Tribunal de première instance, 11 juillet 1985, Loews Hotel Monaco c/ Sieur G. O.

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Abstract🔗

Compensation

Créance de congés payés due par l'employeur à son ancien employé condamné (OUI)

Résumé🔗

Sommé d'avoir à s'acquitter d'une indemnité de congés payés, analysée par les Tribunaux du travail comme un élément du salaire différé, par son ancien salarié, l'ex-employeur est fondé à opposer la compensation de sa dette avec une créance de dommages-intérêts, résultant d'une décision pénale définitive, que ce salarié auteur d'un abus de confiance au préjudice de son employeur, a été condamné à lui payer.

La compensation s'opère en effet de plein droit par application des articles 1.137 et suivants du Code civil, la situation en l'espèce n'étant pas celle prévue par l'article 1.141-3° dudit code qui interdit la compensation d'une dette ayant pour cause des aliments insaisissables.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu qu'il est constant que, selon jugement de ce Tribunal, statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail, en date du 13 décembre 1984, la société Loews Hotel Monaco a été condamnée à payer à G. O. la somme de 5 172,36 francs avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 1984, outre celle de 4 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que par acte extra-judiciaire du 22 mars 1985 de Maître Escaut-Marquet, huissier, G. O. a fait commandement à la société Loews d'avoir à lui payer, en exécution du jugement précité,

  • la somme de 5 172,36 francs,

  • celle de 5 17,23 francs représentant les intérêts calculés du 15 mars 1984 au 15 mars 1985,

  • les intérêts jusqu'à parfait paiement (mémoire),

  • la somme de 4 000 francs correspondant aux dommages-intérêts,

  • celle de 781,84 francs au titre des dépens,

  • celle de 174 francs, coût de la signification du jugement,

  • et celle de 428 francs, coût du commandement ;

Attendu que par l'exploit susvisé du 11 avril 1985, la S.A.M. Loews Hotel Monaco a déclaré faire opposition à ce commandement et a fait assigner G. O. à l'effet d'être autorisée à compenser le montant des sommes ci-dessus détaillées, avec sa propre créance à l'égard d'G. O. résultant de dommages-intérêts que le tribunal, jugeant correctionnellement, lui a alloués par jugement du 10 juillet 1984 ;

Qu'estimant en conséquence son opposition justifiée, la société Loews demande la mise à néant dudit commandement par l'effet de son droit à compensation ; qu'à l'appui de sa demande, la société Loews fait valoir que si la compensation est en principe interdite pour la partie de sa dette correspondant au salaire à caractère alimentaire dont G. O. a été privé, la loi n° 739 du 16 mars 1963 édicte une exception à ce principe lorsque, comme en l'espèce, la créance de l'employeur est relative à la fourniture de matières ou de matériaux dont le salarié a la charge, G. O. ayant en la cause détourné des fonds dont il avait la charge à l'occasion de son travail ;

Attendu qu'en réponse G. O., qui conteste la qualité à agir pour le compte de la demanderesse de H. L., vice-président de la société Loews, au motif que seul le président en exercice du conseil d'administration d'une société est autorisé à engager des actions en justice, soutient que la décision pénale qui lui est opposée n'est pas définitive à son égard, en particulier du chef des condamnations civiles, puisqu'il peut encore former opposition au jugement du 10 juillet 1984, rendu par défaut à son encontre ;

Qu'il conclut donc au débouté de la société Loews et demande sa condamnation, à nouveau, à lui payer la somme de 4 000 francs à titre de dommages-intérêts pour « résistance exceptionnellement abusive » au paiement des sommes dues, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Sur quoi,

Attendu que la société anonyme monégasque Loews apparaît régulièrement représentée par H. L., qui justifie de sa qualité d'administrateur délégué de ladite société ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de qualité à agir pour compte de la société Loews n'est pas fondé ;

Attendu que par le jugement précité du 10 juillet 1984, G. O. a été condamné par défaut à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à celle de 8 000 francs d'amende pour avoir détourné, au préjudice de la société Loews, auprès de laquelle il était alors employé, diverses sommes à lui remises à titre de mandat, qu'il n'a pas représentées à l'instar de 21 autres employés condamnés par ledit jugement ; qu'au plan civil, les prévenus, dont G. O., ont été dans leur ensemble condamnés solidairement à payer à la société Loews la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts, dont ce défendeur ne s'est pas acquitté ;

Attendu que l'exigibilité de cette dette résulte à l'égard de G. O., de ce que, en dépit de ce qu'il allègue, l'opposition au jugement pénal rendu par défaut à son encontre n'apparaît plus possible ; qu'il ressort, en effet, des écrits de ce défendeur, qu'il a eu connaissance du jugement du 10 juillet 1984, à tout le moins dès le 11 avril 1985, date de l'acte introductif d'instance ; qu'ainsi et par application de l'article 382, alinéa 2, du Code de procédure pénale, l'opposition ne saurait désormais être valablement formée par G. O. ;

Attendu d'autre part que la somme principale, également exigible, de 5 172,36 francs, visée dans le jugement du Tribunal du travail confirmé en cause d'appel, correspond à une indemnité de congé payé que le Tribunal d'appel a analysé en un élément de salaire différé qui s'acquiert mois par mois ;

Attendu que cette analyse ne fait toutefois pas obstacle à ce que la compensation ait lieu de plein droit, par application des articles 1137 et suivants du Code civil, dès lors que la situation de l'espèce n'est pas celle prévue par l'article 1141-3° interdisant la compensation d'une dette ayant pour cause des aliments insaisissables, étant par ailleurs observé que l'article 7 invoqué et les articles 8 et 9 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, en ce qu'ils n'envisagent expressément que les retenues opérées par l'employeur sur le salaire de ses employés, ne sont pas applicables en la cause ;

Attendu, en outre, que pour l'ensemble des sommes réclamées, autres que celle de 5 172,36 francs - dont il vient d'être dit qu'elle ne pouvait être assimilée à une dette ayant pour cause des aliments insaisissables - le droit à compensation de la société Loews par application du droit commun ne saurait être dénié ;

Attendu que le bien-fondé de l'action de la société Loews étant reconnu par le présent jugement, G. O. doit être débouté de ses demandes reconventionnelles et tenu aux dépens de l'instance, en raison de sa succombance ;

Dispositif🔗

Par ces motifs,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare la société anonyme Loews Hotel Monaco, régulièrement représentée par son administrateur délégué en exercice, fondée à opposer, au commandement de payer qui lui a été notifié le 22 mars 1985 par G. O., la compensation de sa dette envers ce défendeur avec la dette de O. envers cette société ;

Déboute G. O. de ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions ;

Composition🔗

MM. Huertas, prés. ; Serdet, subst. proc. gén. ; MMe Boeri, Marquet, av. déf. ; Léandri, av.

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