Tribunal de première instance, 1 juillet 1976, Dame Vve R. c/ Société Monégasque d'Assainissement et U.A.P. Urbaine.

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Abstract🔗

Accidents du travail

Accident - Victime - Activité étrangère à son travail - Accident du travail (non)

Résumé🔗

Ne constitue pas un accident du travail l'accident survenu à un ouvrier qui, aidé d'amis, agissait pour son compte exclusif et en-dehors de son travail en accomplissant une opération étrangère à ses activités normales.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que le 27 mai 1975 vers 15 heures 20, le sieur J. R., employé de la Société Monégasque d'Assainissement, ci-après S.M.A., en qualité de balayeur temporaire affecté à la surveillance du remplissage des containers destinés à recevoir les déchets industriels, qui avait entrepris, avec l'aide d'un ami P. M. et d'un employé de la Société C. T. M. dont il avait sollicité l'assistance, avec un engin de levage appartenant à cette dernière Société, de soulever, dans l'intention d'en poursuivre le découpage qu'il avait commencé le matin même avec le concours d'un autre ami P. J.-M., une cuve métallique très lourde située sur un terrain jouxtant l'aire réservée à la S.M.A. sur le terre-plein de Fontvieille, était écrasé sous le poids de la cuve à la suite du décrochage accidentel du câble et décédait peu après à l'hôpital de Monaco où il avait été transporté ; qu'après enquêtes diligentées par la brigade de gendarmerie de Cap d'Ail, les faits s'étant produits sur le terrain de cette commune sur un terrain appartenant à la Société Immobilière Domaniale de Monaco mis à la disposition du service des jardins de la Principauté, et par le juge chargé des accidents du travail, la S.M.A. et son assureur-loi la Compagnie U.A.P. Urbaine refusant de considérer cet accident comme un accident du travail ;

Attendu que, par l'exploit susvisé, la dame A. F., veuve de la victime, agissant tant en propre qu'en qualité d'administrateur légal des biens de ses enfants mineurs P. et E. R., a fait donner assignation à la S.M.A. et à la Compagnie U.A.P. L'Urbaine pour s'entendre dire et juger que J. R. a été victime d'un accident du travail et en conséquence condamner à le prendre en charge à ce titre et à lui verser les indemnités et rentes légalement exigibles ;

Qu'elle fait valoir, au soutien de cette demande, en se référant aux données des enquêtes effectuées, que des présomptions concordantes permettent d'affirmer que, bien que l'accident se soit produit hors des limites du lieu de travail de R., les opérations de découpage de la cuve auxquelles il se livrait lui avaient été demandées par un responsable de la S.M.A. ou bien que cette Société avait momentanément prêté ses services à la division des jardins, l'employeur ne pouvant pas prétendre ne pas avoir été informé de ce travail qui se déroulait depuis le début de la matinée au vu et au su de tout le monde ;

Attendu que la Cie U.A.P., sans contester que les faits se sont emplacés dans l'horaire normal de la victime, s'oppose à cette demande en soutenant qu'il est constant que R. se livrait sans ordre et à l'insu de son employeur, à l'extérieur de l'aire réservée à la S.M.A., et pour son compte personnel, au découpage d'une cuve dont il se proposait de vendre les éléments à des ferrailleurs, plusieurs témoins ayant confirmé qu'il avait l'habitude de récupérer les vieux métaux pour son profit propre ;

Attendu que la S.M.A. fait siennes les conclusions développées par la Compagnie U.A.P. en soulignant que la victime avait poursuivi cette activité en dépit de l'injonction d'y mettre un terme et de réintégrer son lieu de travail normal qui lui avait été faite par le sieur G., contrôleur au service de Tutelle de la S.M.A., auquel il avait déclaré faussement qu'il agissait « sur ordre » ;

Attendu que la thèse de la demanderesse suivant laquelle le sieur R. aurait agi sur les instructions de son employeur, ou pour le compte de celui-ci, au moment où il a été mortellement blessé, ne repose que sur les seules déclarations de la victime rapportées par les témoins P. et P., déjà cités, dont on peut trouver confirmation dans la déposition du contrôleur G., sans que la circonstance, rapportée par le seul P., qu'il disposait d'une clef donnant accès au terrain concédé au service des Jardins, puisse revêtir en l'espèce une signification particulière ;

Attendu qu'elle est par contre formellement démentie par le Président-délégué de la S.M.A., dont l'activité ne s'étend pas au surplus à des actes de récupération, ainsi que par l'ensemble des éléments recueillis au cours des enquêtes auxquelles il a été procédé ;

Que l'on ne s'expliquerait pas en effet, si R. avait reçu l'ordre de découper la cuve, soit de son employeur, soit d'une autre autorité au service de laquelle il aurait été détaché, les raisons qu'il aurait eues de recourir à l'assistance de deux amis, étrangers au personnel de la S.M.A., et à un employé d'une autre société, sans qu'intervienne à ses côtés aucun préposé de la S.M.A. ou d'un autre service administratif ;

Que par contre, les témoins P., S., M. et C. ayant précisé que la victime procédait habituellement à des fins personnelles à la récupération des vieux métaux, tout concourt à démontrer qu'il agissait bien pour son compte exclusif à la date du 27 mai 1975, et en dehors de son travail, l'hypothèse ne pouvant être exclue qu'il ait indiqué avoir reçu des « ordres », notamment à G., pour justifier l'accomplissement d'une opération étrangère à ses activités normales ;

Attendu en conséquence que, conformément à une jurisprudence constante, l'accident en cause ne peut être considéré comme un accident du travail et que dès lors la demanderesse doit être déboutée de son action ; que les dépens doivent suivre la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Déboute la dame A. R. de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Boeri, Sanita, Clerissi av. déf., Sbarrato et Champsaur (du barreau de Nice) av.

Note🔗

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'Appel en date du 4 janvier 1977.

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