Tribunal de première instance, 12 décembre 1985, C. c/ Société Spéciale d'Entreprise Télé Monte Carlo.

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Abstract🔗

Contrat de travail

Succession de contrats à durée déterminée - Non substitution d'un contrat à durée indéterminée

Résumé🔗

Un employé ayant exercé les fonctions de producteur et de présentateur au sein d'une société de télécommunications en vertu de plusieurs contrats successifs à durée déterminée, dont chacun se terminait par un solde de tout compte non dénoncé, ne peut se prévaloir d'une substitution à cette succession de contrats, d'un contrat unique à durée indéterminée, dès lors que chacun d'entre eux a eu pour objet d'adapter le cadre juridique liant les parties aux diverses modifications apportées aux émissions que cet employé avait pour tâche de présenter ou de produire, compte tenu du renouvellement périodique des émissions d'inégale durée, en percevant des rémunérations variables.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Statuant sur l'appel, régulier en la forme, interjeté selon exploit du 30 octobre 1984 par P. C., ayant exercé des fonctions de producteur-présentateur et de présentateur au sein de la S.A.M. Télé Monte-Carlo, à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail en date du 4 octobre 1984, signifié le 22 octobre suivant, lequel a estimé que les différents contrats signés entre les parties au cours de la période de septembre 1979 à fin juin 1983 ont chacun constitué un contrat séparé dans le temps et ne peuvent être analysés comme formant un tout d'une durée indéterminée mais bien comme divers contrats de même nature à durée déterminée dont le dernier a pris fin comme convenu le 24 juin 1983, date de la cessation des relations contractuelles entre les parties, intervenue sans aucune réserve de la part de l'employé ;

Et, après avoir en conséquence relevé l'inexistence d'une rupture de contrat a débouté C. de l'ensemble de ses demandes qui tendaient au paiement d'indemnités de préavis (28 000 francs), de congédiement (4 200 francs) de licenciement (25 200 francs) et de dommages-intérêts pour rupture abusive (200 000 francs) ;

Attendu que l'appelant fait grief aux premiers juges d'avoir conféré une portée erronée aux différentes périodes d'interruption de son travail, lesquelles correspondraient en fait aux vacances estivales auxquelles il avait droit, qu'il lui était demandé de mettre à profit pour réfléchir à la conception et la réalisation de nouvelles émissions devant remplacer ou modifier les précédentes, en sorte qu'au regard de la spécificité de son activité nécessitant une préparation préalable des émissions, et de l'intention réelle des parties, ces périodes d'interruption formelle ne consacraient nullement une cessation des relations de travail mais manifestaient au contraire la continuation des rapports de collaboration entre les parties qui se trouvaient ainsi liées en réalité par un contrat à durée indéterminée depuis septembre 1979 ;

Qu'au soutien de ses prétentions, l'appelant retrace l'historique de sa collaboration au sein de T.M.C. pour souligner la continuité des rapports existants entre les parties ; qu'il mentionne en particulier avoir donné son avis courant août 1982 sur le projet d'un décor devant servir à l'émission « Telescope » soit à une époque où il n'était pas lié à la société T.M.C. par un contrat de travail, ce qui confirmerait le caractère artificiel des interruptions de travail qui lui ont été, selon lui, opposées à tort ;

Qu'il dénie par ailleurs toute valeur probante au reçu pour solde de tout compte qu'il a délivré à la Société T.M.C. sans en contester en son temps les termes, en faisant valoir que ce simple document administratif est systématiquement adressé à tous les collaborateurs de T.M.C. et ne peut en tout état de cause faire obstacle à la constatation objective du maintien des relations de travail pendant les périodes litigieuses ;

Qu'il poursuit en conséquence l'infirmation du jugement entrepris et l'adjudication de ses demandes initiales ;

Attendu que pour sa part la Société intimée demande au Tribunal d'appel, de confirmer ledit jugement et entend réfuter l'argumentation développée par C. en relevant que ce salarié percevait une indemnité compensatrice de congés payés aux termes de chaque contrat à durée déterminée, que la période estivale de « réflexion » - exclusive de tout lien de travail - ne peut être avancée de façon pertinente pour soutenir que les relations contractuelles perduraient, eu égard à l'insignifiance des délais nécessaires de préparation des émissions, et que si, à l'expiration de chaque contrat, la Société T.M.C. n'était pas opposée à la candidature de C. pour les émissions futures, elle n'a pas pour autant contracté avec celui-ci une obligation perpétuelle d'engagement ;

