Tribunal de première instance, 24 juin 1976, Dame L. c/ S.A.M. « S.E.P.M.U. » et Cie d'Assurances Yorkshire.
Abstract🔗
Accidents du travail
Accidents successifs - Incapacité permanente partielle - Détermination du taux
Résumé🔗
Lorsque la victime d'un accident du travail atteinte de lésions multiples et simultanées n'affectant pas une même fonction organique a déjà subi une réduction de sa capacité ouvrière du fait d'un précédent accident, il y a lieu de faire successivement application des règles dites de Balthazard en ce qui concerne le taux d'invalidité correspondant aux infirmités multiples constatées simultanément et de celle de Gabrielli qui apporte à ce taux le correctif nécessaire pour tenir compte de la précédente I.P.P., cette dernière règle impliquant la détermination de l'incapacité globale dont demeure atteinte la victime.
Motifs🔗
Le Tribunal
Attendu que la dame J. L. a été victime le 13 octobre 1973, alors qu'elle était au service de la S.A.M. S.E.P.M.U. dont l'assureur loi est la Compagnie d'Assurances Yorkshire, d'un accident du trajet, régulièrement pris en charge au titre des accidents du travail, ayant entraîné une fracture supra-condylienne avec une légère bascule de la palette humérale traitée par osteo-synthèse, suivie d'une paralysie du nerf cubital qui a nécessité un second acte chirurgical ;
Que l'expert Pastorello constatait dans son rapport du 11 avril 1975 la persistance :
d'une raideur très importante de l'épaule droite (30 %),
d'une raideur importante du coude droit (20 %),
d'une raideur modérée des doigts (5 %),
et estimait, en tenant compte de la capacité restante de 75 %, consécutive à un précédent accident du travail ayant entraîné une I.P.P. de 25 %, et des infirmités permanentes partielles multiples du fait d'un accident unique (30 %, 20 %, 5 %), le taux global d'incapacité à 35 %, avec consolidation au 27 décembre 1974 ;
Attendu qu'en suite d'une ordonnance de non conciliation du 14 octobre 1975 la dame L., qui ne conteste pas les constatations purement médicales de l'expert et dont le désaccord ne porte que sur le mode de calcul du taux d'I.P.P. de 35 %, a, par l'exploit susvisé, assigné la Société S.E.P.M.U. et la Compagnie Yorkshire, pour entendre dire et juger que la rente qui doit lui être allouée doit être calculée, en application des dispositions de l'arrêté ministériel du 14 janvier 1947, sur un taux d'I.P.P. de 46,6 % et un salaire de base de 23 000 francs et subsidiairement que ledit taux ne saurait être fixé à moins de 41 % ;
Attendu que les défenderesses s'opposent à ces demandes en soutenant que l'expert a fait application, sans s'en être formellement expliqué, des dispositions légales en recherchant la capacité résiduelle de chaque infirmité par rapport à la réduction initiale de 25 % à la suite d'un premier accident suivant le processus ci-après : épaule droite, incapacité acquise : 30 % - coude droit : 100 - 30 = 70 soit 20 % de 70 : 14 % - doigts : 70 - 14 = 56 soit 5 % de 56 : 2,8 % déterminant ainsi une invalidité globale de 46,8 % laquelle aboutit, compte tenu du premier accident et suivant la règle de Balthazard, à une incapacité résiduelle de 46,8 x 75/100 = 35,1 % ; qu'elles concluent en conséquence à l'homologation du rapport d'expertise et à voir déclarer satisfactoire l'offre qu'elles formulent d'une rente de 4 025 francs calculée sur une I.P.P. de 35 % et le même salaire de base à compter du 27 décembre 1974 date de la consolidation ;
Attendu que ce dernier mode de calcul est à bon droit critiqué par la dame L. en ce qu'il ne fait pas une exacte application des règles et principes posés par l'arrêté ministériel du 14 janvier 1947 ;
Attendu en effet que le problème soumis à l'expert, et au Tribunal, est celui de la détermination du taux d'I.P.P. de la victime d'un accident du travail atteinte de lésions multiples, et simultanées, n'affectant pas une même fonction organique alors que celle-ci avait déjà subi une réduction de sa capacité ouvrière du fait d'un précédent accident s'étant soldé par une première invalidité ;
Attendu qu'il y a donc lieu, en conformité des dispositions de l'arrêté susvisé de faire successivement application au cas d'espèce des règles dites de Balthazard, en ce qui concerne le taux d'invalidité correspondant aux infirmités multiples constatées simultanément, et de celle de Gabrielli suivant la formule C1 - C2 / C1 qui apporte à ce taux le correctif nécessaire pour tenir compte de la précédente I.P.P., et par conséquent de sa précédente réduction de capacité, cette dernière règle impliquant la détermination de l'incapacité globale dont demeure atteinte la victime en suite de l'accident du 13 octobre 1973 ;
