Tribunal de première instance, 31 mars 1977, C. c/ Compagnie l'Urbaine et la Seine.

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Abstract🔗

Accidents du travail

Victime - Rente - Majoration de rente - Retraite - Conséquences

Résumé🔗

Si la rente destinée à réparer le préjudice corporel subi par la victime d'un accident du travail présente un caractère viager, conséquence de ce que, sous réserve d'amélioration de son état, la diminution de son intégrité physique demeure constante et définitive, il ne peut en être de même de la majoration de rente ayant pour objet de compenser le préjudice professionnel éprouvé par cette victime et déterminé à partir de la capacité résiduelle du gain, une telle majoration ne pouvant être cumulée avec une pension de retraite calculée indépendamment de toute diminution de capacité ; un tel cumul constituerait un enrichissement sans cause.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que le sieur M. C., aide-carreleur, a été victime d'un accident du travail le 21 mars 1971 alors qu'il était au service de l'entreprise Richelmi dont l'assureur-loi est la Compagnie « Urbaine et Seine » ; qu'une ordonnance de conciliation est intervenue le 29 mars 1973 sur le fondement d'une I.P.P. de 25 %, cette incapacité fixée par le docteur Pastorello expert, à 12 % ayant été majorée de 13 % en l'état de l'avis de la Commission Spéciale réunie le 26 mai 1972 qui a fixé à 75 % la capacité résiduelle de gain de la victime au motif que la réduction de la capacité ouvrière consécutive à l'accident rend difficile le reclassement de l'intéressé compte tenu de sa qualification et de son âge ;

Attendu que C. a présenté une demande d'aggravation le 18 mars 1976 et que le docteur Bus, désigné en qualité d'expert par le juge chargé des accidents du travail a conclu, dans un rapport du 3 juin 1976, au maintien du taux d'I.P.P. à 12 % ; qu'une ordonnance de non conciliation a été rendue le 4 janvier 1977 ;

Attendu que suivant l'exploit susvisé, C. a assigné la Compagnie « Urbaine et Seine » aux fins de s'entendre refuser (sic) l'homologation du rapport d'expertise et désigner un nouvel expert avec mission d'apprécier le taux réel de l'I.P.P. dont il demeure atteint compte tenu d'un certificat délivré le 19 juillet 1976 par le docteur C. de Vintimille (Italie) qui fait état d'une I.P.P. de 42 % ;

Attendu que la Compagnie d'Assurances conclut au déboutement du demandeur et arguant du fait que celui-ci né le 7 juin 1907 a atteint le 7 juin 1972, l'âge de 65 ans perdant ainsi « son droit au travail » forme une demande reconventionnelle et offre de payer à C. une rente calculée en fonction du taux médical d'I.P.P. de 12 % dont elle fixe le point de départ tantôt à la date du présent jugement, dans les motifs de ses conclusions, tantôt à la date de l'expertise médicale, soit le 12 mai 1976, dans le dispositif de ses mêmes conclusions ;

Attendu que C. qui soutient, non sans quelque contradiction, dans les motifs de ses conclusions du 17 mars 1977 « qu'il est évident qu'en réalité aucune modification n'est intervenue depuis (la) date du premier décembre 1971 », date d'un précédent rapport d'expertise ayant abouti à la fixation d'une I.P.P. de 12 %, tout en demandant au Tribunal de « faire droit au certificat du docteur C. fixant à 42 % le taux d'I.P.P. », conclut au déboutement de la Compagnie d'Assurances de sa demande reconventionnelle et à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à aucune modification de la rente allouée sur le fondement de la capacité résiduelle de gain appréciée à 75 % par la Commission Spéciale ;

Attendu que le litige qui est soumis au tribunal suppose l'examen de deux questions qui doivent être tranchées, compte tenu des règles spécifiques de chacune d'elles, à savoir :

1° fixation de la rente, calculée en fonction du taux médical d'I.P.P.,

2° fixation du sort du complément de rente résultant de la capacité résiduelle de gain, lorsque la victime atteint l'âge de la retraite ;

1°/ Fixation de la rente calculée en fonction du taux médical de l'I.P.P.

