Tribunal de première instance, 23 juillet 1976, Dame H. c/ dame B.-B.

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Abstract🔗

Vente

Vente parfait - Non exécution du contrat - Cause exonératrice (non) - Responsabilité (oui)

Résumé🔗

Dans le cas d'une vente parfaite, la partie qui renonce définitivement à exécuter le contrat de vente, sans même offrir la preuve préalable qui lui incombe d'une cause exonératrice de nature à légitimer sa décision, doit supporter l'entière responsabilité de l'inexécution des conventions intervenues.


Motifs🔗

Le tribunal

Attendu que la dame H. a assigné la dame B.-B. pour entendre déclarer nul et de nul effet le compromis de vente signé par les parties le 26 mai 1975, prévoyant l'achat par dame H. d'une villa avec dépendances, sise à Roquebrune-Cap-Martin, pour un prix de 370 000 F, sur lequel un acompte de 50 000 F a été versé le 29 mai, le règlement du solde du prix étant stipulé payable lors de la réitération de l'acte authentique qui devait intervenir au plus tard le 30 juin 1972, s'entendre condamner à lui rembourser la somme susvisée de 50 000 F et à lui payer celle de 10 000 F, à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Qu'elle expose au soutien de cette demande, en déclarant se réserver de revenir, si besoin est, sur les conditions dans lesquelles elle a signé ce compromis et de démontrer que la rupture du contrat est imputable à la défenderesse, que l'objet du présent débat porte sur la restitution de la somme de 50 000 F, que la dame B.-B. pouvait considérer comme des arrhes alors que la nature juridique de ce versement est celle d'un acompte comme l'établissent les documents produits ; que faisant valoir que l'offre d'abandonner, sur ce montant, une somme de 37 000 F, faite dans sa lettre du 2 juillet 1972, par laquelle elle a confirmé sa décision de ne pas donner suite à l'achat de la villa et formulée dans la croyance erronée, étant étrangère et peu au fait des us et coutumes locales, qu'elle était tenue de supporter une indemnité de 10 % du prix de vente, et qui était assortie de la demande transactionnelle de restitution de 13 000 F devant intervenir avant la fin de l'année 1972, ne peut avoir de conséquences juridiques alors surtout que cette transaction n'a pas été acceptée par cette dernière qui s'est refusée à tout remboursement, elle sollicite qu'il soit fait droit aux fins de son assignation ;

Attendu que la dame B.-B. s'oppose à cette demande en soutenant que le compromis de vente s'analysait en une vente ferme qui a été annulée manifestement par la dame H., ainsi qu'en fait foi sa lettre en date du 2 juillet 1972, versée aux débats, tout en contestant le bien fondé des motifs invoqués par elle à l'appui de sa décision ; qu'estimant qu'elle était, dès lors, en droit soit de poursuivre l'exécution forcée du contrat, soit de conserver l'acompte de 50 000 F reçu, option à laquelle elle s'est arrêtée, elle conclut, en déclarant faire « toutes réserves de droit d'action et d'autres moyens », au débouté de la demanderesse ;

Attendu que l'acte sous seing privé intitulé « compromis de vente ferme » signé par les parties le 26 mai 1972 et constatant leur accord sur la chose et sur le prix, ce dernier étant stipulé payable par un versement de 50 000 F devant intervenir avant le 31 mai 1972, effectivement versé le 29 mai, le règlement du solde étant prévu à la date d'établissement de l'acte notarié devant être passé au plus tard le 30 juin 1972, s'analyse bien juridiquement, comme le soutient la défenderesse, en une vente parfaite aux termes de l'article 1426 du Code Civil, dont les effets ne pouvaient être reportés à la date de sa confirmation par acte authentique, en vertu de l'alinéa 2 du même texte, s'agissant d'un bien immobilier situé en France, la clause de réserve de propriété jusqu'à la passation dudit acte, valable entre parties, ne pouvant, par ailleurs, affecter la validité et la portée de la convention susvisée ;

Attendu que si le versement de la somme de 50 000 F constitue incontestablement, en l'espèce, un acompte, ce que ne dénie d'ailleurs pas la défenderesse, la demande, tendant au surplus non seulement à obtenir remboursement de cette somme mais aussi à voir prononcer la nullité du compromis de vente, ne saurait à l'évidence être appréciée sans qu'il soit statué sur les causes et l'impossibilité de l'inexécution des engagements passés, et que ne peuvent être prises en considération, en l'état, les réserves formulées par la dame H. de s'expliquer plus amplement sur ce fait ;

Attendu, à cet égard, que les termes de la lettre du 2 juillet 1972 de la demanderesse démontrent de façon péremptoire que c'est elle qui a renoncé définitivement à exécuter le contrat de vente, quels que soient les motifs, d'ailleurs formellement contestés par sa co-contractante, qui l'ont déterminée et qu'elle n'a pas cru devoir exposer ;

Que, n'offrant même pas la preuve, préalable, qui lui incombe d'une cause exonératrice de nature à légitimer sa décision, elle doit supporter l'entière responsabilité de l'inexécution des conventions intervenues, étant ici relevé que sa longue inaction, pendant quatre années, sans qu'elle justifie d'aucune réclamation durant cette période, comme aussi son offre de faire abandon d'une somme de 37 000 F sur l'acompte versé, quelle qu'ait pu être son inexpérience éventuelle en la matière, confirment suffisamment qu'elle avait pleinement conscience de cette responsabilité ;

Attendu que si la défenderesse, qui comparaît en personne, déclare avoir renoncé à poursuivre l'exécution forcée desdites conventions et si elle se méprend sur l'étendue de ses droits en prétendant être fondée à conserver de plano l'acompte versé sur le prix de vente, l'article 1039 du Code Civil, homologue de l'article 1184 du Code Civil Français, lui conférait la faculté d'en demander judiciairement la résolution avec dommages-intérêts ;

Attendu qu'une telle demande doit être réputée résulter, implicitement mais nécessairement, de ses conclusions et qu'il y a lieu d'y faire droit en considération des motifs qui précèdent, le Tribunal disposant des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à la somme de 50 000 F le montant des dommages-intérêts qui doivent être versés à la dame B.-B., en réparation des divers chefs du préjudice qui lui a été occasionné par l'inexécution des obligations de la demanderesse ;

Que cette dernière doit, par voie de conséquence, être déboutée de sa demande et condamnée aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Déclare résolue la vente intervenue entre parties, suivant acte sous seing privé du 26 mai 1972, du fait de l'inexécution par dame H. de ses engagements ;

En conséquence, la déboute de ses demandes, fins et conclusions ;

Déclare dame B.-B. fondée à conserver l'acompte versé de 50 000 F, à titre de dommages-intérêts, compensateur du préjudice qui en est résulté pour elle ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquet av. déf., Karczag av.

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