Tribunal de première instance, 6 mai 1976, E. c/ L. et Dlles A.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Preuve

Commission - Demande de paiement - Mandat - Preuve - Modalités

Résumé🔗

La partie qui demande le paiement d'une commission de courtage immobilier doit établir que la transaction a été réalisée par son intermédiaire ; la preuve de ce mandat ne peut résulter que d'un écrit, l'intérêt litigieux étant supérieur à 50 F. et la preuve testimoniale ou par présomption ne pouvant être admise que lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que, par l'exploit susvisé, le sieur E. a assigné le sieur L. et les demoiselles C. et Y. A. pour s'entendre condamner à lui payer respectivement les sommes de 9 702,00 francs et 16 170,00 francs, montant d'une commission, au taux de 3 % pour le premier défendeur et de 5 % pour les deux défenderesses, et de la T.V.A. correspondante, sur le prix de vente s'élevant à 275 000,00 francs des 1 000 parts constituant le capital social de la S.C.I. Cylva, propriétaire d'un appartement situé au P. S ., que lesdites demoiselles possédaient ;

Qu'il expose au soutien de cette demande avoir été chargé par elles le 14 avril 1970 de leur trouver acquéreur au prix de 300 000 francs, leur avoir présenté le sieur L. demeurant dans le même immeuble qui a formulé une offre d'achat pour un prix de 270 000,00 francs au début de l'année 1971, offre qu'elles ont finalement prétendu écarter, et avoir appris que cette vente avait été effectivement consentie, pour 900 parts et un prix de 260 000,00 francs réglé en espèces, à un sieur M. suivant acte notarié reçu par Maître Rey, notaire à Monaco, en date du 9 juin 1971, et pour les 100 dernières parts à un sieur B., au prix de 15 000,00 francs, suivant acte sous seing privé daté du 25 novembre 1971 mais intervenu en fait au mois de juin 1971 ; qu'il indique encore que le sieur M. a rétrocédé ses 900 parts pour le même prix à une dame C., secrétaire de la société Global Company, par acte sous seing privé du 7 décembre 1971, et que le montant de l'acquisition de B. a été réglé par chèque n° 06132 779 émis le 9 juin 1971 par le sieur L. sur son compte à la Banca Commerciale Italiana ; que soutenant que les sieurs M. et B. et la dame C. n'ont agi qu'en qualité de prête-noms du sieur L., président délégué de la société Global Company, qui occupe les lieux vendus, il s'estime fondé à obtenir paiement des commissions demandées, les cessions de parts ayant en réalité été consenties à L., par son intermédiaire, par les demoiselles A., et sollicite subsidiairement, la désignation d'un expert chargé de déterminer l'origine des fonds ayant permis le règlement desdites cessions ;

Attendu que les défenderesses, C. et Y. A. exposent, pour leur part, qu'elles s'étaient personnellement occupées, depuis 1970, de la vente de l'appartement, par le moyen de la cession de leurs parts dans la S.C.I. Cylva, et qu'elles l'avaient fait visiter à différentes personnes dont le sieur A. L. lequel, désirant le louer et non l'acheter, n'avait pas donné suite, dans le même temps qu'elles chargeaient divers agents immobiliers de leur trouver un acquéreur sans toutefois consentir aucune exclusivité ; qu'ultérieurement, le sieur E. s'était fait fort d'y parvenir mais qu'elles ne lui avaient pas non plus donné d'exclusivité et s'étaient même refusées à lui signer un bon de commission ; que la lettre du 22 mars 1971, adressée à l'une d'elles, qu'il produit, établit qu'elles n'avaient pas accepté une proposition qu'il leur avait soumise et qu'elles avaient à cette date conservé leur entière liberté ; qu'elles ont, dans ces conditions, et sans être tenues d'aucune obligation à son égard, légitimement pu céder leurs parts sociales aux sieurs M. et B. par acte notarié du 9 juin 1971 et par acte sous seing privé du 25 novembre 1971 enregistré le 20 décembre suivant ; que faisant valoir qu'elles n'avaient pas à se préoccuper de l'origine des fonds qui leur ont été remis en paiement par ces deux acquéreurs fortunés et parfaitement honorables et qu'il est puéril de soutenir qu'elles se seraient rendues coupables des simulations alléguées à seule fin de priver le demandeur d'une commission, elles concluent à son déboutement ;

