Tribunal de première instance, 19 mars 1987, D. veuve R. c/ D.-D.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Testament olographe

Validité liée à son authenticité

Voie de recours de la rétractation

Irrecevabilité - Rétractation

Résumé🔗

La validité d'un testament olographe implique son authenticité étant donné qu'au sens de l'article 836 du Code civil, celui-ci pour être valable doit être l'œuvre manuscrite du testateur.

La voie de recours de la rétractation basée sur l'article 428-8° du Code de procédure civile, ne saurait être recevable à l'encontre d'une décision devenue irrévocable, ayant déclaré valable un testament olographe alors que la partie qui exerce cette voie de recours exceptionnelle n'a pas été dans l'impossibilité au moment où le juge a statué de se prévaloir de la cause de rétractation consistant en l'espèce, après demande de vérification d'écriture à arguer de faux ledit testament.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que par l'assignation susvisée du 5 août 1985, M.-M. D. Veuve R., sœur de R. D. décédé le 3 février 1971 à Monaco en l'état d'un testament sur la validité duquel les juridictions judiciaires de la Principauté ont été appelées à se prononcer, a attrait devant le Tribunal M. G. épouse D., légataire universelle des biens du testateur, et son époux J. D., M.-M. D. épouse L., autre sœur du de cujus, et son époux A. L. « pour les dues assistance et autorisation maritales », et enfin M. A. D., frère du défunt, à l'effet d'obtenir à titre principal la désignation d'un expert graphologue chargé d'apprécier « si l'écriture manuscrite du testament (olographe du 17 octobre 1968) provient ou non de la main de Monsieur R. D. » en vue de permettre à la requérante, après dépôt du rapport d'expertise, d'entreprendre « toute procédure utile en vue d'une juste et valable liquidation des biens de la succession du défunt », la condamnation des défendeurs aux dépens étant en outre poursuivie ;

Que par conclusions du 8 octobre 1986, M.-M. D. veuve R. a précisé qu'elle formule une demande en rétractation du jugement prononcé par ce tribunal le 15 juin 1972, préalable expertise par décision avant dire droit ;

Attendu que M. D., qui a fait connaître qu'il se désintéresse de cette affaire, n'a pas comparu sur cette assignation ni sur la nouvelle assignation ordonnée, conformément à l'article 214 du Code de procédure civile, par jugement du 5 décembre 1985 ;

Attendu que les époux L. ont comparu par le ministère de Maître Robert Boisson, avocat-défenseur, mais n'ont pas conclu ;

Attendu que M. G. et son époux J. D. ont conclu à l'irrecevabilité de l'action en désignation d'expert graphologue introduite par la demanderesse et sollicitent reconventionnellement sa condamnation à leur payer 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre les dépens ;

Attendu que l'analyse des écrits judiciaires de la demanderesse fait ressortir que celle-ci, après avoir rappelé les circonstances de la découverte du testament litigieux et retracé les diverses procédures par elle introduites pour en faire prononcer la nullité, explique avoir demandé officieusement à un expert en écriture d'examiner le testament ; que l'expert ayant conclu à la fausseté de ce document, elle entend exercer le recours extraordinaire prévu par les articles 428 et suivants du Code de procédure civile (8e cas de rétractation), préalable désignation d'un expert judiciaire, à moins que le tribunal estime suffisant le rapport officieux qu'elle produit ;

Qu'elle soutient que les hoirs D., au cours des instances susmentionnées ont indiqué ne pas reconnaître que le testament contesté était l'œuvre du défunt et que sa volonté n'est pas exprimée dans ce document ainsi que le démontreraient les circonstances suivantes :

1° puisque le texte du testament incriminé est « indiscutablement » contraire aux dispositions de l'article 836 du Code civil (SIC), les juridictions qui en ont attribué la paternité à R. D., de son vivant magistrat compétent et respectueux des lois, ont porté atteinte à sa mémoire ;

2° ces mêmes juridictions ayant admis que le testament, rédigé sur une feuille de papier à l'en-tête du Tribunal de première instance, était l'expression de la volonté du juge D., ont ainsi considéré qu'il utilisait des fournitures administratives à des fins personnelles, ce qui constitue « une véritable injure à son égard »

3° la découverte du testament par le notaire est suspecte dès lors que les recherches préalablement menées dans l'appartement du défunt par le juge de paix chargé d'apposer les scellés se sont révélées infructueuses ;

Attendu que pour s'opposer à la demande dont ils font l'objet, les époux D. rappellent que si les hoirs D. ont attaqué la validité du testament du 17 octobre 1968, ils n'ont jamais indiqué, au cours des diverses instances passées, que ce document n'était pas l'œuvre de leur auteur ; que ce testament ayant en dernier lieu été déclaré valable par arrêt de la Cour de révision judiciaire du 2 décembre 1974, l'autorité de chose jugée s'attachant à cet arrêt interdit à la demanderesse de former l'actuelle demande, qu'elle a eu tout loisir de diligenter au cours des procédures antérieures ;

Qu'enfin l'expertise produite au soutien de la demande ne relève que de l'hypothèse et ne saurait remettre en cause ce qui a été définitivement jugé ;

