Tribunal de première instance, 26 novembre 1987, B. c/ B., Compagnie d'assurances « La Concorde » et autres.

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Abstract🔗

Responsabilité délictuelle

Fait des choses inanimées - Exonération du gardien - Faute exclusive de la victime

Résumé🔗

Le fait par un automobiliste d'entamer à allure modérée une manœuvre préalablement signalée, normalement perçue et prise en compte par les automobilistes qui le suivent, que permet la configuration des lieux en raison du caractère discontinu de la ligne médiane et de la parfaite visibilité, au moment où un cyclomotoriste dépassant la file à une vitesse excessive heurte l'aile gauche de cette voiture, ne constitue pas une manœuvre perturbatrice qui soit de nature à constituer la cause génératrice de l'accident et à engager sa responsabilité au sens de l'article 1231 du Code civil.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que, selon exploit en date du 9 janvier 1986, S. B. a assigné M. B., la Société de location Avis Autonolleggio S.P.A.-Rome, le Bureau central français et la Compagnie d'assurances La Concorde aux fins de s'entendre dire que l'entière responsabilité de l'accident dont il a été victime à Monaco le 1er juin 1984 incombe à M. B. par application de l'article 1231 du Code civil, et voir condamner celui-ci in solidum avec le Bureau central français à lui payer, au titre du préjudice corporel, une somme de 27 500 F et, au titre du préjudice matériel, une somme de 3 189,07 F, soit une somme totale arrondie à 30 689 F ;

Attendu qu'ainsi assignés, les codéfendeurs ont tout d'abord conclu à la mise hors de cause de la Compagnie d'assurances La Concorde, laquelle n'aurait aucun lien de droit avec les parties à l'accident dont s'agit ; qu'ils ont par ailleurs sur le fond du litige conclu à l'entière responsabilité de S. B. en invoquant la teneur de certaines déclarations effectuées lors de l'enquête de police, au vu desquelles l'accident aurait eu pour cause unique et exclusive la vitesse excessive et le défaut de maîtrise commis par S. B. ; que subsidiairement, dans le cas où le tribunal prononcerait un partage de responsabilité entre les parties, les codéfendeurs entendent que la part mise à la charge de M. B. n'excède pas le quart et que soit désigné tel médecin expert qu'il appartiendra avec mission de chiffrer le montant du préjudice corporel du demandeur ; qu'à cet égard en effet, les codéfendeurs font valoir que le rapport d'expertise qualifié « d'officieux » par S. B. et sur lequel il fonde sa demande de réparation ne saurait leur être opposé ;

Attendu qu'en réplique à la demande de mise hors de cause précitée, S. B. a précisé que, s'agissant d'un accident concernant un étranger à la Principauté de Monaco, il a été dans l'obligation d'attraire à la procédure le Bureau central français et son correspondant en France la Compagnie d'assurances La Concorde, et ce, afin que le jugement à intervenir soit opposable à cette compagnie chargée de gérer de tels sinistres ;

Que le demandeur affirme par ailleurs n'avoir commis aucune faute à l'origine du dommage, dès lors qu'il se contentait de doubler une file de véhicules et que seule la brutale manœuvre de déportement sur la gauche de M. B. a, en fait, causé l'accident dont s'agit ; que pour ce qui est en outre de la demande d'expertise médicale formulée reconventionnellement et à titre subsidiaire par les codéfendeurs, S. B. déclare s'en remettre à l'appréciation du tribunal sur ce point, mais sollicite, pour le cas où il y serait fait droit, une provision de 10 000 F ;

Sur ce,

Attendu, s'agissant de la demande de mise hors de cause de la Compagnie La Concorde, qu'il ressort des propres déclarations effectuées le 24 octobre 1985 par cette compagnie dans le courrier qu'elle adressait à la Compagnie GAN, couvrant la responsabilité civile de S. B., que « La Concorde » était chargée de gérer le sinistre du 1er juin 1984 dont elle ne contestait pas la matérialité ; que cette circonstance commande de maintenir ladite compagnie aux débats afin que le présent jugement soit rendu à son contradictoire ;

