Tribunal de première instance, 26 novembre 1987, S.A.M. Comer c/ Hoirs P.

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Abstract🔗

Locaux d'habitation

Clause relative aux charges du preneur - Droit commun des charges - Clause dérogatoire - Interprétation stricte - Charges dites « communes » : non précisés

Résumé🔗

Il est d'usage dans la Principauté de Monaco que le propriétaire est fondé de plein droit à obtenir de ses locataires ou occupants le remboursement sur justification, des prestations et fournitures individuelles relatives au menu entretien de l'immeuble, qu'énumère, notamment l'article 24 de la loi n. 669 du 17 septembre 1959 et qu'il est tenu par l'article 1560 du Code civil, de faire pendant la durée du bail, toutes les réparations autres que locatives.

Pour déroger à ces règles de droit commun et permettre au propriétaire ou au locataire principal de se faire rembourser par le preneur les charges dites d'entretien de l'immeuble ou charges foncières, autres que celles de menu entretien ou locatives, des clauses précises et claires doivent avoir déterminé l'étendue de ces obligations dérogatoires souscrites par les parties.

Une clause prévoyant que le preneur aura à sa charge, en outre, le remboursement au bailleur des « charges communes inhérentes au local loué » n'apparaît pas suffisamment précise pour en déduire que ces termes englobent les charges de copropriété alors qu'une clause dérogatoire au droit commun ne peut être interprétée que restrictivement.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que suivant exploit susvisé, la S.A.M. dénommée Comer a fait assigner régulièrement par-devant la juridiction de céans :

  1. la dame R. D., veuve en premières noces d'A. P., prise en sa qualité de légataire universelle de son époux prédécédé,

  1. la dame J. P., divorcée de J.-L. C., prise en sa qualité de seule héritière de droit et à réserve de feu A. P.,

aux fins de s'entendre dire et juger que la convention de sous-location passée entre la Société Comer et A. P., locataire principal, ne fait pas obligation à la Société Comer de supporter le paiement des charges foncières concernant les locaux commerciaux situés au 1er sous-étage de l'immeuble « L. M. », et que les sommes adressées au locataire principal, à titre de charges foncières ont été indûment payées ainsi qu'aux fins d'entendre condamner les défenderesses à rembourser à la Société Comer la somme globale de 43 607,30 F pour la période du 2e semestre 1977 au 1er semestre 1986 ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande, la Société Comer qui vient, en tant que sous-locataire de A. P. locataire principal d'A. F. propriétaire des locaux dont s'agit, aux droits de la Société Éditions du Cap qui lui a cédé son bail de sous-location le 1er juin 1977, - et qui a sous toutes réserves

  • versé à P. qui l'exigeait d'elle, le remboursement des charges foncières de la copropriété depuis 1977, fait valoir que les charges foncières sont, suivant un principe général reconnu à Monaco, à la charge exclusive du propriétaire des locaux, alors que le locataire supporte les charges locatives, sauf convention spéciale différente des parties ;

Attendu qu'il soutient que le bail initial du 1er octobre 1969 entre F. et P. indique qu'il y aura, par le preneur, remboursement au bailleur des « charges communes inhérentes au local loué » ;

Que le contrat de sous-location du 1er février 1971 (P.-Éditions du Cap) précise que les preneurs devront rembourser au bailleur les « charges locatives communes inhérentes au local loué » ;

Que l'avenant en date du 6 mai 1971, destiné à conforter le sous-locataire quant à la durée du bail et à l'application de la loi n. 490, ne modifie en rien le contrat du 1er février 1971 et n'apporte aucune disposition dérogatoire au droit commun ;

Que le contrat de cession de sous-location du 1er juin 1977 (Éditions du Cap-Société Comer) n'apporte aucune modification sur l'imputabilité des charges ;

Attendu que la demanderesse estime que le locataire principal ne peut justifier d'aucune clause conventionnelle l'autorisant à exiger du sous-locataire le remboursement des charges foncières ;

Attendu que les défenderesses, par conclusions en date du 4 décembre 1986 s'opposent aux prétentions de la Société Comer, en soulignant que les termes du bail initial (F.-P.) de 1969, portant au titre « prix » :

« Les preneurs auront, en outre, à leur charge le remboursement au bailleur des charges communes inhérentes au local loué »,

ont été interprétés tant par le bailleur que par le preneur en ce sens que P. devait régler à F. non seulement les charges locatives, mais l'ensemble des charges de copropriété et des charges locatives formant les « charges communes » inhérentes au local loué, et que P. a toujours réglé à F. l'intégralité des charges, comprenant par conséquent les charges de copropriété, par chèque adressé à l'Agence B., syndic de l'immeuble ;

Attendu que l'Hoirie P. fait observer également que le contrat de sous-location (P.-Éditions du Cap) de février 1971 après avoir indiqué que le sous-locataire devait rembourser au bailleur les charges locatives, reprenait par avenant du 6 mai 1971 les mêmes termes, pour le remboursement des charges, que le contrat initial ; qu'il en était de même pour le contrat de cession avec la Société Comer en 1977 (P.-Comer) ;

Attendu qu'elle soutient que l'expression « charges communes » employée dans la clause Prix du bail du 1er octobre 1969 vise l'ensemble de charges et ne saurait être limitée aux seules charges locatives, et que si les parties avaient entendu se référer uniquement aux charges locatives, elles l'auraient formellement précisé, n'auraient pas utilisé l'expression « charges communes », et surtout n'auraient pas établi un avenant au contrat du 1er février 1971 qui prévoyait uniquement le remboursement des charges locatives ;

Attendu qu'elle estime en conséquence, que la demanderesse doit être déboutée des fins de son assignation ;