Sur quoi,

Attendu que par application du dernier alinéa de l'article 219 du Code de procédure civile, le présent jugement ne sera susceptible d'opposition de la part d'aucune des parties ;

Attendu que les circonstances, manifestement hors de propos, ci-dessus mentionnées sous les chiffres 1° à 3° par la demanderesse, sous la plume de son avocat-défenseur, qui ne reposent que sur de spécieuses argumentations de fait, n'appellent en droit aucune réponse sauf à relever, dans le domaine des convenances, qu'elles contiennent des critiques déplacées à l'encontre des juridictions monégasques et manifestent une suspicion malvenue sur les conditions de découverte du testament ;

Attendu que la demande dont le tribunal est saisi par M.-M. D. veuve R. s'analyse en une demande d'expertise à titre principal, préalable nécessaire à la procédure de la rétractation qui suppose en l'espèce que soit d'abord déclaré faux le testament ayant fait l'objet du jugement du 15 juin 1972 ;

Attendu qu'aux termes de l'article 344 du Code de procédure civile, identiques sur ce point à ceux de l'article 281, dudit code - applicable en matière de reconnaissance d'écriture -, le tribunal dispose de la simple faculté d'ordonner la vérification par experts de l'écriture déniée ou méconnue ;

Attendu qu'il importe de relever que la partie manuscrite du testament n'a jamais été déniée jusqu'alors par les hoirs D., qui ont seulement déclaré qu'ils ne pouvaient ni reconnaître, ni contester que la partie dactylographiée du testament était l'œuvre du défunt, ainsi que l'a relevé la Cour de révision le 2 décembre 1974 ;

Que cette haute juridiction, par des motifs indissociables, a vérifié, eu égard aux données de l'espèce, que la volonté du testateur ressortait avec certitude de son testament, dont il n'était pas douteux qu'il avait été en son entier rédigé par le défunt, et a estimé que le tribunal avait à bon droit déduit que le document fait, daté et signé par le de cujus était bien, pour le tout, son œuvre propre et constituait ainsi un testament valable au sens de l'article 836 du Code civil ; qu'ainsi, la validité du testament est intimement liée à la circonstance essentielle de son authenticité puisque est valable au sens de ce texte le testament qui est d'un bout à l'autre l'œuvre du testateur ;

Attendu, dans ces conditions, qu'en déniant l'écriture de R. D. au mépris de l'autorité que la loi attribue à la chose jugée, la demanderesse tente de remettre en cause des décisions définitives qui s'imposent à elle ; qu'en exerçant ou se réservant d'exercer un recours en rétractation, alors qu'un tel recours - qui doit être exceptionnel - suppose lorsqu'il s'agit en particulier d'une pièce arguée de faux, que la partie ait été dans l'impossibilité au moment où le juge a statué, de se prévaloir de la cause de rétractation s'étant révélée postérieurement au jugement attaqué, la demanderesse se réserve en fait la possibilité de présenter sans limitation de délai, des moyens nouveaux, auxquels elle avait antérieurement renoncé, et qu'elle n'est plus en droit d'invoquer en l'espèce ;

Que de ce premier chef la vérification par experts n'a pas lieu d'être ordonnée ;

Attendu par ailleurs, que le document établi à la demande de M.-M. D.-R., le 24 septembre 1981, par M.J. B.-S., se présentant comme « expert en écriture près la Cour d'appel de Paris », pièce unique produite au soutien de la demande d'expertise et reflétant un avis donné à titre privé, est insuffisant à rendre opportune une telle mesure d'instruction ;

Qu'en effet, la teneur de ce document, qui comporte en outre des considérations étrangères à la graphologie (p3), contient des observations hypothétiques et n'est pas de nature à justifier l'expertise demandée, à défaut d'autres éléments précis et concordants pouvant sérieusement laisser présumer que le testament litigieux serait un faux ;

Attendu en conséquence que, l'offre de preuve n'ayant pas lieu d'être admise en l'état, la demande en rétractation du jugement du 15 juin 1972, laquelle suppose que le testament ait été préalablement déclaré faux depuis ce jugement, doit être rejetée comme irrecevable ;

Attendu que si la nature de la présente demande justifiait que soient appelés en cause les défendeurs à l'actuelle instance qui ont été parties au jugement du 15 juin 1972, plus aucune disposition n'exige aujourd'hui que J. D. et A. L. soient maintenus aux débats ; qu'ils doivent en conséquence être mis hors de cause ;

Attendu que par application de l'article 434 du Code de procédure civile, la demanderesse doit être condamnée à une indemnité au profit de M. G. épouse D. que le Tribunal, eu égard aux éléments d'appréciation dont il dispose, estime en l'espèce devoir fixer à la somme de 10 000 F réclamée ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant par jugement non susceptible d'opposition ;

Déboute M.-M. D. veuve R. de sa demande d'expertise ;

Déclare irrecevable son recours en rétractation du jugement de ce tribunal en date du 15 juin 1972 ;

Met J. D. et A. L. hors de cause sans dépens ;

Condamne la demanderesse à payer à M. G. épouse D. la somme de 10 000 F au titre de l'indemnité prévue par l'article 434 du Code de procédure civile ;

Composition🔗

MM. Landwerlin, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Boisson, Boéri, av. déf.

  • Consulter le PDF