Tribunal de première instance, 20 mai 1976, Dame Vve L. c/ P. et dame C.

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Abstract🔗

Baux d'habitation

Action en résiliation - Époux - Instance en divorce - Ordonnance de résidence séparée - Motif valable (non) - Jugement de divorce - Novation des relations juridiques entre le bailleur et le locataire (non)

Résumé🔗

Un locataire ne peut exciper, pour prétendre échapper à une demande en résiliation de bail formulée contre lui, d'une décision de justice, de caractère purement provisoire, qui avait autorisé son épouse à résider seule au domicile conjugal, une telle ordonnance ne pouvant avoir pour effet juridique de mettre fin à une convention de bail et étant inopposable au bailleur. De même, le jugement de divorce, qui n'a pas statué sur l'attribution du logement litigieux, n'a pu apporter une novation des relations juridiques unissant le bailleur et le locataire.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que le 5 février 1971, un engagement de location était passé, par acte sous seing privé, entre le sieur B. L., agissant pour sa mère A. L., propriétaire d'un appartement sis ., et le sieur P., bénéficiaire, en qualité de prioritaire et régulièrement autorisé par le service du Logement, d'une cession des droits locatifs que le sieur M., décédé, possédait sur cet appartement, ladite cession lui étant consentie par le sieur V., légataire de M. ;

Attendu qu'à la suite de difficultés, qui s'étaient élevées entre dame L. et P. quant au classement de l'immeuble où était situé l'appartement, la Commission Arbitrale, saisie de ce litige, ordonnait une expertise, par jugement du 24 avril 1975 ; que le sieur Porta, désigné comme expert, n'a pas encore déposé son rapport ;

Attendu que dame C. épouse de P., avec qui elle s'était mariée, sans contrat préalable, à Monaco, le 10 janvier 1956, a intenté une procédure de divorce contre son mari ; qu'elle a été autorisée à résider seule au domicile conjugal, par Ordonnance présidentielle, du 9 juillet 1975 ; que le divorce a été prononcé par jugement du 16 octobre 1975 aux torts réciproques des deux époux ; que Maître Aureglia, notaire, a été désigné pour procéder à la liquidation du régime matrimonial ; que dame C. et P. apparaissent s'être mis d'accord, hors toute intervention dudit notaire, pour que l'appartement dont il s'agit soit conservé par l'épouse ;

Attendu que, par l'exploit susvisé, dame Veuve L. a assigné P. aux fins, d'une part, de constater que celui-ci n'a pas rempli ses obligations de locataire en ce qui concerne le paiement des loyers et de faire prononcer la résiliation de la location intervenue le 5 février 1971 et l'expulsion de ce locataire ainsi que de tous occupants de son chef, sous astreinte, et d'autre part, d'obtenir paiement de la somme de 5 714,50 francs, représentant le montant des loyers impayés, à la date du 31 décembre 1975, outre les intérêts de droit et sous réserve du paiement des charges d'indemnité d'occupation ;

Attendu que dame C. est intervenue à l'instance, par conclusions du 29 janvier 1976 ; qu'elle demande que son intervention soit déclarée fondée en l'état du divorce prononcé le 16 octobre 1975, et à la suite duquel la jouissance de l'appartement lui a été attribuée ; qu'au fond, elle demande qu'il soit sursis à statuer sur l'instance introduite par dame L. jusqu'à ce que l'expert Porta ait déposé son rapport, l'arriéré locatif réclamé n'étant pas valablement déterminé non plus que la demande de résiliation de la location litigieuse ;

Attendu que, de son côté, P. conclut que, l'usage et la jouissance de l'appartement ayant été attribués à son épouse, et lui-même ayant été privé par l'Ordonnance présidentielle du 9 juillet 1975, de la possibilité d'habiter ledit appartement, c'est à tort qu'il a été attrait en justice par dame L. qui doit s'adresser à dame C. pour obtenir les condamnations qu'elle sollicite, lui-même devant être mis hors de cause ;

Attendu en ce qui concerne l'action dirigée contre P. que celui-ci ne peut exciper, pour prétendre échapper à la demande formulée contre lui, d'une décision de justice, de caractère purement provisoire, qui aurait autorisé son épouse à résider seule au domicile conjugal, une telle Ordonnance ne pouvant avoir pour effet juridique de mettre fin à une convention de bail et étant inopposable au bailleur ; que de même, le jugement de divorce qui n'a pas statué sur l'attribution de l'appartement litigieux n'a pu apporter une novation des relations juridiques unissant dame L. et P. ; que c'est donc, à bon droit, que celle-ci a assigné P. qui demeure tenu de l'exécution du bail du 5 février 1971, et qui ne peut prétendre imposer à sa propriétaire, hors l'acceptation de celle-ci, une novation par changement de débiteur, le fait que dame L. ait accepté, sous les plus expresses réserves d'ailleurs, un acompte de 1 500 francs versé par dame C., ne permettant pas de caractériser une telle novation ;

Attendu d'autre part que par son intervention aux débats, la dame C. se reconnaît débitrice à l'égard de dame L. des obligations nées du bail et qu'elle demeure, dès lors, tenue, en même temps que son mari, du paiement du bail, cette obligation présentant un caractère in solidum, chacun des ex-époux demeurant tenu, à l'égard de la propriétaire, de l'intégralité des loyers, sous réserve, en ce qui concerne les deux ex-époux d'un compte à faire devant le notaire désigné pour liquider leur communauté ;

Attendu qu'en ce qui concerne le sursis à statuer, il ne saurait être fait droit aux prétentions de dame C. qui s'abstient, de sa propre autorité, de verser un quelconque loyer, alors qu'aux termes de l'article 22 de la loi n° 669 du 17 septembre 1959, le preneur est tenu de payer son loyer entre les mains du bailleur sur la base du dernier prix payé et ce, pendant la durée de l'instance relative à la fixation du nouveau prix ;

Attendu qu'il y a donc lieu de condamner le sieur P. et la dame C. à payer, in solidum, à la dame L. l'arriéré des loyers par elle réclamés ; qu'il n'y a cependant pas lieu de prononcer, dès à présent, la résiliation sollicitée, les défendeurs s'étant manifestement mépris sur leurs droits ; que cette mesure n'aura à intervenir que si lesdits défendeurs persistaient, au-delà du délai que le Tribunal leur impartit à cette fin, à s'abstenir de payer leurs dettes ; qu'ils doivent toutefois être tenus des dépens, en l'état de leur succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Condamne le sieur P. et la dame C., in solidum, à payer à la dame Veuve L., la somme de cinq mille sept cent quatorze francs cinquante centimes (5 714,50 F), avec intérêts de droit à compter du présent jugement, sous réserve du paiement des charges ;

Impartit à ces défendeurs un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement pour payer cette somme à dame Veuve L. et en cas de non paiement, dit que le bail sera résilié avec toutes les conséquences de droit et notamment l'expulsion de P., de dame C. et de tous occupants de leur chef ;

Ordonne, en tant que de besoin, ladite expulsion, sous astreinte comminatoire de cinquante francs (50 F) par jour de retard ;

Condamne le sieur P. et la dame C., aux dépens distraits au profit de Maître Boisson Robert, avocat défenseur, sous sa due affirmation ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MM. Boisson, Clerissi et Sanita av. déf.

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