Attendu, sur le fond, qu'il résulte des pièces d'un dossier d'enquête de la Sûreté publique régulièrement versé aux débats, et auquel les parties ont entendu se référer à titre d'élément de preuve que le 1er juin 1984 vers 12 heures, S. B. circulait au guidon de son vélomoteur en direction de Menton, lorsque, parvenu sur le boulevard d'Italie, à hauteur du magasin à l'enseigne « Le Mobilier », il heurta au niveau de l'aile avant gauche le véhicule Alfa Roméo conduit par M. B. qui venait d'entamer une manœuvre vers la gauche afin de rejoindre une impasse située en amont ;

Que, sous le choc qui s'ensuivit, S. B. chuta au sol et fut transporté au Centre hospitalier Princesse-Grace où furent diagnostiqués un hématome et une déchirure musculaire à la jambe droite et une plaie à l'auriculaire droit nécessitant la pose de deux points de suture ;

Attendu que, relativement à la responsabilité du fait des choses déduite de l'article 1231 du Code civil invoqué par le demandeur, et dès lors qu'est constante la qualité de gardien du véhicule Alfa Roméo qu'assumait M. B. lors de l'accident dont s'agit, il y a lieu d'apprécier si ledit véhicule a été à l'origine du dommage, et, dans cette hypothèse, si ce conducteur justifie éventuellement d'une cause d'exonération de la responsabilité - objective par lui encourue de ce fait, et qui, selon les conclusions au fond déposées par les codéfendeurs, résiderait dans le comportement anormal de S. B. qui aurait roulé à une allure excessive et ne serait pas resté maître de son véhicule ;

Attendu qu'il ressort à cet égard des déclarations du témoin S. R. entendu dans le cadre de l'enquête de police, que le véhicule de M. B. qui roulait dans le couloir de circulation aval du boulevard d'Italie, avait signalé à l'aide de son clignotant sa manœuvre de déportement sur la gauche et se trouvait immobilisé sur l'axe médian de la chaussée lorsqu'il fut heurté par le vélomoteur du demandeur qui opérait un dépassement ;

Qu'ainsi, sans que l'on puisse qualifier de purement passif le rôle du véhicule de M. B. dans la réalisation de l'accident, il apparaît que l'Alfa Roméo conduite par celui-ci a subi le contact avec le vélomoteur de S. B., au lieu de le provoquer par son mouvement propre ; qu'il s'induit en effet tant des éléments tirés de la configuration des lieux que des déclarations du témoin S. R. que le demandeur dépassait à vive allure la file de véhicules ralentis par la manœuvre de M. B., et ne put éviter de heurter l'aile avant gauche de l'Alfa Roméo immobilisée sur la partie médiane du boulevard d'Italie ;

Qu'il doit en être, en conséquence, déduit que ledit véhicule n'a été l'instrument du dommage que sous l'effet d'une cause étrangère constituée en l'espèce par la survenance inopinée de la victime sur sa gauche, alors qu'il entamait à allure modérée une manœuvre préalablement signalée et autorisée par la configuration des lieux, tenant tant au caractère discontinu de la ligne médiane qu'à une parfaite visibilité ; qu'il y a lieu de relever au demeurant que cette manœuvre, qualifiée à tort de perturbatrice par le demandeur, avait été normalement perçue et prise en compte par les véhicules qui suivaient M. B. en direction de Menton et avaient pour leur part ralenti ;

Qu'en conséquence, il convient de débouter S. B. des fins de sa demande déduite du rôle causal qu'aurait eu le véhicule de M. B. dans la réalisation de son dommage ;

Que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement, à l'égard de toutes les parties,

Déboute S. B. de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. ; MMe Sanita et Lorenzi, av. déf. ; Montel, av. (Barreau de Nice).

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