Tribunal de première instance, 10 février 1977, S.A. Ets. L. père et fils c/ B.
Abstract🔗
Preuve
Convention entre commerçants - Preuve par tous moyens
Commissionnaires
Contrat de commission - Clause de « ducroire »
Résumé🔗
Lorsque les parties sont toutes deux commerçantes, la preuve des conventions intervenues entre elles peut être établie par tous moyens légaux et notamment par les correspondances qu'elles ont échangées
Dans le cadre d'un contrat de commission à la vente assorti d'une clause de « ducroire », le commissionnaire est garant de la conduite à bonne fin de l'opération qui lui a été confiée, donc du paiement des marchandises livrées par son intermédiaire ; il est également tenu de participer à la perte résultant de l'annulation de la vente des marchandises qui n'avaient pas été livrées
Motifs🔗
Le Tribunal,
Attendu que la Société Établissements L. Père et Fils a assigné le sieur B. pour s'entendre condamner à lui payer la somme de 29 679,19 francs montant de marchandises livrées qu'il a reconnu avoir vendu avec 10 % de commission à une maison L.-L. de Nice ;
Qu'elle expose au soutien de cette demande que par lettre du 20 mars 1971 le défendeur, en l'informant de cette vente, lui a précisé qu'il pensait être réglé par chèque pour s'acquitter de son montant et qu'il lui adressait « en attendant » 3 traites acceptées par le sieur L.-L., payable au 30 avril 1971 pour une somme totale de 26 496,92 francs en la priant de lui faire parvenir la commission de 10 % après encaissement ; que ces traites sont demeurées impayées à présentation et ont dû être annulées le sieur B. ayant annoncé par lettre du 29 juin 1971 que le règlement devait intervenir courant juillet 1971 ; que depuis lors ses réclamations sont demeurées sans effet le défendeur s'étant borné, par l'intermédiaire de son contentieux, à lui proposer de lui régler le solde de 3 182,27 francs en 5 ou 6 versements et à l'inviter à se joindre à une instance qu'il entendait poursuivre personnellement contre son client ; qu'elle n'avait pas à donner suite à cette demande, le défendeur agissant en son propre nom, mais que par contre ce dernier avait l'obligation de conclure l'opération à l'égard de son commettant la Société L. ;
Attendu que le défendeur qui justifie d'une activité commerciale de « bureau d'importation, exportation, représentation, commission de tous articles textiles, utilisation de la marque Ascott », soutient pour sa part n'avoir pas personnellement acheté les marchandises livrées et n'être intervenu qu'en qualité de commissionnaire dans la vente consentie aux Établissements L.-L., son intervention devant être rémunérée par une commission de 10 % ; que la demanderesse a reçu sans protestation ni réserve les traites acceptées par son client ; que n'ayant commis aucune faute dans l'exécution de son contrat, il ne peut être tenu pour responsable de la défaillance des acquéreurs qui n'était pas prévisible et dont il a lui-même été victime ; qu'informé du non paiement des effets, il s'est à plusieurs reprises entremis pour tenter d'en obtenir le règlement ; que bénéficiaire des traites qui étaient en sa possession et en se refusant à toute action, la Société demanderesse n'a été victime que de sa propre négligence ; qu'il conclut à son débouté et sollicite reconventionnellement sa condamnation à la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure malicieuse et abusive ;
Attendu que par conclusions du 5 janvier 1977, la Société demanderesse conteste l'existence entre les parties d'un contrat de commission, les 10 % évoqués par le sieur B. représentant la marge bénéficiaire qu'il se réservait et, faisant valoir que les marchandises commandées par ce dernier lui étaient directement livrées, elle n'avait pas à connaître ce qu'il en advenait, sollicite de plus fort l'adjudication de sa demande ;
Attendu que les parties étant toutes deux commerçantes la preuve des conventions intervenues entre elles peut être établie par tous moyens légaux et s'évincer notamment des correspondances qu'elles ont échangées ;
Attendu que par lettre du 20 mars 1971, B. annonçait à la Société L. la vente de marchandises à la maison L.-L. avec 10 % de commission qu'il lui demandait de lui verser après encaissement de trois traites acceptées par L.-L., à échéance du 30 avril 1971, d'un montant total de 26 496,92 francs, qu'il lui adressait par le même courrier, lesdites traites devant être annulées dans l'hypothèse où un règlement par chèque de son client serait transmis avant leur date d'échéance ;
Attendu que cette lettre ne suscitait aucune protestation ni réserve de la Société L. laquelle acceptait de recevoir les effets, qu'elle revêtait de son cachet commercial et de la signature de son représentant légal, et qu'elle mettait en circulation après en avoir prorogé au 31 mai 1971 la date d'échéance, ces traites, demeurées impayées après présentation le 4 juin, devant être ultérieurement annulées sans avoir fait l'objet de protêts ;
Attendu que ces circonstances, confortées par le fait que la Société L., en dépit de sa contestation de dernière heure, se prévalait elle-même de sa qualité de « commettant » dans son exploit introductif d'instance, suffisent à démontrer que l'économie des conventions intervenues s'analyse en un contrat de commission, tel que défini par l'article 62 du Code de commerce, assorti d'une clause de « Ducroire » le sieur B. ayant accepté dans sa lettre du 20 mars 1971 de subordonner le paiement de sa commission à l'encaissement des traites comme aussi de participer à concurrence de 10 % (lettre B. du 29 juin 1971) puis de 15 % (lettre Société L. du 28 juillet 1971 - avoir du 18.10.1971 et lettre de la même Société du 15 février 1971) aux pertes consécutives à l'annulation de la vente d'autres marchandises à L.-L. qui n'avaient pas été livrées par B., en accord avec la Société L., par suite du non paiement de la première partie du marché ;
Attendu que si le commissionnaire « ducroire » est garant de la conduite à bonne fin de l'opération qui lui a été confiée et partant, en cas de commission à la vente, du paiement du prix des marchandises livrées par son intermédiaire, il doit être relevé qu'en l'espèce B. avait partiellement satisfait à ses obligations par la remise de traites acceptées à son commettant pour une somme de 26 496,92 francs, mode de règlement usuel et libératoire entre commerçants, et qu'il appartenait dès lors à la Société L., seule bénéficiaire et porteur des effets qu'elle avait accepté de recevoir, d'en poursuivre le recouvrement par toutes voies de droit ;
Attendu ainsi que la Société demanderesse, qui n'établit pas l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité contractuelle de B., et qui doit elle-même être considérée comme responsable, du fait de son inaction, du non paiement des effets susvisés, n'est pas fondée à poursuivre le paiement de leur montant contre le défendeur ;
Attendu par contre que B. est tenu, tant dans le cadre de ses obligations contractuelles que du fait des engagements qu'il a pris et qui ont été acceptés par la Société L., de participer à la perte résultant de l'annulation de la vente des marchandises qui n'avaient pas été livrées ;
Qu'il doit être condamné, à ce titre, à payer à la demanderesse la somme de 3 182,77 francs, solde restant dû, après déduction du montant des traites, sur le relevé de factures du 15 décembre 1971, et par voie de conséquence être débouté de sa demande reconventionnelle ;
Qu'il doit, en outre, du fait de sa contestation injustifiée de ce chef être condamné aux dépens ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Faisant partiellement droit à la demande de la Société L. Père et fils, condamne le sieur B. à lui payer la somme de trois mille cent quatre vingt deux francs vingt sept centimes (3 182,27 francs) ;
Déboute ladite Société du surplus de sa demande et le sieur B. de sa demande reconventionnelle ;
Composition🔗
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Boéri et Marquet av. déf.