Tribunal de première instance, 3 mars 1977, T. c/ W. et Barclays Bank.
Abstract🔗
Exécution des jugements et actes
Jugement - Motivation - Principe d'ordre public - Jugement étranger non motivé - Exequatur (non)
Résumé🔗
L'obligation de motiver chaque chef de demande est un principe d'ordre public auquel aucun jugement, fût-il étranger, ne peut déroger pour être rendu exécutoire dans la Principauté de Monaco.
Motifs🔗
Le Tribunal
Attendu que le sieur W. T., es qualités de séquestre de diverses sociétés connues sous le nom de Usi Group Inc, Usic Ltd, Usic, Ugf, Inc et leurs filiales, a assigné le sieur W. et le Directeur de la Barclays Bank en sa qualité de tiers saisi aux fins de s'entendre :
déclarer exécutoire dans la Principauté un jugement rendu le 20 janvier 1975 par le Tribunal Civil des États-unis pour le district d'Oregon qui a condamné W. à lui payer es qualités une somme de 1 105 883 dollars U.S.,
donner acte de ce qu'il limite sa demande dans la Principauté à la somme de 4 024,35 dollars US, montant de la saisie opérée sur le compte de W. ;
Condamner W. au paiement de cette somme,
Valider pour ce même montant la saisie pratiquée sur le compte de W. à la Barclays Bank de Monaco ;
Attendu que W. conclut principalement à l'irrecevabilité de la demande, pour violation de l'article 475 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, et subsidiairement au déboutement de T. motif pris d'une part de ce que le jugement dont l'exequatur est sollicité ne remplit pas les conditions prévues par l'article 473 du Code de Procédure Civile et de ce qu'il ne lui a pas été régulièrement signifié, d'autre part, en ce qui concerne la saisie, de ce que les fonds déposés à la Barclays Bank lui sont personnels ;
Attendu que la Barclays Bank produit une attestation en date du 12 mars 1976 de laquelle il ressort que le compte de W. présente à cette date une situation inchangée depuis le 11 septembre 1972, date de la saisie pratiquée par T. ;
Attendu sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par W., que T. produit une copie conforme d'un jugement intitulé « Final judgment and orders » rendu le 20 janvier 1975 par le Tribunal Civil des États-unis pour le district d'Oregon ; que ce document a été légalisé le 5 novembre 1976, par M. W. H. S. Jr., habilité par Mme W. H. S. Jr., Consul Général de Monaco à San Francisco à signer en son absence, en sorte qu'il y a lieu de rejeter l'exception soulevée par le défendeur ;
Attendu que T. verse encore aux débats une traduction dudit jugement faite par un traducteur assermenté près le tribunal de Grande Instance de Nice, étant ici observé que cette traduction n'a pas été légalisée, ainsi que le prescrit l'article 475 dernier alinéa du Code de Procédure Civile ; qu'il produit également une copie conforme d'un certificat établi par le greffier Robert M. Christ, indiquant que le jugement dont s'agit est un jugement définitif et qu'il est exécutoire ;
Attendu que T. produit enfin une consultation de l'un de ses avoués, traduite par un traducteur assermenté de laquelle il ressort qu'une décision rendue par les juridictions monégasques serait exécutoire aux États-unis d'Amérique ;
Que T. s'appuie sur cette consultation pour demander l'exequatur du jugement étranger sans nouvel examen au fond, dans le cadre des dispositions de l'article 473 du Code de Procédure Civile ;
Attendu qu'à supposer acquise l'existence de la réciprocité invoquée par T., l'article susvisé impose notamment aux juges de l'exequatur de vérifier si la décision étrangère ne contient rien de contraire à l'ordre public ;
Attendu que l'examen du jugement du 20 janvier 1975 laisse apparaître que la décision de condamnation prise à rencontre de W. fait suite à un long exposé de procédure sans qu'aucune référence ne soit faite ni à l'objet de la demande, ni à l'exposé des moyens des parties ni enfin et surtout aux motifs sur lesquels le juge étranger s'est appuyé pour rendre sa décision ;
Attendu que l'obligation de motiver chaque chef de demande, telle qu'elle résulte de l'article 69 du Code de Procédure Civile est un principe d'ordre public auquel aucun jugement, fût-il étranger ne peut déroger pour être rendu exécutoire dans la Principauté ; qu'en conséquence le jugement du 20 janvier 1975 qui ne comporte aucune motivation doit être déclaré contraire à l'ordre public alors que le demandeur ne met même pas le Tribunal en mesure de vérifier par les pièces produites, si la décision n'est pas contraire à l'ordre public, ce qu'il aurait pu faire en s'inspirant d'une jurisprudence de la Cour de Cassation, applicable en l'espèce ; qu'a fortiori, le tribunal de céans ne possède pas les éléments nécessaires à l'examen du jugement au fond, examen auquel il doit procéder, à défaut de réciprocité, selon les prescriptions de l'article 474 du Code de Procédure Civile ;
Attendu qu'il suit de là que la demande en exequatur présentée par T. doit être rejetée, en l'état, ainsi que la demande de validation de la saisie pratiquée le 11 septembre 1972 sur le compte de W. à la Barclays Bank de Monaco, qui est à l'évidence irrecevable en l'état du jugement rendu le 11 juillet 1974 par le Tribunal de céans qui a déclaré cette saisie non valable et en a ordonné la mainlevée ;
Attendu que T. qui succombe doit être condamné aux dépens ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Reçoit en la forme T. en sa demande d'exequatur ;
Au fond, l'en déboute,
Déclare irrecevable la partie de sa demande tendant à la validation de la saisie-arrêt pratiquée sur le compte de W. à la Barclays Bank de Monaco ;
Composition🔗
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquilly, Sanita et Marquet av. déf.