Tribunal de première instance, 3 juin 1976, A. c/ Cie d'Assurances « Rhône Méditerranée » et S.

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Abstract🔗

Action en Justice

Exercice - Légèreté - Faute - Préjudice - Dommages et Intérêts (oui)

Assurances maritimes

Contrat - Clauses et conditions - Preuve - Écrit - Nécessité (oui)

Résumé🔗

Une partie contre laquelle est exercée une action en justice n'articulant pas de fondement juridique et ne formulant aucun grief est fondée à soutenir que cette action introduite dans de telles conditions de légèreté est constitutive d'une faute, cause d'un préjudice certain justifiant l'allocation de dommages-intérêts (1°).

Même si les preuves sont libres en droit commercial, la preuve de la nature, de la durée et de l'étendue d'une assurance ne peut résulter que d'un écrit, la sécurité des relations juridiques entre les parties ne pouvant se satisfaire d'allégations (2°).


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que le sieur A. a souscrit, le 15 avril 1971, un contrat d'assurances n° 42.471, auprès de la compagnie Rhône Méditerranée, par l'intermédiaire du sieur S., courtier d'assurances, ledit contrat qui avait pour objet d'assurer « tout risque » le bateau T. B. dont il est propriétaire, ayant été renouvelé par tacite reconduction le 8 avril 1972 jusqu'au 7 avril 1973 ;

Attendu que ce bateau a été victime d'un sinistre le 19 juillet 1972 à Calvi (Corse) et que A. a fait la déclaration prévue par son contrat, le 12 septembre 1972 ;

Attendu que le 18 septembre 1972, et les jours suivants, le sieur R., requis à cette fin par la compagnie Rhône Méditerranée, a procédé à une expertise à Golfe Juan, puis à Monaco, du bateau accidenté ; que lorsque A. lui a fait parvenir le devis établi par les Établissements Deltamarine et s'élevant à 2 492,90 francs, le bateau avait déjà appareillé pour les Antilles, où A. devait effectuer une croisière de plusieurs mois, en sorte que l'expert n'a pu discuter avec l'assuré le coût du sinistre, qu'il n'a admis, dans un rapport déposé le 18 janvier 1974 que pour un montant de 582,76 francs, compte tenu de ce que la détérioration du revêtement du mât provenait non du sinistre mais d'infiltrations d'eau par le sommet, dont l'étanchéité n'était pas correcte ; que cependant, le 20 mai 1974, la compagnie Rhône Méditerranée a payé à A. la somme de 1 992,90 francs, représentant le montant de la facture de 2 492,90 francs, après déduction de la franchise de 500 F prévue au contrat ;

Attendu que le 2 novembre 1972, la compagnie Rhône Méditerranée, répondant à une demande formulée sur ce point par S. au nom de A., faisait connaître à celui-ci que le contrat dont il bénéficiait ne pouvait être étendu à l'occasion de son voyage aux Antilles et que la garantie se trouverait suspendue de plein droit hors des eaux territoriales françaises, et ne reprendrait effet, après avis d'A., qu'à son retour au port de Monaco ;

Attendu que le 14 décembre 1972, S. adressait aux représentants de Rhône Méditerranée une lettre leur demandant de bien vouloir suspendre la police de A. qui était parti à l'étranger pour une durée indéterminée ;

Attendu que le 5 mai 1973, A. signait, par l'intermédiaire de S., qualifié de courtier, un contrat dénommé « ordre de garantie », assurant le T. B. à compter du 5 mai 1973, mais uniquement pour la responsabilité civile, perte totale et délaissement, frais de retirement et défense et recours ;

Attendu que ce bateau a été victime d'un sinistre le 10 décembre 1973 à la Magdalena (Italie) et qu'une déclaration régulière a été faite par A. le 12 décembre suivant ; que le 19 décembre, une expertise a été diligentée à Monaco par le sieur R., à la requête de l'agent de la société Rhône Méditerranée, et avec mission d'expertiser les dommages survenus le 10 décembre 1973 ; que l'expert a chiffré le préjudice à 9 531 francs, le rapport, daté du 11 mars 1974, précisant sous un paragraphe règlement :

« Le présent rapport est établi sous réserves d'application des clauses et conditions d'assurance, notamment de la franchise et de la décision de Messieurs les assureurs ; »

qu'A. a fait effectuer les réparations par le Chantier Naval de Fontvieille qui a établi une facture dont le montant total s'est élevé à 10 299 francs ;

Attendu que, par l'exploit susvisé, A. a assigné Rhône Méditerranée et le sieur S. aux fins de s'entendre condamner, conjointement et solidairement, au paiement de la somme de 10 299 francs, outre celle de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; qu'aux termes de cette assignation A. précise qu'à son retour en Europe, il avait demandé à son assureur de faire à nouveau courir les effets de son contrat suspendu, et cela à compter du moment où le navire atteindrait Gibraltar, mais que, S. ayant subordonné cette remise en vigueur de la police à un nouvel examen du navire, les parties étaient convenues de passer le contrat du 5 mai 1973, avec une garantie moins étendue ; que dès son arrivée à Monaco, le T. B. avait été expertisé par le sieur R. dont la mission consistait, d'une part, à permettre de remettre en vigueur la police du 15 avril 1971 et, d'autre part, de clôturer le rapport relatif au sinistre du 19 juillet 1972, ci-dessus visé ; qu'il fut confirmé à A. que la garantie tout risque reprenait ses effets ; que dès lors, le demandeur s'estime en droit, sur le fondement du contrat n° 42.471, à réclamer paiement des frais de remise en état de son bateau, à la suite de l'accident du 10 décembre 1973, accident qui était garanti par ledit contrat ainsi que d'une somme de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts en l'état de la résistance injustifiée que la compagnie d'assurances a opposée à sa demande ;

