Tribunal de première instance, 29 avril 1976, P. c/ S.A.M. Sacome et Cie La Préservatrice.

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Abstract🔗

Accidents du travail

Déclaration régulière (oui) - Interruption du travail (non) - Versement d'indemnité temporaire (non) - Prescription - Délai (deux ans)

Résumé🔗

Lorsque la victime d'un accident du travail est demeurée plus de deux ans, à compter de la date de l'accident sans intenter d'action alors que l'accident a été régulièrement déclaré et qu'il n'y a pas eu d'interruption de travail ni de versement d'indemnité temporaire, l'exception de prescription soulevée par l'assureur de l'employeur doit être accueillie.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que S. P. a été victime d'un accident du travail le 21 Novembre 1972 alors qu'il était au service de la S.A.M. Sacome dont l'assureur-loi est la Compagnie La Préservatrice ; qu'en sortant des chaudières du bain de décapage, il a reçu de l'acide sulfurique dans l'œil gauche et que le certificat médical qui lui a été délivré, le jour même, par le Docteur C. a prescrit la continuation du travail avec soins pendant 15 jours ;

Attendu que cette situation est demeurée en l'état jusqu'au 2 juillet 1975, date où P. a produit un certificat du Docteur N., daté du 30 juin précédent, et aux termes duquel il était atteint d'une I.P.P. de 35 %, en fonction d'une acuité nulle de l'œil gauche et compte tenu de ce que l'acuité de l'œil droit était de 7°/10 après correction ;

Attendu que La Préservatrice, mise en demeure à cette fin par le juge des Accidents du travail le 2 juillet 1975, a fait connaître, le 13 novembre 1975 qu'elle refusait de prendre en charge les conséquences de cet accident car elle entendait soulever la prescription prévue par la loi ;

Attendu que par l'assignation susvisée du 20 janvier 1976 P. a assigné la Société Sacome et la Compagnie La Préservatrice, aux fins que celle-ci soit condamnée à prendre en charge l'accident du travail du 21 novembre 1972, et aux fins de désignation d'un expert chargé de déterminer l'I.P.P. dont il demeure atteint, avec saisine, le cas échéant, de la commission spéciale aux fins d'apprécier la capacité résiduelle de gain ;

Attendu que les défenderesses soulèvent à titre principal la prescription de l'action, prévue par l'article 24 de la loi 636 et concluent, subsidiairement, au fond, au mal fondé de cette demande, car il n'est pas établi que l'état actuel de cet œil gauche soit la conséquence d'un accident bénin, qui n'avait donné lieu à aucun arrêt de travail ;

Attendu que P. fait plaider que le moyen tiré de la prescription n'est pas fondé car aucune des trois hypothèses envisagées par ce texte pour fixer le point de départ de la prescription, ne correspond au cas de l'espèce ;

Attendu que l'article 24 de la loi 636 édicte une prescription d'un an de l'action en indemnité prévue par ladite loi et en fixe le point de départ en fonction de trois cas particuliers :

1) - le jour de l'accident, si aucune déclaration d'accident n'a été faite,

2) - le jour de cessation de paiements de l'indemnité temporaire,

3) - le jour où le juge des accidents du travail rend une ordonnance de non conciliation ;

Attendu que, l'accident du travail dont s'agit ayant été régulièrement déclaré et le juge des accidents du travail n'ayant rendu aucune ordonnance de non-conciliation, c'est le deuxième cas qui doit être pris en considération ;

Attendu que P. fait plaider que la prescription n'a pu courir, en ce qui le concerne, car l'accident dont il a été victime n'a pas entraîné l'interruption de travail et n'a donc pas donné lieu à paiement des indemnités prévues en pareil cas par l'article 4, chiffre 1 ;

Attendu cependant que, de l'article 24, doit être rapproché le second alinéa de l'article 28 ; que cet alinéa, bien qu'il fasse partie d'un article qui traite, dans sa première partie, de la procédure à suivre en matière du rachat de certaines rentes, apparaît comporter des dispositions de caractère général, car les règles qu'il édicte sont sans aucune relation avec ladite procédure ; que de la combinaison des articles 24 et 28, il résulte que la prescription est d'un an lorsqu'un accident du travail n'a donné lieu à aucune déclaration, mais est portée à deux ans lorsqu'une déclaration a été faite sans qu'il y ait d'interruption de travail ; qu'elle est également d'un an lorsque la victime a perçu l'indemnité temporaire mais est portée à deux ans lorsqu'ayant droit à percevoir cette indemnité, cette victime ne l'a pas reçue ;

Attendu qu'en l'espèce il est constant que P. est demeuré plus de deux ans, à compter du 21 novembre 1972, sans intenter d'action, alors que l'accident avait été régulièrement déclaré et qu'il n'y avait pas eu d'interruption de travail ni de versement d'indemnité temporaire ; que dès lors l'exception de prescription soulevée par la Compagnie La Préservatrice doit être accueillie sur le fondement de l'article 28 et non sur celui de l'article 24 ; que P. qui succombe doit être condamné aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Faisant droit à l'exception soulevée par la Compagnie La Préservatrice, assureur-loi de la S.A.M. Sacome, déclare prescrite sur le fondement de l'article 28 de la loi 636 l'action intentée par P. à l'encontre de ces deux défenderesses ;

Le déboute en conséquence de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Boéri, Marquet av. déf. et Sbarreto av.

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