2°/ Fixation du sort du complément de rente résultant de la capacité résiduelle de gain lorsque la victime atteint l'âge de la retraite :

Attendu que la Compagnie d'Assurances faisant ressortir que C. a atteint l'âge légal de la retraite, le 7 juin 1972, estime qu'il ne peut plus prétendre au complément de rente dont il a bénéficié à la suite de l'avis de la Commission Spéciale du 26 mai 1972 et sollicite en conséquence que la rente soit calculée en fonction du seul taux médical de 12 % ;

Attendu que C. s'oppose à cette demande au motif d'une part, que son état ne s'est pas amélioré depuis le premier rapport d'expertise et qu'il n'a jamais pu reprendre son travail et d'autre part que les parties s'étant conciliées le 29 mars 1973 sur un taux d'I.P.P. de 25 %, cette conciliation ayant été confirmée par un jugement du Tribunal de céans du 6 juin 1974, la demande de la compagnie « tombe d'elle-même » ;

Attendu qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler, C. apparaissant commettre une confusion à cet égard, que si la rente destinée à réparer le préjudice corporel subi par la victime, présente aux termes de la loi n° 636 sur les accidents du travail, un caractère viager et lui demeure acquise sa vie durant, conséquence logique et nécessaire de ce que, sous réserve d'amélioration de son état, la diminution de son intégrité physique demeure constante et définitive, il ne peut en être de même de la majoration de rente résultant de manière implicite de l'article 23 bis de cette loi, car cette majoration qui a pour objet de compenser le préjudice professionnel éprouvé par cette victime est déterminée à partir du concept de la capacité résiduelle de gain ; que toutefois lorsque cette victime atteint l'âge légal de la retraite, la pension de retraité qu'elle perçoit remplace le salaire que lui procurait son travail et dès lors, n'ont plus à être et ne peuvent plus être prises en considération les conditions dans lesquelles après qu'elle ait été consolidée de l'accident du travail, elle a repris ou n'a pas repris un travail ; que cette victime ne peut, en effet, prétendre cumuler la majoration de rente, résultant de l'application du concept de la capacité résiduelle de gain, et destinée à réparer son préjudice professionnel, avec la pension de retraite qui est calculée indépendamment de toute diminution de capacité ; qu'en effet, il ne saurait être admis que le législateur ait entendu permettre à un retraité de continuer à percevoir, pendant le reste de sa vie, sous la forme de majoration de rente, une partie du salaire qu'il percevait quand il était en activité, ce qui constituerait dans ce cas un enrichissement sans cause ;

Attendu qu'en l'espèce, C. né le 7 juin 1907 a été consolidé des blessures relatives à l'accident du travail du 21 mars 1971, à la date du 31 août 1971 avec rechute du 1er septembre 1971 au 30 avril 1972 ; que la Commission Spéciale réunie le 26 mai 1972 a estimé à 75 % sa capacité résiduelle de gain en tenant compte du fait que sa capacité ouvrière réduite par l'accident rend difficile son reclassement eu égard à sa qualification et à son âge ; que suivant ordonnance de conciliation du 29 mars 1973, les parties se sont conciliées sur un taux d'I.P.P. de 25 % (12 % + 13 %) à compter du 31 août 1971, date de consolidation susmentionnée, avec une période de rechute du 1er septembre 1971 au 30 avril 1972, période durant laquelle le paiement de la rente a été suspendu pour être remplacé au vœu de la loi par les indemnités journalières ; que C. a atteint l'âge légal de la retraite le 17 juin 1972 soit environ un mois après la fin de sa rechute laquelle a immédiatement fait suite à la date de consolidation retenue par l'expert ; que dans ces conditions, C., qui perçoit depuis le 30 avril 1972 une rente destinée à compenser tant le préjudice corporel, que le préjudice professionnel qu'il a éprouvé et alors que ce préjudice professionnel a cessé d'avoir une existence légale à compter du 7 juin 1972 date de la survenance de l'âge de la retraite, a été très largement rempli de ses droits et ne peut prétendre continuer à percevoir sous forme de majoration de rente destinée à réparer le préjudice professionnel par application du concept de capacité résiduelle de gain, une partie du salaire qu'il percevait quand il était en activité et le cumuler avec sa retraite ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de la compagnie d'assurances tendant à payer à C. une rente viagère annuelle d'un montant de 852,85 francs calculée en fonction d'un taux d'I.P.P. de 12 % ; que le point de départ de cette nouvelle rente doit être fixé à la date du présent jugement compte tenu des circonstances particulières de la cause :

Attend que C. qui succombe doit être condamné aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Déboute C. de ses demandes, fins et conclusions ;

Homologue le rapport du docteur Bus en date du 3 juin 1976,

Condamne la Compagnie Urbaine et Seine à payer à C., à compter du présent jugement une rente viagère annuelle de huit cent cinquante deux francs quatre vingt cinq centimes (852,85 francs) calculée en fonction d'un taux d'I.P.P. de 12 % ;

Composition🔗

MM. François pr., Default prem. subst. gén., MMe Sanita, Clérissi av. déf. et Karczag av.

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