Sur quoi,

Attendu qu'il est constant, ainsi que les premiers juges l'ont relevé dans leur décision à laquelle le Tribunal d'appel entend faire expressément référence, que les parties ont conclu entre elles divers contrats à durée déterminée à l'expiration desquels C., rémunéré au « cachet » selon un salaire unitaire afférent à l'émission ou à la vacation, a chaque fois signé au bénéfice de son employeur un reçu pour solde de tout compte qu'il n'a pas dénoncé dans les délais prévus par ce document ;

Attendu que la conclusion de chacun de ces contrats a eu pour objet d'adapter le cadre juridique liant les parties aux diverses modifications apportées aux émissions que C. avait pour tâche de présenter ou de produire ; qu'ainsi, en fonction du renouvellement périodique des émissions, il apparaît que l'objet des conventions n'était pas identique d'une émission à l'autre, non plus que leur durée, et que la rémunération y afférente était elle-même variable ;

Attendu, en conséquence, que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la succession des contrats à durée déterminée considérés n'a pas eu pour conséquence de caractériser une continuation de la collaboration, susceptible de substituer en droit à ces divers contrats un contrat unique à durée indéterminée ;

Qu'en l'espèce, en effet, ces contrats ne présentent pas les caractères permettant d'affirmer, contrairement à la volonté des parties clairement exprimée, à tout le moins au moment de leur conclusion, qu'ils constitueraient en réalité une convention unique ; qu'une telle convention apparaîtrait au surplus non conforme aux usages en vigueur dans le secteur d'activités concerné, lesquels font prévaloir une durée d'engagement déterminée à l'effet d'assurer le renouvellement et l'adaptation constante que requiert en particulier le domaine de l'audiovisuel ;

Attendu que le caractère de durée déterminée des contrats liant les parties s'infère par ailleurs de l'existence des interruptions du travail, notamment entre le 1er juillet et le 13 septembre 1981 (soit près de deux mois et demi) et les 27 juin et 16 août 1982 (un mois et demi), sans que C. puisse sérieusement prétendre, au vu des pièces qu'il verse aux débats, que ces interruptions constituaient ses périodes normales de vacances - étant ici observé que ses congés payés ont été régulièrement payés - ou étaient nécessaires à la préparation d'émissions nouvelles, les attestations produites à cet égard n'apparaissant nullement probantes ;

Que le caractère distinct des différents engagements s'évince encore de l'intention des parties, la Société T.M.C. ayant pris soin d'obtenir de C. des reçus successifs pour solde de tout compte et de se ménager la faculté de conclure périodiquement, en fonction de ses impératifs de programmation, des contrats adaptés à sa politique commerciale du moment tandis que C. n'a pas dénoncé les reçus ci-dessus mentionnés à l'effet d'en contester le principe et a même fait part à la Société T.M.C, dans sa lettre du 6 août 1983 adressée au Président de cette société, de son désir de continuer à y travailler sous la réserve expresse que sa « collaboration soit toujours souhaitée », allant en outre, ce qu'il n'a pas démenti, jusqu'à faire instruire en juillet 1983, soit à une époque où il ne pouvait connaître qu'il ne serait pas réemployé auprès de la Société T.M.C, une demande d'indemnisation auprès des ASSEDIC des Alpes-Maritimes ;

Attendu dès lors que les demandes en paiement d'indemnités et de dommages-intérêts formulées par l'appelant pour rupture abusive du contrat de travail n'apparaissent pas fondées, ainsi que l'ont justement estimé les premiers juges, puisque le dernier contrat a pris fin à la date conventionnellement prévue sans ouvrir droit au paiement des sommes réclamées par C., s'agissant d'un contrat à durée déterminée ne pouvant être rattaché aux précédentes relations de travail entre les parties ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

et ceux non contraires des premiers juges,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du travail ;

Confirme le jugement entrepris du 4 octobre 1984 en toutes ses dispositions ;

Déboute en conséquence P. C. des fins de son appel ;

Composition🔗

MM. Huertas, prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Blot, J.-Ch. Marquet, av. déf.

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