Tribunal de première instance, 3 juin 1976, C. c/ dame A., Maire de Monaco et Cie U.A.P.

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Abstract🔗

Avocats

Comparution en justice - Parties ayant des intérêts opposés - Mandataire commun

Accidents du travail

Tiers responsable - Exonération de l'employeur - Réparation complémentaire

Résumé🔗

Le Tribunal n'a pas à sanctionner les conditions de comparution des parties en justice lorsqu'un avocat-défenseur, sous sa seule responsabilité, a apprécié qu'il pouvait assurer normalement la postulation ainsi que la défense des plaideurs par des écritures et des moyens de droit appropriés au cas de chacun (1).

L'article 13 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, qui est d'ordre public, pose notamment le principe qu'en cas d'accident du travail occasionné exclusivement par un tiers, la responsabilité de celui-ci exonère l'employeur et son assureur-loi des indemnités mises légalement à sa charge, devant comporter, en cas d'incapacité permanente, une rente égale à celle fixée par ladite loi ; ce texte permet à la victime d'obtenir une réparation complémentaire pour atteindre une indemnisation totale et autorise le remboursement au profit de l'employeur et de la victime des indemnités prévues aux articles 4 et 10.

Si ce texte ne subordonne pas l'étendue du recours de l'employeur ou de l'assureur-loi au montant des dommages-intérêts revenant à la victime, les droits de celle-ci, en revanche, se trouvent limités aux chefs de préjudice non pris en charge ni réparés au titre de la législation sur les accidents du travail dans la mesure où est constatée leur existence et déterminé leur montant (2).


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que, par jugement du 20 mars 1975, le Tribunal de céans, saisi par l'assignation donnée par C. M., employé à la Mairie de Monaco, victime d'un accident de la circulation ayant le caractère d'un accident du travail, à la dame A. et à son employeur, avait déclaré ladite dame entièrement responsable de cet accident, ordonné une mesure expertale confiée au docteur Blanchi, préalablement à la fixation de la réparation, donné acte au Maire de ses réserves de faire valoir ses droits en cours de procédure et condamné la dame susnommée à verser au demandeur une provision de 2 000 francs ;

Attendu que, dans le cadre de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, le magistrat chargé des accidents du travail avait antérieurement désigné le Docteur Pastorello et que, sur la base du taux d'I.P.P. de 22 % fixé par le médecin expert, C. et l'assureur-loi de son employeur, la compagnie U.A.P. - Incendie-Accidents, devaient, le 21 mars 1975, se concilier pour le paiement d'une rente annuelle viagère de 2 821,91 F, à partir du 16 novembre 1974 (étant tenu compte d'une rechute du 28 novembre 1974 au 20 décembre 1974) ;

Attendu que le Docteur Blanchi ayant, le 31 juillet 1975, déposé son rapport où, sans référence aux constatations du docteur Pastorello, mais en considération d'un état antérieur et d'infirmités préexistantes, il a conclu à une I.P.P. de 5 %, la cause est revenue devant le Tribunal à la suite de l'Ordonnance du magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise ;

Attendu qu'à partir des données du rapport Blanchi, C., dans un premier temps, a sollicité la condamnation de la défenderesse au paiement à son profit de la somme de 19 300 francs (se décomposant en réparation de l'I.P.P. de 5 % : 10 000 francs, du pretium doloris - 4 000 francs, du manque à gagner durant l'I.T.T. - 1 800 francs, pour frais de réparation du cyclomoteur et de ses vêtements, remplacement d'une prothèse jambière : 3 500 francs) ; qu'il a ensuite exclu de sa demande les prestations assumées par l'assureur-loi ;

Attendu en effet que, par conclusions du 5 février 1976, est intervenue l'U.A.P. - Incendie-Accidents, substituant le Maire de Monaco qui, justifiant avoir réglé à C. et pour son compte 4 651,35 francs d'indemnités journalières, 3 950,12 francs de dépenses d'hospitalisation, médicales, pharmaceutiques et autres, 885,78 francs d'arrérages de la rente « accident du travail » et d'avoir affecté une somme de 35 820,43 francs à la constitution du capital de ladite rente, a réclamé la condamnation de la dame A. au paiement en priorité à elle-même de la somme de 45 307 francs, devant s'imputer sur le montant des dommages-intérêts que ladite dame pourra être tenue de régler à C., conformément à l'article 13 de la loi n° 636 ;

Attendu que, pour sa part, la défenderesse, invoquant également la même disposition légale et réduisant les évaluations des divers chefs allégués par le demandeur, à l'exception de la réparation de l'I.T.T. (5 000 francs au titre de l'I.P.P., 1 000 francs du pretium doloris et 2 671 francs pour les autres frais) pour aboutir à un montant total de réparation de (10 071 - 2 000) = 8 071 francs, conclut au déboutement de C., qui ne pourrait prétendre à d'autres dommages-intérêts, alors que la somme susvisée doit être directement remboursée par priorité à l'assureur-loi et se trouve très inférieure à la créance de celui-ci ;

Attendu qu'il y a lieu de donner acte à la compagnie U.A.P. - Incendie-Accidents de son intervention ;

Attendu que la solution du litige, en l'état actuel, impose l'examen tant d'une objection soulevée à la barre par le demandeur touchant à une anomalie de représentation en justice des deux parties ayant des intérêts opposés et concluant à des fins voisines par le même mandataire que des modalités d'application de l'article 13 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 ;

Attendu que le Tribunal n'a pas à sanctionner les conditions de comparution des parties en justice lorsqu'un avocat-défenseur, sous sa seule responsabilité, a apprécié qu'il pouvait assurer normalement la postulation ainsi que la défense des intérêts de ces plaideurs par des écritures et des moyens de droit appropriés au cas de chacun ;