Attendu que le sieur L. s'oppose à la demande en faisant valoir qu'elle n'est assortie d'aucune preuve ou élément justificatif et déclare, en faisant siennes les conclusions des demoiselles A. que la société Global Company n'occupe les lieux qu'en qualité de locataire suivant bail du 1er août 1971, enregistré le 14 septembre suivant, à elle consenti par la société Cylva, ce dont le demandeur a été informé dès le 16 décembre 1971 par la sommation interpellative qu'il lui a fait notifier ; que soulignant la témérité de l'action du sieur E. et l'absence de pertinence, comme le caractère insidieux à l'égard de tiers non appelés en cause, de la mesure d'expertise sollicitée, il conclut à l'irrecevabilité des demandes principale et subsidiaire qu'il a introduites et à son débouté ;

Attendu que le demandeur soutient que la preuve du mandat de vente résulte de l'aveu des demoiselles A. consigné dans leurs conclusions du 11 mars 1975, de leur attitude à l'égard de la lettre qu'il leur a adressée le 22 mars 1971, dans laquelle il voit un compte rendu de mandat, et de la vente par prête-noms interposés par lesdites demoiselles au sieur L. des parts de la société Cylva, propriétaire de l'appartement, qui démontrerait qu'elles ont accepté de traiter avec son client ;

Attendu qu'en sa qualité de demandeur poursuivant le paiement d'une commission de courtage immobilier, le sieur E. a la charge d'établir la preuve de l'engagement des demoiselles A. et du sieur L. de lui verser une commission, à un taux déterminé, au cas de vente et d'achat contractés par son intermédiaire, de la conduite à bonne fin par ses soins de la transaction, et de la simulation entachant les actes de cession démontrant que le sieur L. en a été en fait le véritable cessionnaire ;

Attendu que la preuve de ces mandats, et de leurs modalités, comme du fait juridique ayant donné naissance à son droit à commission, impliquant la démonstration que la transaction a été réalisée par son intermédiaire, ne peut être reçue que conformément aux règles générales de la preuve des conventions, c'est-à-dire par écrit, l'intérêt litigieux étant supérieur à 50 francs, la preuve testimoniale ou par présomptions ne pouvant être admise en vertu de l'article 1194 du Code civil que lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, le demandeur n'invoquant pas l'impossibilité dans laquelle il aurait pu se trouver de se procurer une preuve littérale ;

Attendu en effet, sur l'aveu judiciaire invoqué par le sieur E. à l'encontre des demoiselles A., qu'il ne peut être déduit des conclusions qu'elles ont déposées, la preuve d'un mandat exprès de vente, et de ses conditions notamment en ce qui concerne la prévision d'une commission, celles-ci contestant formellement l'existence d'un tel mandat, et qu'il résulte au contraire de leurs dires, qui ne peuvent être divisés contre elles, qu'elles avaient personnellement fait visiter les lieux au sieur A. L. avant que le sieur E. ait pris contact avec elles ;

Attendu qu'il convient de relever, d'une part, que le demandeur n'allègue même pas, au soutien de sa demande en paiement d'une commission dirigée contre le sieur L., avoir été mandaté par lui pour la recherche, en vue de l'acquisition, d'un appartement et, d'autre part, qu'il n'est pas en mesure de produire, à défaut d'écrit, un commencement de preuve par écrit, émanant des demoiselles A., rendant vraisemblables les faits qu'il invoque, seul élément qui serait de nature à rendre admissible une preuve complémentaire par témoin ou présomptions ;

Attendu à cet égard qu'il est essentiel de constater que le sieur E. se borne à solliciter une expertise tendant à démontrer l'existence d'une simulation dans les actes de cession intervenus qui, fût-elle établie, ne saurait suppléer une telle preuve et s'avèrerait, à elle seule, inopérante en l'espèce, demande à laquelle il ne saurait dès lors être fait droit, son admissibilité étant au surplus subordonnée à la justification préalable d'un intérêt légitime juridiquement protégé ;

Attendu, au demeurant, qu'il est constant que les demoiselles A. et les sieurs M. et B. - comme le sieur L., président délégué de la société Global Company et le sieur E. lui-même - résidaient, soit personnellement, soit pour leurs affaires, au P. S., circonstance dont il est permis d'inférer qu'ils ont pu entrer directement en contact ;

Attendu enfin que le sieur E. ne justifie nullement présentement de diligences qu'il aurait pu accomplir pour le compte des demoiselles A. et dont la durée ou l'importance seraient de nature à l'autoriser à prétendre à une indemnisation ex aequo et bono de ses peines et soins, le caractère contradictoire des attestations dactylographiées soumises à la signature du concierge de l'immeuble ne permettant pas de leur reconnaître une valeur probante ;

Attendu qu'il suit que ses demandes doivent être déclarées tout autant irrecevables qu'injustifiées et qu'il doit en être débouté ;

Que toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Déboute le sieur E. de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Boeri, Marquet, Clerissi av. déf., Ravetta et Augendre (tous deux du barreau de Nice) av.

  • Consulter le PDF