Tribunal de première instance, 12 juin 1986, B.-Z. (dame) c/ M. (dame).

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Abstract🔗

Bail d'habitation

Droit de reprise - Besoins normaux du bénéficiaire

Résumé🔗

Le propriétaire d'un local d'habitation satisfait aux exigences de l'article 28-3e de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 décembre 1959 - pour bénéficier de la reprise de son appartement même sensiblement inférieur en dimensions à celui qu'il occupe actuellement, alors qu'il apparaît que le bénéficiaire loge dans un appartement dont la composition est similaire à celui qu'il se propose d'habiter, qu'il ne subira pas de modification notable dans ses conditions d'habitation, compte tenu de son niveau de vie, qu'il cessera d'acquitter un important loyer de nature à obérer ses ressources, étant relevé que le Tribunal ne saurait se prononcer sur un choix de conditions d'existence que le bénéficiaire détermine librement.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que par acte extra-judiciaire du 27 septembre 1984 A. B.-Z., propriétaire, en vertu d'un partage en date du 17 octobre 1973, d'un appartement sis au deuxième étage inférieur de l'immeuble . occupé à titre de locataire par J. M., a donné congé à sa locataire pour le 30 septembre 1985 aux fins de reprise dudit appartement destiné à être occupé par sa fille, S. V., épouse G., le mari de celle-ci et les deux enfants du couple, actuellement locataires d'un appartement sis . ;

Attendu que ce congé n'ayant pas été suivi d'effet, A. B.-Z., qui rappelle avoir agi en conformité des dispositions de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 décembre 1959, a fait assigner J. M. par l'exploit susvisé pour que soient constatés la régularité du congé du 27 septembre 1984 et le respect des exigences légales tant par elle-même que par les bénéficiaires du droit de reprise ; qu'elle demande en conséquence au Tribunal d'ordonner l'expulsion de la défenderesse et sa condamnation au paiement d'une astreinte journalière de 300 francs à défaut de libération des lieux dans le mois de la signification du jugement à intervenir ;

Attendu qu'en réponse, J. M. s'oppose à ces demandes en faisant valoir qu'elle occupe l'appartement - objet de la reprise à la faveur d'un échange de locaux intervenu, sans opposition de la propriétaire, au mois de février 1984, alors que celle-ci lui délivrait congé quelques mois plus tard ;

Qu'elle estime que l'appartement qu'elle occupe, composé de deux pièces outre les dépendances, ne correspond pas, compte tenu de ses dimensions très réduites, aux besoins normaux d'un couple avec deux enfants, respectivement âgés à la date du congé de 7 ans et un an et demi, et qu'en conséquence la condition requise par l'article 28 de l'ordonnance-loi n° 669 précitée n'est pas remplie en l'espèce ;

Que dans le dispositif de ses écrits judiciaires, J. M. demande au Tribunal de juger que l'appartement - objet de la reprise ne correspond pas aux besoins normaux des bénéficiaires, de constater que le congé lui a été notifié 5 mois seulement après son entrée dans les lieux par voie d'échange, en soulignant que la propriétaire aurait pu alors s'y opposer, de déclarer nul le congé du 27 septembre 1984 et débouter la demanderesse des fins de son assignation ;

Qu'à titre subsidiaire, elle sollicite une mesure d'expertise à l'effet de déterminer si l'appartement litigieux peut correspondre aux besoins normaux d'une famille de quatre personnes ;

Sur quoi,

Attendu qu'hormis le point de savoir si l'occupation de l'appartement faisant l'objet du droit de reprise répond aux besoins normaux des bénéficiaires, la défenderesse s'abstient de contester la régularité de la procédure de reprise exercée à son encontre ; qu'il résulte au demeurant des pièces produites que les prescriptions édictées par les articles 26 et suivants de l'ordonnance-loi n° 669 apparaissent avoir été respectées en l'espèce ;

Attendu par ailleurs qu'il ne saurait être tiré aucune conséquence, dans le cadre de la présente instance, du défaut d'exercice par la demanderesse de son droit d'opposition à l'échange d'appartement dont a bénéficié la défenderesse quelques mois avant de faire l'objet du congé susvisé, dont la régularité vient d'être relevée ;

Attendu dès lors qu'il appartient en définitive au Tribunal d'apprécier si la demanderesse satisfait aux exigences de l'article 28-3° de l'ordonnance-loi n° 669 lui imposant de justifier que l'occupation de l'appartement répond pour les bénéficiaires de la reprise à des besoins normaux ;

Attendu qu'il résulte à cet égard des documents produits que lesdits bénéficiaires sont actuellement locataires d'un appartement sis à Monaco, composé d'un hall d'entrée, d'un séjour, d'une chambre, d'une cuisine et d'une salle de bains, pour lequel ils s'acquittent d'un loyer trimestriel de l'ordre de 10 000 francs ; qu'alors que la superficie habitable de cet appartement est de 51 m2, la défenderesse a affirmé à l'audience des plaidoiries, par l'intermédiaire de son Conseil, sans que celui de la demanderesse ait été en mesure de lui opposer un démenti, que la surface de l'appartement faisant l'objet de la reprise est d'environ 32 m2 ; qu'il ressort toutefois d'un rapport descriptif dudit appartement que celui-ci comprend une entrée, un séjour, une chambre, une cuisine, une salle de bains, une petite terrasse extérieure et un débarras, qu'une cloison a été déplacée pour permettre un agrandissement de la chambre et l'installation d'une salle de bains avec W.C. intérieur, et que des travaux non négligeables exécutés en 1976 ont permis de qualifier l'ensemble comme se trouvant en très bon état d'entretien ;

Attendu que même à tenir pour acquis que l'appartement objet de la reprise soit sensiblement inférieur en dimensions à celui actuellement occupé par les bénéficiaires, il demeure que ceux-ci, logés dans des locaux dont la composition est similaire à celle de l'appartement qu'ils se proposent d'habiter, ne subiront pas de modification notable des conditions d'habitation qui sont actuellement les leurs et qui doivent être considérées comme satisfaisant leurs besoins, compte tenu de leur niveau de vie ;

Qu'il ne peut par ailleurs leur être reproché d'occuper un appartement plus réduit dès lors que, ce faisant, ils cesseront d'acquitter un important loyer de nature à obérer leurs ressources ;

Que dans ces conditions, le Tribunal ne saurait se prononcer sur l'opportunité d'un choix de conditions d'existence que les bénéficiaires déterminent librement ;

Attendu en conséquence qu'eu égard aux éléments d'appréciation ci-dessus rapportés, il y a lieu d'admettre que l'occupation de l'appartement objet de la reprise répond, en l'espèce, aux besoins normaux des bénéficiaires ;

Qu'il s'ensuit qu'il doit être fait droit aux fins de l'assignation dans les termes du dispositif ci-après ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare régulier le congé notifié aux fins de reprise, à la requête de A. B.-Z. par acte de Maître Escaut-Marquet, huissier, en date du 27 septembre 1984, à J. M. pour l'appartement qu'elle occupe au 2e étage inférieur de l'immeuble sis . ;

Dit en conséquence que J. M. devra libérer les lieux ci-dessus désignés dans les deux mois suivant la signification du présent jugement ;

Ordonne son expulsion, passé ce délai, à défaut de ce faire et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique, sous astreinte non définitive de 200 francs par jour de retard durant une nouvelle période de deux mois passé laquelle il serait à nouveau fait droit ;

Déboute J. M. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition🔗

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Sbarrato, Marquilly, av. déf.

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