Tribunal de première instance, 20 novembre 1975, Syndicat des copropriétaires du « S. T. » c/ B.

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Abstract🔗

Copropriété

Règlement de copropriété - Application - Difficultés soumises à arbitrage - Tribunal - Incompétence

Résumé🔗

Une difficulté tenant à l'application du règlement de copropriété que ce document, qui fait la loi des parties, a entendu expressément soumettre à l'arbitrage échappe dès lors à la compétence du Tribunal civil.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que, par l'exploit susvisé, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « S. T. » représenté par son syndic en exercice, le sieur V., a assigné le sieur A. B., copropriétaire dudit immeuble, pour s'entendre condamner à lui payer la somme de 90 643,05 francs, montant de charges demeurées impayées depuis 1973 malgré l'envoi de nombreux relevés de compte et celle de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance injustifiée et abusive ;

Qu'il expose, au soutien de cette demande, que ces charges ont été déterminées en conformité des décisions prises lors des assemblées générales de la copropriété des 11 juin et 6 août 1974, sur rapports du sieur J. T., commissaire aux comptes, des 15 mars 1973 et 16 mars 1974, et après redressement des écritures comptables, à partir de l'exercice 1973, qui ont été régulièrement approuvées et sur lesquelles, il ne semble pas possible de revenir ;

Que rappelant, par conclusions en réplique, que le règlement de copropriété prévoit la répartition de l'immeuble en trois groupes, le premier comprenant les garages, dans lesquels le sieur B. est propriétaire de 231 emplacements de voiture sur les 283 existants et où il exploite un parking privé, le second les locaux à usage commercial et professionnel et le troisième les locaux à usage d'habitation et que les rapports évoqués avaient révélé l'imputation à l'ensemble de la copropriété de certaines charges faussement classées comme charges communes générales alors qu'il s'agissait, en fait, de charges communes spéciales incombant uniquement au premier groupe des garages, et comportant notamment les salaires et charges du préposé du défendeur affecté au parking, ce qui avait motivé les redressements opérés, il s'oppose à la demande d'arbitrage formulée par B., qu'il considère comme dilatoire et injustifiée, en soutenant, d'une part, que l'article 59 du cahier des charges, qui prévoit le recours à une telle procédure, n'est destiné à trancher que les difficultés insurmontables n'ayant pu être solutionnées par l'assemblée générale des copropriétaires et, d'autre part, que l'alinéa 2 du même article renvoie à l'application des règles du droit commun au cas où la désignation des arbitres ne pourrait avoir lieu, ce qui est le cas en l'espèce, le défendeur n'ayant pas estimé devoir provoquer, conformément aux dispositions de l'article 49 dudit règlement, la réunion d'une assemblée extraordinaire de la copropriété aux fins de désignation par elle d'un arbitre qui ne pourra dès lors intervenir qu'au cours de la prochaine assemblée générale ordinaire prévue pour le 15 mai 1975 ;

Attendu que le défendeur soutient qu'il existe une difficulté sérieuse entre parties touchant à l'application de l'article 33 du règlement de copropriété, qui prévoit la répartition des charges en charges communes générales et charges communes spéciales, les sommes réclamées résultant des redressements décidés et adoptés lors des assemblées générales des 11 juin et 6 août 1974, modifiant le mode de répartition antérieurement appliqué ; que l'article 59 du règlement prévoyant formellement une procédure d'arbitrage, il en a sollicité la mise en œuvre par lettre recommandée du 14 août 1974, puis par sommations interpellatives du ministère de Maître Marquet, huissier, en date du 21 novembre 1974, indiquant qu'il faisait choix pour sa part du sieur A. en qualité d'arbitre, et du 10 mars 1975 ; que cette procédure n'a pu être diligentée par suite de la carence du syndic de la copropriété à faire procéder à la désignation d'un arbitre alors qu'il n'avait pas lui-même la possibilité de provoquer la réunion d'une assemblé générale extraordinaire faute de pouvoir rassembler le quorum nécessaire ; que le Tribunal étant incompétent, en l'état de la clause compromissoire figurant au cahier des charges, pour connaître des différends relatifs à son application, il conclut à l'irrecevabilité de la demande et sollicite subsidiairement qu'il soit sursis à statuer sur cette demande jusqu'à décision des arbitres ;