Attendu qu'il convient de relever préliminairement que les parties s'accordent sur la prise en considération tant du taux d'I.P.P. de 25 %, consécutif au précédent accident du travail, que des taux de 30 %, 20 % et 5 % auxquels l'expert Pastorello a évalué les invalidités, prises isolément, affectant respectivement l'épaule, le coude et les doigts de la dame L. ;
Attendu que ces derniers taux ne pouvant s'additionner, le total global d'incapacité résultant des invalidités qu'ils sanctionnaient s'établit ainsi qu'il suit sur la base d'une capacité de la victime déjà réduite à 75 % ;
1) 30/100 x 75/100 = 22,50 %
(capacité restante 75 - 22,50 = 52,50 %) ;
2) 20/100 x 52,50/100 = 10,50 %
(nouvelle capacité restante 52,50 - 10,50 = 42 %) ;
3) 5/100 x 42/100 = 2,1 % arrondi à 2 %
(capacité subsistante après ce dernier accident : 42 - 2 = 40 %)
soit à 22,50 + 10,50 + 2 = 35 %
Attendu qu'il y a lieu d'observer que ce taux est également celui auquel aboutissent aussi bien l'expert Pastorello que les défenderesses, compte tenu de la précédente réduction de capacité de 25 % de la victime, ce qui revient à dire en définitive qu'il a été établi en fonction d'une réduction correspondant à 25 % de son salaire ;
Mais attendu que cette évaluation de l'I.P.P. qui résulterait des seules conséquences de l'accident du travail du 13 octobre 1973, intrinsèquement exacte, ne peut être admise du fait de l'existence d'un premier accident du travail, en ce qu'elle se heurte aux principes posés au paragraphe II de l'arrêté susvisé traitant des infirmités antérieures lequel, se référant aux dispositions légales, exclut que la rente puisse être basée sur l'incapacité globale résultant des 2 infirmités, l'ancienne et la nouvelle (soit 25 + 35 en l'espèce) et interdit également de raisonner comme si l'infirmité qu'il s'agit de réparer avait atteint une personne valide ;
Attendu que l'on est conduit à la détermination du taux d'incapacité ou plus exactement de réduction de capacité par la méthode d'évaluation résultant de l'application de la formule C1 - C2 / C1 dans laquelle C1 représente la capacité ancienne, antérieure au e accident, et C2 la capacité nouvelle de la victime appréciée à la suite de cet accident ;
Attendu que dans le cas d'espèce C1 = 100 - 25 = 75 % et C2 = 100 - (25 + 35) = 40 % ce qui correspond à la capacité subsistante de la victime telle qu'elle a été chiffrée précédemment ;
Qu'ainsi le taux d'incapacité sanctionnant l'accident du travail du 13 octobre 1973 doit s'établir à : 75 - 40 / 75 = 35/75 = 46,66 % ;
Attendu qu'il suit que les conclusions du rapport Pastorello, et partant les demandes de rente formulées, ne peuvent être entérinées mais que sur la base des constatations médicales auxquelles a procédé l'expert, qui sont admises par les parties qui s'accordent sur les différents taux correspondants aux infirmités multiples simultanées, il convient de fixer, en arrondissant au chiffre supérieur conformément à la pratique constante suivie en la matière, à 47 % l'I.P.P. dont demeure atteinte la dame L. laquelle ouvre droit pour elle à une rente annuelle de 5 504 francs calculée sur le salaire réel déclaré de 23 418,80 francs qui résulte du dossier de la procédure d'accidents du travail versé au débat et non sur celui de 23 000 francs qu'elle a indiqué par erreur ;
Que les dépens suivent la succombance ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Ayant tels égards que de droit au rapport d'expertise Pastorello du 11 avril 1975,
Fixe à 47 % le taux d'I.P.P. dont demeure atteinte la dame L. en suite de l'accident du travail du 13 octobre 1973 ;
Dit en conséquence que la Compagnie Yorkshire, substituant son assurée la Société S.E.P.M.U., sera tenue de lui verser une rente annuelle et viagère de cinq mille cinq cent quatre francs (5 504 francs) calculée sur ce taux et un salaire annuel de 23 418,50 francs et ce à dater du 27 décembre 1974 ;
La condamne en tant que de besoin au paiement de ladite rente ;
Composition🔗
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquet, Sanita av. déf. et Massa (du barreau de Nice) av.