. du Castel, venderesse et la S.C.I. dénommée « Le Castel Developments », qui s'était substituée à la bénéficiaire de la promesse, la Société de droit jordanien H. S. & Sons Exchange Group Ltd ;

Que P. S. dit avoir alors adressé le 20 octobre 1986 à la société acquéreur sa note d'honoraires calculée au taux usuel de 3 % outre la T.V.A., s'élevant à la somme totale de 533 700 F ;

Qu'il lui était toutefois répondu que ni le représentant légal de la Société « Le Castel Developments », R. F. K., ni aucun autre de ses associés n'avaient été informés d'un tel engagement, et qu'elle ne s'estimait dès lors pas tenue au paiement de la commission réclamée ;

Que la demanderesse déclare enfin qu'elle n'a pu en effet à ce jour obtenir le paiement de cette commission, dont le règlement était pourtant prévu, et qui correspond tant dans son principe que dans son montant aux usages en vigueur en Principauté de Monaco, ainsi que cela ressort du barème établi par la Chambre des agents immobiliers de Monaco ;

Sur ce,

Attendu que le présent litige commande de déterminer si P. S. épouse C., propriétaire exploitante de l'Agence A., est en droit de réclamer à la Société défenderesse « Le Castel Developments » le montant de la commission d'usage due par l'acquéreur d'un bien immobilier ;

Qu'il s'évince en l'espèce de l'analyse des pièces produites que le 10 juin 1986, la Société de droit jordanien H. S. & Sons Exchange représentée par F. K. a fait à l'Agence A. une offre d'achat au prix de 15 000 000 de francs de biens immobiliers sis ., Villa C., qu'elle avait pu visiter à plusieurs reprises grâce à l'intervention d'A., ainsi qu'elle le reconnaît elle-même expressément dans cette offre d'achat ;

Qu'une promesse de vente et d'achat intervenait alors par acte sous seing privé du 21 juillet 1986 entre la S.C.I. du Castel et la Société H. S. représentée par R. F. K., suivie le 15 octobre 1986 d'un acte de vente régularisé en l'étude de Maître Aureglia entre le vendeur précité et la S.C.I. « Le Castel Developments », acquéreur, également représentée par le sieur K., qui s'était substituée au bénéficiaire de la promesse de vente initiale, à savoir la Société H. S. & Sons Exchange Group Ltd « ;

Attendu que cet acquéreur apparaît toutefois s'être opposé au paiement de la commission d'agence due à P. S. en sa qualité de propriétaire exploitante d'A., en faisant invoquer par l'intermédiaire de son conseil juridique l'absence de tout engagement formel de sa part à cet égard ;

Attendu qu'il convient tout d'abord d'observer au vu des pièces produites que R. F. K. se trouve être à la fois le représentant de la Société de droit jordanien H. S. d'une part - laquelle, bénéficiaire de la promesse de vente s'était réservée la faculté d'acquérir l'immeuble en son nom personnel ou pour le compte de toute personne physique ou morale qu'elle se substituerait - et, d'autre part, de la S.C.I. » Le Castel Developments «, qui s'est finalement portée acquéreur des biens immobiliers dont s'agit le 20 octobre 1986 ;

Qu'il s'ensuit que la défenderesse ne pouvait à l'évidence ignorer, dès lors, qu'elle venait aux lieu et place de la bénéficiaire de la promesse, la réalité de l'intervention d'A., ce que confirme, si besoin est, l'échange de télex passé entre le sieur K. et O. J. - mandataire de la Société H. S. - dont l'objet était justement de connaître la teneur des usages en vigueur concernant la part des frais d'agence incombant à l'acquéreur ;

Qu'à cet égard, par réponse datée du 30 mai 1986, le sieur K. était en effet avisé de ce que la commission d'A. figurant en prévision sous l'intitulé » Broker « (courtier) d'un plan de financement produit aux débats s'élèverait à une somme T.T.C. de 534 000 F ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments de fait que R. F. K., représentant légal de la Société H. S. tout d'abord, puis, de la S.C.I. » Le Castel Developments «, acquéreur effectif, n'ignorait nullement l'intervention de la demanderesse dans les tractations dont s'agit et tentait au contraire d'en déterminer le coût ;

Qu'outre la réalité de ce mandat qui s'induit des circonstances de la cause, l'efficacité des diligences de l'A. n'apparaît pas contestable, dès lors que son entremise a permis à la S.C.I. » Le Castel Developments « d'acquérir l'immeuble sis ., villa » C. «, aux prix et conditions convenus ;

Que, s'agissant enfin de la note d'honoraires présentée le 20 octobre 1986 par P. S., portant réclamation d'une somme T.T.C. de 533 700 F, il apparaît que ledit montant correspond bien au taux acquéreur de 3 % hors taxe du prix de la transaction (soit en l'espèce 15 000 000 F) prévu par le barème de la Chambre des agents immobiliers de Monaco fixant les usages en la matière ;

Qu'à cet égard, il y a lieu de relever, au demeurant, la parfaite connaissance qu'en avait la société acquéreur défenderesse, dès lors que le télex précité l'avait informée tant du principe que du montant de cette dette envers le » courtier « ;

Attendu en conséquence qu'en l'état des pièces produites - qui établissent à suffisance le rôle actif d'entremise joué par l'Agence A., dans la transaction dont s'agit dont la société défenderesse a bénéficié, il y a lieu de faire droit à la demande de P. S., propriétaire exploitante de cette agence, laquelle apparaît juste et bien vérifiée à concurrence de la somme principale de 533 700 F qu'il y a lieu d'assortir du paiement des intérêts au taux légal à compter du 4 août 1987, date de l'assignation valant mise en demeure ;

Attendu, s'agissant de la demande de dommages-intérêts formulée par la demanderesse, que celle-ci ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'octroi des intérêts de retard, et qu'il y a lieu de l'en débouter ;

Attendu par ailleurs, étant constaté que la procédure d'inscription provisoire d'hypothèque a été régulièrement suivie, qu'il y a lieu de renvoyer P. S. à l'exécution des formalités prévues par l'article 762 du Code de procédure civile ;

Attendu que l'urgence n'étant pas caractérisée en l'espèce, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement que sollicite P. S. ;

Attendu que la S.C.I. » Le Castel Developments « qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant par jugement de défaut faute de comparaître ;

Condamne la S.C.I. » Le Castel Developments « à payer à P. S. exploitant le commerce sous l'enseigne » A. " une somme de 533 700 F, montant des causes sus-énoncées, avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 1987 ;

Déboute P. S. du surplus de ses demandes ;

La renvoie à l'exécution des formalités prévues par l'article 762 du Code de procédure civile ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Léandri, av. déf.

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