Attendu que la Société Comer réplique en affirmant que pour mettre les charges foncières à la charge du locataire il faut qu'une clause du bail explicite et sans équivoque le dispose, en raison du caractère dérogatoire au droit commun d'une telle clause ;

Que cette disposition faisant allusion aux charges foncières n'existe pas dans les différents contrats de bail visés, qu'au contraire le contrat de sous-location du 1er février 1971 est sans équivoque à cet égard en précisant que le remboursement portera sur les charges locatives communes inhérentes au local loué et que l'avenant de mai 1971 sur lequel se fondent les défenderesses, est destiné à faire connaître aux parties que les clauses du bail principal s'appliquent au locataire et que le bail est soumis à la loi n. 490 sur les loyers commerciaux ;

Attendu que la Société Comer reconnaît enfin que si elle a payé sous réserve les charges de 1977 à 1986, c'est pour éviter de perdre les avantages résultant du bail ;

Sur ce,

Attendu que le contrat de bail initial passé entre F. propriétaire et P., locataire, en date du 1er octobre 1969, et le contrat de sous-location passé entre P., locataire principal, et les Éditions du Cap, sous-locataire en date du 1er février 1971 ont été faits « aux charges et conditions habituellement en usage dans la Principauté de Monaco » ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que les signataires de ces conventions, aux droits desquels viennent les parties à la présente instance, ont entendu placer les effets de leur contrat de bail sous l'empire des règles du droit commun ;

Attendu qu'il est d'usage dans la Principauté que le propriétaire est fondé de plein droit à obtenir de ses locataires ou occupants, le remboursement sur justification, des prestations et fournitures individuelles relatives au menu entretien de l'immeuble qu'énumère notamment l'article 24 de la loi n. 669, et qu'il est tenu, par l'article 1560 du Code civil, de faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations autres que locatives ;

Attendu, en conséquence, que pour déroger à ces règles de droit commun, et notamment pour permettre au propriétaire ou au locataire principal de se faire rembourser par le preneur les charges dites d'entretien de l'immeuble ou charges foncières, autres que celles de menu entretien ou locatives, des clauses précises et claires doivent avoir déterminé de façon détaillée l'étendue de ces obligations dérogatoires souscrites par les parties ;

Attendu qu'en l'espèce, dans le bail initial du 1er octobre 1969 il est prévu que « les preneurs auront, en outre, à leur charge le remboursement au bailleur des charges communes inhérentes au local loué telles qu'elles lui seront réclamées par le syndic de la copropriété de l'immeuble L. M. » ;

Attendu que les termes « charges communes inhérentes au local loué » n'apparaissent pas suffisamment précisés pour en déduire que la totalité des charges incomberait aux preneurs alors qu'une clause dérogatoire au droit commun ne peut être interprétée que restrictivement ;

Attendu que dans le contrat de sous-location du 1er février 1971 conclu entre P. et le preneur dénommé Les Éditions du Cap aux droits duquel intervient la Société Comer, les parties avaient expressément prévu que les preneurs n'auraient à supporter que le remboursement des charges locatives inhérentes au local loué conformément au droit commun ;

Attendu qu'un avenant est intervenu entre les mêmes parties à la date du 6 mai 1971, à la suite de la crainte, manifestée par le preneur (Éditions du Cap), que l'interprétation du contrat de sous-location, en ce qui concerne la durée du bail, pouvait faire échec aux dispositions et conditions habituelles dans la Principauté et plus particulièrement aux dispositions de la loi n. 490 sur les loyers commerciaux ;

Attendu que par cet avenant, une clause a été ajoutée au bail du 1er février 1971, confirmant aux sous-locataires que les conditions du bail principal liant F. et P. seraient applicables « au sous-bail » (intervenu entre P. et Les Éditions du Cap) qui bénéficierait dès lors des dispositions de la loi n. 490 ;

Attendu que si P. avait voulu que le sous-locataire s'engage à lui rembourser la totalité des charges foncières et locatives, il lui aurait appartenu d'indiquer spécialement et clairement cette intention dans une disposition de l'avenant, en l'état de la rédaction précise et claire du contrat du 1er février 1971 ;

Attendu que par le contrat de cession de bail de sous-location intervenu le 1er juin 1977 entre Les Éditions du Cap et le représentant légal de la Société Comer, celle-ci n'a pas pu acquérir plus de droits et d'obligations que n'en avait Les Éditions du Cap à l'égard de P. ;

Attendu que la Société Comer a toujours refusé d'accepter le principe du remboursement des charges dénommées, sans autre indication, « générales foncier » par le syndic de l'immeuble du local loué, l'Agence B., dont il est d'usage qu'elles incombent au propriétaire ;

Attendu qu'en raison des réserves manifestées par la Société Comer depuis 1977 à chaque paiement de ces charges entre les mains du syndic, il ne peut être soutenu comme le fait la partie défenderesse, que la Société Comer a acquiescé aux prétentions de P. ;

Attendu, enfin, que suivant une jurisprudence constante, reprise notamment dans une affaire A. P. contre Société Ampsa par une décision du Tribunal de céans rendue le 8 mai 1980 devenue définitive, il a toujours été exigé des parties l'existence de clauses précises et claires pour déroger aux règles du droit commun en la matière ;

Attendu dès lors que la demanderesse apparaît fondée en ses prétentions, et qu'il y a lieu d'y faire droit, étant observé que le quantum des remboursements des charges « générales foncier » n'est pas contesté pour la période du 2e semestre 1977 au 1er semestre 1986 ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Condamne les défenderesses à rembourser à la Société Comer la somme de 43 607,30 F, montant des causes sus-énoncées ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Sbarrato et Sanita, av. déf.

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