Attendu que B., qui fait encore valoir dans ses dernières écritures qu'il a toujours régulièrement versé les charges lui incombant jusqu'au mois de juin 1974 et demande acte de ce qu'il a réglé le 14 avril 1975 une somme de 30 000 francs correspondant approximativement à la partie de ces charges qu'il reconnaît devoir, sollicite en outre, au cas où la copropriété ne désignerait pas un arbitre, lors de l'assemblée générale ordinaire du 15 mai 1975, pour la représenter dans la procédure d'arbitrage, qu'il soit procédé à cette désignation par le Tribunal ;

Attendu que l'article 59, alinéa 1, du règlement de copropriété stipule que : « Les difficultés qui pourraient naître entre les divers propriétaires au sujet de l'application du présent règlement seront soumises à deux arbitres qui seront désignés : l'un, par l'assemblée générale des propriétaires, convoqués au besoin à cet effet, et l'autre par le ou les propriétaires soulevant la contestation, avec adjonction, s'il y a lieu, d'un tiers arbitre qui, à défaut d'accord pour son choix des deux arbitres à départager, sera désigné par Monsieur le Président du Tribunal civil » ;

Attendu que si l'alinéa 2 dudit article prévoit que « si pour une cause quelconque la désignation des arbitres ne pouvait avoir lieu, les difficultés seraient réglées conformément au droit commun », cette disposition ne peut manifestement pas viser le cas où une des parties entendrait se soustraire à l'arbitrage en ne désignant pas son arbitre, ce qui aurait pour conséquence d'ôter toute efficacité et de priver de son caractère obligatoire la clause compromissoire prévue in fine en la subordonnant à une volonté unilatérale, l'article 1012 du Code civil disposant au surplus que lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut produire quelque effet ;

Attendu que dans le cas d'espèce, le litige est né d'une modification de la ventilation des charges et pose, en définitive, le problème de la détermination des charges communes générales et des charges communes spéciales dont la répartition est prévue par l'article 33 du règlement de copropriété sans qu'une définition précise en soit fournie audit article ou par ce règlement ;

Attendu qu'il s'agit donc là d'une difficulté tenant à l'application du règlement de copropriété que ce document, qui fait la loi des parties, a entendu expressément soumettre à l'arbitrage et qui échappe, dès lors, aux termes d'une jurisprudence constante, à la compétence du Tribunal civil ;

Attendu qu'il y a d'ailleurs lieu de relever que dans son rapport du 16 mars 1974 (p. 3 - 2e alinéa), le commissaire aux comptes T., dont les avis ont été adoptés lors des assemblées générales des 11 juin et 6 août 1974, suggérait lui-même au conseil de gérance un recours à l'arbitrage en cette matière ;

Attendu que B. ayant notifié dès le 19 août 1974 au syndic de la copropriété son intention de recourir à l'arbitrage, précisément pour contester les décisions prises au cours de l'assemblée générale du 6 août précédent, l'approbation des comptes par cette assemblée ne peut lui être opposée ;

Attendu que les demandes du syndicat des copropriétaires du S. T. étant conditionnées par la décision du collège arbitral, qui a seul compétence pour trancher le principe en cause, et qui n'a pu se constituer faute de désignation par lui de l'arbitre devant le représenter, qui ne paraît pas être intervenue au cours de l'assemblée générale du 15 mai 1975 dont le procès-verbal n'est pas versé aux débat, il y a lieu, en réservant la demande de B. tendant à entendre désigner ledit arbitre directement par le Tribunal, de surseoir à statuer sur la présente action en impartissant au syndicat demandeur un délai de trois mois pour faire choix de son arbitre, faute de quoi il sera loisible à B. de saisir à cette fin le Tribunal ; que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Surseoit à statuer sur la présente demande jusqu'à décision du collège arbitral qui doit être réuni en application de l'article 59 du règlement de copropriété et qui a seul compétence pour trancher la difficulté préalable de l'application de son article 33 :

Impartit au syndicat des copropriétaires de l'immeuble S. T. un délai de trois mois pour désigner l'arbitre devant le représenter au sein de ce collège :

Dit que faute par lui de ce faire, il pourra y être procédé judiciairement à la requête du sieur B. ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Boéri, Clérissi av. déf. et Sbarrato av.

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