Attendu que la compagnie Rhône Méditerranée s'oppose formellement à cette demande car elle estime que l'expertise effectuée par R. ne portait que sur le sinistre du 19 juillet 1972 et ne constituait pas celle qui était nécessaire pour permettre que le contrat du 15 avril 1971 soit remis en vigueur ; qu'en conséquence, lors du second sinistre du 10 décembre 1973, le bateau n'était garanti que par le contrat du 5 mai 1973, lequel excluait les dommages causés par la faute de A. ; que la compagnie Rhône Méditerranée s'estime fondée à refuser de prendre en charge le coût des réparations qui lui sont demandées, sous forme d'une action téméraire et de mauvaise foi qui justifie la demande reconventionnelle qu'elle présente, en paiement de 1 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que S. demande sa mise hors de cause pure et simple aux motifs que, compte tenu de sa qualité de courtier libre, sa responsabilité ne peut lui être reprochée en l'espèce ; qu'en l'état du préjudice moral et matériel que lui cause l'action dirigée contre lui par A., il demande reconventionnellement contre celui-ci condamnation au paiement de 1 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

1°/ En ce qui concerne l'action dirigée contre S. :

Attendu que celui-ci doit être mis hors de cause, ainsi qu'il le requiert, car, d'une part, A. ne prend, à son encontre aucune conclusion précise, ne formulant, en particulier, aucun grief et n'articulant pas le fondement juridique de son action, et, d'autre part, S. n'a agi, en l'espèce, qu'en qualité de courtier et s'est borné à servir d'intermédiaire entre son client et la compagnie Rhône Méditerranée, sans qu'une faute quelconque puisse lui être reprochée en l'espèce ;

Attendu en revanche que l'action dirigée contre lui par A. a été introduite dans de telles conditions de légèreté qu'elle est constitutive d'une faute qui a causé un préjudice certain à S. et justifie la demande reconventionnelle en dommages-intérêts qu'il formule ; que le Tribunal dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 500 francs le préjudice éprouvé de ce chef ;

2°/ En ce qui concerne l'action dirigée contre la compagnie Rhône Méditerranée :

Attendu que la question soumise au Tribunal est de savoir si, lors de l'accident survenu le 10 décembre 1973, le bateau T. B. était garanti tout risque, par la police n° 42.471 du 15 avril 1971, ou était garanti par le contrat risques limités, du 5 mai 1973 ;

Attendu qu'A. qui ne peut contester que la police du 15 avril 1971 ait été suspendue jusqu'à ce qu'un nouvel examen du navire, de retour à Monaco, ait eu lieu, affirme que cet examen a été effectué par l'expert R., en exécution d'une partie de la mission qui lui avait été confiée ;

Attendu cependant que le rapport d'expertise R. du 18 janvier 1974 est exclusivement consacré à la reconnaissance et à l'estimation des dommages consécutifs à l'accident du 19 juillet 1972 et ne fait, à aucun moment, même sous forme d'allusion, mention d'un examen qui aurait pu lui avoir été demandé afin de remettre en vigueur le contrat suspendu du 15 avril 1971 ;

Attendu d'autre part que la circonstance qu'une expertise ait été effectuée le 19 décembre 1973, par le sieur R., en présence du représentant de la compagnie Rhône Méditerranée, est insuffisante à elle seule pour permettre d'établir que le contrat du 5 mai 1973 avait perdu toute valeur juridique et que le T. B. était à nouveau garanti par le contrat originaire du 15 avril 1971 ; qu'en effet, l'expert a mentionné que le rapport était établi « sous réserve d'application des clauses et conditions du contrat d'assurance », et que, d'autre part, même si les preuves sont libres en droit commercial, la preuve de la nature, de la durée et de l'étendue d'une assurance ne peut résulter que d'un écrit, la sécurité des relations juridiques entre les parties ne pouvant se satisfaire d'allégations, au demeurant non établies en l'espèce ;

Attendu qu'il suit de là que l'action de A. doit être rejetée ; que la demande de dommages-intérêts présentée par la compagnie Rhône Méditerranée est justifiée en son principe, A. ayant agi avec une témérité certaine, car il ne pouvait ignorer la suspension du contrat qu'il invoque ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts présentée par la compagnie et de fixer à 500 francs, compte tenu des éléments d'appréciation suffisants dont le Tribunal dispose, le préjudice qu'elle a éprouvé ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Met S. purement et simplement hors de cause et, faisant droit à sa demande reconventionnelle,

Condamne A. à lui payer cinq cents francs (500 F) à titre de dommages-intérêts ;

Déboute A. de ses demandes, fins et conclusions contre la compagnie d'assurances Rhône Méditerranée et, faisant droit à la demande reconventionnelle présentée par celle-ci,

Condamne A. à lui payer cinq cents francs (500 F) à titre de dommages-intérêts ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquet, Sanita, Jean-Eugène Lorenzi av. déf., Montel (du barreau de Nice) et Patrice Lorenzi av.

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