Que la critique du demandeur doit être, en conséquence, écartée comme inopérante et sans valeur ;

Attendu que l'article 13 susvisé, que toutes les parties reconnaissent d'ordre public, a notamment posé le principe qu'en cas d'accident du travail occasionné exclusivement par un tiers, la responsabilité de celui-ci exonère l'employeur (et son assureur-loi) des indemnités mises légalement à sa charge, devant comporter en cas d'incapacité permanente une rente égale à celle fixée par ladite loi, permet à la victime d'obtenir une réparation complémentaire pour atteindre à une indemnisation totale et autorise le remboursement au profit de l'employeur (et de la victime) des indemnités prévues aux articles 4 et 10 ;

Que ce texte, dans cette hypothèse, ne subordonne ni explicitement ni implicitement l'étendue du recours de l'employeur ou de l'assureur-loi au montant des dommages-intérêts revenant à la victime ; que les droits de celle-ci, en revanche, se trouvent limités aux chefs de préjudice non pris en charge ni réparés au titre de la législation sur les accidents du travail dans la mesure où est constatée leur existence et déterminé leur montant ;

Attendu que l'expertise du Docteur Blanchi, que ni le demandeur ni les deux autres parties ne contestent, fait apparaître au plan de l'I.P.P. un préjudice qui, même dans une appréciation optimale, ne peut donner lieu à une indemnisation supérieure à la réparation obtenue par C. par le service d'une rente viagère annuelle de 2 821,91 francs, calculée en conformité de l'article 9 de la loi n° 636, correspondant à un capital de 35 820 francs que la dame A. ne conteste pas par principe être débitrice envers l'assureur-loi ;

Attendu qu'au titre de l'incapacité permanente partielle, dont il demeure atteint, le demandeur n'est donc pas fondé à réclamer ni à obtenir une indemnisation complémentaire ;

Attendu cependant que le même C. est en droit de prétendre à la réparation des autres éléments du préjudice matériel et moral qu'il invoque, dont l'attribution personnelle n'est contestée par l'assureur-loi qu'au regard de son interprétation quant à application du texte légal, et dont la réalité n'est pas déniée par la défenderesse, laquelle se borne à en donner une appréciation moindre (à l'exception de la différence entre les indemnités journalières perçues et le salaire ou traitement réel) ;

Attendu qu'outre la somme de 1 400 F due pour la période d'I.T.T., il apparaît qu'il revient au demandeur celles de 2 000 francs et de 2 671 francs, montants auxquels le Tribunal évalue, en considération des éléments suffisants d'appréciation dont il dispose (constatations médicales, facture et devis), le pretium doloris et le remboursement des frais de réparations et de remplacement de prothèse ;

Attendu que, déduction faite de la provision, la dame A. doit être, en conséquence, condamnée à payer à C., personnellement, la somme de 4 071 francs au titre de dommages-intérêts consécutivement à l'accident du 9 septembre 1974 ;

Attendu que, par application de l'article 13 de la loi n° 636 - et nonobstant les conclusions de la dame A. et de l'assureur-loi envisageant en contrepartie du service de la « rente accident du travail » l'attribution à ce dernier du capital constitutif correspondant - il y a lieu de condamner ladite défenderesse, par substitution aux obligations de la Cie U.A.P. Incendie-Accidents, qui s'en trouvera déchargée, de payer directement à C. par trimestre échu une rente annuelle viagère de 2 821,91 francs ;

Attendu que la dame susnommée, qui ne conteste pas y être tenue, devra, en outre, rembourser au même assureur-loi les indemnités journalières (4 651,35 F), les frais d'hospitalisation et annexes (3 950,12 F) et les arrérages de la rente déjà réglés pour le compte de celui-ci ou à lui versés, soit la somme de 9 487,25 francs ;

Attendu que la défenderesse qui succombe doit être condamnée aux dépens qui comprendront les frais d'expertise du Docteur Blanchi,

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, homologuant en tant que de besoin le rapport du Docteur Blanchi du 31.7.1975,

Donne acte à la compagnie d'assurances U.A.P. - Incendie-Accidents - de son intervention aux lieu et place de Monsieur le Maire de Monaco dont elle est l'assureur-loi en l'exercice de son action prévue par la loi ;

Condamne la dame A. C. à payer au sieur C. M. la somme de quatre mille soixante et onze francs (4 071 F) au titre de réparation des conséquences dommageables de l'accident du 9 septembre 1974 non indemnisées par l'application de l'article 4 et l'article 10 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 (modifiée par la loi n° 790 du 18 août 1965) ;

Condamne ladite dame, conformément à l'article 13 de la loi susvisée, au paiement à C. M. d'une rente viagère annuelle d'un montant de deux mille huit cent vingt-et-un francs quatre vingt onze centimes (2 821,91 F) en réparation de l'incapacité permanente partielle qu'elle lui a occasionnée à la suite de l'accident dont elle a été déclarée entièrement responsable ;

Dit que cette condamnation exonère totalement la compagnie d'assurances U.A.P. - Incendie-Accidents de l'obligation de verser cette rente, fixée au titre de la législation sur les accidents du travail aux termes d'un procès-verbal de conciliation du 21 mars 1975 signé par C. et la compagnie sus-désignée en qualité d'assureur-loi de l'employeur de ce dernier ;

Condamne la dame A. à payer à la compagnie U.A.P. - Incendie-Accidents - la somme de neuf mille quatre cent quatre vingt sept francs vingt cinq centimes (9 487,25 F) au titre de remboursement de prestations légalement dues et en sa qualité de tiers auteur de l'accident ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Boisson et Clerissi av. déf.

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